Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Chapitre 22 - Enkidu (Partie 3)

« Marchez vers l'ouest. Longez la côte ! » entendit Mobius.

La voix qui commandait aux Capites s'adressait au Marionnettiste.

« Les méthodes d'accueil ne sont plus ce qu'elles étaient ! grommela Enkidu.

Quittez donc cette forêt, nous vous guiderons vers une entrée !

Je n'ai pas besoin de guide. Je meurs de faim...

C'est pour cette raison que vous vous éloignez de l'objectif ?

La seule créature qui a daigné me nourrir ne m'a pas rassasié...

Elle ne vous a peut-être pas rassasié, mais elle vous a couvert ! »

Une fourrure fraîchement arrachée dissimulait ses épaules.

« J'avais un délicieux Chitine à portée de main, là-haut. Je l'ai laissé filer...

À l'heure qu'il est, il nage avec tous les autres : dans l'Espérance. »

Une pulsation explosa dans sa poitrine. Sa langue se fit pâteuse.

« Leur chair est si tendre... saliva Enkidu.

Le Maître vous offrira une Gyne, si vous accélérez le pas !

Je ne suis pas son pion. Je me servirai moi-même... »

Un râle s'éleva de derrière un buisson.

« La Gyne attendra, lança Enkidu. Le voilà mon repas !

Un survivant du Présage, pensez-vous ?

Si c'est le cas, il n'en sera que meilleur : sa chute aura attendri la viande. »

Un halo verdâtre habillait la nuit ; l'obscurité n'avait pas d'emprise sur cette rétine qui accueillait la lueur nocturne comme celle d'un millier de soleils. Allongé dans les fougères, un troupier se tordait de douleur. Malgré la blessure qui fissurait son crâne, Mobius le reconnut. Il l'avait croisé dans les étroits couloirs du dirigeable. C'était un Manticore, tout comme lui. Et tout comme lui, l'homme avait glissé hors de l'appareil. Le pauvre soldat se régénérait à peine. Ses trois bras rompus grattaient désespérément l'humus. Son corps se battait pour revenir parmi les vivants.

« À défaut d'un Chitine, s'amusa Enkidu, un congénère devrait suffire... »

Le monstre affamé se pencha sur sa proie. Il la contempla longuement - presque amoureusement. Il attendit que les yeux mornes rencontrent les siens. Puis, il posa une main sur cette gorge tordue par l'accident, d'où coulaient encore de sombres liquides, y plongea ses doigts et perça la peau qui céda comme du papier. Les cordes vocales se noyèrent de gargarismes glaçants. L'homme se délecta des mouvements du Col Rouge, de cette défense malhabile, de cette danse hypnotisante dont seuls sont capables, pendant leurs dernières secondes, les êtres qui se tiennent sur le fil, ceux qui basculent vers une mort inéluctable.

La bouche tuméfiée implora d'arrêter. Les sangs fusionnèrent.

Le plus puissant des deux Manticores étendait son emprise sur le domaine du plus faible, sur son intimité, son individualité. Le premier ne cherchait pas à guérir le second, il cherchait à l'assimiler. Tout se déroula à une vitesse telle que Mobius en étouffa ses pensées. Il assistait à l'interdit - bien malgré lui - au sacrifice total d'une vie pour une autre. Il goûtait à ces horribles sensations, ce partage qui devenait un vol, ce vol qui devenait un meurtre. Les souvenirs du soldat affluèrent, vifs et disparates. Il s'appelait Pinçon. Il aimait bien des choses, mais ce qu'il préférait, c'était la cogne, les greffes et la soupe au poulet. Il avait orchestré l'assassinat du délégué d'Apostasis la Morte pour son simple plaisir. Il espérait cracher un jour au visage d'Alice Lhortie car il n'appréciait pas qu'elle le prenne de haut, lui qui mesurait plus d'un mètre quatre-vingt-dix. Il n'avait pas pris un grade en huit ans de services. En cinq ans seulement, cette Humaine avait gravi les échelons.

Il s'appelait Pinçon. De son passé avant l'Enclave ne transparaissait que des bribes désordonnées où s'enchaînaient violence sur violence. Ses souvenirs suffoquèrent, s'assombrirent, se tarirent : son sang ne coulait plus. De l'intimité, il ne resta rien, rien de l'individualité. Elles appartenaient à son bourreau. Elles étaient son bourreau tout entier.

Mobius chancelait. Il laissa échapper un cri.

« Attendez ! souffla son hôte. Nous ne sommes pas seuls !

En effet, le vermisseau nous écoute...

Monsieur Klein ? » s'amusa Enkidu.

Le jeune homme frisonna.

« Vous êtes encore en vie, vous aussi ? »

. . .

Mobius ouvrit la main ; Yalthia, la forêt et le feu réapparurent.

« Alors, ça crépitait ? » sourit le colosse.

L'autre tremblait plus que de raison. Il ne quittait pas le cube des yeux.

« T'es resté figé. J'ai pas osé te déranger...

— Combien de temps... lâcha Mobius. Combien de temps ça a duré ? »

L'objet lui échappa des doigts pour atterrir dans la poussière.

« J'en sais rien. Peut-être deux ou trois minutes...

Si peu... si peu de temps », songea le jeune homme.

Son ventre se tordait d'appréhensions. Ses cours d'anatomie lui revenaient en mémoire : lorsque deux Manticores tentent de s'assimiler l'un l'autre, commence alors une guerre régie par la vigueur et la volonté. Toutes les cellules se mobilisent pour combattre l'agresseur, pour pénétrer ses barrières dans l'unique but d'atteindre le point vital, au cœur du cortex cérébral. Les systèmes nerveux et sanguins se transforment alors en vrai champ de bataille. Si les réactions chimiques s'équilibrent, l'affrontement peut durer près d'une heure. Une fois l'aire émotionnelle envahie, le cerveau conquis est considéré comme anéanti.

Plus simplement, la victoire revient toujours au plus solide des deux.

Avec un corps qui n'offrait aucune résistance, comme celui du Sappir, Mobius n'en avait eu que pour une dizaine de minutes. Il s'étonnait qu'un Manticore absorbe un frère en encore moins de temps. Il connaissait par cœur la courbe, celle de la dégénérescence de son peuple, discutée à maintes reprises sur les bancs de l'université : le plateau, la chute, le risque d'extinction, les recherches du docteur Bernstein et enfin sa propre génération, celle des enfants stabilisés. Si on s'en tenait au graphique, il paraissait évident que l'assassin appartenait à une époque lointaine.

« Vertigineusement lointaine... songea Mobius avec horreur.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? » s'inquiéta Yalthia.

L'autre ne réagissait plus, perdu dans ses pensées.

« Tant pis... » lança le colosse en ramassant le cube.

Aussitôt, Mobius lui arracha l'objet des mains et l'envoya au feu.

« Mais, ça va pas ?

— Il faut... il faut surtout pas qu'on garde ça ! »

Le jeune homme s'était relevé. Ses doigts se tordaient d'angoisse.

« Ils vont savoir où on est... ils vont nous trouver !

— Qui ? Ceux de l'engin volant ? Comment tu sais ça ? »

Mobius se tira les cheveux, puis grommela contre lui-même.

« Aide-moi ! On doit éteindre ce feu... essaya-t-il.

— Il éloigne les bêtes. On y touche surtout pas !

— Il va les attirer jusqu'à nous... »

Pris d'une nervosité soudaine, le blondinet ratissait déjà les gravats alentour pour en recouvrir les flammes. Yalthia s'interposa. Il lui attrapa les bras, l'obligea à le regarder ; Mobius s'enragea en retour. Il envoya, de toutes ses maigres forces, une volée de coups de pied trop courts. Ses poings cognaient les étaux qui écrasaient ses membres. Son visage se couvrait d'une peur panique. Ses yeux fuyaient.

« Bon ! Tu m'expliques ? » lança l'obscure montagne qui le fixait intensément.

Pendant une seconde, Mobius se sentit prêt à avouer, à asséner la raison de leur présence, à poignarder son protégé de vérités assassines. Sa voix quitta sa gorge en un léger filet qui s'embourba sur sa langue. Il s'embrouillait. Les mots s'amassaient dans sa bouche. Ils y prenaient tant de place qu'ils pulsaient dans son crâne, s'enchevêtraient les uns avec les autres.

Rien ne s'échappa.

Il se voyait déjà rejeté par le Sappir, abandonné, renié. Il lui semblait qu'on s'attachait à lui pour sa faiblesse, sa retenue, cette timide façon avec laquelle il camouflait le gouffre d'amertume qui lui dévorait le cœur. Vermisseau, mollusque, dégénéré : il voulait s'enfermer dans ce réduit qui lui servait de cervelle. Loin du monde, il s'y sentirait si bien - vraiment bien. Il ne voulait plus avoir à se défendre ni à se justifier. La résiliation l'envenimait. Si personne ne réussissait à lire en lui, à déchiffrer ses sentiments, ses émotions, ses peines, il préférait se taire et oublier l'idée qu'on le comprenne un jour. Malgré tout, intimement, il savait qu'il espérait le contraire et cette contradiction le perdait dans un labyrinthe de considérations inutiles qui le menaient toujours à la même constatation : pourquoi était-ce si difficile de crier au monde qu'il avait besoin d'aide ?

« Laisse-moi... chuinta-t-il, la mâchoire serrée.

— Tu as toujours aussi peur, hein ? »

Les index du colosse s'enfonçaient sous ses omoplates.

« Qu'est-ce que tu me caches comme ça ?

— Laisse-moi ! » s'emporta Mobius en se tortillant.

L'intonation manquait cruellement de spontanéité. Elle eut pourtant l'effet escompté. La poigne céda. Surpris, le jeune homme atterrit sur les fesses, les paumes dans les cailloux. Face à lui, Yalthia affichait une mine fermée, aggravée par les ombres nocturnes qui en transformaient les traits. Ses larges épaules s'affaissèrent. Il ne bougeait plus d'un pouce, comme paralysé.

L'avait-il déçu à ce point ? L'avait-il blessé ?

Mobius recula. Il poussa sur ses pieds affolés, son dos traînait dans la poussière. Il n'arrivait plus affronter le colosse. Pas après ce coup de sang ridicule ! Alors, honteux, il fit volte-face et s'élança d'un pas mal assuré en direction des calanques. L'autre ne sembla pas le suivre. Les lueurs du brasier vacillaient. Elles dévoilaient un chemin calcaire noirci par la végétation en bordure de falaise. Plus bas, les flots grondaient. Ils roulaient dans les creux, projetaient des gerbes d'écume dont les nuances plus claires pétillaient ; l'encre reflétait le ciel gorgé d'étoiles.

Le jeune homme suivit obstinément les traces blanches, ne prêta pas attention à la hauteur, contourna les obstacles et manqua déraper plus d'une fois. Les sols accidentés se gavaient d'éboulis qui ne facilitaient pas sa progression. Lui tremblait de rage, concentré sur la seule haine de soi, la seule haine des autres. Il les accusait de tous ses maux, puis s'accusait à son tour. Mais au fond, n'était-ce pas seulement un moyen d'esquiver l'affrontement ?

Qui fuyait-il vraiment ? Le Manticore, le Sappir, lui-même ?

Cette frayeur intestine portait Mobius vers l'avant, vers cette nature hostile qui le terrifiait tant. Il ne s'arrêta pas d'avancer, pas même lorsqu'il trébucha, se releva, trébucha encore, rampa, s'époumona, s'épandit en lourdes larmes qu'il essuya d'une manche poussiéreuse. L'air chaud pansait ses joues sales. Tous doigts tendus, le jeune homme s'agrippa aux brindilles, aux buissons épineux, aux rochers qui lui barraient la route. La pénombre l'accompagna ainsi jusqu'à ce qu'il disparaisse, dévoré par la nuit. Loin du Sappir, derrière un affleurement qui le protégeait de l'écho des courants, il stoppa sa course et s'écroula dans les feuilles.

« Je te croyais moins vif que ça, tu sais ? » entendit-il.

Son cœur se souleva. L'ombre massive de Yalthia se tenait devant lui.

« Au moins, ça me rassure. Tu réagis quand on te bouscule... »

Le colosse, si enclin au contact, ne le toucha pas.

« C'est que tu n'es pas aussi mou qu'il y paraît ! »

Mobius renifla.

« Me dis pas que tu pleures ? La dernière fois que j'ai chialé, j'avais cinq ans. »

Le jeune homme laissa échapper un léger grognement.

« Quand tu te seras calmé, on s'installera où tu veux. D'accord ? »

Le plus petit acquiesça.

« Me... merci. »

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro