La princesse et le dieu
« - Aqua, où vas-tu ?
- Je n'ai plus le droit de quitter le palais, père ?
- Non, ce n'est pas ça mais... Nous vivons dans une époque dangereuse, ma fille.
- Ne vous inquiétez pas, père. Je suis une grande fille, je sais lacer mes sandales toute seule.
- Tu vois très bien ce que je veux dire. Je ne t'empêcherai jamais de sortir du palais car tu n'es pas en prison mais... S'il te plait, fais attention à toi.
- Je le ferais, père. Soyez tranquille. »
Aqua essaya de sourire de son mieux au roi Yensid, mais ses yeux étaient devenus froids. Elle savait très bien qu'il voulait seulement se montrer gentil mais dès qu'il s'inquiétait pour elle, la princesse ne pouvait empêcher les douloureux souvenirs du passé de ressurgir.
Et le pire : le roi avait entièrement raison de s'inquiéter pour elle mais il ne pouvait rien faire pour l'aider. Que pouvait-il contre un dieu ?
Aqua traversa Thèbes en profitant de l'agitation de la cité. Pour la Grèce, il s'agissait d'une grande ville et donc forcément d'un nid à problèmes. Entre les catastrophes naturelles et les colères divines, il y avait de quoi faire. À moins que les deux ne soient la même chose ? Parfois, Aqua ne savait pas.
Depuis son enfance, elle avait toujours révéré les dieux principaux, que ce soit Eraqus, le maître des cieux, Triton, le roi des mers... Et même Xehanort le souverain des enfers, même si dans ce dernier cas, la crainte était bien plus forte que la vénération.
Des enfants passèrent devant elle à toute allure, en riant, et un sourire fleurit naturellement sur ses lèvres. Jamais elle n'avait connu cette insouciance, mais elle ne la blâmait pas. Elle l'enviait plutôt. Aqua aurait aimé vivre sans devoir sans cesse penser au lendemain, ce que son statut de princesse ne lui permettait pas, ainsi que quelques autres facteurs. Les enfants continuèrent leur course et elle poursuivit son propre chemin, indéniablement seule.
Quelques commerçants la saluèrent avec joie et elle leur répondit à tous. En tant que princesse, Aqua s'était fait un devoir de connaître le nom de chaque habitant de sa cité. Bien sûr, ce n'était pas possible de connaître absolument tout le monde, mais il y avait un minimum, au moins ceux qu'elle côtoyait régulièrement. Son père était un souverain apprécié malgré la situation de la ville et ses nombreuses catastrophes. Elle aussi, les gens l'aimaient, sans doute parce qu'ils ignoraient tout d'elle. Aqua restait persuadée qu'avec un brin de vérité dévoilée, plus personne à Thèbes ne voudrait seulement la regarder dans les yeux.
La jeune femme sortit de la ville, marchant tranquillement, exactement comme si elle allait se balader dans les bois. Elle-même se persuadait que c'était là son propre but.
La forêt s'avérait fournie et sombre, pleine de chemins tortueux dans lesquels il était aisé de se perdre mais Aqua les connaissait bien. Ses pas la menèrent jusqu'à une petite clairière entourée d'arbres morts, un endroit bien lugubre où aucun être sensé de Thèbes ne mettrait jamais les pieds de sa propre volonté.
Aucun sauf elle.
Et trois personnes l'attendaient déjà. Deux larbins qui symbolisaient la peine et la panique la regardaient en souriant, mais pas vraiment un sourire particulièrement accueillant. L'un avait les cheveux aussi noirs que l'ébène et une désinvolture à toute épreuve, tandis que l'autre arborait une étrange coupe châtain, ainsi qu'une cithare dont il aimait particulièrement jouer aux pires moments. Leurs yeux jaunes étaient repoussants. Aqua avait appris à les ignorer après des années de pratique, même si eux ne savaient toujours pas le faire.
Le seul qui comptait, c'était la troisième personne, leur maître, le dieu des enfers. Quand elle était petite, Aqua se l'était toujours imaginée avec une apparence plutôt repoussante, collant comme un gant avec sa profession. La réalité était encore pire. Que ce soit son crâne chauve, ses yeux jaunes qui vous pénétraient, son corps fin et sec ou ses habits sombres, Xehanort incarnait la peur mieux que quiconque. Aqua aurait aimé être n'importe où ailleurs, mais elle n'avait pas le choix. Il s'avança vers elle avec un sourire avenant qui sonnait terriblement faux.
« - Aqua, ma charmante Aqua, te voilà enfin. J'ai failli attendre.
- Me voilà. Quelle mission comptez-vous me confier cette fois ?
- Tu ne perds pas le Nord, j'aime beaucoup ça. C'était une bonne idée de t'engager.
- Si on peut appeler cela un engagement.
- Appelle cela comme tu veux, ma jolie, mais tu n'y peux rien.
- Seulement pendant la durée du contrat. Après, je serai à nouveau libre.
- Tss, à ta place, je me ferais pas trop d'espoir, ricana un des sbires.
- Il te reste environ... Cinquante ans avant la fin ? Plus ?
- Vanitas, Demyx, ne troublez pas notre collaboratrice, merci.
- Alors, cette mission ? s'impatienta Aqua.
- J'y viens, j'y viens. Vois-tu, il y a un homme que j'aimerais beaucoup voir rejoindre mon camp, pour tout le pouvoir qu'il peut nous procurer. Seulement, il est un peu récalcitrant et quand j'ai essayé de le contacter, il ne s'est pas montré particulièrement intéressé.
- Laissez-moi deviner, une femme parviendra surement mieux à le changer d'avis ?
- C'est ce que je pensais, oui. Avec tes charmes, il y a toutes les chances qu'il succombe. Tu veux bien faire cela pour moi ?
- Je n'ai pas le choix. Je vais le faire.
- Si tu y parviens, je m'engage à réduire ta peine de deux ans.
- Vraiment trop aimable, ironisa-t-elle.
- Tu préfèrerais qu'il l'augmente de deux ans ? susurra Vanitas.
- Ne me donne pas des idées, ricana le seigneur des enfers.
- Où puis-je trouver cet homme ? Loin d'ici ?
- Pas vraiment non. Il se nomme Luxord et il habite exactement de l'autre côté de la forêt. Tu le reconnaîtras aisément, un grand blond qui adore les jeux de hasard.
- Très bien. Je vais bien voir s'il désire vous rejoindre.
- Bien sûr qu'il désire me rejoindre, comment pourrait-il en être autrement ?
- C'est vrai, qui ne voudrais pas rejoindre le seigneur des morts ?
- N'oublie pas que tu es venue à moi de ton plein gré. »
Demyx et Vanitas ricanèrent en fond tandis qu'Aqua ravalait sa colère. Il déformait un peu la réalité mais Hadès ne l'avait effectivement jamais forcé à rejoindre son camp. Les événements s'étaient juste enchainés de façon tragique pour elle. La jeune femme s'en alla rapidement, pressée d'accomplir sa mission. Deux ans, ce n'était rien, mais sur soixante ans de servitude, c'était toujours cela de gagné, si tant est que Xehanort tienne sa promesse, ce dont elle était moins certaine. Aqua préféra ne pas y penser pour se concentrer sur sa mission et ce fameux Luxord.
Xehanort l'observait au loin, de ses brillants yeux jaunes, et il souriait avec satisfaction. De tous ses serviteurs, Aqua était sans doute la moins décevante et il espérait bien pouvoir la garder au de-là du temps imparti.
« - Vanitas, Demyx, qu'est-ce qui pourrait venir gâcher mon plan à présent ?
- Eraqus ? hasarda Demyx. Les autres dieux ?
- Plus rien puisque le plan est parfait ? bailla Vanitas.
- Bonne réponse. Plus rien. J'ai pris en compte tous les avertissements des moires et rien ne pourra se mettre en travers de ma route. C'était une bonne idée d'éliminer le fils d'Eraqus quand il était bébé. Ainsi, il n'y a plus aucun obstacle sur mon chemin. »
Il éclata d'un rire machiavélique, se congratulant lui-même pour la perfection de son plan. Xehanort ne remarqua toutefois pas le regard de connivence qu'échangèrent brièvement ses deux sbires. Non, décidément, rien ne pouvait aller de travers pour lui.
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