Chapitre 12
Notre retour au château révélait d'une réelle prouesse. Heureusement, Rivière s'était ensuite calmée. Honnêtement, je me demandais vraiment comment Adélaïde s'était débrouillée pour porter Delphine alors qu'elle était encore à cheval.
Enfin bref. Nous nous trouvons maintenant assises au chevet de Delphine. Cette dernière ne saignait plus, mais son état ne s'était pas amélioré pour autant. Elle ne s'était pas réveillée depuis sa chute.
Je jetai furtivement un coup d'oeil à la montre à gousset posée sur la table de chevet. 7 heures 05. Je commençais à perdre patience, tout comme Adélaïde, d'ailleurs. Celle-ci ne cessait de marmonner des "Je t'en prie, Delphine, réveille-toi" ou des "Il faut qu'elle se réveille, il faut qu'elle se réveille".
Soudain, elle se leva et rejoint rapidement la porte. Alors que je croyais qu'elle allait sortir de la chambre, Adélaïde se retourna vers moi puis me dit d'une voix faiblement enrouée :
- Je pense qu'il faut que tu lui dises.
Je fronçai légèrement les sourcils : de quoi parlait-elle ?
Avant que je puisse ajouter quelque chose, elle continua :
- Elle a le droit de savoir, n'est-ce pas ? La laisser en dehors de tout cela... ce n'est pas la bonne chose à faire. Et si jamais Delphine savait quelque chose à propos de ces voyages dans le temps. Si c'était elle, la personne qui pouvait t'aider ?
- Ou, au contraire, si elle ne l'était point ? la contrecarrai-je.
Je n'étais pas de nature pessimiste, cependant la vérité que m'avait révélée F.50964 m'avais profondément déçue. J'avais dû remettre toute cette histoire en cause -- y compris le fait que je ne pouvais compter sur personne, ici -- pour pouvoir lui pardonner. Or, je m'étais forcée à ne pas le pardonner tout de suite lorsqu'il m'avait fait du chantage. D'ailleurs, même maintenant, je n'avais pas compris ce qu'il souhaitait. J'avais simplement eu un un mauvais pressentiment, comme si F.50964 s'apprêtait à faire quelque chose de malhonnête.
- Tout de même, il faudrait essayer, m'annonça Adélaïde en me tirant de mes pensées.
Je poussai un léger soupir puis me levai de ma chaise. J'avançai de quelques pas pour rejoindre Adélaïde.
- Mais si ce n'était point elle la clé ? lui demandai-je d'une voix douce.
- Mais si c'était elle la clé ? demanda t-elle en retour. Dans ce cas, poursuivait-elle sans me laisser une seconde pour parler, tu seras de retour à Sèvres en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
J'étais décidée à ce que rien ne me fasse changer d'avis : même si je connaissais Delphine, je souhaitais en apprendre un peu plus sur elle avant de lui faire aveuglément confiance (autrement dit, la même erreur qu'avec F.50964).
Du coup, je préférais rester sur mes gardes.
- Mais que se passera t-il si ce n'est pas elle ? insistai-je.
- Si ce n'est point elle, répéta Adélaïde, alors elle sera plus que ravie de t'aider.
Je tournai la tête vers Delphine. Elle ne s'était toujours pas réveillée. Adélaïde suivit mon regard puis s'approcha de Delphine à grandes enjambées en murmurant :
- Enfin, si elle se réveille un jour.
J'étais persuadée que Delphine se réveillerait. Seulement, il était question de savoir quand, exactement ? En effet, cela faisait plusieurs longues heures que nous étions restées au chevet de Delphine, mais cette dernière n'avait pas bougé une seule fois.
- Cela arriva rapidement, j'en suis certaine, la rassurai-je.
- Oui, mais quand ?
Je haussai les épaules : je me posais la même question.
- Il est l'heure, me prévint Adélaïde.
Je levai la tête dans sa direction, puis me tournai vers Delphine avant de souffler.
- Je te suis...
***
Le petit-déjeuner terminé, Adélaïde et moi nous engouffrâmes dans la chambre de Delphine. D'ailleurs, trop préoccupée par l'état de celle-ci, je n'avais, pour une fois, répondu à aucune des piques que me lançait constamment Louis XVI.
En fait, je n'avais même pas daigné lui adresser un regard et j'avais mangé dans le silence le plus complet jusqu'à la fin du repas.
À présent, nous étions de nouveau dans le chambre de Delphine et d'Adélaïde. La blonde n'avait toujours pas bougé et nous craignions que cela dure.
Mais au lieu de me torturer l'esprit, je voulais plutôt penser à ma famille, mes amis. Véritablement, je n'avais peur que d'une seule chose : que le temps ne se soit pas stoppé, parce que cela voudrait dire que soit je vis encore en 2015 mais je n'en ai plus conscience et je ne peux pas contrôler aucun de mes mouvements ; soit cela signifie que j'ai complètement disparu de la circulation. Ce qui, en passant, n'aurait pas pu échapper à ma famille, mes amis et mes professeurs.
Je ne pouvais même pas imaginer l'état dans lequel mes parents se trouveraient.
Une acclamation de pure joie me tira de mes rêveries. Je tournai rapidement la tête vers le corps de Delphine et remarquai que cette dernière bougeait son index droit.
Bientôt, elle pouvait bouger ses doigts et toute sa main, ainsi que sa main gauche et ses orteils. Lentement, elle ouvrit un oeil puis l'autre et apporta sa main gauche près de son oeil droit pour se frotter la paupière.
- Bonjour, nous salua t-elle d'une voix enrouée.
Un sourire fendit les lèvres d'Adélaïde tandis que ses yeux brillaient d'excitation. Quant à moi, je me réjouissais tout autant de la situation.
Soudainement, le visage d'Adélaïde perdit toute joie apparente. Elle reprit son sérieux avant de me lancer furtivement un regard rempli de reproches. Elle fixa les yeux de Delphine puis dit d'une voix claire et dépourvue d'hésitation :
- Notre chère Reine Marie Antoinette d'Autriche a quelque chose à te révéler.
- Quoi, maintenant ? répliquai-je trop sèchement à mon goût.
Je n'étais pas prête -- je n'étais pas prête du tout. Je ne pouvais tout simplement pas arriver dans sa chambre, attendre calmement son réveil pour ensuite lui balancer à la figure toute la vérité alors qu'elle n'avait ouvert qu'un oeil ! Il fallait aussi que je me prépare, que je répète ce que j'avais à dire comme un discours pour ne pas bégayer ou perdre mes mots devant elle. C'est toujours ce que je fais dans ce genre de situation (quoiqu'il n'y ait pas eu de situation réellement semblable), je n'allais pas me lancer dans l'improvisation ! Non, c'est décidé, je ne lui dirai pas aujourd'hui.
Apparemment, Adélaïde en avait décidé autrement.
- Oui, maintenant, confirma t-elle devant la confusion de Delphine. Tu vas lui dire maintenant, m'ordonna t-elle avec fermeté.
Adélaïde se déplaça sur la gauche, tira une chaise jusqu'aux côtés de Delphine et s'assit dessus.
- Allez, nous t'écoutons, déclara t-elle.
Okay, pas de pression, alors !
J'étais sur le point d'entamer mon monologue improvisé lorsque le visage de Delphine m'alerta. Il définissait des grimaces provoquées par la douleur.
- Que se passe t-il ? demandai-je.
- J'ai un peu mal à la tête, mentit-elle. Mais poursuivez.
Je fronçai les sourcils, septique. Mais ne pouvant cacher la vérité plus longtemps, je suivis sa demande.
- Je ne suis point Marie Antoinette. Je m'appelle Marie Scaron et il y a quelque temps encore, je vivais en 2015. Cependant, je suis prisonnière à l'intérieur d'un corps qui n'est pas le mien, je ne peux donc point retourner à mon époque sans aide. Or, la seule personne qui aurait pu m'aider se révèle être malhonnête, avouais-je.
J'attends cinq, dix, quinze secondes. Silence complet. Devant son mutisme, je décidai de pousser un peu plus la chose.
- Qu'en penses-tu ? lui demandai-je.
- Que je le savais. Je le savais depuis le début.
Adélaïde et moi échangeons un regard. Nous tombons des nues. Il nous était inconcevable qu'une personne aussi proche de nous sache une chose pareille.
Enfin... inconcevable pour moi.
On dirait qu'Adélaïde avait raison.
- Mais alors, sais-tu comment je pourrai revenir en 2015 ?
Elle ouvrit le tiroir de la table de chevet et y sortit un objet en plastique qui ressemblait fort à un stylo quatre couleurs. Seulement, à la place des couleurs, il y avait huit petites molettes.
Je fronçai les sourcils. Delphine savait quelque chose : cet objet était bien trop futuriste pour cette époque.
- Grâce à cela..., commença t-elle.
Mais Delphine n'eut même pas le temps de terminer sa phrase que son visage se déformait déjà sous la douleur.
- J'ai mal, bégaya t-elle.
- J'appelle les autres domestiques, s'affola Adélaïde.
- N-non. En aucun cas. N-ne t-t'avises point de f-franchir cette porte. J-j'ai juste besoin d-d'un peu de repos. Je v-veux juste m-me reposer.
Sur ces paroles, Delphine s'assoupit. Je pris l'objet qu'elle avait sortit dans mes mains puis l'observai. Les molettes faisaient apparaître la suite de chiffres 3.0.0.8.2.0.8.5. J'essayais de les bouger dans tous les sens, mais seulement les deux dernières molettes pouvaient afficher un autre nombre.
Rapidement, je partis de la chambre avec Adélaïde sur les talons pour laisser Delphine se reposer tranquillement.
Le lendemain, la seconde molette affichait un 1. Interloquée par ce phénomène étrange, je me ruai dans la chambre d'Adélaïde et Delphine.
Après lui avoir expliqué la situation, Delphine plaça la main d'Adélaïde sur l'objet (alors joue je le tenais toujours) et fit tourner la septième molette jusqu'à ce qu'elle affiche un 1. Elle appuya ensuite sur un petit bouton que je n'avais pas vu.
Et puis le processus se déclencha : c'était tout d'abord les couleurs que je ne pouvais plus distinguer, puis ce fut les meubles qui grisaient et saturaient. Approximativement une minute après, ces mêmes meubles semblaient tirés et poussés par des êtres invisibles, alors que d'autres apparaissaient ou disparaissaient. On ne pouvait pas apercevoir le ciel, dû à l'absence de fenêtre dans la chambre, mais j'avais déjà deviné que les nuages passaient à une vitesse incroyable.
Pas moins d'une demi heure après, cela s'arrêta. Nous étions à présent dans une pièce où près de la moitié de la totalité des meubles manquait.
Les visages d'Adélaïde et Delphine avaient changé d'aspect entre temps. L'une était devenue brune, tandis que l'autre était restée blonde. Je ne pouvais les distinguer que grâce à leurs yeux, dont l'aspect n'avait pas été modifié, au contraire de leur corps tout entier.
Sans dire un mot, Delphine sortit de la chambre pour se rendre dans celle de Marie Antoinette, Adélaïde et moi sur ses talons.
Alors que nous avions à peine posé un pied à l'intérieur de la chambre, je croisai le regard d'un garde.
- D'où vous venez, comme ça ? Allez, sortez d'ici ! nous hurlait-il, mécontent.
Quelques minutes plus tard, nous nous trouvions sur le parking du château, en chemise de nuit et chaussons, aux environs de 8 heures 30.
Bon.
Avant que je ne puisse faire un mouvement, je vis Delphine se déplacer vers l'arrêt de bus. Confuse, j'attendis quelques secondes avant de la rattraper en courant avec Adélaïde.
Nous avons pris le premier bus qui est passé et lorsqu'il a été question de payer notre titre de transport, Delphine a sorti miraculeusement trois tickets de bus.
Réellement surprise, je la regardai les yeux grands ouverts. En guise de réponse, elle m'a dressa un sourire énigmatique.
- Comment les as-tu obtenu ? demandai-je, interloquée.
Ne souhaitant toujours pas parler, Delphine haussa simplement les épaules.
Lorsque nous sortîmes du bus, elle nous fis passer par des chemins que je connaissais par coeur.
Mais c'est quand nous sommes arrivées sur le palier de mon appartement que j'ai compris que se fier à F.50964 aurait été une belle et terrible erreur. Delphine, elle, savait depuis le début, alors que F.50964 ne cessait de me faire tourner en bourrique.
Delphine appuya donc sur la sonnette qui retentit peu après.
Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit sur mon père.
[Copyright, Tous Droits Réservés]
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Note de l'auteur :
Pardon pour le retard !
Voici le chapitre, un de mes préférés jusque là. J'ai adoré l'écrire et j'espère qu'il vous aura tout autant plu.
En tous cas, n'hésitez pas à commenter et à voter !
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