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Chapitre 4 - Xenon

2,5-Diméthyl-Pyrazine – celui qu'on surnommait Xenon – referma son livre avec précaution. Le délégué de Baladrek, accompagné d'un troupier et du Lieuntenant Lhortie, venaient de traverser les rideaux menant aux cabines des nouveaux arrivants. Ces trois-là avaient laissé le Chitine seul au milieu du salon. Pour lui, ça n'avait pas d'importance. Il aimait ces moments de calme. Il y trouvait toujours de quoi s'occuper. L'attente ouvrait des pespectives inattendues. C'est ainsi que Xenon, toujours installé dans son fauteuil, en vint à s'intéresser à son chapeau melon. Ce minuscule morceau de lui-même, cette masse inerte de feutre noir, scintillait par endroit. Les rayons du soleil que filtraient les hublots s'y réverbéraient et y soulignaient quelques traces d'usure. Son fidèle couvre-chef un peu défraîchi n'avait pourtant pas perdu toute sa superbe. Le Chitine en prenait grand soin. Il le rangeait tous les soirs dans sa boîte en carton et il éprouvait envers lui un attachement qui dépassait l'entendement humain, un attachement qui le replongeait un an en arrière, lorsqu'on lui avait fait découvrir la civilisation, lorsque Pentagua, la Cinquième Colonie, l'avait accepté dans ses rangs. Depuis, il refusait de s'en séparer, redoutant par la même occasion de perdre une partie de lui-même, une partie de son histoire. Ce n'était pourtant qu'un objet sans âme, mais cet objet, il l'avait porté jour après jour, il l'avait chéri. L'abandonner pour la fade odeur de la nouveauté le répugnait. Un chapeau neuf ce n'était qu'un grand vide de sentiment, un manque total de repère, un mélange effrayant d'arômes étrangers, brouillés et aseptisés.

Le Chitine huma l'air ambiant.

Contrairement aux vêtements qu'on lavait pour en atténuer les émanations personnelles, le chapeau irradiait littéralement des phéromones de son propriétaire. Xenon possédait la capacité d'en capter les effluves et comprenait d'instinct leurs significations invisibles aux yeux de ceux qu'il nommait les peaux molles. Ainsi, chaque parcelle du tissu sentait son nom.

« 2,5-Diméthyl-Pyrazine », murmura le Chitine

Puis, iI ferma les yeux en soupirant.

« Cela fait bien longtemps que tu n'es plus. »

Désormais, malgré les résidus de son soi passé qui lui titillaient encore les sens, se définir ainsi ne lui était plus d'aucune utilité. Son admission à Pentagua avait tout changé ; la Gyne, sa nouvelle reine, l'avait rebaptisé Xenon-9834 lors de la cérémonie d'Intronisation. D'un langoureux baiser, elle avait pressé ses mandibules contre sa fine bouche. Honoré, il s'était laissé faire. Il avait senti son corps muter, ses cellules se battre puis doucement s'abandonner au changement, à la supériorité naturelle de l'influence royale. À travers cet échange de flux, elle lui avait transmis sa nouvelle marque, sa nouvelle peau. Elle avait noyé son identité dans une marée de phéromones divines, puis elle avait relâché son étreinte. C'était à cet instant qu'il avait pu inhaler son nouveau nom, acidulé et pétillant, mêlé désormais à celui de sa reine, suave et mystique, imprégnant chaque partie de son corps, chaque recoin de sa cuticule. Elle lui avait par la suite ordonné d'accepter l'Enclave, d'accepter ce qu'elle offrait aux nouveaux arrivants. Il s'était agenouillé, sans discuter. Depuis, il louait sa grandeur, il l'appelait Gyne, fille de la déesse Pertama l'Unique, Reine de toutes les reines, Mère de toutes les mères, Génitrice de tous les Chitines. Il aimait se remémorer ce moment ultime, cet instant magique, et se laisser porter par les souvenirs, jusqu'à la seconde où les murmures lointains de la réalité le rappelaient à l'ordre, l'extirpaient de ses fragiles rêveries.

Un premier coup de feu retentit ; Xenon se figea de surprise. La seconde qui suit, le soldat Lestocq arrivait des étages, accompagné de deux autres troupiers. Il suait littéralement d'une peur contrôlée dont le Chitine palpait les nuances odorantes.

« Surtout... Vous bougez pas ! » lui ordonna le soldat, fébrile.

Xenon, docile, ne discuta pas les ordres. Il attendit dans son fauteuil.

. . .

Dix minutes plus tard, le calme l'emporta sur le tumulte. Mirador, l'un des troupiers de l'Enclave, entra dans le salon en traînant Mobius par les pieds. Quand la tête du pauvre bougre dépassa le rideau, le Col Rouge s'arrêta un instant, essoufflé ; il ne possédait pas vraiment la carrure typique des autres soldats.

« Comment va-t-il ? s'inquiéta Xenon.

— Il est juste un peu sonné. Par contre, c'est un vrai poids mort. »

Mirador lâcha les jambes du jeune homme qui retombèrent lamentablement sur le sol, puis il fixa Xenon droit dans les yeux. L'autre, perplexe, cherchait à comprendre cette attitude. Avait-il affaire à de la déception ? À de la fatigue peut-être ? L'analyse gestuelle à effectuer durant les conversations lui demandait des efforts surhumains.

« Plutôt de la déception, pensa-t-il à tort. Il faut compatir à la situation.

— Pauvre créature », souffla alors Xenon.

Mirador afficha une mine circonspecte.

« J'aurais bien besoin d'aide », demanda-t-il gentiment.

Il tendait les mains vers le corps qui gisait à ses pieds.

« Je cours vous chercher quelqu'un », lui proposa Xenon.

Puis il se leva, mais s'arrêta en plein mouvement ; le soldat plissait les yeux. Pendant quelques secondes, une étrange impression de flottement envahit la pièce.

« Je veux juste que vous m'aidiez à le transporter, articula Mirador.

— Ah ! Oui ! »

Xenon remua exagérément les bras pour souligner son empressement.

« J'arrive. Bien sûr ! » ajouta-t-il.

Le troupier laissa poindre un sourire discret.

« Merci ! dit-il poliment. J'avais peur d'être le seul à me soucier de lui. »

Contrairement aux peaux molles qui maîtrisaient instinctivement le langage non verbal, Xenon avait dû l'apprendre. Heureusement, la colonie de Pentagua prodiguait un enseignement spécial à tous les ressortissants chitines capables de convertir leurs crissements en paroles. Chacun d'eux rejoignait alors une caste parallèle à son assignation première, la caste des Parleurs. Les autres, les plus nombreux et les plus primitifs, se nommaient les Crisseurs. En neuf mois, Xenon avait maîtrisé les bases de ce nouveau langage si particulier, mais il confondait encore certains sentiments. Les différences culturelles de tous ses interlocuteurs ne lui facilitaient pas le travail. De la même manière qu'il devait les comprendre, il avait dû travailler sa posture pour éviter les attitudes dites immobiles, considérées comme hostiles. Grâce à la souplesse de sa cuticule et à son visage proche de celui des humains, il créait l'illusion de la joie, de la colère et de la tristesse.

Le Chitine se saisit des bras de Mobius, Mirador attrapa les mollets, puis tous les deux traversèrent le rideau qui menait aux cabines des délégations, arpentèrent le couloir jusqu'à la chambre de l'inconscient et l'allongèrent sur son lit. Dans la pièce, une pagaille sans nom dictait ses lois. Des vêtements s'étalaient dans les coins. Une liasse de papiers écornés reposait sur la table de nuit. Mirador ne s'en soucia guère et il tendit la main à Xenon en guise de remerciement. L'autre fit de même. Il connaissait ce geste très simple utilisé par les humains pour se saluer, se féliciter ou faire l'étalage de leur force. Chez les Chitines, il existait des méthodes d'approche similaires qui s'articulaient autour des contacts et de l'échange de phéromones. Ainsi, avec quelques frottements, on saluait ses camarades. Mais on ne se félicitait pas chez les Chitines ; chacun jouait le rôle qu'on lui avait assigné. Il n'y avait aucun mérite à ça. Quant à la démonstration de force qui finissait généralement dans le sang et la douleur,... elle était réservée aux seuls mâles de la colonie qui paradaient pour attirer les faveurs de leur reine.

Xenon s'assit sur le lit.

« Croyez-vous qu'il se réveillera bientôt ? s'inquiéta-t-il.

— Je n'en sais fichtrement rien !

— Il faudrait que le médecin lui apporte un léger remontant.

— Il est occupé.

— Occupé ? »

Xenon leva ostensiblement les épaules pour souligner sa question.

« Avec le gars qui a tenté de s'échapper, précisa Mirador.

— Évidemment ! J'ai cru entendre qu'il s'agissait d'un Sappir. C'est bien ça ?

— Oui.

— Comment ont-ils pu se tromper aussi grossièrement ?

— Ils l'ont bêtement pris pour un Humain à l'embarquement à mon avis. »

Xenon ouvrit grand les yeux et la bouche. Il mimait l'étonnement.

« Mais... Il paraît que la différence est flagrante, non ?

— Celui-ci ne leur ressemble pas tant que ça. »

Le Chitine avait du mal à s'en rendre compte. De son point de vue, les Sappirs, les Véloces ou les Görts – toutes ces races – étaient trop proches de l'homme pour qu'il prenne le temps de les différencier. Il cloisonnait les créatures intelligentes en quatre grandes familles : les Chitines, tout en cuticule et en phéromones, les Humains, de chair et d'os, les Sauriens, de crocs et d'écailles et les Cervidaes, de bois et de fourrure. Rien d'autre. Ainsi, la frontière qui séparait le Sappir de l'homme lui apparaissait comme vaporeuse.

Il eut besoin d'en savoir plus.

« Mais alors, comment avez-vous conclu qu'il s'agissait d'un Sappir ?

— D'habitude, leurs os percent leur peau. C'est pas un truc qu'on peut rater facilement ; ça se voit au premier coup d'œil, quoi ! Et puis, ils ne sont pas blancs comme les nôtres : leurs os. Celui-là, quand on l'a embarqué, il était tout neuf.

— Tout neuf ?

— Il n'avait pas d'excroissances, quoi ! Un peu comme un bébé Sappir. Mais une fois qu'ils l'ont neutralisé, ils se sont aperçu qu'il avait la colonne vertébrale en sang. Ses os avait fini par percer, comme ça... En quatre heures de temps ! Vous auriez vu le couloir : il a carrément arraché la porte de sa cabine. Une vraie brute. Du coup, le doc' s'occupe de le garder sous sédatif jusqu'à ce qu'on le dépose à Baladrek. »

Xenon resta figé de surprise à tel point qu'il ne pensa même plus à en témoigner à son interlocuteur. Sans réaction de sa part, Mirador continua :

« À mon avis, ce Sappir doit venir d'une génération ponctuelle, vous savez. Un peu comme vous. On vous l'a sûrement déjà dit, non ?

— Que je ne ressemble pas à mes congénères ? assena Xenon.

Son visage n'exprimait toujours aucune émotion.

« Je ne sais pas si c'est une chance ou une malédiction. »

Puis il marqua une légère pause. Mirador se tut. Au vue de la moue qu'affichait le troupier, son silence ne pouvait signifier qu'une seule chose. Il n'avait rien à voir avec la compassion. Non. L'homme aurait baissé les yeux vers le sol. Là, il s'agissait de gêne. Xenon en était conscient ; lorsqu'il oubliait le ton et les mouvements appropriés à ses réponses, la conversation pouvait rapidement tourner au désastre.

Aussi, il préféra désamorcer la situation.

« Vous croyez que je peux aider en quoique ce soit ? »

Il souriait.

« Oh ! Laissez-nous nous en occuper. On a ce qu'il faut pour. »

Mirador tapota son fusil et ses sacoches.

« Je ne comprends pas, dit Xenon.

— Je veux dire qu'on est équipé », souligna le troupier en roulant des yeux.

Puis il recula en indiquant la sortie à Xenon.

« Je crois qu'il est temps de rejoindre le salon, dit-il. Votre tour arrive bientôt. »

. . .

Et son tour arriva ; à midi, la cloche sonna.

Xenon sentit l'excitation envahir sa poitrine. Enfin, il pourrait lui aussi souhaiter la bienvenue aux nouveaux arrivants, il pourrait faire honneur à l'Enclave qui, chaque année, encadrait les délégations, de même que, l'année précédente, elle avait encadré celui qui l'avait accueilli, lui, le pauvre Chitine venu d'un horizon si lointain qu'on ne pouvait s'en représenter la distance. Ainsi, grâce à son organisation militaire, l'Enclave accompagnait ces nouvelles créatures. Elle leur montrait la marche à suivre pour recevoir les futurs ressortissants qu'on redirigeait plus ou moins arbitrairement vers les cités-États, les coalitions et les colonies désireuses de sang neuf. Ainsi, régulièrement, on arrachait des individus à leur monde d'origine pour les regrouper là, dans cet espace, cet interstice où la vie grouillait secrètement.

On appelait cet étrange rituel : L'Intronisation. Certains le considéraient comme abrupt, d'autres nécessaire, mais tous s'accordaient à en respecter la première étape : ce long voyage en ballon qui, à la manière d'un pèlerinage, attirait de multiples délégations jusqu'aux confins du monde, jusqu'aux terres enflammées des plaines de Kardia.

Xenon entendit les pas du lieutenant s'approcher.

Il allait enfin boucler la boucle, réaliser l'acte de dévouement pour lequel on l'avait conduit dans ce dirigeable. Il voyait cette étape comme la continuité de sa loyauté. Un moyen de se fondre un peu plus dans cette nouvelle réalité.

Il ferma les yeux.

« 2,5-Diméthyl-Pyrazine », murmura-t-il une dernière fois.

Avec le temps, il oublierait sa précédente identité, celle qu'on lui avait confié à sa naissance. Il oublierait le baiser de sa première Gyne, la douceur organisée des nourrices, les allées et venues incessantes des infatigables ouvrières, les dictées envoûtantes des phéroscribes crisseurs. Il oublierait les couloirs labyrinthiques dans lesquels il s'orientait aisément, les piliers de cire gravés qui soutenaient les plafonds millénaires, les caves regorgeant des toiles ancestrales tissées par les fileuses, contant l'histoire des guerres passées, l'histoire de Pertama l'Unique. Il oublierait les fumets des festins qu'on servait dans les quartiers princiers, les poésies olfactives qu'il composait sans relâche, mêlant les fragrances et les phéromones pour séduire sa propre mère la reine. Il oublierait son rôle de prince, ainsi que tout le reste.

Aujourd'hui, dans sa nouvelle colonie, sa place était différente, ni plus, ni moins importante, juste différente. Il en était ainsi. Les Chitines avaient la place qu'on leur donnait, pour le bien de la colonie, pour le bien de la reine.

« Délégation de Pentagua, c'est à vous ! » lança Lhortie en faisant son entrée.

Xenon se leva. Le coeur battant, il s'avança à la rencontre de son destin.

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