Chapitre 16 (PDV : Evalia)
Incompréhension. Peur. Erreur.
Je ne comprenais plus ce qu'il se passait, mes parents semblaient tellement heureux de me revoir, alors que je n'en étais pas de cet avis. On m'avait détruite, souillée, et rien que de voir leur joie illuminer leur visage me donnait la nausée. Je voulais qu'ils enlèvent toute cette joie.
Peur. Erreur.
Cependant, cela en fut assez pour me permettre de sortir de cet endroit lugubre et tellement stérile, et ainsi me ramener à la maison. Celle de mon père. Celle où mon calvaire avait commencé. Chaque endroit de cette bâtisse me ramenait à ce jour désastreux, celui où j'eus pensé qu'une journée banale allait se dérouler sans encombre, mais qui au final, avait été une journée où mon monde fut détruit. Un jour où l'Evalia du présent devint l'Evalia du passée et celle que personne ne voulait connaître devint celle du présent.
Tellement de chamboulements que je ne pus croire que cette vie deviendrait fade et incolore. Oui, car pour moi, la vie n'était qu'un amas de différentes nuances de gris. Un amas qui me montrait ma véritable place : celle d'une paria qui ne méritait point toute la vie qui venait de s'écouler.
Ce n'était plus que cela. Je n'avais plus que cette impression : être une erreur.
Erreur.
Une erreur de la nature. Une exactitude de la vie de couple de ses propres parents, un écart qui mena leur couple pourtant si unis à un divorce sans équivoque. Un divorce qui incita mon père de boire, de se farcir différentes femmes chaque soir pour combler l'absence de son ex-femme. Mais qui mena aussi ma mère à rencontrer un nouvel homme avant de l'épouser et de lui faire un enfant : Jamie.
Lui, n'était pas comme moi, il n'était pas une erreur, il était toute une fierté.
Une erreur, tout ce que j'étais, tout ce que je suis et tout ce que je serais.
Une erreur, un dysfonctionnement, tout ce qui me définissait, car je ne supportais plus les personnes m'entourant. Je ne supportais plus les approches de mon père, de peur que lui aussi se permette de faire cette folie, de même pour Daddy. Ils étaient des hommes, des membres de cette espèce si violente derrière des apparences si douces, si rassurantes, mais qui n'en étaient rien. Les hommes ne voyaient que par la violence, le crime, les enlèvements, et les viols. Ils étaient tous doués dans ces domaines, et ce, sans le savoir, car tout ceci était inscrit dans leurs gènes depuis des millénaires. De vraies pourritures.
Alors pourquoi devrais-je accepter de vivre en leur compagnie ?
Erreur.
Pourtant, je ne pouvais réellement les empêcher de m'approcher, ils étaient de ma famille.
Ils me connaissaient depuis tellement d'années que cette idée de recommencement de leur part n'était qu'une absurdité gargantuesque. Pourquoi donc ? Un traumatisme. Une erreur.
Un mélange de toutes mes émotions : ma colère, ma tristesse, ma peur, mais surtout l'amas d'erreurs que j'eus commis sentimentalement depuis cet « accident ».
Une tentative de retrait de ma propre vie qui s'était vouée à l'échec. Un arrêt cardiaque qui fut lui aussi un échec. L'appel de la mort, un échec fulgurant. Tout n'était qu'un échec, une erreur.
Alors comment pourrais-je vivre normalement après toutes ces déceptions ? Comment ?
Tout un tas de questionnements sans réponses.
Un soupir discret franchit la commissure de mes lèvres, laissant tout de même transparaître ma propre déception, tandis qu'à mes côtés se trouvait mon cadet, l'enfant parfait, celui où l'erreur était impossible à croire pour ses six ans.
—Eva ? Ça va ?
Je n'eus point le courage de lui répondre, maugréant dans mes pensées sombres, me murmurant à moi-même de me taire, de ne plus commettre une seule erreur. Tout cela en sachant qu'à quoi que je réponde, cela serait une énorme erreur. Lui dire que tout allait bien serait un mensonge, ma voix se briserait directement lorsque j'essayerai de sortir le moindre mot. Lui répondre qu'au contraire tout va mal, signifierait que mes trois parents chercheraient à creuser leurs recherches psychologiques sur ma personne : ce que je voulais à tout prix éviter. Je ne supporterais pas toute cette pression. Je ne saurais même pas comment serait ma réaction : de la colère ? De la haine ? Des pleurs ? Tout pouvait être envisageable. Et si je ne répondais pas, tout irait sans doute pour le mieux. Alors ce fut cette option que je pris. Pas question d'être une nouvelle source d'incompréhension.
L'attente de ma réponse lui sembla interminable avant qu'il n'abandonne. Enfin, j'en étais totalement débarrassée, je ne pouvais plus supporter sa petite présence. J'avais besoin d'être seule, d'être avec moi-même ou bien même ce qu'il en restait, c'était à dire plus grand chose.
Je n'avais plus de motivation, je n'avais plus rien.
Qui pouvait bien m'aider ? Me comprendre ? Personne. Personne ne connaissait ce qu'il se passait réellement dans ma tête, personne qui par le plus grand des hasards pourrait savoir les idées qui passaient par la tête : l'envie de recommencer, l'envie de tout détruire, l'envie de les balancer. Oui, je voulais le faire, sans pour autant en avoir la force. Quels en seraient les répercutions ? Est-ce que tout recommencerait ? Serais-je encore salie comme ils l'avaient fait avant mon séjour à l'hôpital ? Certainement.
Alors, je n'avais plus rien, aucune issue réelle. Mes parents m'empêcheraient de faire quoi que ce soit : ils ne supporteraient pas me voir sombrer après m'être battue contre un coma qui m'offrait la mort sur un plateau d'argent. Pourquoi en suis-je sortie indemne physiquement ? Pourquoi mon esprit lui était dans un état critique ? Pourquoi ?
Les larmes coulèrent de leur plein gré sur mes joues, je ne pouvais même plus me contrôler, je n'étais plus qu'un pantin de mes émotions, je n'étais qu'une humaine déviante qui s'enfermait pour devenir ne serait-ce qu'une simple machine sans cœur, je divergeais des ambitions qu'avaient toujours voulus mes parents pour mon destin. Alors d'un revers de la manche, je masquai leur présence, attirant malheureusement celle de mes géniteurs, celle de mon père en particulier. Il s'approcha et posa délicatement sa main sur mon épaule.
—Ma puce, eut-il entrepris de dire, qu'est-ce qu'il se passe ? Est-ce que cela te revient ? Veux-tu en parler ?
—Je...Je n'ai rien fait de mal... J'ai rien fait... Retire ta main ! Ne me touche pas !
—Chérie, ce n'est que moi, jamais je ne te ferais du mal.
—Ne me touche pas !
Sa main restait cependant sur mon épaule. Quelle erreur avais-je commis pour qu'il continue de garder ce contact avec moi ? Quelle erreur ?
Je voulais me débarrasser de lui, le faire s'en aller de moi, de mon corps, de mon envie à tout abandonner à tout vas. Il n'avait pas le droit de me retenir, il n'avait pas le droit de choisir pour moi. Il l'avait trop souvent fait. Pourquoi alors n'étais-je pas libre ? Pourquoi ne pouvais-je pas choisir mon propre destin : celui que j'avais entrepris auparavant, la mort ?
Le regard de papa se fit plus tendre, comme rassurant, mais je ne pus le supporter longtemps ayant cette impression de n'être qu'une moins-que-rien, une faute professionnelle, une erreur. Que lui avais-je fait pour qu'il reste si attentionné, si "père" ?
Qu'avais-je fait ?
Incompréhension totale. Qu'est-ce qui avait foiré ? Qu'est-ce qui m'empêchait de pouvoir agir comme je le souhaitais ? Pourquoi ne pouvais-je pas être seule avec cet atroce souvenir de ma dépersonnalisation par Olivia et sa bande, par Diego et ses troubles sexuels ? Pourquoi voulait-il tout savoir ? Pourquoi lui était-il nécessaire d'aider une erreur à trouver une solution à ses problèmes.
Un sentiment de déception me prit au cou, j'étais déçue de tout. Je ne voulais plus rien savoir. Je souhaitais que toute cette histoire s'arrête, et ce, le plus rapidement possible. Me dire que tout ce que j'ai vécu n'était qu'une création de mon esprit. Que rien de tout cela ne s'était réellement passé. Voilà tout ce que je voulais : rejoindre un monde où tout serait parfait et en adéquation avec ce que je ressentais en cet instant. Comme si cette réalité ne consistait pas à seulement être heureuse, mais de me faire prendre conscience que je valais moins que tout le monde.
Alors sentir une nouvelle main sur mon épaule fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Des larmes coulèrent sur mes joues. Des perles dans lesquelles furent enfuit ma colère, ma honte, et tout cela, tombant sur les habits d'une odeur que je ne connaissais que trop bien : ma mère. Elle était douce, comme l'avait été mon père, mais elle n'était pas un homme, elle ne pouvait pas me salir comme ces derniers. Des mots doux furent transportés par sa voix, elle cherchait à me détendre, m'apaiser, me faire comprendre qu'elle... Non.
—Ça va aller chérie, on ne te fera aucun mal. Evalia, tu as vécu quelque chose de compliqué, et ni ton père, ni Daddy, ni Jamie et ni moi, ne te feront du mal. Tu es quelqu'un d'important pour nous, alors, ne te braque pas, nous sommes là pour t'aider.
—Maman a raison, t'es ma grande sœur, alors pourquoi, je te ferais du mal ?
—Je...Je...Je ne sais pas... J'ai peur... Peur de tout... Peur que cela recommence... Je ne veux point revivre ça...
—Mais pourquoi tu ne leurs dis pas ? Papa, Maman et ton papa sont là pour t'aider...
—Je... Je veux voir... Roxane... Chelsea... Ruby... Ch...Chuck... J...Jim...Co...Connor...et Pet...Peter...
Mes larmes bien trop lourdes à garder s'effacèrent sur le tissu couvrant le corps de ma mère. Des larmes criant la même douleur que la mienne et me forçant à chercher le réconfort aux côtés de personnes de mon âge. Des adolescents qui pourraient éventuellement me comprendre sans que des mots ne soient prononcés. Enfin, c'est ce que j'espérais sincèrement. Je ne voulais pas être une erreur. Pas avec eux. Avec aucun de mes camarades, cela serait trop difficile si j'étais cette honteuse erreur pour tous.
—Tu es sure que c'est ce que tu veux, Eva ?
—Oui... Pa...Papa...
Je pouvais espérer qu'il comprenne réellement ma demande. Une demande sincère, presque celle de la dernière chance. Une chance de ne pas se sentir comme étant l'échec que j'ai toujours pu être après l'incident. Que je puisse être ressentir d'autres sentiments, créer une fausse joie, une fausse Evalia tout simplement.
Mais comment pourrais-je la créer sans réellement inquiéter tout le monde ? Je voulais qu'elle soit parfaite, qu'elle ne montre aucunes faiblesses, mais c'en était quasiment impossible et j'en étais parfaitement consciente... Beaucoup trop même. Toutefois, je ne pouvais pas me permettre de tout cacher, surtout à eux...
Roxane était ma meilleure amie depuis que nous avions douze ans, nous avions toujours tout fait ensemble au collège, les clubs, les cours, et même les extra-scolaires comme la danse, le sport, nous avions tout en commun. Ensuite, Peter, mon meilleur ami, certes, nous nous connaissions que depuis septembre, mais nous avions les sciences et la pop-culture en commun. Tellement, que nous pouvions en parler pendant des heures. Puis il y avait Connor, Ruby, Chelsea et Jim, des camarades du club de chant, on ne pouvait se comprendre que de cette manière, je ne pouvais donc pas me permettre d'écouter des musiques tristes, ayant un sens aussi destructeurs que ma propre destruction internes. Et enfin, Chuck... Chuck était tellement plus qu'un meilleur ami, il était un confident, quelqu'un en qui je pouvais avoir confiance, mais il fut aussi celui qui m'avait permis d'entrer dans le club de chant, de pouvoir comprendre Olivia et ses « camarades », bien que tous les soucis aient tout gâché. Chuck avait toute ma confiance, mon amitié, et pourtant, je ressentais avant l'incident tellement d'autres sentiments pour lui, je l'aimais comme un ami, un frère, un amant. Oui, je l'aimais avec une passion profonde...
Mais je n'en étais plus capable aujourd'hui. Oui, j'avais tout perdu. Comment arriverais-je à l'aimer après cette perte de moi-même, de mes sentiments de joie. Je n'avais plus rien. J'étais un cuisant échec de la vie et de ses sentiments.
Allaient-ils vraiment être une aide pour moi ? Allaient-ils être des nouveaux points d'ancrage ? Je n'en étais pas sure. Car tout ce qu'il restait en moi était... Incompréhension. Peur. Erreur.
Mais aussi : doute.
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J'annonce donc que vous êtes arrivés à la fin du chapitre 16 narré par notre Evalia nationale. J'espère qu'il vous a plu, et qu'il puisse faire naître en vous divers sentiments.
Cependant, n'hésitez pas à voter, commenter et surtout partager, car sans vous, cette histoire n'existerait pas.
Encore une fois, merci pour tout.
Bien à vous.
Evalia Stark.
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