L'entraîneur de légendes
Le jardin était calme après la tombée de la nuit. Aqua continuait de se promener autour des bassins, n'ayant aucune envie de rentrer au palais. Yensid avait l'habitude qu'elle dorme ailleurs de toute façon, il ne s'inquiéterait pas. Aqua n'était même pas certaine de pouvoir dormir avec son état d'excitation. Son cœur était léger pour la première fois depuis longtemps et ses pensées volaient vers des cieux plus propices. Dans sa main, elle tenait toujours la précieuse fleur offerte par Terra. Pour une fois depuis longtemps, tout semblait parfait dans sa vie et elle se demandait ce qui pouvait aller de travers dans cette journée. Vraiment rien.
Dans un écran de fumée noire, Xehanort apparut et elle se rappela que tout pouvait basculer d'une seconde à l'autre. Cela n'entama pourtant pas sa bonne humeur. Le dieu des enfers était venu discuter ? Très bien, elle le subirait en affichant son plus beau sourire.
« - Alors ma belle Aqua, des nouvelles sur les faiblesses de notre super beau gosse ?
- Absolument aucune, seigneur. Il n'en a pas. Il est parfait.
- Oh allons, ma belle, il en a forcément. Tout le monde en a. Même ce héros dans le temps, là. Celui que tout le monde a oublié. Alors ? Quelle faiblesse ?
- Je ne vous aiderai pas à lui faire du mal. Jamais.
- Enfin, je ne comprends pas. Pourquoi ? C'est un homme !
- Il est beaucoup trop fort pour vous. Il est gentil, généreux et doux.
- Aqua, j'ai du mal à comprendre que tu t'emballes pour un mec ! Il va te faire du mal, comme les autres. Tu n'avais pas saisi avec le précédent ?
- Pas celui-là, il m'a promis qu'il ne me ferait jamais de mal. Et vous ne lui en ferez pas non plus, altesse. Je vous le dis, il n'a aucune faiblesse. »
Elle se retourna vers lui et un malaise la prit quand elle vit le sourire du dieu. Pourquoi avait-il l'air si heureux ? Qu'avait-elle dit ? Aqua venait presque de l'insulter publiquement et pourtant, il souriait. De la sueur coula dans son dos tandis qu'elle réalisa ce qu'il comptait faire.
« - Oh je crois bien qu'il a un point faible, Aqua... Je crois bien qu'il en a un, sourit le dieu en attrapant la fleur dans ses mains et en la brûlant à l'aide de ses pouvoirs divins.
- Non. Non. De toute façon, je ne vous aiderai pas !
- Alors, c'est drôle que tu dises ça, parce que... Tu m'appartiens. »
Jamais le dieu des enfers n'avait utilisé une voix aussi froide et glacée face à elle. Il avait totalement raison et elle réalisait qu'elle était à sa merci. Sa volonté la quitta petit à petit quand elle comprit que face à lui, toute résistance de sa part serait futile. Aqua lui avait apporté la preuve irréfutable de son attachement à Terra, la réciproque étant vrai, et c'était tout ce dont Xehanort avait besoin.
C'est précisément à ce moment-là que Ventus arriva dans les jardins. Il se cacha derrière les buissons en voyant Aqua et le choc fut grand quand il vit qu'elle était avec Xehanort. La jeune femme complotait avec un bien dangereux ennemi de son poulain, il ne s'y attendait pas.
« Oh non... Elle va lui briser le cœur. »
Le satyre décida de rester écouter, au cas où il pourrait glaner une information utile. Il avait lui-même une histoire commune avec le dieu des morts et il aurait aimé ne jamais le revoir. Cette fois, il ne le laisserait pas gagner la partie. Et cette fille perfide non plus !
« - Tu es à moi, et pour ça, je n'ai qu'un mot à te dire. Si je te demande la tête de Terra sur un plateau, qu'est-ce que tu me réponds ?
- A point ou saignant ? jeta Aqua, dégoutée de jouer son jeu.
- Parfait ma belle. Ensemble, nous allons comploter à la chute de ce super beau gosse. J'ai un plan magnifique mais il a besoin de quelques petites vérifications.
- Je vous souhaite bonne chance dans ce cas et à plus tard.
- Oh mais tu vas m'accompagner, j'ai besoin de toi tout de suite. Sans toi, mes arguments tombent à l'eau et une certaine montagne n'aura pas l'honneur de m'accueillir. Ce serait dommage n'est-ce pas ? Ne perdons pas plus de temps, allons-y. »
Xehanort attrapa Aqua par la main et ils disparurent dans un nuage de fumée noire. Ventus resta interdit parce qu'il venait de voir avant que ses sens ne reviennent. Terra était en danger, il devait le prévenir. En vitesse, le satyre courut vers le stadium, quitte à se faire mal aux sabots. Ventus priait juste pour ne pas arriver trop tard auprès de son poulain.
Heureusement, quand il arriva au stadium, tout allait parfaitement bien. Ventus voyait Terra de bonne humeur en train de réaliser des exercices dans le lieu totalement vide. Il remarqua que pégase n'était pas là, mais le cheval avait dû aller faire un tour, cela n'avait rien d'inquiétant. Le satyre était éreinté par sa course mais au moins, il n'était pas arrivé trop tard. Le héros avait l'air surexcité et son entraîneur sentit que ce serait compliqué de lui faire entendre raison.
« - Ah Ven te revoilà ! Belle soirée n'est-ce pas ? lança le jeune homme en jouant sur les barres transversales avec une facilité déconcertante.
- Ouais me revoilà et pas avec des très bonnes nouvelles hélas.
- Oh, Ven, rien ne pourra me faire redescendre de mon petit nuage après cette merveilleuse soirée !
- Hum, j'ai bien peur que si. Vois-tu Terra...
- Allez, Ven, un petit entraînement pour moi ? s'exclama-t-il en sautant aux pieds de son entraîneur. Je suis prêt vas-y, c'est quand tu veux !
- Très bien mais avant j'aimerais te parl...
- Je n'ai que deux mots à te dire, Ven. Cogne !
- Est-ce que tu peux me laisser en placer une ? Parce que...
- Ah Ven, aujourd'hui, j'ai rencontré une véritable déesse !
- ELLE TE TROMPE ! ELLE T'A PRISE POUR UNE POIRE ! »
Terra resta choqué face à la réaction de son mentor et s'arrêta. Le satyre n'avait pas eu le choix pour se faire entendre mais maintenant, il sentait qu'il avait l'attention de son public. De là à dire qu'il allait réussir à le convaincre, il ne fallait pas vendre la peau du minotaure trop vite.
« - Mais qu'est-ce que tu racontes, Ven ?
- Ce que j'essaie de te dire, c'est que ta chère Aqua n'est pas ce que tu crois qu'elle est !
- Ecoute, je sais que tu as eu une mauvaise journée, mais ce n'est pas une raison pour tout lui mettre sur le dos quand même non ? Je suis vraiment désolé pour toi mais...
- Roooh, mais ça n'a rien à voir avec ma journée ! Il s'agit d'elle et elle ne te veut pas du bien.
- C'est complètement ridicule, jamais elle ne me blesserait. Jamais.
- Mes dieux, c'est pire que ce que je pensais. Qu'est-ce que j'avais dit sur la paire de grands yeux ?
- Je sais bien mais Aqua, c'est différent, elle n'est pas comme les autres, d'accord ?
- Dire que cette petite hypocrite t'a corrompu à ce point !
- Ven, ça suffit, ne va pas plus loin !
- Quoi ? Tu as peur que je te dises que tu t'es fait avoir par cette trainée ?
- VEN ! » hurla le héros et sa main partit toute seule.
Est-ce que Terra regretta son geste ? Tout de suite, oui. Quand il vit que son mentor s'était cogné contre le mur du stadium et qu'il y avait laissé une trace profonde, le héros sentit un frisson de remord le parcourir. Le satyre se releva, sonné mais entier. Cependant, ses yeux indiquaient une peine profonde, plus mentale que physique, et son disciple se sentit encore plus mal.
« - Ven, je suis vraiment désolé, je n'aurais pas dû te frapper.
- Non, tu n'aurais pas dû. J'ai cru que tu étais meilleur, petit. Meilleur que Lauriam. Je me trompais.
- Lauriam ? Qui c'est ? demanda Terra, incrédule.
- Un de mes anciens poulains. Et aussi le héros oublié. Personne ne s'en souvient. Sauf moi. J'ai cru que je pouvais te protéger et faire de toi un champion plutôt qu'un pion. Mais hélas, pour toi comme pour lui, j'ai échoué. Tu n'as pas voulu m'écouter.
- Ven, qu'est-ce que tu vas faire ?
- Je vais prendre le premier bateau qui passe et rentrer chez moi. Tu ne veux pas écouter mes conseils, tu n'as donc plus besoin de moi, petit. C'est aussi simple. Au revoir.
- Quoi ? Mais... Eh bien très bien, je me débrouillerai sans toi ! »
Il avait pourtant le cœur lourd en voyant son mentor partir et même le satyre ne partait pas de gaieté de cœur. Chaque pas loin de Terra était une véritable torture mais il ne pouvait plus rien. Le garçon avait choisi de ne pas l'écouter, c'était son problème maintenant. Cela lui rappelait bien des mauvais souvenirs. Le passé surgit et l'enveloppa comme un voile de ténèbres. Ventus ne put s'empêcher de repenser à cet autre héros qu'il avait aimé comme un fils, avant que tout ne bascule.
Autrefois, Ventus avait été l'entraîneur d'un des plus grands héros que la Grèce ait connu. Il se nommait Lauriam, à la fois fort et doux, joueur de lyre incroyable. Ensemble, le satyre et son poulain accomplirent des merveilles. La chimère tomba sous les coups du héros tandis que le Léviathan se cacha tout au fond de la mer. C'était une période merveilleuse de la vie de Ventus et il n'oublierait jamais quand tout avait dérapé.
Un jour, la petite sœur de Lauriam se fit mordre par un serpent et en mourut. C'était une enfant adorable appelée Strelitzia, comme la fleur de pritemps. Sa mort fut une véritable tragédie pour son grand frère qui ne pouvait se permettre de la perdre aussi bêtement. Contre les conseils de Ventus, il descendit aux enfers pour supplier le seigneur des morts de lui redonner vie.
La musique parvint à convaincre Xehanort, fait absolument impensable, et le héros eut l'autorisation de remonter avec sa sœur. Une condition était imposée néanmoins : il ne devait pas la regarder. Le chemin se déroula sans accrocs et Lauriam arriva dans la lumière. Trop heureux, il se retourna. Hélas, Strelitzia était encore dans l'ombre des enfers et le héros la vit disparaître à jamais.
Incapable d'accepter son échec, il retourna voir Xehanort et alla même jusqu'à l'agresser. Le dieu des enfers porta plainte auprès d'Eraqus. Il n'était certes pas très apprécié par son frère céleste, mais le dieu suprême n'eut d'autres choix que de reconnaître que le mortel avait outrepassé ces droits. Qu'il soit un héros ne comptait plus, il devait être puni pour non-respect d'un accord.
Ventus tenta de plaider la cause de Lauriam auprès du roi du ciel mais cela ne servit à rien. Xehanort obtient le droit à une punition très spéciale et entraîna le déchu aux enfers. Avant de disparaître, le héros eut l'occasion d'adresser une dernière phrase à son mentor.
« Tu avais raison, Ven. J'aurais dû abandonner ce rêve stupide. Pardon. »
Lauriam fut condamné à la chaise de l'oubli. Ainsi, le monde entier oublia son existence dès qu'il s'assit dessus. Le héros devint ensuite une statue et on raconte que si on passait à côté d'elle aux enfers, on entend le doux chant de sa lyre. Une bien triste tragédie grecque.
Ventus ne l'avait pourtant pas oublié. Il ne savait pas très bien pourquoi mais tous les souvenirs de son meilleur poulain survivaient encore en lui, comme une punition. Le satyre était persuadé qu'il y avait eu une embrouille dans cette histoire, que Xehanort était celui qui n'avait pas respecté sa parole avec Lauriam. Cela l'avait hanté pendant des années mais il était bien trop tard pour le prouver à présent. Le héros à la lyre n'était plus et il fallait vivre avec.
En quittant le stadium, Ventus fut pris d'une envie de faire demi-tour. Il n'avait pas prévenu Terra des dangers du seigneur des enfers. Il se ravisa en se disant que le héros n'avait plus besoin de ses conseils. Ventus savait qu'il abandonnait Terra mais que faire si le jeune homme ne l'écoutait pas quand il lui disait la vérité ? Le cœur lourd, le satyre suivit le chemin du sport, espérant qu'il se trompait, que ce sentiment de déjà vu n'était qu'une erreur de jugement de sa part. Il ne voulait pas d'un deuxième Lauriam. Il ne voulait plus souffrir ça.
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