Chapitre 5 - Mobius (Partie 4)
Sur le plancher de sa cabine, Mobius se réveilla en sueur. Son souvenir s'évaporait. Les détails lui échappaient à mesure qu'il comprenait que la réalité suivait paisiblement son cours, qu'elle avait repris ses droits. Rapidement, il ne resta qu'une trace brumeuse, celle de la peur, attendant, repue, de le tarauder à nouveau. Il se sentait pourtant soulagé d'avoir retrouvé cette éphémère sérénité.
Ainsi, il se leva fébrilement et s'assit sur son lit.
Sa cabine lui apparut sens dessus dessous dans la pénombre du crépuscule. Ses angoisses lui faisaient vraiment perdre tous ses moyens pour qu'il en arrive à de telles extrémités. Avant tout ça, avant ces évènements inexplicables, on le complimentait pourtant pour sa minutie et son organisation. En une année, qu'était-il devenu, lui, le piètre étudiant d'anatomie, perdu au fond des hémicycles de son académie ? En une année, qu'avait-il accompli ? Esclave de la fatalité, il avait atterri ici, de la même manière que tous les autres, que toutes ces créatures sorties de mondes plus ou moins semblables au sien. Il avait d'abord vogué dans ces dirigeables, pâles copies des appareils qu'on affectionnait sur sa terre originelle, celle qu'il croyait unique jusqu'à ce que l'Enclave le fasse prisonnier.
Elle l'avait ensuite confié aux Renonciateurs pour des motifs tout aussi obscurs que ceux pour lesquels on lui confiait, aujourd'hui, la garde d'un colosse qui avait bien failli mettre fin à la traversée. Là-bas, dans cette ville sans âme, dans les geôles d'Apostasis la Morte, on avait ignoré sa souffrance. On l'avait oublié, jusqu'à ce qu'aux portes du désespoir, on le relâche, on le laisse partir. Pourquoi ? Pourquoi l'Enclave s'était-elle acharnée à ce point sur lui ? Pourquoi les Renonciateurs lui avait-il laissé une porte de sortie, la possibilité de contempler à nouveau le soleil, de vivre avec le traumatisme de sa captivité, avec la peur que ces créatures aux bures noires et sordides se réapproprient son corps et sa conscience. Mobius détestait l'Enclave pour l'avoir amené ici, pour l'avoir abandonné sans explications. Il détestait les Renonciateurs pour leur culte agnostique, leur emprise immonde sur toutes ces âmes en peine. Il les détestait tous.
Il prit une grande respiration.
« Heureusement... Baladrek est là pour moi. »
Le cœur lourd et l'esprit las, il se lança dans le rangement de sa cabine.
Sa mission sur le dirigeable avait à peine commencé. Le lendemain, il se chargerait d'accueillir son deuxième protégé. Deux jours plus tard, ils atteindraient sa ville adoptive.
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