Chapitre 49
Lorsque la reine du Nord apprit, par retour de messager magique, que le père de Sebastian avait confirmé les paroles de celui-ci, elle vit ses plans tomber à l'eau. Il n'était pas question qu'elle perde sa fille ! Furieuse, elle convoqua donc Sebastian dans son boudoir, un peu après le déjeuner.
— Vous m'avez menti.
— À quel sujet ? demanda Bash.
— Tu as envoyé un message à ton père sans m'en parler.
— J'ignorais que je vous étais soumis...
Sare'ya grimaça.
— Tu ne m'es pas apparenté, Sabi, tu peux parfaitement épouser ma fille, répondit-elle.
— Le truc, c'est que je ne veux pas. D'une parce que si, vous êtes ma mère, vous m'avez nourri au sein, de deux parce que cela fait de Savinna ma sœur, et enfin parce que je suis déjà avec une femme et que je n'ai pas envie d'avoir affronté les colères de la reine des neiges pour rien !
Sare'ya pinça la bouche. Assise dans son trône, près de celui, vide, du roi, elle plissa les yeux. Ses ongles crissèrent sur le bois des accoudoirs.
— Mère, si vous me forcez à épouser Savinna, Elsa va raser ce royaume... tenta alors le jeune homme. Vous voulez vraiment qu'il soit plongé dans un hiver éternel ? Vous connaissez sa réputation, bon sang, alors pourquoi risquer de tout perdre ?
La reine pinça la bouche et détourna la tête. Bash comprit qu'elle ne dirait rien de plus et il quitta la salle du trône sans se retourner. Dans le couloir Elsa et Savinna attendaient, inquiètes.
— Qu'est-ce qu'elle a dit ? demanda celle-ci.
— Rien. Je lui ai demandé si elle avait tant envie de tout perdre, elle a juste tourné la tête.
Savinna baissa le nez.
— Il faudrait la remarier, dit-elle alors. Elle serait reine, en tant que veuve du roi, et son mari deviendrait un consort...
— Tu crois ? demanda Sebastian. Mais où trouver un homme qui voudra d'une reine aigrie, probablement enceinte de feu le Roi, et mère d'un magicien ?
Elsa haussa un sourcil.
— J'aurais bien proposé Hans, mais...
Savinna lui fit les gros yeux et Esla leva les mains avec un sourire en coin.
— Je connais peut-être l'homme idéal, dit alors la princesse. Il s'appelle Karghen et c'était l'un des meilleurs amis de Père.
— Je le connais ? demanda Bash.
— Malheureusement, oui, c'est lui qui t'a conduit à la grotte, quand Père n'a plus voulu de toi...
— Je vois. Et tu voudrais marier Maman avec lui... ?
Bash renifla et Elsa fit la moue.
— Ce n'est peut-être pas si idiot, dit-elle. Venez, allons discuter ailleurs, les murs ont des oreilles dans les châteaux.
Le trio quitta alors le couloir et, lorsqu'ils furent suffisamment éloignés, un homme sortit des ombres. Observant les trois jeunes gens, il fronça les sourcils ; c'était Karghen en personne, venu pour discuter avec la reine de la succession au trône... Il avait entendu des voix et s'était caché ; il avait ensuite écouté la discussion et, à mesure que l'idée faisait son chemin dans sa tête, il la trouvait plus que réalisable. Non pas parce qu'il avait toujours rêvé de devenir l'homme le plus puissant du royaume, mais parce que l'enfant supposé de Sare'ya pourrait bien être le sien...
.
Réfugiés dans la grotte de Sebastian, le trio discutait du plan pour marier la reine à Karghen dans les plus brefs délais et, de préférence, avant que sa grossesse ne se voit. De la sorte, le nouveau prince consort pourrait obtenir un héritier, quand bien même il ne serait pas officiellement son père.
— Ce n'est pas très éthique, ce que tu proposes.
— Tu vois une autre solution ? demanda Elsa, les mains sur les hanches. Je n'ai pas l'intention de laisser ta mère t'éloigner de moi, Bash; je n'ai pas réussi à mettre ma colère de côté pour rien !
— Personne ne m'éloignera de toi, et encore moins ma mère, mais elle est la reine et je suis son fils et...
— Et rien, Sabi, répondit Savinna. Elsa à raison, Maman n'a pas le droit de briser ta vie juste pour arranger la sienne. Je pense qu'elle est terrifiée à l'idée de gouverner seule, pis encore avec un nourrisson qu'elle ne pourra pas élever, trop occupée par ses devoirs de reine.
— Si elle se marie, ce sera la même chose...
— Pas nécessairement, répondit Elsa. Ma sœur va épouser Hans, il sera Consort, mais il va l'aider à régner, il sera son ombre et s'occupera de leurs enfants à sa place, avec la gouvernante. Karghen fera la même chose ; oui je sais, dans certains royaumes, la place de l'homme n'est pas avec les enfants, mais parfois, il faut s'adapter. Si j'étais restée reine, Sebastian tu aurais dû t'adapter, toi aussi...
Le jeune homme haussa les sourcils et plissa le nez.
— Notre cas est encore pire, chérie, nos enfants seront des purs Magikers, ils feront tourner en bourrique toute personne qui voudra prendre un peu l'ascendant sur eux si leurs pouvoirs ne sont pas bridés dès la naissance...
Elsa hocha la tete. Elle était encore loin de penser aux enfants, elle voulait d'abord laisser sa sœur en avoir au moins un, histoire d'assurer le trône, ensuite elle aviserait, mais elle avait encore en tête ce rêve qu'elle avait fait où elle se voyait avec Sebastian, parents de trois enfants, dont un entièrement roux...
S'ébrouant, la jeune femme s'assit au bout du lit et soupira.
— Savinna, il faudrait que vous parveniez à convaincre la reine qu'elle doit se remarier au plus tôt, dit-elle.
— Et sur la base de quel prétexte ?
— Sa grossesse. Pour le moment, elle ne se voit pas, mais dans quelques semaines, elle ne pourra plus se cacher sous ses robes et devra répondre aux questions du peuple. Or, sans époux, il lui sera compliqué d'expliquer pourquoi elle est enceinte...
— Mon père...
— Oui, bien sûr, il est sans doute le père de ce bébé, mais les gens du peuple sont des gens simples, Savinna ; pour la majorité, ils ne savent ni lire, ni écrire et encore moins compter. Ils ne croient que ce qu'ils voient et ils croiront immédiatement que la reine à un amant s'ils la voient enceinte sans mari...
La jeune princesse baissa le nez.
— Je comprends, répondit-elle. Je vais essayer de le lui expliquer.
— Reprenez mes mots, ce sera plus facile.
Savinna acquiesça. Elle se leva ensuite et quitta la grotte en souhaitant une bonne journée au couple.
Se tournant vers sa compagne, Sebastian l'observa d'un air préoccupé et Elsa se leva et posa ses mains sur ses flancs.
— Tu veux vraiment des enfants avec moi ? demanda-t-elle.
— Et pourquoi pas ? Tu as fais preuve d'une très grande force ces derniers mois ; tu aurais pu m'envoyer balader dès le début et ne rien vouloir de moi, mais tu as compris que tu te rendais toi-même la vie impossible en agissant de la sorte...
— C'est vrai, je n'avais pas d'amis et Anna était la seule personne que je voyais régulièrement et qui ne faisait pas partie du personnel du château... Je ne pourrais jamais assez te remercier d'avoir insisté quitte à risquer d'être blessé dans la foulée.
— J'ai été engagé pour, si j'ose dire, sourit le jeune homme.
Elsa rigola doucement, releva son visage et se laissa embrasser. Quand Sebastian montra un peu plus d'empressement, cependant, elle le brisa et se détourna.
— Elsa...
— Je suis désolée, je ne suis pas prête. Je t'aime, Bash, d'accord, mais pas à ce point, pas encore.
Baissant le nez, le magicien opina puis quitta la grotte à son tour et Elsa grimaça. Elle ferma les yeux un instant en s'appuyant contre un meuble puis soupira. Il allait falloir qu'elle prenne des cours de tact...
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Dire que Sare'ya fut enchantée d'apprendre que son peuple allait la prendre pour une femme facile si elle ne se mariait pas avant d'être grosse, fut un euphémisme. Elle se mit en colère après Savinna en l'accusant de ne pas vouloir l'héritage de son père, et la jeune femme, déjà accablée par la disparition du roi, n'eut pas la force de répliquer et abandonna l'idée de continuer à discuter avec sa mère.
Une semaine plus tard, Karghen se présenta officiellement au château, demandant audience à la reine veuve. Il fut reçu avec tous les honneurs qui prévalaient pour un homme comme lui, et le fait que Sare'ya et lui semblaient se connaître depuis longtemps donna une idée à Elsa...
— Ce serait faux.
— C'est une simple rumeur. Il me suffit de faire parler le vent et les gens penseront l'avoir entendue à la taverne ou dans la rue, et se chargeront de la diffuser.
— C'est dangereux, répondit Sebastian.
— Personne n'en saura rien. Comme je l'ai déjà dit, les habitants du royaume du nord sont des personnes simples qui vivent la vie comme elle arrive...
Savinna plissa le nez. Pour échapper à sa mère et ses envies de la marier au plus tôt, elle passait presque tout son temps dans la grotte de son frère, emmitouflée jusqu'au nez dans un manteau de fourrure.
— Bash, Maman n'est pas idiote, elle comprendra rapidement que quelque chose se trame... Ils ne sont pas amoureux et elle m'a clairement fait comprendre qu'elle se fichait que les gens parlent sur elle...
— Pourtant, le peuple est tout puissant avec sa famille royale, répondit Elsa. Combien de fois, dans l'Histoire, est-ce le peuple qui a renversé une famille royale trop encombrante ?
— Trop, répondit Bash. Mais Karghen n'est rien sinon un prince marchand... Tu voudrais vraiment qu'il devienne roi ?
— Non, Consort. C'est totalement différent, même si, techniquement, Sare'ya aurait dû se remarier avec un prince royal d'un autre royaume, car elle n'a pas de sang royal.
— Non, loin de là, même, répondit Savinna en croisant les bras. Je ne sais plus quoi faire, ajouta-t-elle. J'aime ma mère plus que tout et je la vois s'enfoncer dans le déni jour après jour et cela m'inquiète...
— N'en faites rien, Votre Altesse Royale, répondit Elsa. C'est simplement le processus normal du deuil. Cela passera. L'aide de Karghen lui sera précieuse pour s'en sortir sans trop de casse ; pas comme Anna et moi qui avons perdus nos parents en mer et qui n'avons eu aucun soutien de la part de notre personnel, du mois pas celui dont nous aurions eu besoin.
Savinna posa une main sur le bras d'Elsa. Elle souffla ensuite par le nez et leva les yeux quand un cloche se mit à sonner.
— Je dois rentrer, dit-elle. Il est l'heure du dîner. Je vais essayer de remettre le sujet sur la table en ajoutant le fait que si elle avait Karghen sans sa vie, elle pourrait mieux faire son deuil.
— C'est une bonne idée, répondit Bash. Parles-en à Karghen aussi, si on peut l'avoir dans la poche, ce serait idéal.
— Je vais essayer. Bonne soirée, vous deux.
— À toi aussi, ma sœur.
Elsa se contenta d'incliner la tête puis Savinna quitta la grotte et remonta au château en silence, pensive.
Alors qu'elle passait les grandes portes, un homme s'approcha d'elle et la jeune femme fronça les sourcils.
— Votre Altesse Royale, la salua-t-il.
— Nous nous connaissons ? rétorqua Savinna.
— Vous ne me reconnaissez pas ? Je suis le Marquis de Cesserbahn, aussi connu sous le nom de Karghen par votre défunt père. Permettez-moi ne vous présenter mes plus sincères condoléances, par ailleurs.
— Karghen ? Je suis navrée, je ne vous ai pas reconnu, j'étais trop petite à l'époque où vous évoluiez dans le cercle de mon père le roi. Je sais juste que c'est à vous qu'il a demandé pour se débarrasser de mon frère.
Karghen baissa le nez, accusant le coup.
— Je ne suis arrivé que depuis deux jours, mais déjà, on me rapporte que la reine commencerai à perdre pied ?
— J'ignore d'où vous tenez de tels propos, mais il n'en est rien. Ma mère la reine est simplement déboussolée par la mort de son mari, en rien elle ne "perd pied", Monsieur. Sur ces paroles, je vous laisse. Bonne journée.
Sans un mot de plus, Savinna le contourna et monta le grand escalier de pierres grises. Karghen l'observa. Il avait eu dans l'idée d'épouser la fille si jamais la mère refusait sa proposition, mais désormais, il n'en avait plus envie... Cette enfant était bien trop arrogante pour faire un jour, une reine idéale... Avec un soupir, il tourna les talons et décida de se faire introduire officiellement auprès de la reine afin de savoir s'il pourrait mettre à exécution ce qu'il avait entendu de la reine d'Arendelle et du fils de Sare'ya, quelques jours plus tôt...
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