Chapitre 3 : Loups
Le spectacle que je découvris derrière la porte me coupa le souffle. La pièce était sens dessus dessous. Des papiers déchirés traînaient, les pieds du bureau étaient griffés, la couverture du lit éventrée. Mais Codd ne s'y trouvait pas. Je me précipitais vers la fenêtre ouverte, remarquant des traces de griffes dans le bois. Ma gorge se noua et mon coeur battait la chamade. Des gouttes de sueur perlaient à mon front. Qu'avait-il bien pu se passer ici ? Comme ses parents n'étaient encore au courant de rien, tout cela avait du avoir lieu dans la journée, alors qu'ils étaient au travail. Mais comment une bête pareille avait-elle pu entrer ? Un frisson parcouru mon échine, et je continuais à énumérer toutes les possibilités. Je tentais de marcher le plus calmement possible afin de ne pas alerter les parents de mon ami et sortis après avoir bredouillé une excuse, et que Codd ne voulait pas être dérangé.
J'errais dans la rue, perdu dans mes pensées pendant un bon moment. Lorsque je relevai la tête, je fus surpris que mes pas m'eurent guidés jusqu'à la lisière de la forêt. L'air frais me ferait du bien, je continuai donc mon chemin entre les arbres.
Quelques minutes s'étaient écoulées quand quelque chose me frappa. Aucun oiseaux ne chantait, tous les animaux s'étaient terrés dans leurs tanières. La crainte commença à me gagner, mon pas se fit moins assuré. Tous mes sens en alerte, je sursautais au moindre bruissement, même créé par mes propres pieds. Je finis par m'arrêter dans une clairière. Le vent se leva, agitant les branches des arbres de façon menaçante. Je me recroquevillai. Pourquoi au juste avais-je peur ? Ce n'est pas comme s'il y avait quoi que soit dans cette forêt. Cette pensée me galvanisa et je repris confiance, me redressant.
Le craquement d'une branche toute proche me fit sursauter. J'aperçus une ombre se mouvoir entre les buissons. Je reculai d'un pas, puis d'un autre, à mesure qu'elle se rapprochait de moi. Soudain, un loup roux aux yeux ambrés surgit devant moi. J'ouvris ma bouche mais aucun son n'en sortit, mes jambes ne m'obéissaient plus, refusant de bouger. Le loup s'approcha, grondant. Ce fut le déclic, et je regagnais le contrôle de mon corps. Pourtant, je ne bougeais pas. Quelque chose chez ce loup me semblait familier, me fascinait.
Le grognement du loup gagna en intensité, et il se fit plus menaçant. Ses poils se hérissèrent et il retroussa ses babines, dévoilant des crocs acérés. Mon instinct de survie reprit le dessus et je pris mes jambes à mon cou. En me retournant je discernai la forme du loup qui me suivait sans aucune difficulté. Il me rattrapait même. L'air peinait à entrer dans mes poumons, j'étais essoufflé. Je regrettais à présent de ne pas avoir pris plus de goût aux cours de sport. Comble de la malchance, je trébuchai sur une racine. En quelques secondes, la bête fut sur moi.
Ses crocs luisaient à quelques centimètres de ma gorge, et son haleine me chauffait le visage. Incapable de bouger, je serrais les dents, pétrifié. Ah, quelle ironie, moi, craint par presque tous les caïds du lycée allais mourir ici, à l'écart du monde, par les crocs d'une bête entrée dans la légende ! Mes yeux croisèrent celui du loup, où, l'espace d'un instant je crus discerner du regret. Mais ce fut court. La bête entrouvrit sa gueule, dévoilant deux rangées de crocs prêts à s'enfoncer dans ma gorge. A la dernière seconde, je roulai sur le côté, échappant de peu à l'étau mortel, qui se resserra sur mon épaule. J'étouffai un cri de douleur et envoyai un coup de pied dans les côtes du loup, qui me lâcha en couinant. La vision de mon sang coulant le long de mon torse et teintant l'herbe verte me fit tourner la tête. Une vague de colère pure voila mon esprit, ne laissant place à aucun autre sentiment. Le loup le sentit et se fit plus prudent. Il garda cependant une attitude menaçante, prêt à planter à nouveau ses dents dans ma chair. Je me mis tant bien que mal sur les genoux, et j'attendis. Le loup fondit sur moi, et je réagis à une vitesse dont je ne me serais pas cru capable. Le loup se fit encore plus menaçant, et je fus obligé de reculer. Ma plaie était profonde, et le sol glissait sous mes pattes... Mes pattes ?! Je tentai de pousser un cri de surprise et un glapissement sortit de ma bouche devenue une gueule. Pourquoi m'étais-je transformé en loup ?
Le loup roux parut amusé par la situation dans laquelle je me trouvais, et en profita pour revenir à l'attaque. Cette fois, perturbé, je n'évitai pas l'attaque et le rouquin me percuta de plein fouet, me renversant sur le dos et me plaquant au sol. Heureusement, je parvins à saisir l'une de ses pattes avant entre mes crocs afin de le faire basculer. Il tint bon et je raffermit ma prise. Le goût métallique du sang envahit ma bouche. Étrangement, je ne ressentai pas la moindre gêne et mordit encore plus fort. Le loup roux lâcha un couinement et se dégagea de mon emprise, la patte en sang, et je pus me relever. Nous commencions à tourner en rond, échangeant quelques coups de crocs et griffes puis revenants à nos positions initiales, jaugeant l'adversaire. Nous étions devenus tous les deux aussi menaçant l'un que l'autre, et nous nous apprêtions à échanger de nouveaux coups de crocs quand nous nous stoppâmes net.
Le nouveau venu était un loup noir aux yeux d'un vert profond. A sa vue, le loup roux se recroquevilla sans néanmoins abandonner son attitude menaçante envers moi.
- Ça suffit, retourne avec le reste de la meute !
Le loup roux fit la sourde oreille. Hé, attends ! Ce loup vient de parler ! Le loup ébène parut sentir mon désarroi, car il se tourna vers moi.
- Je m'excuse pour les désagréments qu'il a causé, dit-il en avisant ma blessure à l'épaule où le sang commençait déjà à coaguler. Il a encore du mal à se contrôler et l'agitation des derniers jours ne lui a pas plu. On dirait que pour le moment tu n'as pas ce problème.
Mais de quoi parlait-il ? Quel problème ? Je m'étais transformé en loup, en effet c'en était un de problème, mais je ne comprenais rien à ce qu'il essayait de me dire, trop choqué par les événements une fois l'adrénaline retombée.
- Reviens ici dans quelques jours, nous t'expliquerons ce que tu veux savoir dans la mesure du possible. Et ne t'inquiète pas pour ton ami, il est en sécurité avec nous.
En disant cela il avait pointé du museau le loup roux qui se calmait peu à peu. Ce qui voudrait dire que... Codd ?! Maintenant que j'y pense, il est vrai qu'il me paraissait familier mais... Cela expliquerai cependant les traces de crocs et de griffes dans sa chambre. Je commençais à perdre pied. Le loup noir se tourna vers le rouquin.
- On y va, Codd, et ne cherche plus à faire n'importe quoi.
L'apostrophé grogna une réponse inaudible avant de se tourner dans la direction du loup noir, qui toisa le rouquin d'un regard ferme, le défiant de la moindre incartade. Le loup roux se résigna, sa queue s'abaissa et ses oreilles se plaquèrent sur son crane en signe de soumission. Les deux loups partirent, me laissant là, pantelant et perdu.
La tension retombée, je remarquais que je me trouvais à nouveau sous une forme humaine, à mon plus grand soulagement. Je me relevai en chancelant et pris la direction de ma maison d'un pas mécanique, perdu dans mes pensées. Une douleur vive au niveau de mon épaule me rappela que j'étais blessé. Mais à ma plus grande surprise la blessure se refermait déjà. Heureusement que mes parents n'étaient pas à la maison, j'aurais eu du mal à leur expliquer pourquoi je revenais de la forêt les vêtements plein de boue et de sang.
Arrivé chez moi, je me changeai et m'écroulai sur mon lit, épuisé par les événements. Codd et moi étions des loups, des créatures ayant disparues de la surface du globe il y a plus de cent ans, et voilà qu'ils étaient à nouveau là, dans la forêt juste à côté de la ville, qui plus est. J'en vins à me demander à quoi je ressemblais sous ma forme de loup, si je possédais la même couleur de cheveux et d'yeux que sous forme humaine, comme Codd. Et surtout, est-ce que je pouvais me transformer à volonté ? Juste avant, je m'étais transformé sous l'adrénaline, sans vraiment comprendre. Je me levai de mon lit pour me diriger vers le miroir de la chambre de ma mère, le plus grand de la maison. Je m'observai longuement. Pas d'oreilles pointues ni de crocs qui dépassaient de ma bouche, j'étais bel et bien humain. Je voulu me transformer. Rien ne se passa. Je fermai les yeux et soupirai. Évidemment, ça ne pouvait pas être aussi facile d'être loup. Au moment où je rouvris les yeux, je bondis en arrière. Le reflet du miroir me renvoyait l'image d'un loup brun aux yeux bleus, exactement comme moi. Le pelage de mon torse et pattes arborait une couleur crème. Pas de transformation spectaculaire et hideuse, douloureuse en prime, comme dans les films ou les livres. Il me suffisais d'y penser. Je repris aussi facilement ma forme humaine. Mes vêtements n'étaient pas détruits et toujours en place. Du coup... Codd m'a mordu et transformé en loup-garou ?
J'entendis un cliquetis dans la serrure de la porte d'entrée. Ma mère était de retour du travail. Je l'entendais parfaitement bien, comme si j'avais été avec elle dans la pièce. L'odeur de son parfum me monta aux narines, une odeur de vanille. Visiblement ma soudaine transformation avait un énorme impact sur mes sens. Je possédais désormais ceux d'un loup.
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