Chapitre I (2) : It's broken, I don't wanna play
J'ai flippé avant d'aller au lit. Aucune envie de revivre le rêve de la veille. Je ne me souviens pas aussi vivement de mes rêves, d'habitude, et ça me stresse. J'ai évité Sora toute la soirée, et même toute la journée, de peur qu'iel me pose des questions intrusives auxquelles je ne saurais pas répondre. Je me ridiculise déjà assez, merci bien. Heureusement, pas de rêve cette nuit. J'ai bien dormi.
Enfin. Je dormais bien jusqu'à ce que quelqu'un se mette à frapper à notre porte de manière plus insistante qu'un foutu témoin de Jéhovah.
Je pousse un grognement venu du fond de ma gorge, et saisit rageusement mon téléphone. Cinq heures du matin ?! Oh putain, qui que ce soit, iel va m'entendre. On n'a pas idée d'être réveillé.e aussi tôt, et surtout de réveiller les autres par la même occasion !
Me voilà levé.e, et je suis lae seul.e puisque je peux entendre Sora ronfler doucement depuis le couloir. Y en a que le bruit ne dérange visiblement pas... ah. Ah bah oui. Fais fonctionner tes trois neurones réveillées, Mika.
Je marche donc vers la porte en mettant le plus d'agressivité possible dans mes pas, et l'ouvre en coup de vent... sur Kiseki, les yeux écarquillés de surprise et le poing suspendu dans l'air.
- S-Salut Mika... T'as l'air énervé.e, ça va ?
Je. Elle me pose sérieusement la question ? Calme, Mika. Calme. Si ça se trouve c'est une urgence. Tu pourras lui renvoyer la porte dans la gueule après si besoin.
- Il est cinq heures du mat, je grogne. Qu'est-ce que tu veux ?
- Euh, bah... J'emmène des volontaires faire un jogging dans la forêt, j'en ai parlé au dîner hier soir... t'as pas entendu ?
Bah non ? Tu parles sans arrêt, si je devais prêter attention à tout ce que tu disais, j'aurais pas assez de mon pauvre cerveau pour comprendre. Mais plus important, elle vient sérieusement de me réveiller à cinq heures pour m'emmener courir dans une forêt enneigée ?!
- Non mais tu crois quoi ?! je m'écrie, envoyant au diable le peu de calme qu'il me restait. J'ai le bras cassé, Ayase !! Je peux pas aller courir ! Et puis même, j'ai une gueule de sportif ?! Réfléchis, un peu !
Kiseki se recroqueville un peu. Bah vas-y, fais-moi tes yeux de chien battu, tiens.
- Pardon... mais du coup, peut-être que Sora-
- Iel dort encore, comme tout être humain normalement constitué. Tu le saurais si t'utilisais un peu ton cerveau. Bon jogging.
Ma voix claque aussi sèchement que la porte, une seconde après, sans laisser à la biathlète le temps de répondre, et je retourne m'enterrer sous ma couette. J'ai beau avoir déchaîné mon sel sur Kiseki, je ne me sens pas mieux du tout. Ce qui m'énerve encore plus.
Le petit déjeuner a vraiment intérêt à être bon, pour compenser ce réveil de merde.
***
Je suis de nouveau réveillé.e à dix heures par une douleur dans mon bras et un marteau figuratif qui semble cogner sur mon front. Et allez, c'est reparti pour une tournée de doliprane. Je m'habille en pestant contre la conduite d'avion merdique de Monokuma qui m'a valu ce handicap temporaire, puis me traîne dehors sans même vérifier si Sora est réveillé. Je le saurai vite, de toute façon.
La porte du réfectoire s'ouvre sur une certaine biathlète aux cheveux bleus, mais à peine m'a-t-elle aperçu qu'elle baisse la tête et accélère le pas pour sortir de la tour. N'importe quoi. Ma vieille, quand tu réveilles les gens en plein milieu de la nuit, il faut pas que t'étonner que ça te retombe dessus, hein.
Le réfectoire est bien moins rempli qu'hier. Sora m'accueille avec un grand sourire, et me tend directement une assiette agrémentée d'un sandwich au beurre de cacahuète et de quelques lamelles de pomme. Le seul point positif de cette matinée, jusqu'ici. Je m'assois à une table à l'écart, et essaie de me constituer un plan mental des différents groupes qui se sont formés ces derniers jours. J'ai rien de mieux à faire, et puis, c'est toujours marrant de voir certaines personnes aller aussi bien ensemble qu'un haut-de-forme avec un sweatshirt.
Tout d'abord, les insomniaques de service, j'ai nommé Shun, Hibari, Noelle, et Sora. Shun ne parle à personne, sauf pour râler, mais les trois autres semblent discuter plutôt tranquillement. Même si j'ai du mal à comprendre comment Hibari arrive à supporter les deux autres combinées. Les goûts et les couleurs, dirons-nous...
Ensuite, the "today I'm running around New York with a pack of wild lesbians" squad. Aka Lan Yue, Michiru, Hibiki, Altaïr, et Judicaël. Ils parlent fort, communiquent exclusivement avec des memes, et ne peuvent pas dire trois phrases sans placer le mot "gay". C'est aussi les plus joyeux du tas, pour l'instant. Et les plus bruyants. Sora pourrait aussi bien s'intégrer avec eux, maintenant que j'y pense.
Et enfin, certains duos. Hibari et Theodosia, les parents. Tritri et Hibiki, l'anxieuse et son chevalier. Ema et Mao, les jumeaux. Benedikt et la solitude. C'est vrai quoi, ils vont bien ensemble.
Après y a le groupe du jogging rassemblé par Kiseki, mais j'ignore qui est dedans et à quel point ils sont nombreux. Je les surnommerai "les maso" dans tous les cas.
- Est-ce que tout le monde est là ou pas ?
La voix de Michiru retentit dans le réfectoire, alors qu'elle se met debout sur une table, sous le regard effaré de Theodosia.
- Non ? Tant pis, je commence ! Les autres rattraperont en route ! Sora, tu vois bien mes lèvres ? Nickel ! Alors...
Elle s'éclaircit la gorge, et se redresse en posant ses mains sur ses hanches.
- Il me semble que personne a eu l'idée d'explorer le rez-de-chaussée depuis qu'on est arrivé.e.s, nan ? C'est pas un reproche, notez, on a eu d'autres trucs à penser un peu. Sauf que là, j'en ai marre de rester assise dans mon chalet à rien foutre, et je pense que je suis pas la seule ! Je propose qu'on explore tous ensemble, du coup. Avec l'accord de maman Theodosia bien sûr.
- Je te donnerai tous les accords que tu voudras dès que tu seras descendue de cette table, Michiru ! s'écrie la concernée, prête à se lever pour réceptionner une chute éventuelle.
La toxicologue lui répond par un éclat de rire et descend prudemment de la table, même si on sent bien que c'est uniquement pour la rassurer. On ne dirait pas qu'elle va bientôt devenir mère, avec une attitude pareille.
- Bien, soupire Theodosia en posant de nouveau ses fesses sur le banc. Ça me convient... à condition que ça se fasse en groupe d'au moins trois personnes. Je ne veux pas passer la journée à m'inquiéter pour les cavaliers seuls.
Et voilà, c'est reparti. Je serais bien plus rapide tout.e seul.e, mais non, il faut toujours que l'on me colle des boulets au cul. J'espère qu'au moins ce sera Sora, parce que je vais difficilement supporter, sinon. Ça fait chier. Ça et Michiru qui se fait la porte parole de tout un groupe, alors que moi ça me va très bien de rester au chalet et de rien foutre. J'ai jamais eu autant envie de rentrer chez moi. Enfin. Pour ça, il faudrait que j'ai une image claire en tête quand je pense à mon "chez moi".
Disons plutôt que j'ai jamais eu autant envie de me barrer d'ici.
Du coin de l'œil, je vois les derniers retardataires entrer, Theodosia leur donner une brève explication, et fatalement, les groupes se former. Et curieusement, ils ne correspondent pas tant avec ceux que j'ai établi plus tôt.
Altaïr a décidé de rejoindre Theodosia et Hibari. Ceux-ci ont aussi embarqué Ema, de sorte à pouvoir la surveiller, j'imagine. Mao, d'habitude collé à sa jumelle, a rejoint Tritri, Eiji et Noelle, les moins causeuses. Tu m'étonnes qu'il ait envie de silence vu la sœur qu'il se trimballe. Hibiki, plus maman poule qu'elle n'en a l'air, demande plusieurs fois si tout va bien se passer à une Tritri qui ne lui répond que par de faibles hochements de tête. Lan Yue doit venir la chercher pour qu'elle lâche enfin l'affaire.
Je plonge ma tête dans le creux de mon bras valide, en faisant semblant de dormir sur la table. On me laissera sûrement tranquille comme ça, au moins. Et c'est pas comme si quelqu'un avait envie de se mettre avec moi, après tout. Il faudrait vraiment aimer les nains qui tirent la gueule en permanence, et ce n'est le cas de personne ici, que je sache.
- Eh, loulou. Je sais que tu dors pas.
Dans un sursaut, je me redresse pour découvrir que Michiru s'est silencieusement glissée à côté de moi. Bon sang, qu'est-ce qu'elle me veut encore.
- Non, mais j'essaie, alors tu pourrais peut-être me foutre la paix, je marmonne.
- Tu peux m'écouter deux minutes avant, non ? Je pense que tu devrais te choisir un groupe. Même si t'aimes personne, que personne t'aime, ou autre prétexte que ton petit cerveau arrive à trouver. Y a des gens ici qui s'inquiètent pour toi, t'sais ?
C'est la meilleure, ça, tiens. À part Theodosia, qui serait assez con pour se soucier d'un gosse qui ne fait aucun effort pour s'intégrer depuis le début ?
- Genre... Sora me disait encore ce matin que tu souris jamais et que t'as tout le temps l'air en colère. T'aurais vu sa petite bouille toute triste, je pense pas que tu réagirais comme ça. Oh, et pis Hibari aussi. Il a peur que tu t'isoles et que tu finisses par spiraler, ou pire.
Mon cœur s'accélère un peu. Sora s'inquiète pour moi ? Et Hibari aussi ? Seigneur, vu le sourire de Michiru, elle a vu que je rougissais. Foutu cœur, tu peux pas arrêter de t'emballer pour un rien ?
- Wow, merci, je reviendrai vers toi la prochaine fois que j'aurai besoin de me faire guilt trip, je grogne en lui tournant à moitié le dos.
- Aw, le prends pas comme ça, Mimi. Je te dis ça parce que je m'inquiète aussi ! T'es si petit.e et squishy, je vois pas comment les gens pourraient ne pas t'aimer.
C'est marrant, parce que moi, je vois très bien. Je me lève et m'éloigne alors qu'elle continue de me parler depuis son banc, faisant mine de ne pas l'entendre. Je me réfugie dans la cuisine, la tête prête à exploser. Quelle journée de merde.
Sora surgit soudain devant moi, une pile d'assiettes à la main, et nos deux cris forment un bref concert avant qu'il ne réalise que je ne suis pas un cambrioleur. Le choc passé, il éclate d'un rire nerveux et pose la vaisselle sur la première surface venue.
- Désolé.e Mika, je voulais pas te faire peur... ça va ? T'as pas l'air bien depuis ce matin.
Je hausse une épaule. Flemme de lui expliquer que je me sens comme une énorme merde. J'ai aucune raison de me sentir comme ça, en plus.
À part le fait que je suis dans une foutue tuerie.
Je sens des bras m'entourer brièvement, et malgré le frisson qui me traverse, je ne les repousse pas. Sora capte vite mon malaise, et s'écarte.
- Si t'as envie d'en parler, je serais là, souffle-t-il en se penchant un peu vers moi.
Ouais. C'est bien joli dit comme ça, mais dans le fond, il n'a pas envie d'entendre ce que j'ai à dire, je le sais bien. Et puis j'ai rien à dire, en fait.
- Eh oh. Mika.
C'est vrai, quoi. Je peux pas lae plomber en lui disant que j'ai une trouille bleue de mourir ici et que l'on m'oublie, et qu'en même temps je me demande si ça serait pas... mieux.
- Miiiiikaaaa.
Quelles conneries. Ça changerait rien, de toute façon, c'est juste la fatigue qui me fait avoir ce genre de pensées. On me reproche d'être négatif.ve, mais j'aimerais bien penser autrement, moi aussi, hein.
- MIKA !
Je- Je viens de perdre le tiers de mon audition à chaque oreille. Sora me fixe, les sourcils froncés.
- T'es pas en train de te perdre dans tes mauvaises pensées, si ? Réveille-toi ! C'est moi qui suit censé.e être lae sourd.e ici.
Iel rigole à sa propre blague. C'est peut-être extrêmement cringe, mais au moins, ça a le mérite de m'avoir distrait.e.
- Bon, j'ai mon groupe qui attend... Vas-y, toi aussi ! T'auras pas droit à ton déjeuner sinon.
Iel me tire la langue sans pouvoir dissimuler son rire sous-jacent, et sort à toute vitesse en jetant son tablier par terre au passage. Shun aurait hurlé.
Je reste quelques secondes debout au milieu de la cuisine. Puis je m'approche de l'évier, actionne le robinet et m'asperge le visage d'eau. Elle est glacée. Ça me mord la peau, mais ça fait du bien. Je souffle un bon coup, et expire en même temps que j'arrête l'arrivée d'eau. Allez. Bouge-toi. Au moins pour aujourd'hui, et cette nuit tu pourras être aussi négatif.ve que tu le souhaites. Deal ? Deal.
Le réfectoire s'est presque entièrement vidé lorsque je reviens, à l'exception de Hibiki et Lan Yue. Ce dernier me fait signe d'approcher, un grand sourire plaqué sur le visage. J'obéis à contrecœur.
- Hey, Mika ! Sora nous a demandé si on pouvait te prendre dans notre groupe. Ça nous dérange pas, perso, mais faut que tu sois d'accord !
Hibiki approuve d'un hochement de tête, même si elle me regarde tout de même avec un petit air circonspect qui me plaît moyen. Bon. J'ai dit que je ferais des efforts, et je peux pas ruiner ceux de Sora.
- Ouais. Pourquoi pas.
Quoi ? J'ai pas dit que je me montrerais enthousiaste. Lan Yue a l'air content.e, au moins.
- Cool ! Comme ça, on sera quatre !
Oula. Je sens le coup fourré.
- Comment ça, quatre ?
Un signe de tête agacé d'Hibiki amène mon regard vers l'entrée du réfectoire. Il y a quelqu'un appuyé contre le chambranle de la porte, en train de tapoter impatiemment son index contre son bras.
Benedikt.
Je dois tirer une sacrée tête parce qu'Hibiki me renvoie un sourire ironique.
- La même.
- Alleeez les enfants, un peu de courage, rigole Lan Yue en nous entraînant dans la direction du tailleur de pierre.
....
La prochaine fois que j'essaie de prendre de bonnes résolutions, que quelqu'un m'assomme.
______
Oulalaaa le sel est présent-
Et vu les bonnes têtes de vainqueur que Mika se tape en exploration, c'est pas fini-
Dans le prochain épisode, la Camargue-
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