Chapitre 7
Quand Kristoff fut parti, Anna gagna la cuisine et sortit dans l'arrière-cours.
— Tu es là ? demanda-t-elle.
Anna regarda la courette. Elle était fermée par un haut mur sur deux côtés, le troisième côté étant la maison de la jeune femme, et le quatrième, le flanc aveugle de la maison voisine.
Une pile de caisse s'entassait dans un coin de la courette et Anna vit alors sortir Hans, presque timidement.
— Je dois partir, dit-il. Il n'est pas question que je tombe nez à nez avec ton mari... Il me tuerait sur place sans même me laisser une chance de m'expliquer.
Anna pinça la bouche. Le mot "mari" avait été très amer et la jeune femme hocha lentement la tête. Voir Hans ainsi la faisait souffrir, mais elle n'en avait pas le droit, eu égard à son mari...
— Viens te réchauffer un moment quand même, dit-elle. Cette fois-ci, il ne reviendra pas avant la nuit, tu as ma parole.
— Comment tu le sais ?
— C'est mon mari, Hans, et quand il va voir Grandpabbie, alors il part pour la journée.
— Qui est ce Grandpabbie ?
Hans entra dans la maison et Anna lui indiqua la chaise abandonnée plus tôt.
— C'est un Troll de pierre, répondit-elle. Il y a douze ans, Kristoff s'est perdu en forêt et il a été recueilli par des Trolls qui l'ont élevé comme l'un de leurs enfants. Grandpabbie est le chef et c'est lui qui m'a sauvée, la première fois qu'Elsa m'a blessée avec ses pouvoirs...
La jeune femme toucha la mèche blanche sur son front et Hans resta silencieux. Anna se détourna alors et termina de préparer le thé qu'elle apporta ensuite sur la table avec de la tarte aux pommes de la veille.
— Je n'ai rien de frais à t'offrir, s'excusa-t-elle. Je n'ai pas encore allumé le fourneau...
Hans haussa les épaules.
— J'ai passé deux semaines sur un bateau puant à bouffer des haricots, alors ce n'est pas une tarte aux pommes de la veille qui va me faire grimacer...
Anna esquissa un sourire. Elle observa ensuite le jeune homme manger la part de tarte et soupira discrètement. Elle aimait Kristoff de tout son cœur, il était son époux, ils avaient prévu d'avoir des enfants dans un futur proche, et pour rien au monde elle ne le ferait souffrir d'une si vile manière, mais en ayant Hans sous les yeux, en l'ayant perdu de vue depuis plus de trois mois, en l'ayant détesté de tout son cœur puis en ayant fini par lui pardonner, la jeune femme revivait ces quelques heures passées avec lui au château, à se promettre un amour éternel...
— Tu m'aurais réellement épousée, Hans ? demanda soudain la jeune femme.
Le jeune Prince, surpris par la question, s'étouffa avec sa tarte et se tapota le torse.
— Pourquoi tu demandes ça comme ça ? demanda-t-il. Tu es une femme mariée, c'est inapproprié dans ta bouche...
— Je sais, mais je dois savoir. Est-ce que si Elsa n'avait pas perdu son sang-froid pendant le bal, tu m'aurais épousée, sans arrière pensée aucune ? Même si je veux croire le contraire, rien ne me dit que tu n'étais pas à Arendelle avec de mauvaises intentions dès le départ...
Hans reposa sa tarte et s'essuya la bouche avec la serviette qu'Anna avait apportée avec le thé.
— Oui, répondit-il finalement. Oui, je t'aurais épousée quand même, parce que je t'aimais, Anna. Je ne pensais pas trouver à Arendelle une Reine et sa sœur, orphelines depuis des années, livrées à elles-mêmes, mais quand je vous ai vues, ta sœur et toi... Initialement, j'étais là pour courtiser Elsa et l'épouser. Je suis un Prince sans royaume, Anna, je dois me marier pour continuer ma lignée. Elsa était un bon choix au départ, et puis j'ai rapidement compris qu'elle ne se laisserait pas faire, rien qu'en écoutant les gens parler d'elle. Et puis nous nous sommes rencontrés, sur les quais, et je suis tombé amoureux de toi dès le premier regard...
Hans baissa le nez et Anna posa sa main sur la sienne. Il regarda la jeune femme et elle lui sourit doucement.
— Ma sœur parviendra à te pardonner tes actes, dit-elle doucement. Et je plaiderai en ta faveur s'il le faut. Tu as toujours été gentil avec moi, tu t'es inquiété pour moi quand je suis partie la chercher, je t'ai confié mon royaume et tu as distribué nourriture et couvertures aux habitants de la ville...
Anna baissa les yeux.
— Le cœur de chaque homme possède une part de noirceur, ajouta-t-elle. Parfois elle ne se montre jamais, et parfois, oui, mais tu n'as pas à t'en vouloir, Hans... Tu as profité de l'instant présent, tu as pensé qu'en supprimant la méchante Reine des Glaces qui avait plongé le pays dans un hiver éternel, tu...
Anna secoua la tête.
— Je ne peux pas dire ce que tu pensais à ce moment-là, dit-elle. Mais je sais que maintenant tu regrettes tout ça et que tu n'es pas quelqu'un de mauvais. Elsa a été pardonnée pour ses actes, elle aussi, elle n'a fait de mal à personne, elle était juste terrorisée par tout ce qui se passait. Je suis certaine que si tu la laisses faire, elle finira par te pardonner tes actes parce que l'essentiel dans l'histoire, c'est qu'il ne me soit rien arrivé de grave, Hans...
Anna posa ses mains jointes sur son tablier et se mordit la joue.
— Nous avons été privées de nos parents alors que nous étions jeunes, dit-elle doucement. Ils sont partis à un mariage et ne sont jamais revenus. Leur bateau a fait naufrage et nous sommes alors restées seules, enfermées dans le château sans avoir le droit d'en sortir. Les volets étaient toujours fermés, les portes closes et nous n'avions aucun ami pour jouer... Enfin je n'avais aucun ami car Elsa, elle, était recluse dans sa chambre, elle n'en sortait jamais... Pendant douze ans, je n'ai pas vu ma sœur une seule fois, elle n'est même pas venue à la cérémonie pour nos parents... Je ne savais pas pourquoi elle se terrait dans sa chambre, j'ignorais tout de ses pouvoirs jusqu'au soir du bal du couronnement...
Anna secoua lentement la tête. Malgré les années, parler de ses parents disparus était encore douloureux et elle serra les mâchoires. Hans posa sa main sur les siennes et elle le regarda.
— Tu n'as pas besoin de me raconter tout ça, dit-il en se redressant. Je sens bien que c'est difficile pour toi, mais je n'ai pas besoin de savoir tout ça... Je suis ici pour que la Reine d'Arendelle me pardonne mes actes, et j'ai de la chance d'être tombé sur toi avant car je n'aurais eu aucune chance en me présentant au palais directement.
Anna opina. Elle se versa un peu de thé puis en proposa une nouvelle tasse à Hans, mais il déclina.
— Je vais te conduire à l'étage, dit alors la jeune femme. Tu vas prendre un peu de repos et cet après-midi, nous nous rendrons au palais.
— Anna, je ne...
— Ce n'est pas de la pitié, Hans, répondit la jeune femme. Je sais que je ne devrais pas dire ça en tant que femme mariée qui chéri son époux, mais j'ai toujours beaucoup d'affection pour toi et savoir que la punition que t'a réservée ton père t'as mis dans un tel état, j'en avais mal au cœur... Je voulais te demander de venir, mais ton père m'a devancé. Il a ordonné à Elsa de t'accueillir pour que tu puisses lui faire des excuses, mais je n'ai jamais donné la lettre à ma sœur.
Hans se redressa, surpris.
— Pour quelle raison ? Anna, elle ne sait donc pas...
Anna secoua la tête.
— Elsa ignore que tu es arrivé aujourd'hui, car je la connais et je sais que si je lui avais fait porter ce courrier, elle aurait immédiatement fermé le fjord tout entier d'une haute barrière de glace...
Anna tapota le plan de travail du bout des doigts et soupira en repoussa sa mèche rousse de sa main droite.
— Je risque très gros en faisant ça, dit-elle alors. Elsa risque de m'interdire l'accès au château et de revoir les privilèges de Kristoff, mais je m'en fiche, Hans...
Hans se leva aussitôt.
— Anna, tu ne dois pas...
La jeune femme tourna la tête et planta son regard violet droit dans le sien. Hans se figea.
— Anna... dit-il sur un ton presque suppliant.
— Hans, arrête. Tu n'as rien à me dire, je veux juste des excuses, mais tu viens de passer deux semaines sur un petit navire de commerce. Alors je vais te conduire à l'étage, tu vas te reposer, et ensuite, on se rendra au château pour y rencontrer Elsa.
— Et si elle ne veut pas, si ses gardes...
Anna soupira par le nez, agacée. Hans baissa le nez puis tourna les talons et se dirigea vers l'escalier de bois.
— Première porte à droite, dit Anna en se détournant.
Elle entendit le jeune Prince monter l'escalier lentement et elle inspira profondément avant de s'ébrouer pour aller allumer le fourneau. Il était déjà tard et on sentait qu'il faisait froid dans la maison. Heureusement, Kristoff n'avait pas remarqué que sa femme avait prétendu avoir fait brûler du pain... sans que le fourneau ne soit allumé.
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