« As-tu peur de la mort ? »

« As-tu peur de la mort ? »

La première fois qu'elle avait posé cette question de sa petite voix, il était resté figé sans lui répondre. Elle avait haussé ses épaules frêles avant de se lever et de le quitter.

Et pour la première fois, il s'était sentit seul. Pourtant, il ne la connaissait pas. Il ne lui avait jamais parlé. Elle non plus d'ailleurs, du moins jusqu'à ce jour.

Est-ce que c'était... Est-ce que c'était parce qu'elle s'asseyait chaque matin à côté de lui ? Sur le seul banc du parc, celui que tout le monde fuyait à cause de la poubelle qui le côtoie. Tout le monde sauf eux, bien évidemment.

Est-ce que c'était... Est-ce que c'était parce qu'il appréciait sa présence plus qu'il ne voulait se l'avouer ?

Il n'en avait aucune idée.

Il ne se souvenait pas de la première fois qu'elle s'était assise à ses côtés. Un mois ? Deux ? Un an ? Sa piètre notion du temps était un de ses nombreux défauts.

Mais ce qu'il avait ressenti quand elle était partie pour le laisser errer dans sa solitude amère, était aussi surprenant que lorsqu'elle lui avait posé cette question.

Cette douleur à la poitrine. Ce picotement dans les yeux. Ces mains crispées. Rien n'était habituel. Rien ne ressemblait à ce qu'il avait déjà ressenti.

Le lendemain, en s'asseyant, il se surprit à craindre de ne plus la voir, de ne plus la sentir, de ne plus... Mais elle était là et comme d'habitude, ils restèrent là, dans une discussion sans mot, une discussion qui jusqu'à présent, il n'avait pas perçue, ni cherchée à entendre.

Ainsi, leur rituel étrange reprit.

Elle ne lui parlait plus. Lui ne discutait pas. C'était bien. C'était cool.

Non.

Inconsciemment, il espérait qu'elle lui pose encore la question. Il souhaitait qu'elle lui parle une deuxième fois. Il voulait entendre de nouveau cette petite voix douce et mélodieuse.

Puis un jour, elle le fit.

Elle prononça les cinq mots.

Elle lui reposa la question.

« As-tu peur de la mort ? »

Sous le torrent de pluie qui tombait sur eux, il aurait pu ne pas l'entendre, même ne pas venir. Mais voilà, il ne voulait pas rompre cette relation incertaine, étonnante. En aucun cas !

Et bien sûr, elle était venue. Elle était là sur leur banc. Oui, le leur.

Et elle attendait. Trempée jusqu'aux os, elle l'attendait. Lui. Il en était sûr.

« As-tu peur de la mort ? »

Il ne sut pas trop quoi répondre. Oui. Non. Peut-être. Il opta alors pour la vérité.

« Je ne sais pas. »

Au début, il crut qu'elle ne l'avait pas entendu. Il pensa même à répéter mais elle parla avant.

« Je crois que moi... j'ai peur. »

Que devait-il dire après cette révélation ? Est-ce que c'était bien ? Est-ce que c'était normal ? Il n'avait aucune réponse mais elle si.

« Tu penses que c'est nul, hein ? Tu te dis que je suis une peureuse, c'est ça ? Eh bien, je ne sais pas pour toi mais je préfère dire la vérité. »

Il n'avait pas grand-chose à répondre à ce qu'elle venait de répliquer toutefois il ne voulait pas qu'elle parte et le mot sortit avant qu'il ne le pense.

« Non. »

Elle se tut. Elle attendait qu'il poursuive. Ce ne fut qu'un long moment après, lorsque la pluie cessa qu'il s'expliqua.

« Non, je ne pense pas que c'est nul, ni que tu es une peureuse. Tu vois, moi aussi, j'aime la vérité. »

Elle ne lui répondit pas. En fait, non, il ne souhaitait pas qu'elle réponde et elle semblait l'avoir compris. Et elle l'avait compris parce qu'elle se leva et partit.

Sans un mot de trop ou un mot de moins, elle était juste partie.