S'ils avaient eu l'impression d'être ballotés lors de leur fuite en passant trop près du requin ; là, ils avaient eu l'impression d'être écrasés par l'eau tellement le requin nageait vite. Ils n'avaient eu pourtant pas l'impression que l'animal faisait beaucoup d'effort. Enfin, maintenant l'énorme poisson les avait libéré de ses nageoires et Gayelle avait très vite reconnu l'endroit où l'animal les avait laissés : pas très loin du récif où elle avait emmené Cyril. Ou plus précisément, le long de la falaise au pied de celui-ci. Ensuite, le requin s'était éloigné un peu avant de descendre dans les profondeurs et de disparaitre.

Cyril et Gayelle l'avaient regardé un long moment avant de chercher pourquoi il les avait laissés ici.

La sirène était passée la première. Elle avait beaucoup insisté en signalant à Cyril que ce n'était pas lui qui allait pouvoir la protéger ou la défendre, s'il y avait un problème, vu ses performances à la nage. Elle serait même morte avant qu'il n'ait pu atteindre le palais. Cyril avait été un peu vexé mais il n'avait rien répondu. Surtout parce qu'il savait qu'elle avait raison : en cas de problème, comme tout à l'heure avec le requin, il ne serait pas d'une grande aide. Alors Gayelle était entrée la première dans la grotte.

Une grotte dont l'entrée passait parfaitement inaperçue. La sirène ne s'était jamais doutée de son existence et ils avaient eu du mal à la trouver. Et s'ils l'avaient trouvée, c'était parce que Cyril avait, par le plus grand des hasards, mis la main sur la fine couche de matière qui en masquait l'entrée et qui avait cédé sous la pression.

- Comme d'habitude, tu ne me crois pas, avait soupiré le sirin en voyant le regard suspicieux de la sirène parce qu'en plus il voulait lui faire croire qu'il était aussi maladroit et chanceux !

Maintenant, ils se faufilaient dans un boyau étroit et obscur. En plus, ils n'étaient même pas certains de trouver quelque chose au bout du tunnel. Et s'il n'y avait rien ? Et s'il n'y avait même pas une caverne ? Pour faire demi-tour, ce ne serait pas pratique ! Comment faire rebrousser chemin à deux sirins dans un tunnel où ils arrivaient à peine à bouger ? Et s'ils se retrouvaient dehors, comme il s'était retrouvé dans la grotte d'Enacle après être parti de cette même grotte ? Après tout, il était dans un rêve ! Un rêve un peu long, c'était vrai. Mais un rêve quand même ! Pour preuve le fait qu'il se soit approché d'un si gros requin sans se faire manger ! Rien n'était logique donc. Rêve ou pas, pour l'instant, il cherchait où il devait poser les mains sans pour autant coincer la queue de Gayelle. Celle-ci le faisait bruyamment entendre lorsque Cyril avait le malheur de lui coincer la nageoire caudale !

- Gayelle !

Cyril avait réagit aussitôt en entendant le petit cri de la sirène. Mais elle le rassura très vite : ce n'était rien. Avec l'obscurité du tunnel, elle n'avait pas pu voir que le passage débouchait dans une grotte. Et quelque part, Cyril était soulagé, en dehors du fait que la sirène allait bien, ce ne serait pas la galère pour faire demi-tour !

- Regarde, il y a de la lumière.

La sirène avait à peine débouchée dans la caverne qu'elle s'était déjà précipitée dans un coin de celle-ci. « Elle ne s'arrête don jamais ! » soupira Cyril en s'extirpant du boyau pour la rejoindre. Gayelle lui montra de petits cailloux d'où émanait une faible lueur bleutée.

- Comme celle de la sphère-lueur ! Maintenant, on va pouvoir voir où l'on va !

Avec peine, la sirène désincrusta deux petites pierres puis, elle en tendit une à Cyril. Celui-ci l'observa un moment et pendant ce temps, la sirène avait repris son exploration. Elle était vraiment infatigable, cette sirène !

- Cyril ! Par ici ! Il y a un autre passage !

Zut, pas le temps de souffler ! Ni de se demander si ces petits cailloux lumineux étaient vraiment faits de la même matière que la sphère-lueur. Cyril s'engagea donc à la suite de Gayelle. Mais celle-ci râlait. Elle peinait à prendre appui correctement avec le caillou dans la main, le passage n'était pas plus large que le premier et en pus, elle perdait régulièrement la petite pierre. Mais comment s'y prenait Cyril ? Avait-il l'habitude ? Elle tourna la tête comme elle put et elle resta saisie de stupeur. Cyril n'était pas du tout gêné par le caillou. Et pour cause ! Il l'avait coincée entre ses lèvres. Du coup, il avait les deux mains parfaitement libres.

- Tu aurais pu me le dire ! râla la sirène.

- Pourquoi ? lui répondit Cyril après avoir retiré le caillou. Pour toi, je ne fais jamais les choses correctement.

Gayelle aurait voulu répondre. Mais voilà, elle ne savait pas quoi dire. Et elle n'admettrait jamais que Cyril puisse avoir raison. Depuis son arrivée, elle trouvait toujours quelque chose à redire sur tout ce qu'il faisait. Le seul point positif qu'elle lui trouvait, mais là non plus elle ne lui dirait pas, c'était qu'il refusait d'être aidé pour nager. Et il avait fait de sacrés progrès. Sauf en cas de panique. Là, elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait, comme avec le requin géant où il avait perdu tous ses moyens et nagé... n'importe comment. Et sauf lorsqu'il s'agissait de faire n'importe quoi, comme de s'approcher qu'un animal aussi dangereux il avait fait. C'était de l'inconscience pure !

Après plusieurs mètres d'une progression pénible, Cyril eut un moment de panique. Gayelle sembla d'un seul coup comme aspirée, comme si quelqu'un l'avait brutalement extirpée du boyau. Il mit quelques secondes pour réagir et appeler la sirène tout en se précipitant comme il put. Son cœur fit un bond dans sa poitrine en voyant ce visage surgir d'un seul coup devant lui.

- Gayelle !

- Si tu voyais ta tête ! C'est trop drôle !

La sirène rigolait, satisfaite de sa blague alors que Cyril bougonnait. Il avait vraiment cru qu'il était arrivé quelque chose à Gayelle.

- On est dans une caverne, continua-t-elle plus sérieusement mais son visage restait moqueur. Assez vaste apparemment...

Elle perdit subitement son sourire de moquerie en voyant le visage de Cyril blêmir. Il restait figé, les yeux écarquillés comme s'il avait vu passer un fantôme. Et puis, il semblait fixer quelque chose derrière elle. Elle mit un moment à se décider. De toute façon, il n'y avait rien derrière elle. Il lui faisait simplement une blague en réponse à celle qu'elle venait de lui faire. C'était de bonne guerre. En tout cas, il était fort, vu la tête qu'il faisait. Un excellent comé. ..

Mais la pensée de Gayelle s'arrêta là. En se tournant vers ce que Cyril regardait obstinément, elle se figea à son tour et son cœur rata un battement avant de s'affoler. Devant elle, il y avait un... Non, c'était impossible ! Elle avait déjà entendu des sirènes parler d'un fantôme apparaissant certaines nuits. Mais elle avait toujours cru à des blagues. Mais ce qu'il y avait devant elle, dans la faible lueur bleutée de la caverne, c'était bien un fantôme. Le fantôme d'une jeune sirène, un peu plus petite qu'elle, sa peau, ses écailles, ses cheveux, tout en elle était blanc même la pupille de ses yeux bleus pâles étaient plutôt gris que noir. Le fantôme était immobile à fixer Cyril et Gayelle, tout aussi figés qu'elle.

- Mérine, qu'est-ce que tu as ?

Cyril et Gayelle portèrent en même temps leurs regards sur un autre... fantôme. D'un jeune sirin cette fois. Ce dernier posa les yeux sur ce que regardait Mérine avant de prendre peur et de s'enfuir.

- Pourquoi vous êtes... comme ça ?

- Quoi ? Comme ça ? répéta Gayelle qui ne comprenait pas de quoi elle parlait.

- Ben, comme ça.

Gayelle suivit du regard la main de la sirène qui bougeait de bas en haut. Elle mit un moment à réaliser de quoi parlait Mérine : des couleur qu'arboraient Gayelle et Cyril. La sirène blanche fut d'un seul coup très intriguée par ces deux nouveaux venus dans sa grotte. Elle mit à tourner autour d'eux, les manipulant comme des objets et en leur posant toutes sortes de questions auxquelles Gayelle s'efforçait de répondre. Enfin, lorsque Mérine lui en laissait le temps ! La sirène blanche farfouilla dans leurs cheveux, gratta les écailles de Cyril pour voir si la couleur partait ou non.

- Aïe ! s'écria-t-il subitement tout en repoussant les mains de la sirène blanche et frotter la zone douloureuse.

- C'est vraiment bien incrusté ! constata Mérine, perplexe.

- C'est notre couleur naturelle ! Répliqua enfin Gayelle qui ne savait pas trop quoi penser de ce qu'elle voyait.

- Vraiment ? s'étonna Mérine en dévisageant la sirène colorée.

Visiblement, elle n'avait jamais vu de couleur ça l'intriguait beaucoup. Tout comme « l'extérieur » dont parlait à présent Gayelle. Mérine avait du mal à concevoir qu'il puisse y avoir quelque chose au-delà de la grotte. Du coup maintenant, elle voulait aller vérifier elle-même toutes les choses que Gayelle lui venait de lui décrire. Et elle était pressée au point qu'elle poussait Gayelle vers la sortie. Enfin, vers ce qu'elle pensait être la sortie et ce malgré que Cyril lui signale qu'elle devait peut-être demander l'autorisation.

- Mérine !