Hors Série : Passé.
« - Redresse toi et regarde moi. »
Le roux était sur les genoux, la tête baissée, légèrement tremblotant, fixant ses lunettes cassées d'un œil absent. Le jeune garçon avait des traces de coups sur le visage, et des marques de coupures sur les poignets et les chevilles, si caractéristiques que personne ne pouvait douter de comment il les avait eut.
« - J'ai dis, REGARDE MOI. »
Le châtain attrapa les cheveux du roux en poignée et les tira pour lui relever de force la tête. Le roux avait toujours l'air absent, comme éteint. Le châtain fixa un instant les traces sur son visage et passa légèrement le dos de sa main sur la joue du garçon, appuyant légèrement sur un œdème, le faisant tressaillir.
« - Je fais ça pour ton bien, Eiden, tu sais ? »
Le roux hocha machinalement la tête, n'ayant toujours aucune réaction particulière.
« - Laisse moi te dire que si quiconque te montre de l'intérêt pour autre chose que te baiser... C'est un putain de menteur. Je suis obligé d'être honnête avec toi mon ange, ou personne ne le sera. »
Le roux hocha à nouveau la tête comme un robot.
« - Tu seras obéissant à partir de maintenant ?
- Oui...
- C'est bien... »
Le châtain lâcha ses cheveux, laissant la tête du roux retomber comme si elle pesait des tonnes.
« - Je dois aller en cours. T'as intérêt à te dépêcher d'y aller. Et comme d'habitude, ne dit rien à personne. D'accord ? Ne me force pas à t'éduquer un peu plus.
- D'accord... Merci de prendre du temps pour moi...
- C'est normal, Eiden. C'est parce que je t'aime. »
Sur ses mots, le châtain s'en alla, laissant le roux seul. Celui-ci prit un moment avant de se mettre debout, tremblant, et il attrapa sa besace pour aller en cours de sciences, traînant les pieds.
« - Monsieur Wallon, vous êtes en retard.
- Désolé madame...
- ... Tout va bien ? Vous avez des marques plein le visage ! Vous vous êtes battu ?! »
Le garçon releva la tête vers sa professeure et esquissa un sourire forcé.
« - Tout va bien... Ne vous en faites pas, ce n'est rien... »
L'adolescent alla s'asseoir à son siège, au fond, sans rien ajouter, sous le regard préoccupé de la femme.
Eiden avait alors 15 ans. Élève de seconde, il était loin d'être un étudiant exemplaire et n'y mettait pas vraiment de bonne volonté. Néanmoins, il était le sujet de préoccupation numéro un de ses professeurs.
Le roux arrivait très souvent en retard en cours, la moitié du temps avec des blessures qui étaient en toute évidence provoquées par des coups, et il n'avait pas fallu très longtemps aux professeurs pour s'apercevoir que leur élève se mutilait.
Il avait été obligé de prendre un rendez-vous par semaine avec l'infirmière scolaire, rendez-vous pendant une heure de permanence durant lequel il s'asseyait sur une chaise devant l'infirmière et ne décrochait pas un mot une heure entière.
La professeure de sciences se contenta de dire au rouquin de rester un peu à la fin de l'heure pour qu'ils discutent avant de commencer son cours. Elle savait qu'elle était l'une des deux seules personnes de l'équipe éducative qui avait gagné la confiance du roux cette année, et elle espérait au fond d'elle qu'elle réussirait à lui faire dire ce qui n'allait pas, et qui le mettait dans un état pareil à chaque fois.
Eiden n'était pas un adolescent bagarreur, ni même un garçon à problèmes en général. Depuis qu'il était entré dans cette école au collège, il avait toujours été un enfant débordant de vie et de joie, qui savait se faire discret et qui participait partout sans causer de problèmes majeurs.
Le genre d'élève que les professeurs adoraient.
Néanmoins, depuis l'année dernière il avait commencé à s'assombrir, ses notes avaient commencé à baisser. Ce n'était rien d'alarmant jusqu'à son entrée en seconde où le garçon s'était enfermé dans un mutisme assez sévère.
Ses parents se faisaient un sang d'encre, et l'équipe n'arrivait pas à régler la situation à cause du manque d'information.
À la fin du cours, Eiden ne prit pas même la peine de se lever de sa chaise, attendant que tout le monde quitte la pièce et que sa professeure vienne vers lui. Celle-ci verrouilla la porte avant de venir vers son bureau, tirant une chaise pour s'asseoir face à lui. Elle observa un moment le garçon et ne put s'empêcher de penser qu'il était dans un bien triste état, aujourd'hui encore. Elle soupira doucement et posa un sachet de petits chocolats sur la table.
« - Tu en veux ? »
Eiden regarda le sachet un moment avant d'y piocher deux petites boules de chocolat à grignoter.
« - Où sont tes lunettes ?
- Je les ai cassées...
- Comment tu as fait ça ?
- Elles sont tombées et j'ai marché dessus... »
La femme soupira légèrement. Elle n'y croyait pas du tout, mais elle savait qu'il y avait peu de chances qu'elle réussisse à lui soutirer des informations plus précises. De plus, il y avait aussi des chances que le jeune garçon se braque et refuse catégoriquement de lui parler de quoi que ce soit d'autre si elle insistait à ce point sur un « détail ».
« - Bien... Et ces marques sur ton visage ?
- ... Je suis tombé... »
La professeure le regarda, un peu peinée. Ce n'était évidemment pas la vérité, des traces comme ça ne pouvaient être laissées quasiment que par des poings, mais elle ne savait pas vraiment si elle pouvait réussir à soutirer des informations au roux sans le braquer complètement.
Elle avait développé une théorie avec des amis enseignants. Ils pensaient que si Eiden voulait à ce point protéger son bourreau, c'est qu'il y avait des chances qu'il en soit amoureux, même qu'il sorte avec. Elle décida de tenter le tout pour le tout.
« - Tu es très maladroit, on dirait... »
Le rouquin hocha la tête sans répondre.
« - Il n'y a personne qui pourrait t'aider ?
- M'aider ?
- Te rattraper quand tu tombes, je ne sais pas... Quelqu'un dont tu es très proche. Une ou un petit-ami peut-être ? »
Eiden la regarda et se renferma brusquement sur lui-même. La femme se mordit l'intérieur des joues. Pas assez subtil. Mais au moins, elle avait la confirmation que le jeune homme protégeait bien la personne qui partageait pour le moment sa vie. Elle se nota mentalement de missionner des surveillants pour veiller sur Eiden et essayer de trouver cette personne.
« - Pardon, je ne veux pas être indiscrète, ça ne me regarde pas vraiment... J'aime juste beaucoup les potins. »
La femme fit un sourire aussi rassurant que possible au jeune homme. Le rouquin lui rendit timidement.
« - Est-ce que je peux y aller madame ?
- Oui bien sûr... Désolé de t'avoir retenu un vendredi soir, je voulais simplement m'assurer que tout allait bien. Tu peux m'en parler si tu as un problème, tu sais ? »
Le roux hocha la tête doucement et ramassa son sac pour sortir de la pièce. Pièce devant laquelle l'attendait le châtain, qui esquissa un sourire mauvais en le voyant et attrapa son poignet pour le tirer avec lui dans les toilettes.
« - A... Attends, qu'est-ce que tu fais... ? Je dois rentrer chez moi !
- Tu vas pas rentrer tout de suite. J'ai lu une histoire sur mon téléphone pendant le cours et ça m'a foutu une putain de gaule, t'as intérêt à bien me soulager, salope. »
Le roux perdit instantanément le peu de lumière que ses yeux avaient retrouvés.
« - ... Oui, bien sûr...
- Bien. »
~
Eiden se réveilla en sursaut, la respiration sifflante, haletant, le dos couvert de sueur. Il frissonna et tâtonna dans le noir à la recherche de sa lampe de chevet, entendant un grognement en mettant un petit coup à côté de lui en cherchant.
« - Chaton, bordel... On est au milieu de la nuit... »
Le garçon renifla, les larmes aux yeux, et Kris se redressa en un bond.
« - Eiden ? Tu pleures ?! Qu'est-ce qui ne va pas ?! »
Le rouquin fondit dans ses bras en reniflant et se blottit contre lui.
« - Chaton...
- R... Rien... Je suis juste content de... De t'avoir toi dans ma vie... »
Kris le serra contre lui avec une petite moue. Eiden ferma les yeux, se répétant « J'ai 19 ans. » des centaines de fois comme un charme de protection. Le brun caressa légèrement ses cheveux.
« - De quoi t'as bien pu rêver...
- C'était... Un souvenir... Quelque chose dont je n'ai pas envie de me rappeler. »
Le brun se contenta de se rallonger en serrant son petit ami dans ses bras, silencieux. Il n'avait aucune idée de ce qui pouvait bien se passer dans la tête du rouquin, ni même ce qui avait bien pu se passer dans sa vie pour le mettre dans des états pareils, mais si une personne était impliquée, il ne pouvait pas garantir sa survie.
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