Chapitre I (19) : I bet you would have done the same
La suite des événements se passe dans un tourbillon flou et étouffé de bruits et de couleurs.
Le siège, les instruments, les murs en plexiglas, tout a disparu sans que j'en ai le moindre souvenir.
Il ne reste que le corps inerte d'Hibiki au milieu du cercle.
Alors que certains escaladent leurs pupitres pour se rendre au centre, je reste figé. Mes pieds se sont ancrés dans le sol, et pourtant j'ai l'impression que je vais tomber.
La voix de Monokuma résonne à mes oreilles. Elle me paraît lointaine, déformée. Cauchemardesque.
– Le processus de transformation du sang n'était pas si long. Elle en aurait eu une quantité raisonnable pour une seule poussée si elle avait un peu attendu au lieu de tabasser le bouton. Enfin. Quand on ne sait pas se servir de son cerveau, c'est comme ça qu'on finit.
Elle dit qu'Hibiki aurait pu survivre. Mais ça n'importe plus, parce qu'elle est morte. Elle est morte.
Monokuma se lève péniblement, et Monoaku fait de même, en s'étirant de tout son long. L'œil rouge et cerné de noir de notre tortionnaire glisse sur Shun.
– Furusawa. Je veux que ce bordel soit nettoyé et ce truc rangé dans son tiroir à la morgue avant ce soir. Bonne chance.
Elle ne lui laisse pas le temps de protester, mais ce n'est pas comme s'il en avait la capacité. Son visage est livide, et il fixe le cadavre avec une terreur indicible. J'entends Altaïr lui dire quelque chose, et il semble se calmer légèrement. Cool. Il va devoir se taper tout le sale boulot, mais cool.
J'ai plus de force. Je peux même plus bouger. Je sens à peine la main sur mon épaule et la voix qui me dit doucement qu'il faut y aller me paraît inaudible.
Y aller ?
Et… Et laisser ça là ?
J'ai pas le temps d'y penser. Deux secondes après je suis dehors et quelqu'un me tient par les épaules, me pousse jusqu'à mon chalet. On m'assoit à la table, une assiette devant moi, je mange sans même savoir ce que c'est. Ça n'a pas de goût, ou bien je ne m'en souviens pas. Par contre je me souviens de la couleur du ciel par la fenêtre, gris et uniforme. Gris comme la fatigue qui me tombe dessus d'un coup.
Puis mon lit. Quelqu'un qui me caresse la tête en me murmurant quelque chose. J'ai moins froid. J'ai sommeil.
Dans la semi-obscurité de la chambre, je distingue deux formes penchées sur moi. Deux yeux bleus inquiets entourés de maquillage et des mèches mauves couplées avec un sourire rassurant.
C'est ma dernière vision avant de fermer complètement les yeux.
Je suis fatigué.e.
Seul.e.
Cette fois, tu es seul.e.
Ou peut-être que tu ne l'es pas.
Qu’est-ce qui importe ?
C'est que tu étouffes.
Tu ne peux plus respirer. C'est parfait, que tu ne puisses plus respirer. Tu gaspilles l'air avec tes poumons, alors bloque-les. Laisse-les se racornir, s'aplatir pour laisser toute la place au liquide noir et épais de ta propre saleté. Cache-toi, replie-toi, deviens la plus minuscule des ombres, jusqu'à disparaître. Tu te dégoûtes. Tu dégoûtes tout le monde. Regarde-toi. Regarde à quel point tu es seul.e, ça veut bien dire que personne ne voudra jamais de toi. Et même si c'était le cas, tout ce que tu touches est instantanément anéanti.
Misérable Midas aux doigts maudits et souillés, tu ne mérites pas d'exister.
Tout se tord en toi, tout se ride, tu te noies, coules jusqu'au plus profond de l'océan et l'océan t'écrase. Il t'écrase jusqu'à ce que ta poitrine ne soit plus qu'un cratère hurlant et rempli de démons en furie qui ne demandent qu'à te dévorer et t'entraîner dans leur éternel supplice.
Et tu les laisses faire.
Tu les laisses faire comme tu as laissé faire tout le reste jusqu'à ce que tu ne puisses plus rien changer, plus rien réparer, tu as tout ouvert et tu n'as rien refermé.
Misérable Pandore aux mains ensanglantées, qui a libéré tous les péchés, qui t'a permis d'être ainsi endeuillée ?
Tu appelles à l'aide avec le pauvre fil de tes cordes vocales mais tout ce qui sort est un long cri de souffrance que personne n'écoute, et qui soudain se répercute en écho. Dans une même prison de solitude, elle aussi crie, ses larmes courent sur ses joues encadrées par des cheveux gris. Elle est jeune mais s'est effondrée sous un poids bien plus grand que celui des années. Vous êtes côte à côte mais elle est seule et toi aussi. Elle a vécu ce supplice des centaines, des milliers de fois de plus que toi et pourtant il semble ne jamais s’achever.
Regarde.
Regarde ce que tu deviens, contemple ce que sera le début de ta fin.
Misérables Sisyphes aux membres écartelés, pleurant vos cœurs écrasés par votre propre rocher.
Seul.e.s dans ce vide écrasant, tout est froid sauf le sang sur ses doigts. Justice, gentillesse, pardon, rien de cela n'est ici pris comme loi. La justice est le talion, la sentence n'est que vengeance. Un squelette pourri jusqu'à l'os tente de maintenir les apparences en frappant un marteau en toc depuis un piédestal en carton, mais même alors que tout est détruit vos yeux voient clair. Il ne faut pas prier, pas pleurer, pas crier, seulement mourir sagement et en silence au nom de la morale.
Misérables Thémis aux yeux bandés, on vous les a crevés pour mieux vous contrôler.
Tue si tu ne peux plus vivre sans détruire, meurs lorsqu'Il sera fatigué de jouer. Pour vous pas de fin heureuse, que des compromis où vous finirez lésés, c'est le monde dans lequel on vous a jetés. Vous avez réussi à y survivre, mais d'autres y ont disparu, ils seront oubliés parce que vous avez pointé dans leurs directions votre doigt tendu. À quoi bon vivre pour le meilleur si vous n'apportez que le pire ? Le Cyclope vous répond sans un rire, il ne vous reste plus qu'à tout détruire.
Misérables Ulysses, brisés par trop de naufrages, c'est dans le sang et la mort que s'achève votre voyage.
D'un coup je suis en position assise dans mon lit, le souffle court et les yeux grand ouverts. J'ai l'impression d'avoir une enclume sur la poitrine, mais dans la chambre, rien d'inhabituel. Malgré la température ambiante agréable, je frissonne. J'ai froid en dedans.
Mon téléphone indique 7h02.
Attends. Sept heures du matin ?! Mais le procès s'est terminé vers midi hier, ça veut dire que j'ai dormi dix-neuf-
Le procès.
Tout me revient dans un horrible flash, la mort de Benedikt, les discussions interminables, la photo, le visage dévasté d'Hibiki et ses yeux noirs gorgés de larmes au milieu, ces mêmes yeux qui quelques minutes plus tard ne sont guère plus que des vitres noircies, et le sang, et…
Il faut que je me bouge. Je vais péter un plomb si je reste là. Je bondis presque de mon lit et vais ouvrir les volets en grand. Il fait à peine jour dehors, la lumière sombre inonde la pièce en même temps que le froid matinal. Il fait sec, et pas un pet de vent à l'horizon. Je referme la fenêtre, il fait trop chaud dans ma chambre mais j'ai aucune idée de l'épaisseur de la cloison et je voudrais pas que Sora ait froid. Je distingue vaguement une bosse sous sa couette, donc iel doit encore dormir. Tant mieux. Faut récupérer après un truc comme ça, tu m'étonnes que j'aie comaté.
Mon petit-dej se compose d'un müesli sec que Sora a ramené des cuisines et d'un chocolat chaud. Comme celui que j'ai fait à Kiseki la veille. Ça me fout la nausée d'un coup. Ça me paraît tellement déplacé, ces petites actions insignifiantes alors que deux personnes sont mortes. Bouffer des céréales prend des allures de profanation, et le reste de mon bol finit rapidement à la poubelle. J'ai pas le cœur à bouffer, alors je préfère sortir.
Le froid me prend aux tripes, mais j'ai aucune envie de retourner dans la chaleur artificielle du chalet, et mes pas me guident jusqu'à la falaise. Le lac gelé s'étend devant moi, et les arbres dressent leur muraille infranchissable derrière. Ils ne laissent même pas entrevoir les rayons du soleil. Une frustration brûlante monte jusque dans mon estomac. C'est comme ça qu'il faut qu'on vive, maintenant ? Dans la peur constante de mourir au moindre mot de travers, tout en étant piégés ici ? Sans avoir le choix de surcroît ?
Et si je devais finir comme… comme cette fille dans mon cauchemar, qu'est-ce qui se passerait alors ? Tout est recouvert d'un brouillard épais qui ne nous laisse aucun indice. Ce n'est pas un jeu d'enquête. Deux personnes sont mortes en l'espace d'une dizaine d'heures, des personnes qui voulaient vivre. Et tout le monde a été impacté, d'une manière ou d'une autre. Lan Yue a perdu celui qu'il aimait – même si, sauf son respect, il y avait peu de chances de réciprocité –, Judicaël un... ami d'enfance, Tritri la seule personne qui la soutenait vraiment.
Et moi, dans tout ça, j'ai perdu la possibilité d'une amitié et gagné la culpabilité d'avoir envoyé une pauvre fille à la mort par mon simple raisonnement. Youpi.
C'est censé se répéter, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus personne. C'est pas juste. C'est pas juste. Je veux pas de ça. Mais j'ai pas mon mot à dire.
Alors puisque je ne peux pas dire, je hurle.
Je hurle à plein poumons, je veux que mon cri atteigne les tréfonds du lac, les cimes des conifères, jusqu'à s'écraser en plein dans le soleil. J'en ai marre, merde, je veux me barrer, mais je veux pas tuer ni mourir, alors comment je fais, putain de bordel de merde ?! Marre, marre, MARRE.
Je veux hurler jusqu'à en péter la glace, jusqu'à ce que la terre tremble, que les arbres tombent et que cette foutue tour de merde s'écroule en emportant avec elle cette salope de camée et son larbin en rouge, je veux que tout disparaisse et qu'il ne reste plus rien que mon hurlement, plus rien que ma rage, plus rien que-
Mais le froid pénètre dans ma gorge et me fait tousser. Il n'y a pas eu un mouvement. Pas un oiseau ne s'est envolé. Le monde est complètement silencieux. Évidemment. Je ne peux rien y changer. C'est ça le message qu'on cherche à me faire passer ? Si oui, ça marche foutrement bien.
– Il est un peu tôt pour prétendre être un coq de basse-cour.
OH PUTAIN DE- je viens de dangereusement frôler la crise cardiaque. Je me retourne pour découvrir Noelle, en manteau et écharpe, qui me fixe de son habituel air neutre. Punaise, mais c'est qu'elle est toujours là quand il faut, notez le sarcasme.
– Vincent. Qu'est-ce que tu fous là ?
– Bonjour à toi aussi. Je viens de finir mon petit-déjeuner, et j'ai entendu hurler en sortant. À sept heures du matin, tu comprendras que cela a de quoi inquiéter. Heureuse de voir que tu ne t'es pas jeté.e du haut de la falaise.
C'est tellement deadpan que j'ai du mal à savoir si elle fait de l'humour, si elle est sérieuse ou si elle se fout carrément de ma gueule. Elle a l'air de me connaître par cœur, et moi j'arrive toujours pas à la cerner. Ce serait un énorme bobard de dire que ça ne me frustre pas. Je dois bien l'admettre, Noelle J. Vincent est une énigme en long, en large et en travers et c'est probablement ce qui m'insupporte. En fait c'est juste un Rubik's Cube que j'ai pas la patience de résoudre.
– Tu avais besoin de te décharger de tes émotions après le procès d'hier, je présume. Il semblerait que tu étais en pleine phase de dissociation, Hagane a dû te traîner hors de la salle. Entre ça et la crise de panique plus tôt, il y a en effet de quoi hurler.
Bordel, Hibari est vraiment un ange. Je me souviens maintenant que c'est lui qui m'a mis.e au lit hier, il faudra que je le remercie. Même si c'est carrément gênant quand j'y repense. J'aurais bien aimé ne pas avoir à me montrer comme ça devant le Croupier, ou n'importe qui d'autre à ce compte-là, mais particulièrement lui.
Par contre, j'ai l'impression bizarre que Noelle a un truc à me dire mais qu'elle tourne autour du pot. Ça lui ressemble pas, donc peut-être que je me fais des films, mais…
– Vincent, si t'as un truc à me dire, crache le morceau.
Elle me fixe en silence quelques instants, sans changer d'expression, avant de tirer légèrement sur sa manche.
– Tu comprends plus vite que prévu. Bien, dans ce cas, je tenais à m'excuser.
… Alors. Pardon ? C'est nouveau ça.
Je vais passer sur le fait qu'elle a clairement insinué que j'étais lent.e à la détente. Pourquoi elle veut s'excuser ?
Je me sens très con là. Je veux qu'elle me foute la paix et je la trouve proprement insupportable, mais en même temps je suis incapable de trouver ce qu'elle aurait bien pu faire qui vaille la peine de me présenter des excuses. Je crois que c'est ça le pire.
– … Euh. Quoi ? Pourquoi ?
– Pour la pression que j'ai placée sur tes épaules. Tu étais déjà secoué.e par la mort de Manninger hier, mais je t'ai chargé de m'aider à enquêter, et de t'occuper des interrogatoires de surcroît. C'était une grande charge mentale et beaucoup de responsabilité que tu n'étais pas prêt.e à endosser. Les probabilités de crise auraient été bien plus basses si tu étais parti.e attendre avec les autres. Ce qui est fait est fait, évidemment, mais j'oublie fréquemment que tout le monde n'a pas ma maturité émotionnelle. C'était inconsidéré de ma part de vous impliquer. Je m'en excuse.
Ah ouaaaais. C'était une sacrée tirade. Je la pensais pas capable d'empathie, mais visiblement ma crise d'hier était assez puissante pour la faire réagir. Et en soi, c'est vrai que je me serais bien passé de cette enquête.
– J'accepte les excuses, et... pardon pour t'avoir poussée dans l'eau. Après, y a pas qu'hier que t'as été inconsidérée, t'sais.
– Non, ce qui s'est passé ces derniers jours était le résultat de vos propres insécurités qui ont rejailli sous forme de colère, rien qui nécessite des excuses de ma part, réplique-t-elle immédiatement.
Évidemment, c'était trop beau. Ça m'énerve quand même pas mal. Ses analyses à deux balles, je suis à peu près sûr.e que je suis pas lae seul.e à pas avoir apprécié, mais c'est quand même moi le problème ? Bah voyons.
– On t'a déjà dit que t'étais bouchée ?
– Oui.
Ah. Bon bah c'était clair au moins. Après c'est pas étonnant, dans le fond, je suis sûrement pas lae premier.e à qui elle sort tout ça.
– Ah ouais ? Qui ?
– Une amie. Une ancienne amie, pour être précise.
Donc elle a perdu des gens à cause de ça ? Que c'est surprenant. Ça a quelque chose d'un peu triste quand même, de perdre des potes parce que tu es un peu trop clairvoyante, mais je suis pas là pour lui organiser une pity party, hein.
– Désolé.e, ça a pas dû être agréable.
– Les amitiés vont et viennent, la vie est ainsi faite. Mieux vaut être seul que mal accompagné.
Je ne peux qu'être d'accord, mais elle est quand même pas inhumaine au point que cette histoire avec sa pote l'ait pas touchée, non ? C'est certes pas mes oignons, mais j'aimerais bien savoir s'il existe en ce bas monde quelque chose qui touche l'ultime Neuroscientifique. Curiosité malsaine peut-être, mais bon.
– Elle s'appelait Matilda Richardson et elle a cessé de me parler lorsque nous avions treize ans. Ta curiosité est-elle satisfaite ?
Et merde. Elle a dû capter un truc dans mon regard, ou ma posture, qui montrait un peu trop mon envie d'en savoir plus. Du coup j'ai plus ou moins des réponses mais j'ai l'impression que son ton est devenu plus sec d'un coup. Faut que je trouve un moyen de changer de sujet, comme… comme quelque chose qui séjourne dans ma poche depuis un bout de temps maintenant.
– Ahem, Vincent ? Fallait que je te rende un truc…
Pendant que je me débats avec mes mots, je plonge ma main dans ma poche pour en sortir sa bague argentée.
– T'as laissé tomber ça quand… à la piscine… enfin bref, je l'ai ramassé et j'avais oublié de te le rendre.
Noelle cligne de l'œil, et ses longs doigts prennent délicatement l'anneau pour le remettre à son index gauche.
– Je pensais l'avoir perdu. Merci, Callaghan. Cet anneau m'est très précieux.
Je ne peux pas m'empêcher d'être intrigué.e davantage. Toute information est bonne pour résoudre ce casse-tête qu'est Noelle.
– On dirait une alliance.
– C'en est une, mais je ne suis ni fiancée ni mariée. C'est un bijou de famille qui se transmet de mère en fille, ou en fils si c'est la seule possibilité. Ma mère me l'a offerte pour mes dix-huit ans, et m'a dit de l'offrir à la personne que j'aime. Ça n'a aucune valeur contractuelle, c'est une simple tradition. Malgré tout, il est rassurant d'avoir quelque chose qui a appartenu à ma mère sur moi. Merci de l'avoir retrouvé.
Wow. Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'elle développe autant. Mais pas de fiancé.e quelconque à l'horizon, hm. Remarque, c'est pas étonnant non plus, et en plus je doute que ça l'intéresse. En parlant d'horizon, la voilà qui le regarde d'un air pensif.
– Le soleil se lève, je devrais retourner à mon travail. Bonne journée, Callaghan. Dis à Seon de ma part que sa confiture maison était délicieuse. Oh, et je n'aurais peut-être pas dû t'analyser à notre première rencontre, mais la prochaine fois dis-le moi calmement au lieu de me pousser à l'eau, ce n'est pas bon pour la santé. Et l'hypertension non plus, d'ailleurs.
La voilà repartie aussi brutalement qu'elle est arrivée, sans me laisser le temps de répondre quoi que ce soit ou même de comprendre si elle faisait de l'humour ou pas. Je dois me calmer sur le sel, j'ai compris.
Je savais même pas que Sora avait fait des confitures, tiens. C'est vrai qu'on a une quantité faramineuse de fruits. Mon estomac gargouille, pour me rappeler que je n'ai quasiment rien mangé ce matin, mais je n'ai pas encore envie de bouger.
Je pensais trouver, peut-être, un peu de réconfort dans le spectacle du soleil levant. Mais le rouge du ciel ne fait que me rappeler celui du sang sur la poitrine de Benedikt, sur le bras d'Hibiki, la trace de ma morsure sur la main d'Eiji, et l'œil glacial de Monokuma.
On pourrait espérer un nouveau départ, des réponses, mais c'est tout l'inverse que renvoie ce soleil sinistre.
De l'incertitude, et un brouillard fait de doutes et de méfiances.
Les autres vont bientôt se réveiller.
Tous les autres, sauf deux.
Et qui restera-t-il pour se souvenir d'eux ?
Je fais volte-face et me dirige comme un automate vers l'un des chalets, dont je pousse la porte sans frapper. Tout est silencieux à l'intérieur. La chambre de Shun est vide, les draps ont été retirés et pliés, les tiroirs vidés. Il ne dormira sûrement plus ici et je peux pas le blâmer. Qui l'accueille, du coup ? Quelque chose me dit que ça sera Kiseki.
La chambre de Benedikt, par contre, n'a pas changé depuis la veille. Le lit est défait, tous les vêtements sont là, la trace de poussière en forme de pistolet sur l'étagère aussi. Je cherche quelque chose des yeux, mais je ne sais même pas quoi.
Et puis, je le vois. Le cadre sur la table de nuit. Je le prends et m'assois sur le lit, avec l'impression de me vautrer sur un cercueil. J'examine la photo, le cœur battant d'une curiosité presque malsaine. Six personnes, dont quatre enfants qui sont tous des copies aux cheveux châtains et aux yeux verts. Je reconnais Benedikt, plus jeune de quelques années, les cheveux attachés en une queue-de-cheval qui fait plutôt queue-de-rat. Ses grands yeux vides fixent la caméra derrière ses lunettes, et un homme se tient derrière lui, la main posée sur son épaule. Les traits anguleux, sévères, le regard d'une froideur telle que la photo en paraît gelée, les longs cheveux striés de mèches blanches et l'incroyable sourire de faux-jeton me font dire que c'est ce connard de Josef Manninger-Semmelweis.
La main sur l'épaule de son fils est tout sauf protectrice, d'ailleurs la seule enfant qui sourit est la plus petite, six ans à tout casser, assise sur les genoux de sa mère. Gloria, si je me souviens bien. Pauvre gamine.
Les deux autres, une adolescente avec des airs de mariée fantôme qui doit être Katja et un petit garçon chétif à moitié caché derrière Benedikt, probablement Ludwig, ont respectivement l'air épuisé et terrifié. Quand à la mère, c'est à peine si l'on remarque sa présence, mais son chignon un peu trop parfait et son sourire étiré de créature eldritch me font dire qu'elle n'est pas spécialement préférable à son mari, voire qu'elle n'en est que l'ombre. Tu parles d'une famille. Cinq noms sont écrits derrière, tous longs comme le bras. Oh, flemme. Je sais déjà qui ils sont pour la plupart.
C'est une des photos de famille les plus sinistres que j'aie jamais vues, mais c'est la seule chose qui reste de Benedikt. Alors, avec prudence, je l'extrais de son cadre et la glisse dans la poche intérieure de mon manteau, avec un étrange sentiment de satisfaction. C'est ça. C'est ça que je dois faire.
Un dernier regard à ce chalet inhabité et me revoilà dehors, mais cette fois je sais où je vais. Le chalet d'Hibiki et Tritri est lui aussi, vide, mais les vêtements de la Tatoueuse sont empilés dans un coin de sa chambre, à côté de sacs et autres objets... dont je ne parlerai pas. Ahem.
L'armoire est remplie de chemises, vestons et cravates que je reconnais comme appartenant à Eiji. Ah bah oui, vu qu'il y a eu des morts, des places se libèrent, hm. Et elle a choisi de venir chez Tritri, pour veiller sur elle. Ça m'étonne pas. Mais c'est pas ses affaires persos que je cherche, c'est celles de-
Bingo, deux photos ont été collées au mur à la patafix. L'une d'elles montre deux hommes, typés Asie de l'est tous les deux, celui de droite porte une petite fille en plein éclat de rire sur ses épaules. Elle a le grand sourire en plus, les piercings et les tatouages en moins, mais je la reconnais sans problème. Hibiki, évidemment. Derrière, trois noms encore. Hibiki Hibikaze, Masao Hibikaze, Shûji Moriyama.
La deuxième photo est plus récente, un selfie, et la Hibiki dessus ressemble en tous points à celle qui a tué Benedikt hier. Elle sourit là aussi, mais cette fois ses yeux sont empreints d'une tristesse sourde. Elle est assise à la table d'un café, et en face d'elle une fille sourit à la caméra. Cheveux blonds coupés au carré, yeux verts, sourire gêné mais sincère, caban beige, des airs de première de classe.
Mon cœur loupe un battement.
Sur la table tout à droite de la photo, leurs doigts sont entrelacés.
Les noms derrière, de nouveau. Celui d'Hibiki et… "Lisa Atkinson". Le nom de la fille. Ça ne me dit rien, mais je comprends malgré tout qu'elle et Hibiki n'étaient pas que de simples amies. Bordel.
Avant que je n'aie la nausée, les deux photos rejoignent rapidement l'autre poche de mon manteau, et moi l'extérieur.
Je sais pas pourquoi j'ai pris ces photos maintenant, alors que je n'avais d'affection pour aucun des deux et que je ne recherche aucun semblant de simulacre.
Surtout qu'en plus, ça me rappelle des choses. Des mots. Criés en arabe.
Jure-le, Callaghan !!
– … Je le jure.
Un murmure, trois mots. C'est tout ce que ça m'a coûté.
…. Haaaaa. Je sens que je vais le regretter. Mais je ne suis pas cruel.le au point de refuser ses dernières volontés à une morte, même si c'est une criminelle.
Pff, qui est-ce que je dupe ? Ce n'est pas une question de gentillesse.
Je suis juste faible.
Voilà pourquoi j'ai pris ces photos.
Je suis faible.
______
Ainsi s'achève le chapitre 1, et vous savez ce que ça signifie...
Eh oui Billy, le vote des FTE !
Cette fois vous avez droit à 5 votes ! Youhou c'est la fête- Je rappelle qu'il est possible d'apprendre des éléments sur les morts au travers des FTE des autres évidemment !
Sur ce, à vos claviers !
Sora Seon, Ultime Chef cuisinier (0/5)
Michiru Uemura, Ultime Toxicologue (0/5)
Ema Aozora, Ultime Mime (0/5)
Mao Aozora, Ultime Imitateur (0/5)
Judicaël Levavi, Ultime Activiste LGBT+ (0/5)
Noelle J. Vincent, Ultime Neuroscientifique (2/5)
"Tritri", Ultime Pilote de Drone (0/5)
Theodosia Hoyle, Ultime Kinésithérapeute (0/5)
Kiseki Ayase, Ultime Biathlète (0/5)
Hibari Hagane, Ultime Croupier (1/5)
Eiji Maekawa, Ultime ??? (2/5)
Lan Yue, Ultime Pole dancer (0/5)
Altaïr Calliope, Ultime Onirologue (0/5)
Shun Furusawa, Ultime Technicien de surface (0/5)
Voili voilou, sur ce je vous laisse, il y aura un petit interlude bientôt~
- Noa
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