... et ses habitants
- Mérine !
La sirène blanche se figea au son de cette voix autoritaire. Sur son visage s'était peint une expression qui disait « ouh là là, je vais me faire gronder » mais son regard disait plutôt « cause toujours, tu m'intéresses ».
- Tu sais qu'il est interdit de venir de ce côté de la grotte !
- Je sais mais c'est le seul endroit où il y a suffisamment de place pour nager vite ! plaida la sirène blanche en se tournant vers de nouveaux arrivants venus du fond de la grotte.
Stupéfaits, Gayelle et Cyril regardaient arriver d'autres sirins, tous blancs, de la pointe de leurs queues jusqu'à leurs cheveux. Visiblement, ils étaient tombés sur un dédale de galeries et de cavités, suffisamment vastes pour abriter tout un peuple de sirin à peine plus grands que Mérine.
- Cet endroit est maudit ! Certains d'entre nous ont disparu !
- Ça recommence, soupira Mérine. Tout ça parce qu'UNE sirène a disparu par ici voilà longtemps, c'est un endroit maudit ! Tellement maudit que des sirènes bizarres apparaissent !
En prononçant ces derniers mots, Mérine montra de la main Cyril et Gayelle restés silencieux, surpris de la scène qui se déroulait sous leurs yeux. Ces deux-là ne passaient pas vraiment inaperçus, avec leur tête de plus que Mérine et surtout leurs couleurs ! Pourtant jusque-là, aucun des sirins blancs ne semblaient les avoir vus. Ils restaient immobiles, figés de stupeur face à ces sirènes étranges venus ils ne savaient d'où.
- Allez-vous-en ! On ne veut pas de vous ici !
- Sympa l'accueil, commenta Cyril pour lui-même.
- Tu ne veux même pas savoir d'où on vient et comment on est arrivés ? s'étonna la sirène colorée qui ne comprenait pas le comportement de sirin blanc.
- Gayelle, intervint Cyril. Viens on y va. Tu vois bien qu'on n'est pas les bienvenus.
Mais Gayelle ne l'entendait pas de cette oreille. Elle voulait comprendre pourquoi ce sirin réagissait de cette façon et le soutien de ses semblables, si elle en juger par les regards qu'ils leur lançaient.
- Ils ont peur de nous, finit par lui dire Cyril en posant sa main sur le bras de la sirène blonde.
- Peur de...
Gayelle tourna son regard vers Cyril, surprise de ce qu'il venait de dire. Cyril, lui, regardait toujours les sirènes blanches. Il connaissait l'éclat qui luisait dans leurs yeux. Les sirins blancs avaient peur de l'inconnu que représentaient Gayelle et Cyril. Peut-être même n'avaient-ils jamais vu d'autres sirènes à cause de l'isolement de la grotte. Souvent l'inconnu était effrayant et l'une de s'en protéger était de le refouler violemment.
- Mais c'est l'occasion de faire de belles rencontres, continua Gayelle bien décidée à en savoir davantage sur ce peuple dont elle ignorait totalement l'existence.
Mais Cyril insista. De toute évidence les sirènes blanches ne voulaient pas de contact avec le monde extérieur. Et Gayelle n'avait pas le droit de les y obliger. La sirène finit par se laisser persuader, finalement il avait peut-être raison. Mais elle trouvait ça dommage alors si quelqu'un voulait venir avec eux...
Et la réponse ne se fit pas attendre. Mérine partait avec eux, contre l'avis général. Elle ne rendait pas compte de tous les dangers qu'il y avait dehors !
- Si vous le savez, c'est donc que quelqu'un est sorti ! intervint vivement Gayelle en saisissant la brèche qui s'offrait à elle.
- Non ! Personne !
- Et si tu disais plutôt la vérité, Tomé.
Le silence se fit subitement dans la caverne. La voix qui venait de se faire entendre provenait de derrière Cyril et Gayelle. Une intonation qui semblait parfaitement connaître le dénommé Tomé si les deux intrus se fiaient à la tête qu'il faisait. Cyril et Gayelle se tournèrent pour découvrir, sortant du passage, une vieille sirène blanche.
- Reyda... laissa échapper Tomé d'une voix tremblotante.
- Cela faisait bien longtemps, lui sourit-elle.
- Une éternité.
Leurs voix chargée d'émotion firent frissonner Cyril et Gayelle et leur nouait presque leur gorge. Les deux vieux sirins s'approchèrent, hésitèrent un instant avant de se blottir l'un contre l'autre, les larmes emplissant leurs yeux. Puis, ils racontèrent.
Voilà plusieurs années déjà, Reyda et Tomé avaient trouvé ce passage qui menait au-delà de leur caverne et ils étaient aventurés au-dehors. Ils étaient d'abord restés aux abords de l'entrée, effrayés par la soudaine immensité qui s'étendait devant eux. Avec le temps, ils s'en étaient un peu éloignés. Mais Reyda était plus curieuse et elle s'était davantage éloignée, jusqu'à perdre de vue la falaise où se trouvait l'entrée de sa grotte. Sans point de repère, elle n'avait pas su retrouver son chemin. Bien sûr, elle avait eu très peur au début. Elle se retrouvait seule dans un environnement qui lui était totalement inconnu. Et puis, avec le temps, elle avait appris à se familiariser avec toutes ces choses différentes. Elle avait appris à quel moment elle pouvait remonter jusqu'à la limite de l'eau, surtout pour regarder le cercle d'argent qui se trouvait encore plus haut. Elle aimait particulièrement ces moments-là. Les écailles de sa queue luisaient davantage lorsque ce que venait d'appeler Cyril la Lune était toute ronde. Elle évitait ces moments où tout était clair, ça lui faisait trop mal aux yeux. Elle passait donc la plus grande partie de son temps dans les profondeurs, c'était là qu'elle avait fait la connaissance d'une énorme créature. Effrayante au début, l'animal était en fait d'une grande délicatesse. Mais malgré tout ce qu'elle avait vu, de merveilleux ou d'effrayant, elle était bien contente d'avoir enfin retrouvé le chemin de sa grotte.
- Mais pourquoi ne pas être venue dans une cité ? lui demanda Gayelle. Les sirènes vous auraient certainement aidée.
- J'ai voulu, à un moment. Mais les sirènes ont eu peur de moi et ils se sont enfuis en m'apercevant.
- Mais alors... Le fantôme, c'était vous ?
Reyda se contenta de sourire à la remarque de Gayelle. Mais oui, il semblerait bien que ce soit elle.
Tous écoutaient les propos de la vieille sirène, sa voix était chaude et le récit de ces découvertes était captivant, même pour Gayelle, qui pourtant connaissait bien l'océan. Les réticences furent encore nombreuses lorsque Mérine avait dit qu'elle voulait elle-aussi voir tout ça de ses propres yeux. Mais les plus anciens s'y opposèrent. Tout leur paraissait plus effrayant que merveilleux.
- Pourquoi ne pas la laisser faire sa propre expérience ? intervint encore Reyda.
- Tu as mis des années à retrouver le chemin de nos cavernes, Reyda.
- Parce que j'étais seule, Tomé. Là, Mérine ne sera pas seule. Je suis certaine que ces deux jeunes sirins sauront prendre soin d'elle.
Gayelle s'était déjà précipitée. Bien sûr qu'elle veillerait sur Mérine ! Et avec toutes les recommandations de Reyda, il ne pouvait rien arriver à la sirène blanche. A ces mots, Cyril sentit une sueur froide lui parcourir le dos, pressentant les problèmes pour lui. Il avait déjà Gayelle sur le dos...
Mérine n'attendit aucune approbation, elle entraînait déjà Gayelle vers l'endroit d'où avait surgi Reyda et la sirène colorée lui montra le passage.
« Bien cachée » souffla Mérine avant de s'engouffrer dans le passage et Gayelle la suivit aussitôt.
- Gayelle, attends ! Mérine n'a pas eu...
La phrase de Cyril resta en suspens. Manifestement, les deux sirènes ne l'écoutaient pas. Ça promettait !
Il se retourna en sentant une main se poser sur son épaule.
- Je vais vous accompagner. Si tu veux bien.
Cyril dévisagea un instant le sirin près de lui. Il ne faisait pas parti des plus âgés et dans son regard, l'ancien humain pouvait y voir de la crainte, la peur de l'inconnu. Décidément, il était vraiment réaliste, ce rêve ! Pourtant, il hocha la tête, comme si tout était réel et devant l'hésitation du sirin, Cyril s'engagea dans le tunnel.
Généralement, on disait que le chemin semblait plus court lorsqu'on le connaissait déjà. Et bien de l'avis de Cyril, c'était de la foutaise ! Le tunnel pour sortir de cette grotte, le même puisqu'il n'y en avait qu'un seul, était aussi long et pénible qu'à l'allée. Et il fut bien content d'en être sorti et de retrouver enfin le grand large. Aussitôt, son regard chercha les deux sirènes. Gayelle et Mérine n'étaient pas très loin. Impressionnée, la deuxième s'accrochait au bras de la première.
- J'ai cru comprendre que tu aimais nager vite, lui dit Gayelle. (Mérine hocha la tête). Alors dis-toi, qu'ici, il n'y a aucun obstacle à ta course.
La voix de Gayelle était douce et rassurante lorsqu'elle s'adressait à Mérine. Pourquoi ne parlait-elle jamais de cette façon à Cyril ? Il soupira. Mais quand ce rêve allait-il prendre fin ?
Quelque chose attira son attention vers la grotte d'où il venait de sortir. Zut ! Il avait oublié ! Le sirin blanc n'était pas sorti de la grotte. Il regardait inquiet l'immensité s'ouvrir devant lui. Cyril l'observa un moment. Il avait l'impression de se revoir à son réveil, après avoir bu cette étrange potion. Lui-aussi avait été un peu perdu... Enfin pas longtemps parce que très vite, il avait paniqué en s'apercevant qu'il avait une queue de poisson à la place de ses jambes !
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