Chapitre 3 - Lhortie
« Profitez bien de cette nouvelle expérience », leur cria Xenon.
Étouffée par l'épais rideau, la voix du chitine semblait désormais appartenir à un autre univers, un monde lumineux et accueillant, exacte opposé de l'étroit couloir qui se présentait maintenant à eux. En ce lieu rongé par l'obscurité, suspendues à la charpente métallique, des lampes à huile rayonnaient d'une lueur blafarde. Un léger roulis les berçaient avec douceur ; les ombres tremblotaient. Sans un mot, le cortège guidé par le Lieutenant Lhortie vit défiler sur son chemin les lourdes portes en fer qui scellaient l'accès aux cabines. De volumineux rivets en dessinaient les contours. Sur chacune, un mécanisme contrôlait l'ouverture depuis l'extérieur : un volant engourdi par la rouille qui témoignait de l'état de vétusté général des installations.
Cette épave, Lhortie avait eu beaucoup de mal à l'accepter. Lorsque son supérieur la lui avait confiée, elle avait sommairement compris que sa dernière promotion s'apparentait bien plus à une voie de garage qu'à une réelle récompense honorifique pour ses cinq années de service. Une fois la pilule avalée – sa droiture et sa fierté retrouvées –, elle avait pu se préparer à l'évènement, sans savoir qu'on lui accorderait en prime, la garde des délégations les moins influentes et, par conséquent, les moins appréciées. Elle se rassurait alors en se retranchant dans un dévouement sans faille. Peu importe sa mission, elle devait la mener à bien.
Dans le couloir, après avoir dépassé une dizaine de portes, le lieutenant s'arrêta brusquement. Elle avait progressé à grandes enjambées jusque-là. Un long tapis qui s'étalait sur le parquet avait amorti le bruit de ses pas. Derrière elle, Mobius traînait les pieds, suivi par Lestocq qui le pressait d'avancer. Lorsqu'ils arrivèrent à son niveau, elle décortiqua le premier d'un regard glacial. Son être tout entier la rendait malade. Pétri d'angoisses, il suait à grosses gouttes sous son haut-de-forme ridiculement trop grand. Il avait pourtant eu le bon goût de revêtir une coquette redingote, mais sa chemise débraillée et son pantalon qui lui tombait au-dessus des chevilles ne rattrapaient pas l'affaire et déshonoraient sans nul doute ses ancêtres sur plusieurs générations.
« C'est ici ? » osa-t-il timidement.
Lhortie lui répondit par l'affirmative, puis le pointa du doigt.
« Arrangez-moi ça ! » ordonna-t-elle.
Aussitôt, le protégé de Baladrek s'empressa de reboutonner sa chemise, d'en fourrer les pans dans son pantalon et de tirer de sa poche un vieux mouchoir avec lequel il essuya son front ruisselant. Puis, il se figea, raide comme un piquet, à l'affût des prochaines directives. Lhortie s'approcha de lui d'un pas désabusé. Le pauvre bougre recula d'autant, se plaqua lamentablement contre le mur du couloir et renversa par la même occasion son haut-de-forme qui roula sur le tapis.
Le lieutenant mesurait une demi-tête de plus que lui ; Mobius détourna les yeux.
« J'ai été très claire à l'embarquement. Pas de pleurnicheries, c'est bien compris ?
— Oui, Madame.
— Lieutenant ! insista Lhortie.
— Oui... Lieutenant ! réctifia le jeune homme avant de déglutir.
— C'est mieux comme ça ! »
Derrière eux, Lestocq souriait discrètement.
« Tout n'est pas perdu », songea Lhortie, en reculant.
Mobius ramassa son chapeau. Il semblait comprendre les ordres malgré son état de stress. Elle pourrait continuer à le remettre à sa place sans craindre une quelconque insubordination. Comme toujours, elle prenait son rôle très à cœur, se refusant à la démagogie lorsqu'elle s'adressait à ses troupiers. Pour les civils, il fallait s'adapter dans la douleur, surtout lorsque ceux-ci tremblaient comme une feuille, sans raison apparente. Lhortie le savait, elle devrait composer avec les peurs irrationnelles de cet homme pour la bonne réussite de sa mission. Tout le monde le savait. Depuis l'avènement de Baladrek au conseil de l'Enclave, les dirigeants avaient compris que cette petite bourgade de pêcheurs ne pourrait pas être très regardante quant au choix de sa délégation. En effet, fidèles à une tradition millénaire, les cités siégeant au Conseil nommaient un représentant parmi leurs plus récents ressortissants. Or, Baladrek n'adoptait que rarement du sang neuf au sein de sa communauté. Les commerçants itinérants et les bourlingueurs s'y arrêtaient l'espace d'un jour ou d'une semaine, puis reprenaient la mer. Ainsi, durant plusieurs années, personne n'avait intégré le village. Mobius était le dernier en date et, par défaut, le seul éligible au rôle de délégué. L'Enclave avait sûrement déjà rencontré des précédents, mais dans les plus lointains souvenirs du Lieutenant Lhortie, jamais personne n'avait atteint un tel rang d'incompétence. Désormais, elle ne voyait plus qu'une solution pour que ce jeune homme reprenne pied : une piqure de rappel.
« Lestocq va vous remémorer le protocole au cas où l'envie vous prendrait de le transgresser », annonça-t-elle en lui jetant un dernier regard d'avertissement.
Mobius hocha la tête en retenant une grimace.
« Mais avant ça, reprit Lhortie. Votre capsule de cinq, Lestocq !
— À vos ordres, Lieutenant ! »
Le soldat s'activa, piocha dans sa ceinture une ampoule translucide de la forme d'une goutte d'eau et la tendit à son supérieur. L'objet tenait dans le creux de sa main. Lhortie s'approcha de la lourde porte, glissa la capsule dans une niche située à sa droite, puis referma l'ouverture. Un faible bruit de verre brisé se fit entendre.
« Maintenant, Lestocq, les explications.
— Oui, Lieutenant ! Alors, le gaz s'échappe de la capsule jusque dans la cabine...
— Lestocq !
— Oui, Lieutenant ?
— Seulement le protocole ! On se moque de la tuyauterie ! »
Le soldat se raidit, puis reprit :
« À vos ordres, Lieutenant. Le gaz, c'est juste pour se requinquer. »
Mobius pâlissait à vue d'oeil.
« Pas vous, hein ! Le mec à l'intérieur.
— Oh...
— Le protocole, c'est tout bête. Vous vous présentez comme il faut, ça suffira.
— Entendu.
— Après ça, vous lui demandez s'il veut bien vous laisser entrer.
— S'il veut bien me laisser entrer ? hésita Mobius.
— Bien sûr ! C'est une affaire de politesse.
— Mais... Il est attaché, non ? »
Mobius déglutit.
« C'est juste une façon de montrer qu'on veut pas l'étriper, expliqua Lestocq.
— Je vois.
— Comme ça, il comprend qu'on est de son côté.
— Derrière une porte blindée ? »
Lestocq se tut, coupé en plein élan. Lhortie les regardait se renvoyer la balle.
« La suite, insista-t-elle en s'impatientant.
— L'étape d'après va vous plaire, reprit le troupier, ravi.
— On rentre pour discuter ? bredouilla Mobius.
— Exactement !
— C'est bien la seule chose dont je me souviens.
— Lorgnez voir à l'intérieur, ça vous rassurera peut-être », lança Lestocq.
En plus des mécanismes d'ouverture et des niches qui permettaient d'injecter des gaz divers et variés, les portes s'accompagnaient d'un judas, un large oeilleton qui offrait aux curieux le loisir d'espionner les cabines. Mobius en souleva l'opercule et s'approcha en grimaçant d'appréhension.
« Vous voyez ! Y a pas de quoi tracquer, affirma Lestocq.
— Il n'a pas l'air trop jeune, mais ça reste un vrai colosse ! marmonna Mobius.
— La trentaine d'années. On n'en sait rarement plus, précisa Lhortie.
— Et toutes ces cicatrices... »
Mobius s'interrompit et s'écarta du judas.
« Il vient d'arracher une de ses sangles, balbutia-t-il en s'éloignant à reculons.
— Reprenez-vous ! » lui lança Lhortie, incrédule, avant de jeter un coup d'oeil.
La pièce, aussi sobrement décorée que les couloirs, ne dépassait pas les deux mètres de large. En face de la porte, solidement fixé contre le mur du fond, un lit trônait au milieu d'un royaume épuré. Allongé là, un homme au torse nu et puissant se débattait dans des draps jaunis. Après avoir projeté avec fureur, de sa seule main libre, l'unique bout de tissu qui protégeait sa pudeur, il délivra son bras droit de la seconde sangle qui le maintenait prisonnier.
Lhortie tourna la tête.
« Capsule de 3 ! » ordonna-t-elle avant de se repositionner devant le judas.
Le soldat s'exécuta, farfouilla dans les bourses de sa ceinture, puis s'interrompit lorsqu'il vit son lieutenant reculer d'un pas. L'individu venait d'arracher les lanières de cuir qui entravaient ses chevilles. Un hurlement de rage traversa la porte.
« Oubliez la capsule, assena Lhortie, et allez me chercher des renforts... »
Elle gardait son sang-froid et contrôlait ostensiblement sa respiration.
« Tout de suite, Lieutenant ! »
Lestocq se pressa de rejoindre le salon. Il disparut derrière le rideau.
« Et vous... ! » commença-t-elle, furieuse, à l'intention de Mobius.
Puis, elle se ravisa.
« Regagnez vos foutus appartements ! »
Malgré les ordres, le jeune homme ne réagit pas. Il s'était figé d'effroi en la voyant affectée par la situation. Elle aussi ressentait doucement la peur l'envahir, mais elle l'ignorait, la laissait circuler librement. Mobius, comme devant un miroir, lui renvoyait ce sentiment de terreur inavouable. Elle voulut s'approcher pour tenter de lui remettre les idées en place, mais il était déjà trop tard. Un vacarme infernal résonna derrière eux. Lhortie se retourna en dégainant son arme à la volée. Le prisonnier cognait sur la porte comme un forcené. L'un des panneaux se décolla sous la puissance des impacts. En un tour de main, le lieutenant attrapa une cartouche en papier et une baguette dans une sacoche qu'elle portait à son flanc. La porte se tordit dans un crissement assourdissant. Elle glissa la cartouche dans le canon. Les gonds éclatèrent avec fracas. Elle bourra la cartouche à l'aide de sa baguette. Des rivets se détachèrent et tombèrent sur le tapis. Puis, solidement ancrée sur ses positions, le lieutenant pointa son pistolet vers l'ouverture et en arma le chien à silex.
Derrière elle, Mobius s'écroula. Lhortie n'y accorda aucune importance.
« Calmez-vous, hurla-t-elle. Vous vous fatiguez inutilement. »
En réponse, le lieutenant vit la porte céder bruyamment et s'abattre à même le sol. Résolue à défendre sa vie, Lhortie déplia la courte baïonnette fixée au canon de son arme et s'accrocha fermement à la crosse. Le captif récalcitrant apparut dans l'encadrement délabré, à un mètre seulement. Imperturbable, complètement nu, il dévisagea la jeune femme. Des ombres affolées dansaient aux quatre coins du couloir ; les lampes à huile tremblotaient et projetaient leur faible lueur sur la peau mate et les épaules musculeuses du colosse. À ses poignets, à ses chevilles, les lanières de cuir pendaient toujours. Dans la pénombre, Lhortie distingua des mains ensanglantées, blessées par l'effort surhumain qu'il venait d'accomplir. Son corps exhalait la sueur. Leurs regards se croisèrent un instant. Il n'avait pas l'air de saisir qu'elle pointait une arme vers lui.
« Retournez à l'intérieur, ordonna-t-elle, le doigt sur la gâchette.
— Pisse-froid ! », l'insulta-t-il avec mépris, derrière sa barbe broussailleuse.
Puis, sans une hésitation, il fondit vers elle. Lhortie n'écouta que son instinct. Elle ouvrit le feu. D'une étincelle, le silex enflamma la poudre. Une interminable seconde s'écoula avant qu'un éclair veuille bien illuminer les lieux. La détonation résonna sur les parois métalliques et se mêla aux effluves soufrés du nuage de fumée qui en résultait. Le lieutenant avait eu le réflexe de se protéger les yeux, contrairement à son assaillant qui, aveuglé par le flash et abasourdi, titubait, groggy. La balle avait fait mouche, enfichée dans son épaule, mais elle ne l'arrêta pas. Dans une colère noire, il agrippa Lhortie de ses deux mains puissantes et la projeta violemment dans le couloir avant de s'enfuir, chancelant, dans la direction opposée. Le lieutenant avait senti son corps se décoller du sol, son crâne frapper le tapis. Elle se redressa lentement, désorientée et désemparée. Mobius gisait inanimé juste à côté.
« Lestocq ! Qu'est ce que vous foutez, bon sang ? » hurla Lhortie.
Sa colère explosait. Comment avait-on pu la traiter comme un vulgaire sac de blé ? Ses idées vacillaient, perdues entre son soudain désir de vengeance et le besoin d'honorer sa mission.
« Je dois l'arrêter ! pensa-t-elle, en récupérant son pistolet à tâtons.
— Lieutenant ! On a fait au plus vite quand on a entendu le coup de pétoire. »
Essoufflé, Lestocq avait subitement fait irruption, accompagné de deux autres troupiers. Les trois hommes restèrent bouche bée devant le spectacle de désolation qui s'étalait devant eux. L'odeur persistante du soufre emplissait le couloir. Les ombres avaient repris leurs oscillations habituelles. Quant à la porte éparpillée sur le tapis ; un assaut au bélier n'aurait pas fait mieux.
Lhortie ne pouvait se permettre de perdre une seconde de plus.
« Lestocq, Strax, suivez-moi !
— À vos ordres, Lieutenant ! lancèrent-ils en chœur.
— Mirador, attendez devant le rideau et n'hésitez pas à tirer !
— À vos ordres, Lieutenant !
— Pas de bavure. Chargez vos cartouches sédatives aux doses maximales.
— Tout de suite, Lieutenant ! répondirent Lestocq et Strax en préparant leur fusil.
— Mais... vous allez le tuer ! » osa Mirador.
Lhortie grinça des dents. Les deux autres soldats tassaient déjà leur balle au fond de leurs canons.
« Troupier ! On ne discute pas les ordres de son lieutenant ! hurla-t-elle, furieuse.
— Compris, Lieutenant ! se reprit gauchement Mirador, avant d'ajouter. Et lui ? »
Il pointait Mobius du doigt. Lhortie grimaça avant d'ouvrir la marche.
« Plus tard, Mirador. Plus tard. »
Au pas de course, les Cols Rouges se précipitèrent dans le couloir, attirés par le bruit sourd du métal sur lequel on tambourine. Ils bifurquèrent à la première intersection et, cinq mètres plus loin, tombèrent nez-à-nez avec le géant qui forçait la porte menant à la passerelle extérieure ; l'utilisation du volant d'ouverture ne lui semblait pas familière. Aussi, lorsqu'il les entendit débouler, il l'arracha de rage.
« Foutus braconniers de malheur ! » jura-t-il entre ses dents en l'envoyant valser.
Le volant ricocha contre un mur. Il manqua sa cible. Le lieutenant s'arrêta. Elle laissa Lestocq et Strax s'installer en position de tir autour d'elle. Les deux troupiers s'agenouillèrent, prêts à recevoir leurs ordres. Lhortie inspira profondément. Le fugitif martelait la porte avec vigueur. Elle se déformait sous ses coups désespérés.
« En joue ! » lança le lieutenant, d'une voix cinglante.
Les troupiers relevèrent leurs fusils. La jeune femme ferma les yeux.
« Feu ! »
Deux coups retentirent, presque simultanément, provoquant une série d'éclairs. Dans le vacarme et le brouillard, Lhortie sentit passer sur son visage un courant d'air qui chassait l'agressive odeur du soufre. Le bourdonnement lointain des hélices se fit plus entêtant. Le prisonnier avait réussi à ouvrir la porte. Il se tenait debout sur la passerelle, chancelant au-dessus du vide : un vide de plusieurs kilomètres.
L'immense ballon du dirigeable projetait son ombre écrasante sur le colosse. À perte de vue, un morne désert de cendres, rougeoyant par endroit, emmitouflait l'horizon dans un berceau brumeux. Les volcans insomniaques, qui découpaient les cieux, l'avaient modelé, éruption après éruption, couche après couche, avalant la vie qui tentait de s'y établir au rythme des coulées de lave et des nuages qui assombrissaient régulièrement la voûte céleste. Au-delà des dernières volutes de fumée, au-delà de la porte torturée qui avait fini son voyage par-dessus la rambarde, Lhortie contempla le colosse immobile. Sur ses flancs, elle distinguait nettement les deux impacts de balle auréolés de sang.
« C'est fini ! » murmura-t-elle, apaisée.
L'homme se retourna vers eux, le regard obscurci par l'incompréhension. La rage qui tordait son visage quelques instants plus tôt avait disparu. Une expression de détresse s'y dessinait. Sans aucune retenue, il s'écroula en avant sur la passerelle. Ses muscles se relâchèrent. Le cœur du lieutenant frémit, piqué d'un vague sentiment de honte vite chassé par son objectif premier : le respect du protocole.
Les trois Cols Rouges, chahutés par les vents, s'approchèrent du corps.
« C'était quoi ce machin ? demanda Lestocq.
— Une raclure de Sappir, répondit Strax, prêt à lui cracher dessus.
— Strax ! le prévînt sèchement Lhortie. Il est encore en vie. »
Elle s'agenouilla et déposa une main sur sa peau luisante de sueur. Il était presque aussi brûlant que la braise. Son dos se soulevait lentement, entraîné par une profonde inspiration. Depuis le haut de sa nuque, jusqu'aux creux de ses reins, une multitude de vergetures longeaient sa colonne vertébrale. À certains endroits, ses vertèbres distendaient la peau à tel point qu'elles la perçaient. À d'autres, elles se dessinaient horriblement, entourées par de minces cicatrices. Là où les déchirures faisaient couler le sang, son squelette apparaissait, bleuté, comme un affleurement rocheux au milieu des collines. Ces détails confirmaient les soupçons du lieutenant quant à l'appartenance du géant à la race des Sappirs.
Une question subsistait néanmoins : pourquoi les informations concernant cet homme s'avéraient incorrectes ? Il était très peu probable qu'un souci soit survenu lors de son enregistrement ou qu'on l'ait confondu avec un Humain. Le lieutenant n'accordait aucune crédibilité à une erreur pareille. S'agissait-il alors d'une falsification volontaire du dossier, un acte délibéré pour que toutes les précautions le concernant ne soient pas mises en œuvre ? Et, si tel était le cas, y avait-il un but à tout ce raffut ? Difficile à dire. Et pourtant, l'intuition de Lhortie l'amenait à croire qu'on la prenait pour cible. Après tout, les indices semblaient converger vers elle et elle seule : un dirigeable digne d'être mis à la casse, des délégations incompétentes et ce Sappir qui méritait un encadrement sur mesure pour leur propre sécurité.
La jeune femme se releva, troublée.
« Troupier Strax ! lança-t-elle. Allez me dénicher d'autres soldats. Vous l'installerez à l'infirmerie. Le médecin devra se charger de le maintenir sous sédatif, entendu ?
— Entendu, Lieutenant ! lança Strax avant de filer.
— Troupier Lestocq, je vous fais confiance. Je vous affecte désormais au poste d'observation. Vous y rédigerez le piaf de douze heures, mais il est important que vous n'y mentionniez pas l'incident. Indiquez seulement notre position actuelle. Je veux tirer cette histoire au clair moi-même, compris ?
— Oui, Lieutenant ! À vos ordres, Lieutenant ! répondit-il, fièrement.
— Sur votre chemin, dites à Mirador de remettre le froussard sur pied.
— Mobius Klein, celui qui fait la galette ?
— Oui, celui-là même ! Il avait l'air de s'en préoccuper, ironisa-t-elle froidement.
— À vos ordres, Lieutenant ! »
Puis, il disparut à son tour. Lhortie regarda le corps inerte du Sappir en soupirant.
« Tu m'en auras fait baver, murmura-t-elle. Baladrek va avoir du souci à se faire. »
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