Des vacances très salées, partie 2 (AU sans Tuerie)
Ah, la joie des réveils en douceur, la douce chaleur du lit, la sensation de bras enroulés autour de son torse, le poids de la couverture et le silence du matin... Des fois, on en demande pas plus à la vie que ce bonheur d'émerger en douceur, sans la moindre distraction. Plus encore vu que je me retrouve le nez dans les pectoraux de quelqu'un. Dont je sais très bien de qui il s'agit puisque c'est mon tour de dormir avec lui. Enfin. Dormir. Il a de la chance que les murs très fins du bungalow m'aient empêché de faire quoi que ce soit pour ne pas emmerder Sharon et Louna, le bougre.
Enfin toujours est-il que je suis lové contre lui, que je suis encore à moitié endormi et surtout quelque part dans les douces vapes de l'extase matinale. Franchement, dans l'état où je suis, rien ne pourrait ruiner ce charmant début de journ-
« DEBOUT, LES NAZES ! Papa nous emmène à l'aquapark ! »
... j'ai rien dit. Qu'est-ce qui motive donc Louna Asin-Orduña à gueuler de si bon matin ? Je suis sûr qu'il n'est même pas neuf heures ! Et en plus, elle a failli réveiller Emerens, et qui c'est qui se prendrait le dragon si Emerens se réveillait maintenant ? Un indice, pas elle, vu qu'elle est pas dans la chambre du dodo collectif. Mort de rire.
Par contre, un mot dans ce qu'elle a dit m'intéresse beaucoup. L'aquapark des environs de Biscarosse est super réputé pour ses attractions particulièrement vertigineuses, même pour un parc entièrement constitué de structures gonflables. Hier, on avait pas pu y aller à cause du temps ; Tout le groupe a bondi sur cette excuse pour rester au cottage et cocooner comme des malades. Je crois qu'Emerens n'a jamais eu autant de câlins à la seconde et il ne s'en plaignait certainement pas. Mais aujourd'hui, tout le monde compte bien sauter sur l'occasion.
Quoique, ai-je bien dit tout le monde ? Hmmm noooooon, je ne crois pas. Certains parmi nous ne prennent pas tant de hâte pour une si belle occasion.
Enfin bon, en attendant, comme je suis de toute façon bien réveillé, je me redresse du mieux que je peux en esquivant la tentative molle d'Emerens de me refourrer dans ses pecs. Louna est à l'entrée de la chambre, encore en pyjama avec un sourire fatigué aux lèvres ; visiblement, elle n'est pas mieux réveillée que moi. Étrange, très étrange.
« Pourquoi tu gueules comme ça de bon matin, Louna, je grogne à voix basse en désignant Smaug le terrible qui roupille juste à côté de moi. Y'a une urgence ?
— Un peu, oui, soupire Louna. Papa arrive nous réveiller, il a déjà cogné à la fenêtre de la chambre que j'occupe. J'ai moyen envie qu'il essaie de réveiller Emerens. La fois dernière, il a manqué de le déshériter. »
Oh seigneur en effet. Papa Louna est du genre actif de bon matin, et une fois, il a même tenté de la réveiller en lui chatouillant les orteils juste pour une sortie matinale. Vu qu'on va à l'aquapark en plus, aujourd'hui est une sortie spéciale. Donc il risque bien de ne pas retenir la leçon après la dernière fois qu'il a réveillé Emerens. N'empêche, je suis curieux de savoir ce qu'il a bien pu se passer. J'étais pas là, moi.
Louna a au moins la politesse de ne pas me laisser vivre ce calvaire tout seul, puisqu'elle se rapproche du tyrannosaure endormi avant de lui caresser doucement les cheveux.
« Mon cœur, réveille-toi, on a beaucoup de choses à faire aujourd'hui...
— .. Mmmmghn allez-vous faire foutre, » lui répond de manière très charmante le concerné. Bon. Au moins, il est réveillé.
Les insultes de si bon matin ne semblent pas décourager Louna, qui est de toute façon habituée. Elle soupire, avant de lui écarter ses mèches rebelles du crâne et d'y placer un petit bisou. Tentative risquée : Il a déjà fait le piège à loup à Sharon qui avait tenté le même truc une fois, et c'est Salimeh qui a dû les récupérer tous les deux ensuite... Mais cette fois au moins, il n'a pas l'air de vouloir nous coincer dans le lit. Et le bisou, accompagné de caresses sur le haut du crâne, a au moins le mérite de le faire totalement émerger.
Il me libère enfin totalement et se redresse, déjà un peu plus conscient.
« Salut ma chérie... B'jour mon cœur. Quelque chose de prévu aujourd'hui ?
— Oui, annonce Louna d'un ton égal. Sortie générale à l'aquapark. J'entends par là générale, Emerens, donc pas de débinage. Mon père vient nous chercher pour le petit déjeuner. Le pauvre cogne à la porte depuis tout à l'heure, donc essayez de vous grouiller un peu pendant que je vais tirer Sharon du lit.
— Pas la peine, dit cette dernière juste derrière elle. Je suis déjà debout. »
Emerens grommelle. Son expression ennuyée est le reflet de celle de Sharon. Les deux ne sont, disons, pas très, très fan des sorties qui bougent... Sauf quand ils peuvent se moquer de nous, n'est-ce pas la bouée tractée ? Enfin, je suis mauvaise langue, c'était qu'Emerens, ça. Emerens qui vient sans doute de comprendre qu'il n'a pas le choix vu qu'il se lève enfin du lit en grommelant.
« Okay, okay... j'vais prendre une douche, qui vient avec moi ? »
Sharon, la pauvre, rougit direct. Je ne suis moi-même pas indifférent à la proposition, merci, hormones matinales. Mais Louna notre policière reste imperturbable, et attrape le bras de notre partenaire commun sur le chemin de la salle de bain.
« Tu n'iras nulle part, Van Heel. On a pas le temps de te voir traîner toute la matinée dans la salle de bain, et en plus on va se tremper dans un lac. La douche, ce sera ce soir, avec qui tu veux et qui voudra. »
En disant ça, elle me jette un regard en coin. Oui bon ça va, c'est pas parce que je suis le seul à avoir déjà répondu positivement à ce genre de propositions que tu dois me fixer comme si j'avais commis le péché originel ! On fait rien de particulier dans la douche en plus. On se câline, c'est tout.
Cette fois je l'entends. Le petit toc-toc du poing de Karim contre la vitre. Visiblement, il est bien pressé. Louna va lui ouvrir sans perdre trop de temps, tandis que grommelant contre les matins trop matinaux je vais me chercher de quoi me vêtir dans mon stock. Un short de bain et un t-shirt me semblent être nécessaires. Et puisqu'on va se baigner, go mettre mes lentilles de contact...
***
« Je-m'en-nuie ! »
C'est sans doute la quinzième fois que je râle dans la file d'attente qui n'avance pas et je crois que ça commence à franchement énerver Louna puisqu'elle me balance un coup de coude. Bien placé. Je parle un peu fort et il y a des ados plein la queue. Donc j'avoue que je lui suis un peu reconnaissant de me remettre à ma place.
Ma chérie me jette un regard pour le moins outré, cependant, et je sens que je n'échapperai pas à l'engueulade. Bien vu, d'ailleurs, puisqu'elle pousse un profond soupir.
« Pour la énième fois, Emerens, on est arrivés tôt exprès pour faire la queue, et à cinq minutes près crois-moi tu t'emmerderais beaucoup plus. Regarde un peu derrière nous, crétin.
— Oui bon ça va, je grogne, sur le même ton. Si vous m'aviez prévenu à l'avance, j'aurais privatisé le parc, ça aurait évité ce genre de conneries.
— Sauf qu'on ne t'a pas prévenu à l'avance. Donc tu arrêtes de râler et tu fais la queue comme n'importe quel pégu pas connu mondialement, merci. »
Et elle enchaîne sur le speech qu'elle me répète à chaque fois que je témoigne de mon agacement de manière très sonore, comme quoi non le parc n'est pas encore ouvert, il ouvre à onze heures et demie, la file avancera beaucoup plus vite quand ce sera ouvert, et non ni Sharon ni moi n'allons y couper, c'est une sortie familiale, regarde belle-maman, elle ne se plaint pas, elle. Je me retiens de lui dire que belle-maman ne semble pas très, très enthousiaste à l'idée de rentrer dans cet enfer gonflable. Ça ne servirait à rien.
Les parcs aquatiques, en soit, j'aime beaucoup. D'ailleurs, j'ai même mis exprès la prothèse sportive sur son socle pour éviter un ennui, celle sans la jointure de cheville innervée qui me permet d'imperméabiliser à coup sûr les circuits de ma jambe artificielle. Seulement, là, on parle d'un parc aquatique gonflable. Sur l'eau. Avec quatre-vingt-dix-neuf virgule neuf pour cent de chance de devoir nager à un moment où un autre. Très, très peu de chemins définis. Et surtout une exigence d'équilibre impeccable que je n'ai pas. Alors oui, disons que la sortie du jour m'enchante moyennement, surtout parce que je vais très certainement me ridiculiser devant mes partenaires, mes beaux-parents et leurs gosses, en plus de, plus que probablement, une bande de fans prêts à me suivre partout. La joie et le bonheur, comme dirait l'autre !
Sharon n'en mène pas large non plus. Je suis presque sûr que si on lui avait proposé d'être enfermée dans le bungalow avec nos livres, elle aurait amplement préféré. Mais Louna et Thibault tenaient à leur sortie familiale, alors disons qu'elle ne proteste pas trop... Même si je la vois grimacer alors que les deux autres montrent du doigt la seule structure de tout le parc qui n'est pas gonflable... La tourelle de lancement des sauts de six et huit mètres, le plus grand toboggan du parc avec un tremplin des Enfers, et la terrible catapulte, dont Louna parle avec tant d'animation depuis tout à l'heure. Pas une amatrice de sensations fortes, la Sharon ?
Ah, pas trop tôt ! La file avance enfin. Et comme l'a dit Louna, en effet, c'est plutôt rapide. Beaucoup de grands groupes, je crois ? Eh bien ceux derrière nous vont être contents, alors, on est onze. Moi, je le suis moins, vu la vitesse à laquelle on rejoint le lieu où je vais boire plus d'une tasse.
Eh, peut-être que je peux négocier un bouche-à-bouche si je fais semblant de me noyer ? Quoique non, ça se fera avec les sauveteurs, et en sortie avec mes bébés d'amour, je suis pas d'humeur à flirt. Surtout que beau-papa fait bien assez de blagues particulièrement ciblées sur ma relation avec Thibault et Sharon pour que je comprenne qu'au moindre écart avec Louna je me fais déshériter... Dans tous les sens du terme. Autant être un bon gendre et jouer le jeu.
Enfin, nous y sommes. À contrecœur, je sors ma carte bleue, puisque je suis le seul à l'avoir gardée (secret espoir de juste être le sugar daddy ? En tout cas c'est mort, la dame se propose de me la garder), mais laisse beau-papa donner son nom. Bah oui, quoi, je suis là incognito. Les gilets de sauvetage sont enfiles presque dans l'instant, et je me retrouve, avec Coralie qui les a gardées aussi, à me prendre un petit speech sur les lunettes dangereuses... bah écoute gros, je compte pas le faire, votre méga saut, donc je garde mes yeux merci. Et ces gilets de sauvetage particulièrement disgracieux ont au moins l'obligeance de cacher mon tatouage...
Sharon semble rassurée de les avoir. Il est vrai que même si Louna lui a un peu appris à nager, elle ne s'en tirerait pas forcément bien, deux heures dans l'eau. Oui, parce que ces fous ont payé pour deux heures. M'ont fait payer pour deux heures. Franchement, Thibs, Louna, vous avez de la chance que je sois gentil, parce que sinon que dalle j'aurai payé. Enfin je dis ça mais je suis effectivement trop gentil, et ils ont l'air si heureux, bon sang...
Bref. Mes illusions de ne pas devoir me mouiller tombent tout de suite... à l'eau. Riez, je suis drôle quand je suis agacé. Parce que pour rejoindre le parc, devinez ce qu'il faut faire ? Sauter dans l'eau ! Il paraît qu'elle est bonne, en plus, mais au vu de la tête de Louna qui a sauté instant... Que dalle. J'ose à peine tremper un orteil. J'ai pas envie... oui, ce sera fun, après, blablabla, mais si vous m'aviez dit que je devrais me mouiller ! Dans un parc aquatique, rendez-vous compte... aha.
Sharon y va franchement. Bravo chatchat. Elle est courageuse, mais pas téméraire ; elle a visiblement opté pour une combinaison de plage qui au moins la tient à l'abri du froid. Et moi, je suis toujours sur le ponton en train de me tâter à sauter, l'instinct de survie remontant comme un malade, et... Eh mais un truc vient de me pousser dans le dos ?!?
Fatale erreur fut celle de ne pas avoir regardé où était Thibs. Il vient de mettre fin à toutes mes réflexions en me poussant à l'eau, heureusement sur personne, sur fond de grands éclats de rire. Louna, qui a déjà atteint la rive, se tord même de rire sur cette espèce de gros trampoline de bain particulièrement tricky vu d'ici. Connasse. Je me vengerai si fort. Mais pour le moment, la cible de mon ire alors que j'émerge, c'est mon absolu crétin de petit ami, qui... merde, je peux pas le tirer, il se tord de rire dans l'eau, ce salaud. Je me contente d'une éclaboussure bien placée. Il mange la moitié du lac, mais se tord toujours de rire, ce fils de chien.
« Eh bé alors, Emerens, me lance Louna depuis le rebord, on a bu la tasse ? »
Tant pis pour la discrétion ! Je jure de toute la puissance de ma voix en allemand, la langue la plus violente que j'aie à ma disposition. Le tout en nageant vers elle parce que si j'ai loupé l'occasion avec Thibs, sa jambe qui pend par-dessus le bord est comme une invitation à l'attaque du grand requin blond. Mais évidemment je n'ai jamais de chance, parce qu'elle retente de grimper dessus à peine suis-je enfin à portée d'attaques !
Sharon, toujours un amour, m'aide à monter sur le truc. Ce qui me fait découvrir pour la première fois à quel point ce parc va être dangereux pour mon sens de l'équilibre bien malmené par la jambe en moins. C'est quoi ce bordel là ? Je tiens à peine sur mes jambes, ça remue trop nom d'un chien ! Je veux la sécurité de la terre ferme et à jamais emprunter ce toboggan qui me semble d'un coup bien plus sécuritaire...
Heureusement pour moi, c'est par là qu'ils se dirigent. Et je sens que le trajet va être long, très, très long...
***
Il n'y a rien de plus jouissif que de voir son partenaire pourtant si classe d'habitude se ridiculiser par tous les moyens possibles sur un simple parc gonflable. À part suivre partout son père qui redevient un gamin lâché dans un parc d'attractions.
Je l'avoue sans honte, Thibault et moi avons sans doute plus ri du séducteur en train de s'étaler dans tous les sens que de nos propres déboires sur ces exceptionnellement glissantes structures gonflables, et si j'avais un appareil photo waterproof j'aurais gardé quelques souvenirs de ses plus belles glissades. Seulement dommage, je dois garder ces souvenirs en tête uniquement. Mais à mon avis, le voir émerger en crachant de l'eau, les cheveux collés à ses épaules car son élastique a cassé, avec un gilet de sauvetage qui cache, sans doute à son plus grand désarroi, la grande majorité de ses muscles de telle sorte qu'il paraît coincé dans un morceau de scaphandre, ça, je crois que je vais le garder en mémoire très, très longtemps. Je ferai peut-être même un dessin de cette scène magnifique.
Il secoue la tête, et sa touffe blonde trempée nous balance des gouttelettes partout. Il a de la chance qu'on l'attende gentiment, avec Thibs, parce que sinon c'aurait été une excuse pour le larguer tout seul dans les attractions ! J'veux faire la catapulte, moi. Enfin, pour être honnête, c'est Sharon qui tenait à ce qu'on ne se sépare pas. Cette dernière, la seule compatissante de notre petit trio, se rapproche d'Emerens trempé et déconfit avec un sourire compatissant.
« Viens par là, tu veux ? Je vais te recoiffer.
— J'accepte avec plaisir, chat-chat, râle notre fort grognon chéri. Toi au moins, tu as la décence de ne pas me rire dessus. »
Sauf que son air outré est si drôle que même Sharon, parangon de vertu, ne peut retenir un petit rire. Ce qui évidemment le fait bouder encore plus. Il la laisse néanmoins rassembler ses cheveux dans un chignon mouillé sans doute bien plus stable que sa queue de cheval d'avant, qui empêche au moins ses mèches rebelles de se barrer. Il est mignon quand il boude, n'empêche. On dirait un grand enfant.
Des murmures m'arrivent aux oreilles juste derrière moi. C'est un groupe d'adolescentes, qui se donnent des coups de coude en pointant du doigt notre quatuor très particulier. Aïe, aïe, aïe... on va devoir écourter la séance repos. Et vu la grimace de Thibs, il a bien entendu la même chose que moi.
« Chou, lance-t-il d'ailleurs au principal intéressé, sans doute sur le point de se faire reconnaître, on ferait mieux de bouger. Go toboggan ?
— J'approuve ce plan ! Allez, vous autres, go toboggan ! J'ai des plongeons à travailler, moi ! »
Et je prends par la main Emerens enfin tiré des pattes de Sharon, avant de le traîner sur le chemin le plus sécuritaire et le moins mouillé vers le toboggan que je puisse voir. Sur le trajet, je lui désigne d'un simple mouvement de la tête le groupe d'adolescentes. Il grimace.
« Merci chérie... C'est pas passé loin.
— Un risque à courir je suppose. Si ces dames en veulent à ton cul, dois-je les prévenir qu'il est réservé au moins pour le reste de la semaine ?
— Avancez au lieu de bavasser, intervient Thibault. Sharon est coincée. »
Très bonne remarque, surtout que s'éloigner ne fera de mal à personne. J'obtempère donc sans tarder et nous nous dirigeons, ensemble, vers le toboggan.
La tourelle n'est accessible qu'en nageant, au grand désarroi d'Emerens qui ne cesse de râler en agitant les bras. Lui alors. Une chance pour sa pomme que je prenne plutôt le temps d'aider Sharon, qui avance tout doucement dans l'eau en évitant les attractions du type chute et corde de Tarzan, parfois en faisant de très larges détours. Mais nous atteignons finalement la tourelle et grimpons sur cet escalier béni qui va me mener à ma dose quotidienne d'adrénaline. Et c'est là que les ennuis commencent.
« Louna, mate ! S'exclame Thibault. C'est aussi la tourelle des sauts ! On y va après, dis ? »
J'adorerais lui répondre que je ne suis jamais contre un saut familial, mais visiblement Emerens et Sharon ne sont pas spécialement convaincus vu les murmures pleins de peur derrière moi. Je soupire.
« ça va, c'est que huit mètres. Je vais pas mourir de huit mètres ! Et je ne force personne à y aller. De toute façon, après les sauts, on retrouve papa et on fait la catapulte. »
Ah parce que j'en ai hâte, de cette catapulte. On en a vu un échantillon tout à l'heure en flottant tranquillement sur l'eau du lac, c'était... Extrêmement tentant. Et Thibault partage la même envie que moi vu son regard. Par contre, il n'a visiblement pas les mêmes scrupules, vu le coup de coude qu'il vient de flanquer à Emerens.
« Moi je sais ce qu'il a. Il a la trouille ! On a le vertige, chou ? Tu sais que c'est vachement ironique, hein ? »
J'me demande ce qui a motivé cette phrase. Mais il a commis une grave, très grave erreur. Parce que s'il y a bien un truc qu'Emerens Van Heel déteste au plus haut point, c'est passer pour un froussard devant les personnes qu'il souhaite impressionner. À savoir, pour le moment, nous. Et je crois qu'avec sa petite pique, Thibault vient de taper en plein dans le mille.
« Moi ? Peur ?!? S'exclame Emerens, dont la colère rejaillit avec l'accent néerlandais. Chiche je fais le saut de huit mètres, et après tu cesseras peut-être enfin de m'emmerder ! »
Et voilà, qu'est-ce que je disais. Monsieur ne recule jamais devant un défi, Monsieur ne fait pas grand-cas du fait qu'il a une jambe artificielle et que ce n'est pas forcément recommandé de sauter de cette hauteur, et Monsieur ne s'est pas rendu compte qu'il a parlé très, très fort et que s'il y a un seul de ses fans dans le coin, il y a tout à parier qu'il ait reconnu l'accent. Dix sur dix, Van Heel. Et Sharon a l'air d'avoir exactement les mêmes pensées en tête vu qu'elle lui prend le bras.
« Du calme ! On va déjà faire le toboggan, on verra après pour les sauts. Pas obligatoires. Je te rappelle.
— Nan mais une fois que je l'ai dit, je me débine pas, grommelle Emerens en avançant dans l'escalier. Alors il est où, ce tremplin de merde ?!? »
Je soupire. Dans ces conditions, impossible de le raisonner. Autant essayer de le calmer avec un bon coup de flippe au toboggan. Car au cas où Monsieur n'aurait pas remarqué, il est doté d'un tremplin. Qui veut se faire un salto avant ?
Je suis la première à me lancer. Pieds devant, car c'est mon premier essai et que je ne sais pas du tout l'effet que ça va me faire. Ça ne m'empêche pas, évidemment, d'atterrir en plein sur ma cheville dans l'eau ; mais c'est le jeu, ma pauvre Louna. Thibault, bien plus téméraire que moi, y va ventre-à-terre. Son plongeon est d'ailleurs, lui aussi, bien plus réussi que le mien. Quel style dans cet atterrissage. Puis, c'est le tour de nos deux flippettes préférées. Affectueusement parlant.
Sharon y va comme moi, pieds devant. Ayant sans doute tiré des leçons de mon échec, elle atterrit en bombe, nous arrosant tous les deux. Bien, bien, je considère ça justement placé. Elle le mérite. Puis, vient le tour d'Emerens.
J'attends une seconde. Puis deux. Puis trois. Et le boulet de canon à prothèse jaillit du tremplin, poings tendus devant lui tel Superman, et se prend... Un plat des Enfers qui manque de le faire ricocher. Le tout avec un hurlement plein de montée d'adrénaline. Au moins il s'est éclaté... Dans tous les sens du terme. Mais je dois dire que j'ai eu un sacré coup de flippe à l'instant avec cet idiot.
Ricochet man nous rejoint à coups de brasse. Il a un grand sourire aux lèvres. Tant pis pour l'espérance du coup de flippe... Thibault lui ébouriffe les cheveux en riant, du moins essaie vu que son chignon tient toujours solidement, avant de lancer au groupe :
« Allez ! Qui c'est qui saute ! »
Bah, moi, évidemment. Sharon passe son tour, et décide de simplement nous regarder. Bien vu de sa part. Sauf qu'Emerens n'a évidemment pas la même jugeote, vu qu'il nous suit sur l'escalier de la tour ! Mais quel crétin, lui, alors...
Et ce n'est pas faute de passer le temps de la montée à essayer de le dissuader ! A grands coups de « on en force personne » par-ci, « c'est dangereux surtout pour toi » par là... mais rien à faire, Monsieur est plus têtu qu'une mule. Mettez vous en QPR qu'ils disaient, ce sera fun qu'ils disaient ! Tant et si bien que quand je suis sur le ponton, je n'ai pas réussi à le faire changer d'avis d'un pouce... Et bien sûr, Thibault ce troll ne m'aide absolument pas ! Connard va.
« Bon, je grogne. Puisque visiblement CERTAINS ne veulent pas changer d'avis, je vais au moins y aller en premier pour montrer comment faire. Thibault, tu ne le POUSSES PAS du rebord, compris ?
— Roh ça va, grogne Thibault, je suis pas un meurtrier non plus. Par contre je veux le voir sauter hein. Besoin de rigoler derrière la mort de mes tympans. »
Et on se demande ce qui empêche Emerens de se débiner, malgré la pâleur soudaine de ses joues maintenant qu'on est à huit mètres de hauteur... Je me rapproche du bord sans rien d'autre qu'un soupir et jette un œil en bas. Ouh là, effectivement, on est haut. Huit mètres, c'est pas rien comme saut, et en plus la seule sécurité c'est celle de l'eau, ça me rappelle le canyoning... Allez, Louna, on ne réfléchit pas, on ne réfléchit pas, on SAUTE-
Je crève la surface de l'eau après quelques fractions de secondes d'un cri peu plaisant aux oreilles. Oui bah respectez mon masochisme et ma montée d'adrénaline, hein, je sais, j'aime me faire peur. Sharon, qui a rejoint le bon côté, me fait signe de la rejoindre et quelques brasses plus tard, je suis appuyée contre une bouée cylindre en pleine chute de tension. Wouh, je tremble encore. Je crois que mon instinct de survie s'est affolé. On recommence ?
« Emerens saute avant ou après Thibault ? Me demande Sharon une fois que je me suis installée à côté d'elle.
— Sûrement avant, je soupire. Thibs a dit qu'il voulait le voir sauter. Gare à tes oreilles, par contre. Notre compagnon prend encore moins bien que moi les montées d'adrénaline...
— Je le comprends tout à fait, répond doucement Sharon. Jamais je vais là-haut, moi. Je ne sais pas su c'est du courage ou de l'inconscience qu'il nous fait, là.
— Vu comment il a réagi à une simple provoc de Thibs ? Inconscience. »
Nous parlons comme ça un petit temps. Surtout parce que son saut se fait attendre. Et puis, un cri digne de la Castafiore et un énorme plouf me distraient de ma charmante conversation, et je me retourne juste à temps pour voir un Emerens pâle comme la mort émerger de l'eau sous les rires sonores de Thibault, cet espèce de troll. Il nage vers nous à toute vitesse et évidemment, nous ne mettons pas longtemps à nous confondre avec les bouées. Petite frayeur, mon chéri ?
« Tout va bien ? » Demande Sharon plus préoccupée que moi.
L'idiot du ménage se met à trembler encore plus.
« Plus... plus jamais ça, compris ? Plus jamais. J'ai vu toute ma vie défiler devant mes yeux, bon sang ! La chute était tellement longue et tellement haute... Plus jamais je fais sauter mes persos d'un toit, bordel de merde !
— On va pas te forcer à aller tout là-haut, je soupire en l'enlaçant. Mais voilà qui devrait t'apprendre à ne plus écouter Thibault. Je crois que ta voix a grimpé de deux ou trois octaves rien qu'avec ce cri. »
Il grommelle, mais se laisse câliner en douceur. Nous sommes d'ailleurs bientôt rejoints par un Thibault hilare, et mes parents qui vont vu absolument toute la scène. Je crois que papa, chir ortho, l'engueulerait volontiers, tout comme je meurs d'envie de remonter les bretelles à Thibault, mais ce dernier nous distrait de nos colères respectives par un large sourire et une petite phrase.
« Eh eh eh ! Ils ont dit que la catapulte était rouverte ! Venez, on y va ! »
Et j'oublie immédiatement mes tracas. L'attrait de l'adrénaline est plus fort que tout.
« Sans moi, grommelle Emerens, toujours dans les bras de Sharon. Je retourne pas dans cette tourelle de malheur. »
Thibault éclate de rire avant de rejoindre le câlin.
« Roh allez, reconnais que c'était drôle au moins ! »
Mais même ses bisous ne parviennent pas à le dérider. Emerens le fixe non sans une certaine froideur.
« Non. »
Eh bé écoute, sans vouloir lui rappeler ce détail, il l'a cherché. Mais j'ai pas envie de ramener le sujet à ça. Go catapulte. Je dois me faire monter ma dose de mort quotidienne.
Nous y sommes installés, casque sur la tête parce que c'est plus prudent, à trois contre le rebord. Thibault, le casse-cou de service, est tranquillement installé dans le coussin spécial catapultage, dans lequel nous sommes censés sauter, et tout le reste de la famille nous fixe, moi, papa et Alexis, parés à le faire voler comme jamais il n'a volé.
J'échange un regard avec mes deux complices, puis Thibault, qui a pas l'air tendu du tout le bougre... tant pis pour lui, je compte bien sauter le plus fort possible. C'est son tour de voler et de crier comme un malade. En bas, Emerens attend sa petite vengeance. Et beaucoup de gens le spectacle, visiblement. Il y a foule dans l'eau.
Le compte à rebours se déclenche. Je me sens prête à sauter. Le vent souffle. Et puis j'entends un zéro, je bondis et un hurlement me fait écho alors que Thibault vole dans les airs.
Pas de chance pour moi, c'est un éclat de rire. Mais je suis quand même heureuse. Profiter d'une sortie dans un endroit aussi plein de possibilités avec ma famille et une partie de mes personnes préférées, ça reste inoubliable, même si je n'entends pas la terreur que je voulais. Je crois que c'est le genre de moment où je me rends compte que je suis en fait, très satisfaite de ma vie.
____
Deuxième petite nouvelle de mes vacances version Ultimes !
Dont je profite un peu par procuration vu que sans mes personnages, je n'ai pas pu sauter à la catapulte. on était pas assez et Thibs m'a tout juste permis de le vivre en écrivant la chose... QwQ
J'espère quand même que ça vous a plu !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro