8. Aï & Aïka
C'est pour toi! 😘😘
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Nash grogne une énième insulte et la revue mode de Maï s'écrase sur sa tête sans aucune douceur. Je ris, appuyée sur les épaules de Tyse, qui est en train de mettre une raclée à l'équipe de Nash sur Call of Duty. Sab éclate de rire en voyant l'écran de défaite s'afficher sur notre écran. Je ne comprends pas exactement pourquoi nous avons perdu. "Nous", Tyse plutôt. Personnellement je préfère les jeux solitaires, à un joueur. Nash fixe son écran sans vraiment comprendre non plus. Sab n'a pas l'air de vouloir nous expliquer, alors nous resterons pour toujours dans l'ignorance. Ce sera notre grand mystère de l'univers. Maï attire mon attention et je vais m'asseoir sur la petite table.
– Aï, ne t'assois pas sur la table.
– Ton assiette est plus lourde qu'elle, comment veux-tu qu'elle l'endommage? S'exclame Sab.
Je lève les yeux au ciel et me penche pour voir ce dont me parlait Maï. Elle m'expose toute une collection de robes d'hiver. Nous cherchons nos tenues pour le nouvel an. Je feuillette attentivement le magazine qu'elle me laisse pendant qu'elle négocie avec Nash pour qu'il aille nous acheter des ramens à emporter, trois rues plus loin.
– Pourquoi tu n'y vas pas toi-même?
– La dernière fois que je me suis rendu dans un petit commerce, je me suis fait prendre en otage et deux personnes sont mortes.
– Elle a pas tort. Ris Tyse.
– J'y vais. J'interviens soudainement en me levant.
– Non. Refuse Nash. Reste ici. Je vais y aller.
– Pourquoi? S'étonne Sab.
– Parce qu'il y a des chances qu'il y ait plus de deux morts, cette fois.
– Je ne suis pas un monstre, tu sais. Je compte payer.
– Tu n'es pas un monstre, mais les gens sont cons, à Miyagi.
– Il a pas tort. Lâche Tyse, provoquant une crise de rire chez Sab.
Nous donnons donc notre commande aux garçons et ils nous laissent pour aller dépenser notre argent. C'est Maï qui est censée payer, suite au pari de l'inter-lycée, mais je culpabilisais alors j'ai donné de quoi payer la moitié.
Une fois seule, Maï s'assoit pour que je puisse m'installer à ses côtés et nous discutons de la décoration du hangar. Il n'est pas terminé. Maï veut faire un deuxième étage mais qui ne prendrait pas l'intégralité de la surface, seulement un peu plus de la moitié. En haut, il y aura une grande salle de bain et le reste sera couvert de moquettes, de couvertures, de coussins, de matelas et de tout ce qui peut augmenter le confort de l'étage. Dans un coin, elle a prévu deux armoires, pour pouvoir y mettre certains de nos vêtements. La partie sous la mezzanine sera réservée à nos activités illégales. Sur le reste de l'espace, tout au fond, il y aura une télé, deux canapés et un fauteuil. Juste à côté de l'entrée, il y aura la cuisine, ouverte sur le reste. Entre les deux, il y aura mon champ de tir.
Elle est en train de dessiner quand des coups sont frappés à la porte. Nous fronçons les sourcils et je me lève pour aller voir par le judas. Le couloir est vide. Non mais ils me pensent stupide? Soit ce sont les garçons qui nous font une blague, soit je vais me faire éventrer si j'ouvre cette porte. Je ne tomberai dans aucun des deux pièges. Mieux, je vais fermer la porte à clé. Je fais exprès de faire du bruit en verrouillant la porte. Je regarde par le judas et je vois deux mecs paniqué et tenter d'ouvrir la porte. La seconde d'après, l'un d'eux disparaît brusquement de mon champ de vision. Nash a un visage tordu de rage quand je le vois. J'ouvre la porte. Tyse baille et Sab est de nouveau sur son téléphone. Mai imite Tyse, dans mon oreille, me faisant grimacer. Je jette un regard désabusé au deuxième gars. Je plisse le nez quand une flaque se dessine sur son entrejambe. Maï est bien moins discrète que moi. Elle tire Tyse et Sab à l'intérieur: elle a faim. Elle s'arrête une demi-seconde et plante son regard dans celui du jeune homme.
– Je renverrai ton corps à ta famille, ne t'inquiète pas. Tu seras enterré décemment.
– Tu crois vraiment qu'il va rester quelque chose de son corps? Je demande.
– Bah, j'économiserai un timbre! Dit-elle en haussant les épaules.
Je m'étrangle de rire. Puis je me tourne vers Nash.
– Je suis de bonne humeur, et leur tentative était tellement nulle qu'elle en était presque mignonne. – Regarde les, ce sont des gosses!
– Ils doivent avoir la vingtaine.
– C'est ce que je dis. Aller, laisse les partir.
– Vous avez de la chance. Grogne Nash.
– Excusez le. Je ricane en le poussant dans l'appartement. Il aime bien taper sur les gens. Bonne soirée.
Je referme la porte. A clé. Je les entends partir en courant. Je reporte mon attention sur la table, qui est maintenant couverte de nourriture. Je suis toujours à la même place, mais je suis la seule, les autres bougent en fonction des besoins. Aujourd'hui, je suis face à Maï, entre Nash et Tyse, en diagonale de Sab. Le vendeur de nouille ne prend pas les changements, par exemple enlever l'œuf, alors nous passons cinq minutes à enlever ce que nous n'aimons pas et à le donner à celui qui en raffole. Je suis la seule dont le ramen ne change pas. Nous mangeons en riant et j'évite de peu le bouillon de Tyse quand celui-ci se penche pour attraper un sachet de sel. Nash hurle que son parquet va puer le bouillon porc pendant deux semaines et Tyse hurle "mon bouillon" inutilement. Pour ma part, je me suis écarté en hâte pour ne pas avoir une odeur de ramen toute la soirée. Les bouillons sont pratiquement froids. J'ai fait chauffer le mien au micro-onde. Mais le bol est un peu déformé, du coup. La prochaine fois, c'est moi qui choisis le vendeur. En plus ses nouilles sont trop pâteuses. Maï s'en fiche, du moment qu'elle peut manger. Elle a appris à manger ce qu'elle avait dans son assiette sans se plaindre.
Quand nous avons terminé, nous nous attelons tous à nettoyer. J'aime beaucoup les soirées comme ça. Le nouvel an et les fêtes de fin d'année sont un bon prétexte pour s'amuser entre amis. Avec un hangar de la taille de celui de Mai, on pourrait faire une méga-fête, tout le monde pourrait être là. Ce n'est pas une mauvaise idée. Il faut que je le propose à Maï. Mon téléphone sonne alors que je jette les bols en plastique. Je fais signe à Nash de répondre à ma place, pendant que je vais me laver les mains.
– Je veux parler à la Reine. Proclame une voix, sans une salutation.
– Eh bien tu as son général.
– Je ne peux pas confier ça à un vulgaire sous-fifre...
– Je suis là. Je hurle alors que Nash est sur le point de lui promettre un sort pire que la mort. Je t'ai dit de ne pas me contacter. C'est moi qui te passe des messages.
– J'ai pensé que vous aimeriez être au courant.
– Parle.
– La jeune fille qui est souvent avec vous, Aïka Honokaya.
– Oui.
– Elle a un problème.
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Je baille en m'étirant pendant que Ryu met un DVD dans le lecteur. Il vient ensuite s'allonger à côté de moi. Saeko passe la tête et nous détaille. Nous la saluons en choeur, et en levant une main.
– Yo!
– Y a pas de bière ici?
– Nous sommes mineurs. Lui rappelle Ryu.
– Et censé. J'ajoute.
– Vous êtes surtout des rabat-joies! Ne commencez pas sans moi, je vais acheter des boissons.
– Bien chef! Hurlons nous alors qu'elle a déjà disparu.
J'en profite pour me lever et aller chercher de quoi manger dans les placards.J'avais la flemme de le faire, alors je me suis dit que ça attendrait la fin du premier film. Saeko risque de mettre une bonne vingtaine de minutes, comme elle connaît bien le vendeur chez qui elle prend sa bière. Comme elle est bavarde, elle ne sera pas de retour tout de suite. Ryu est affalé sur la couette alors je me jette sur lui, n'hésitant pas à envoyer valser le seul paquet de chips qu'il avait amené.
– Aïka!!! Râle-t-il quand il a repris son souffle alors que j'éclate de rire.
– Oui???
– Dégage de là! Dit il en tendant les bras.
– T'es bien trop confortable en chaise.
Il roule et je m'écrase au sol, sur le dos. Il est sur moi, en travers. Je suis loin d'avoir autant de forces que lui. Je secoue les jambes. Il se redresse soudainement et j'ai tout juste le temps de reprendre ma respiration qu'un fou rire irrépressible vient éjecter l'air de mes poumons. Je tente tant bien que mal d'échapper aux chatouilles de Ryu mais, encore une fois, il est bien plus fort que moi. Il me cale contre lui et je me met à hurler de rire. Et à hurler tout court, en fait. Lui n'est pas chatouilleux, cet espèce de saleté. Alors qu'il détend les muscles de ses bras, j'en profite pour lui échapper. Je pars en courant dans la maison. Il me poursuit mais je suis plus agile que lui et saute littéralement de l'étage au rez-de-chaussé. Je lui fais faire le tour du domicile mais il me rattrape en haut des escaliers. Il me soulève par la taille comme si je ne pesais rien et me jette sur son lit. je suis coincé dans sa chambre. S'il croit que je vais me laisser faire! Il se jette sur moi et je prend appui sur ses épaules pour lui passer au-dessus. Ma tête cogne le plafond et je couine en m'accroupissant, les deux mains sur ma bosse. Il éclate de rire et malgré la douleur, je l'imite. Je le sens se pencher et je reprends ma course sans prendre le temps de me relever.
Ma vision se floute soudainement et une douleur aiguë intervient à l'arrière de ma tête. Mes jambes ne répondent plus et je m'écroule violemment. Et Ryu? Je redresse la tête et voix Ryu, apparemment furieux, face à deux hommes. Ils n'ont pas remarqué que j'étais simplement sonné, pas inconsciente. J'attrape les jambes de l'un d'eux et il bascule, se prenant l'encadrement de la porte. Il tombe dans les pommes. Je relâche ma respiration et lève la tête au moment où le deuxième lève un couteau pour l'abattre sur moi. La douleur de la lame dans le ventre est juste insupportable. Ryu arrive et attrape le gars par le col pour le relever et lui balancer son meilleur crochet du droit. Le mec semble à peine ébranlé. Il lui renvoie la politesse et le rasé fait quelques pas en arrière, déséquilibré. L'inconnu le suit. Malgré la douleur, je me redresse sur les coudes pour lui attraper au moins les chevilles mais deux mains accrochent mes jambes puis mes épaules et mon visage rencontre le sol. La douleur me fait voir rouge et je sens le sang s'échapper de ma plaie. C'est chaud, c'est écoeurant. Je sens des doigts puissants passés sous ma jupe. La peur me tord soudainement les entrailles. Je me retourne et essaie de me dégager. La main qui me sert indécemment la cuisse remonte encore un peu et un petit cri m'échappe alors qu'il m'attrape le bras, que je m'apprêtais à abattre sur son visage. J'arrive à lui donner un coup de talon dans le nez. Son acolyte apparaît soudainement dans mon champ de vision pour s'écraser sur mon agresseur. Ryu m'aide à me dégager et me supporte. Nous sommes coincés dans sa chambre. En se retournant pour me parler, je vois Ryu pâlir et je comprends vite pourquoi: Saeko est en train de revenir. Il me lâche et je suis appuyé contre le mur. Il ouvre la fenêtre et secoue les bras en lui hurlant de ne pas entrer et d'appeler une ambulance. La blonde s'arrête. Elle nous lance un regard étonné. Il prend une grande inspiration pour recommencer mais le bruit d'une arme chargée bloque l'air dans ses poumons. Dans les miens aussi. Ryu est aussi pâle que moi. Nous nous retournons lentement. L'adversaire de Ryu, la lèvre fendue, nous fusille du regard.
Mon adversaire s'approche rapidement et m'attrape par le bras pour me jeter à terre. Je me redresse difficilement.
– Arrête de bouger ou je tue ton frère.
Avec ou sans mon accord, mon corps se fige totalement. J'ai les yeux rivés sur eux. J'essaie d'appuyer sur ma plaie pour tenter d'endiguer un peu le sang mais je n'y arrive pas. Je n'ai pas assez de force. Ryu est par terre, il pisse le sang par le nez, mais il est vivant. J'inspire profondément et détends mes muscles pour lui montrer que je me rends. Allongée par terre, la moindre respiration me donne envie de hurler. Je vois les fenêtres clignotées. Ils ferment la vitre, atténuant le bruit des sirènes de police. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis certaine qu'ils ne pourront rien faire. Les hommes soulèvent Ryu et le balancent sur moi. Je hurle de douleur. Je le pousse pour le dégager.
Ils discutent en anglais. Ils n'ont pas l'air bien renseigné sur nous. Ils savent que nous sommes lycéens. Ils sont donc partis du principe que nous ne parlions pas bien la langue internationale. C'est idiot. La police s'apprête à un raid mais ils sourient et se mettent à la fenêtre.
– AÏ IWAIZUMI!!
Le silence retombe soudainement. Les sirènes sont coupées. Les intrus se retournent vers moi.
– Qu'est-ce que tu sais sur elle? Me demande celui qui s'est occupé de Ryu.
J'ai l'impression que ma tête va exploser. Comme je reste silencieuse, l'autre s'avance vers moi en prenant un air menaçant.
– RÉPONDS!!! Hurle-t-il en me donnant un coup de pied dans le nez..
J'ai tellement mal que je sens à peine mon corps. Les larmes dévalent mes joues alors que chaque micro-inspiration me retourne l'estomac de souffrance.
– Abrutit! S'écrie le deuxième. Regarde moi ça, elle est presque inconsciente. Comment veux-tu qu'elle te réponde?
– Bah au moins elle ne fera pas de bruit quand tu t'occuperas d'elle.
– C'est pas faux, mais quand elles sont conscientes, elles ont le réflexe de fermer les cuisses. C'est meilleur.
– Tant pis pour toi! Si t'étais plus doué, j'aurais pas eu besoin de la poignarder.
Ses mots me terrifient et me donnent envie de vomir. Je pensais que les mains baladeuses étaient juste dûes au combat. Je lève les yeux vers eux. Ryu bouge. L'homme qui semble servir de chef retourne à la fenêtre. L'autre vient s'accroupir face à moi. Je remarque qu'il a une joue gonflée. Il doit lui manquer une ou deux dents. Je doute que ce soit moi qui lui ai fait ça. Il me fixe en se léchant la lèvre. Ryu se redresse pour que je soit derrière lui. L'autre me fait peur.
Un bruit nous fait tous tourner la tête. La vision qui s'offre à moi est encore pire que celle d'un homme qui prévoit de faire de moi sa victime: Nash. Nash et sa rage au fond des yeux. Nash et son aura plus noire que la nuit. Nash et sa dague de soixante centimètres. Il se jette sur celui qui est face de nous. Aï entre dans la pièce calmement, comme si tout était normal. Elle se dirige vers nous. Elle demande son t-shirt à Nash et celui-ci lui donne sans même la regarder. Aï appuie sur mon ventre. Je hurle encore une fois et les larmes se font plus nombreuses. Elle me sourit d'un air qui se veut rassurant. Ses yeux semblables à des gouffres de ténèbres ne me rassurent pas. Elle exhale une rage qui me provoquerait des sueurs froides si j'avais pas aussi mal. D'un autre côté, c'est agréable de savoir que même dans une situation pareille, je peux compter sur eux. Je tente de lever les yeux pour voir ce qu'il se passe. Le violeur est à terre, le visage à moitié écrasé. C'est horrible à voir. L'autre est contre le mur et le gratte, comme s'il pouvait se fondre dedans. Une tâche immense a élu domicile dans son pantalon. Nash, couvert de sang, l'attrape par la tête et s'apprête à la lui fracasser contre le mur quand Aï intervient.
– Ne fais pas ça.
– Pourquoi?
– Tu vas tâcher le mur de Tanaka.
– Tu as raison.
Il ouvre la fenêtre en entier, attrape un peu mieux l'homme et le balance par la fenêtre sans autre forme de cérémonie.
– Ah mince. Lance Nash, penché dans le vide.
– Quoi?
– Nous ne sommes qu'au premier étage.
– Heureusement, comment veux-tu qu'on l'interroge si tu le tue? Viens prendre Aïka pendant que je vais chercher l'abruti que tu viens de balancer par la fenêtre.
– Je pourrais me le réserver? Demande Nash en pointant le violeur du doigt.
– Si l'autre est en vie.
– Bah j'espère qu'il est plus résistant que courageux.
– Il vaut mieux pour toi.
Nash me soulève sans difficulté et nous descendons. J'essaie de rester consciente mais c'est compliqué. Je ne me sens glisser dans le noir. L'ambulance arrive au moment où nous sortons. Ma mère et Saeko se précipitent sur nous. Elles remercient Aï, qui leur sourit, sans pour autant que la colère ne la quitte. Je perds connaissance au moment où NAsh me pose sur le brancard. Je ne sais même pas si Ryu va bien...
A suivre...
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