Chapitre 9
Les journées passèrent, tout aussi longues et inutiles les unes que les autres. Adélaïde et moi attendions avec impatience des nouvelles de Guilhem mais nous n'en avions reçu aucune.
J'étais condamnée à rester loin de ma famille, de mes amis, de mes us et coutumes, ainsi que croupir, figée dans une époque et dans un corps que je ne peux pas fuir.
Si, en apparence, tout paraît normal et sans problème, alors le fond de la situation ne lui est pas fidèle.
Finalement, l'élément déclencheur n'est autre que l'irrésistible envie de vivre comme la famille royale de France de Rebecca. Naturellement, je ne peux pas lui en vouloir. C'était son rêve et comme de nombreuses personnes le disent, la vie est trop courte pour ne pas s'en soucier.
Mais parfois, le regret et la culpabilité s'emparent de mon être : ce que je vis est le souhait implacable de ma meilleure amie, pas le mien.
C'est donc Rebecca qui devrait être à ma place.
Moi, pour l'instant, je voudrais juste rentrer chez moi.
Or, si je ne sais même pas pourquoi et comment je suis arrivée ici, comment vais-je faire pour rentrer chez moi sans l'aide de la seule personne qui sait comment faire mais qui n'est décidément pas là ?
Guilhem est la clé. Il faut qu'il revienne.
Malheureusement, à l'allure où avancent les choses, ça n'a pas l'air d'être sur le point d'arriver, ni dans un futur proche, ni dans un futur lointain. Ni même plus ou moins lointain.
Je soupirai d'exaspération. J'avais le sentiment que les choses n'allaient pas en s'arrangeant.
Tandis que j'entendis des semblants de martèlements de sabots et de roulement de carrosse, je m'assis sur le lit avant de de me laisser tomber lourdement dessus. Je fermai les yeux et cherchai le sommeil en moi. Soudainement, mes yeux s'ouvrirent d'une façon précipitée. Tout aussi prestement, je me relevai en tailleur sur le lit.
Et si tout cela n'était qu'un rêve ? Et si, finalement, j'étais tout simplement en train de dormir confortablement dans mon lit de 2015 ?
Je connaissais un seul moyen pour discerner le rêve de la réalité.
Prise d'une ferveur sans égale, je comptais hâtivement le nombre de doigts que possédaient chacune de mes mains.
Un profond désespoir m'atteint quand je réalisa que j'étais bel et bien en 1776 dans le corps de Marie Antoinette.
Je fus prises d'une rage folle et m'abstins de tout mon être pour ne pas produire de dommages collatéraux ou, plus clairement, de détruire un meuble.
J'étais perdue et ne voyais aucune solution à mon problème.
J'étais dans une impasse.
Je soupirai d'agacement et pris mon téléphone et mes écouteurs mais, bien entendu, avant même de pouvoir ouvrir l'application, mon téléphone s'éteignit.
Oh, joie ! À présent, un de mes meilleurs moyens d'évasion de toute les choses négatives de la vie était parti, entraîné par les façons possibles de rentrer chez moi qui ont, elles aussi, disparu de la surface.
Je rangeais mes écouteurs et mon cellulaire là où je les avais disposé auparavant lorsque la porte s'ouvrit sur une Adélaïde souriante jusqu'aux oreilles. Derrière elle se trouvait le Guilhem.
Ciel, merci ! On m'avait enfin écoutée ! La venue de Guilhem était pour moi une faible lueur lointaine et mystique d'un tunnel sombre et sans fin. Seulement, cette lueur, faible mais présente, me semblait inaccessible.
Cette impression était tellement forte : c'était comme si je savais déjà que les choses ne changeront pas.
Du coin de l'œil, je vis Adélaïde déposer la tasse de thé que je lui avais demandé plus tôt sur le rebord de la cheminée. Elle avait à présent refermé la porte derrière elle, nous laissant, Guilhem et moi, seuls dans la pièce.
Je fis abstraction de ma précédente impression et me ruais vers Guilhem avant de lui faire une accolade.
Disons simplement qu'il peut m'arriver d'étre très émotive, surtout quand il s'agit de quelconque source d'espoir.
Étrangement, Guilhem me repoussa avec une force incroyable. Je m'éloignais et fis les cent pas, ne m'attardant pas sur ce qu'il venait de ce passé.
- T'es enfin revenu ! m'extasiai-je. Oh ! Il va falloir que tu m'aides parce que, honnêtement, je ne vais plus pouvoir tenir bien longtemps, dis-je en ne lui laissant aucune seconde pour répondre.
Et c'était vrai. Après les quelques journées de pur bonheur et d'émerveillement, la peur s'était emparé de moi. Il était à présent vital que je sorte de ce corps, car je ne savais pas si le temps de 2015 s'était arrêté ou non.
Je me tournai alors vers Guilhem qui, lui, affichait un mélange d'incompréhension, de surprise et de panique sur son visage.
Après de longues secondes de silence, il prononça enfin quelques mots :
- Votre Majesté, de quoi parlez-vous donc ?
- Rhô... Fais pas ton numéro, lui répondis-je après avoir levé les yeux au ciel. Tu vois très bien de quoi je veux parler.
- Votre Majesté, je ne voudrais point vous froisser, mais... Qu'est-ce donc que toute cette mascarade ? demanda t-il.
C'est là que j'eus un doute. Pourquoi prolongerait-il une blague aussi inutile que celle-là.
- C'est bon, laisse tomber, j'ai compris, murmurais-je. Eh bien, je vous invite à sortir car je m'apprête me coucher. J'espère que demain vous serez plus loquace, lui déclarai-je.
Les lèvres pincées et les sourcils froncés, il fit un vague mouvement de tête puis une révérence avant de se retourner et de disparaître de ma vue.
On dirait que les choses viennent d'empirer, remarquais-je.
Je levai mon regard vers la fenêtre. La nuit était tombée et le ciel sombre, sans lampadaire allumé aux alentours, laissait une atmosphère quelque peu sinistre.
Une nouvelle idée en tête, je me dirigea vers le carnet que Pierre m'avait offert. La tasse de thé qu'Adélaïde m'avait apportée se situait à proximité et était encore chaude : de la vapeur s'en détachait.
Une plume était posé à côté avec un encrier. De ma main gauche, j'ouvris le carnet. De mon autre main, je trempais la plume du mieux que je pus dans l'encrier.
La plume était assez difficile à manier et, à plusieurs reprises, la plume transperçait le papier puis projettait de l'encre un peu partout, ce qui créait des tâches que je ne pouvais enlever. De temps à autre, je buvais une gorgée de thé.
N'ayant trouvé aucune autre utilité pour ce pauvre cahier, j'écrivais des phrases que jamais je n'aurais pensé écrire.
Non pas que j'avais besoin de partager mes sentiments mais je pensais à ce moment-là qu'il serait peut être intéressant de rapporter mes actions pendant l'année 1776 si, par miracle, je réussissais à revenir en 2015. J'écris donc ce journal intime sous forme de cahier de bord ; j'y racontais ma journée, notamment le comportement étrange de Guilhem de tout à l'heure.
Je fermai le carnet puis éteignais toutes les lanternes que j'avais allumé un peu plus tôt.
L'espoir que la nuit m'apporte du repos fut ma dernière pensée ce jour-là.
Je fus réveillée par Adélaïde. Comme tous les jours depuis un petit moment maintenant, elle m'aida à m'habiller pendant que nous parlions et riions.
Ne me sentant pas à l'aise, j'avais demandé que les dames de la Cour n'assistent pas au réveil de Marie Antoinette.
Le petit-déjeuner se passa sans mots dire : une terrible gêne régnait dans toute la pièce.
Après que le calvaire fut terminé, je me dirigeais vers la chambre de la Reine quand quelqu'un m'attrapa le poignet si fort que je fus projettée sur le torse de celle-ci.
Pendant quelques secondes, je fus un peu sonnée puis adressais un regard noir à Guilhem.
- Bouh ! fit-il en voulant me faire peur.
Je levai un sourcil.
- Je te dois des explications, n'est-ce pas ? me demanda t-il en perdant tout signe d'amusement.
- C'est vrai que si tu pouvais éclairer ma lanterne, je t'en serai très reconnaissante, répondis-je, un sourire en coin dû à l'expression d'une de mes amies que je venais d'utiliser.
- D'accord, acquiesça t-il, apparemment pas du tout emballé par cette idée. Mais pas ici.
Je levai les yeux au ciel.
- Ok. Je te suis.
Guilhem m'emmena jusqu'au Bosquet de l'Encelade puis s'approcha de la fontaine. Je fis de même.
- Bon, alors..., commença Guilhem. Comme tu t'en es sûrement douté, je n'étais pas dans le corps du compte de Villiers hier.
Je tombai des nues. Je n'y avais vraiment pas pensé. Tout prenait sens maintenant.
- Ah, c'est seulement ça ! m'exclamais-je. Du coup, comment je fais pour savoir si c'est toi ou le vrai compte ?
- Tu peux m'appeler par mon nom, déclara t-il.
- Oui mais tu t'appelles Guilhem et le compte de Villiers aussi, non ? contrais-je.
Guilhem jouait maintenant nerveusement avec ses mains qui semblaient moites et se torillait dans tous les sens.
J'attendais impatiemment, sans dire un mot, ne sachant pas quoi faire d'autre. J'hésitais à prendre la parole : en effet, que pouvais-je donc dire ?
J'étais complètement perdue et ne savais pas ce qu'il avait à me dire. En tous cas, ça le rendait visiblement assez nerveux.
Au moment où je pensais que, bientôt, je ne pourrais plus compter les minutes de silence, Guilhem parla enfin, mais d'une voix hésitante et très tremblante :
- En réalité, mon nom n'est pas Guilhem.
- Hein ? fis-je, ma voix montant d'un octave.
J'éclatai de rire puis, sous son regard appuyé, je m'arrêta instantanément. Il ne pouvait pas être sérieux.
- Attends, c'est vrai ? lui demandais-je soudain alarmée.
Il hocha lentement la tête.
- Mais, du coup..., dis-je, prudente. Quel est ton vrai nom ?
- C'est F.50964.
- Okay, assenais-je. Tu me fais marcher.
- Non, pas du tout. Il y a eu, en 2064, une réforme de dénomination des personnes.
Il eut quelques secondes de silence, puis je réalisa une chose :
- Donc ça veut dire que, depuis que je suis arrivée -- c'est-à-dire un bon mois, je suppose --, dis-je en faisant défiler rapidement les jours dans ma tête, tu me mentais.
- C'est-à-dire que je n'avais pas vraiment confiance en toi, tenta t-il de m'expliquer avant que je le coupe.
- C'est normal, on se connaissait pas. Mais quand allais-tu me le dire, si je ne t'avais pas appelé ?
- Eh bien... Pas de si tôt, en tous cas, avoua t-il.
Je soufflai bruyamment.
- Moi qui croyait que tu aurais pu m'aider à sortir de ce corps.
- C'est ce que je comptais faire. Après que tu aies mentionné mon nom.
- Mentionner ton nom ? Où ? lui demandais-je, perdue.
- Bah, enfin ! Dans ton journal intime, me répondit-il comme si c'était la chose la plus stupide au monde.
C'est là que je perdis toute confiance en lui : il savait définitivement quelque chose sur moi qu'il me cachait. Et puis, comment savait-il pour le journal ? Je ne lui en avais jamais parlé. La seule fois où j'ai extériorisé ce que je voulais faire de ce journal c'est, justement, dans celui-ci.
C'était officiel : je doutais de la sincérité de Guilhme ou plutôt de F.50964 et peu importait la prononciation de son nom.
Je lui posai alors la question :
- Comment sais-tu pour mon journal ?
Il ne répondit pas.
[Copyrights, Tous Droits Réservés]
*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*
Note de l'auteur :
Je ne sais absolument pas quelles vont être vos réactions suite à la "révélation" de Guilhem donc s'il vous plaît, laissez des commentaires.
En tous cas, j'espère que vous avez passé une très belle année !
Pour ma part, l'année 2015 a été une année pleine de nouveautés et j'aimerais que ce soit aussi le cas pour 2016.
Pour certains, aujourd'hui c'est la fin des vacances, donc bonne rentrée pour demain !
***
Voilà, j'espère que vous avez apprécié votre lecture !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro