Chapitre 47
Le navire royal fut annoncé tard dans la nuit, sans tambours ni trompette et Anna et Hans se rendirent immédiatement au palais sans faire aucun détour pour ne pas réveiller les gens. Ils se couchèrent sans même prendre le temps de défaire leurs bagages et ce ne fut qu'au petit matin qu'une servante trouva le couple profondément endormi dans le lit d'Anna.
Au manoir, ce fut Sebastian qui vit en premier le gros navire ancré dans le fjord et quand il annonça à Elsa que sa sœur était de retour, la jeune femme s'habilla en toute hâte et quitta la maison sans même prendre le temps d'avaler un petit-déjeuner...
.
— Je suis tellement soulagée que vous soyez rentrés en un seul morceau...
— Je te retourne la pareille, répondit Anna. Nous nous sommes croisés, notre départ n'était pas prévu...
— C'est Hans qui a voulu y aller ?
— J'ai réussi à le convaincre d'être au moins présent pour son ex belle-mère, à défaut d'y aller pour Savinna. Au final, ils ont passés plus de temps ensemble qu'il n'en a passé avec moi...
Elsa haussa un sourcil, mais sa sœur ne répondit rien. À la place, elle s'enquérit plutôt du voyage d'Elsa et Sebastian vers des lieux normalement inatteignables.
— Une île... Avec des Magikers partout... J'aurais voulu voir ça !
— C'était vraiment très agréable de vivre là-bas, au milieu de gens comme moi, qui ne me regardent pas comme un animal de foire...
— Personne ne t'a jamais regardée de la sorte... contra Anna.
— Peut-être pas en public, mais je sais que j'étais considérée comme une sorte de phénomène qu'il fallait éviter... Même Papa et Maman m'évitaient.
— Pas de leur plein gré ; ils avaient peur de toi et ne savaient pas comment ils allaient faire pour que tu puisses contrôler un jour tes pouvoirs...
Elsa baissa le nez et Anna jeta un coup d'œil sur le bâton qui tenait debout par lui-même, non loin de la cheminée.
— C'est le même bâton que Sebastian, constata-t-elle.
— Il lui ressemble, c'est vrai, mais uniquement parce que c'est Galon qui me l'a façonné. Je ne pense pas que le bâton d'un Magiker soit un critère dans son choix d'un partenaire de vie !
Elsa rigola et Anna secoua la tête, amusée.
— En tous cas, je suis heureuse de te voir sourire. Tu es bien plus agréable ainsi.
— J'admets que ma vie est beaucoup plus facile depuis que j'ai ce bâton, mais je sais que j'ai encore du chemin à parcourir avant d'accéder à la sérénité complète... Je n'ai pas encore fait le deuil de ma vie passée, par exemple.
— Sais-tu pourquoi tu as été abandonnée ?
— Non, et je ne le saurais peut-être jamais, car personne n'a voulu nous conduire sur l'île des Éminences...
— Ils ont peur de ces femmes ?
Elsa opina. Anna sembla alors pensive et soudain, fronça les sourcils et se leva du tapis où elles étaient toutes les deux assises, devant la cheminée.
— Où vas-tu ?
— J'ai quelque chose pour Sebastian. Sa mère me l'a donné avant que nous partions.
Elsa fronça les sourcils et se redressa pour observer son ancien bureau, aujourd'hui de sa sœur, où elle avait travaillé les deux dernières années.
— Ah, voilà, dit alors Anna en sortant une enveloppe d'une pochette. La reine des Îles du Nord m'a remis ça, sans me dire ce que c'était, juste que c'est pour Bash. Et toi.
Elle revint s'agenouiller sur le tapis en tendant la lettre à sa sœur.
— Moi ? répondit Elsa en fronçant les sourcils. Mais comment sait-elle... ?
— J'ai peut-être un peu fourché...?
— Oh, Anna...
— Quoi ? Ce n'était pas un secret et en plus, c'est sa mère. De plus, je devais bien meubler un peu la discussion pendant que mon mari consolait son ex-femme...
— Aie, aie, aie, je viens d'entendre mon titre, c'est ma fête ?
Les deux jeunes femmes pivotèrent de concert et Hans s'approcha prudemment. Il s'agenouilla sur le tapis et observa l'ancienne reine des neiges un moment.
— Tu n'as rien fait de mal, assura alors Anna. C'est juste Elsa qui est un peu...
— Un peu quoi ? Donne-moi cette lettre, lâcha la blonde.
Anna obéit et soupira. Hans passa un bras autour de ses épaules et lui souffla quelque chose à l'oreille qui la fit sourire et glousser.
— Allez au moins dans votre chambre... grogna Elsa en se détournant.
Anna rougit aussitôt et repoussa alors Hans.
— Que dit la reine ? demanda-t-elle.
— Je ne vais pas l'ouvrir. Je vais rentrer et nous aviserons avec Bash.
— Mais...?
— Anna, cette lettre nous est destinée à lui et moi. Je t'en parlerai après, si cela vaut le coup.
— Mais, je... Bon, comme tu voudras.
Elsa lui souhaita alors une bonne journée et se volatilisa dans un tourbillon de neige. Elle avait appris à faire cela auprès de Sebastian et elle adorait ce mode de déplacement !
De retour au manoir, la jeune femme chercha son compagnon.
— Bash ? Tu es à la maison ?
— En haut, chérie !
Elsa monta le grand escalier et entra ensuite dans une vaste bibliothèque où le roi Agdar avait autrefois l'habitude de travailler, loin du palais, au calme.
— Déjà rentrée ? s'étonna le jeune Magiker. Tu t'es disputée avec ta sœur ?
— Non, du tout, mais elle m'a remis une lettre de ta mère...
Sebastian leva les yeux de ce qu'il écrivait et fronça les sourcils.
— Elle m'a dit que c'était pour nous deux, mais je ne vois pas pourquoi elle m'inclurait dans l'histoire.
— Tu l'as lue ?
Elsa secoua la tête et tendit la lettre à son compagnon qui l'ouvrit et la déplia.
— Sebastian, quand la reine Anna m'a dit que tu étais parti pour retrouver les tiens, j'ai d'abord eu très peur que tu ne reviennes jamais et que je ne puisse de ce fait m'excuser pour ce que je t'ai fait endurer, lut-il. Heureusement, tu es rentré sain et sauf et je crois savoir que tu as retrouvé ton père et quelques informations sur ta naissance. J'ignore comme tu es arrivé chez les humains, mais je sais que je t'ai élevé comme si tu étais issu de moi. Tu es mon fils, quoi que cela veuille dire pour toi, et je voudrais que tu pardonnes une vieille femme qui a préféré sacrifier son propre enfant pour avoir une vie meilleure... Le pourras-tu, un jour ?
Bash serra les lèvres et Elsa posa une main sur son épaule.
— J'ai pris la décision de remarier ta sœur, reprit-il. D'ici là, je vais prendre la régence du royaume et laisser Savinna faire son deuil en paix. Elle a déploré de ne pas te voir aux funérailles, tu sais ? Même si elle sait pertinemment que tu n'es pas son véritable frère, elle t'aime tout de même comme tel et m'a confié qu'elle voudrait te revoir, au moins une fois. Ainsi que ta femme. Moi aussi, je voudrais voir celle qui a causé tant d'emois dans notre monde pendant tant de mois ; je ne te force à rien, mais ne nous oublie pas. Nous sommes seules désormais et je le serais encore plus quand ta sœur sera mariée. Tu es mon fils, Sebastian, et rien ne pourra changer cela. Je t'aime, Sabi, et j'espère que tu sauras me pardonner d'avoir été trop gourmande.
Bash se tut alors et soudain, fondit en larmes. Il lâcha la lettre sur le bureau et Elsa l'attira aussitôt contre elle ; il entoura sa taille de ses bras et pressa son visage contre son ventre. Elle lui caressa les cheveux et le dos en essayant de l'apaiser, mais cela prit de longues secondes avant qu'il se cesse de hoqueter et ne se redresse.
— Nous irons, dit alors Elsa en se baissant devant lui. Nous irons voir ta mère et ta sœur, quand je l'ignore, mais nous irons, tu as ma parole.
Il posa son front contre le sien et laissa échapper un soupir saccadé. Elsa lui prit ensuite les mains et les porta à ses lèvres.
— Partons demain, dit-il soudain en se redressant.
— Demain ? Mais... répondit Elsa, surprise.
— Sare'ya a raison, elle est ma mère, Elsa. Peu importe combien elle m'a fait souffrir parce qu'elle voulait une vie meilleure, je n'ai pas le droit de lui en vouloir parce que, oui, j'ai peut-être souffert de la solitude, mais en aucun cas j'étais mal logé ou mal nourri. Elle a toujours veillé sur moi, à distance... Et tu sais, Savinna, je l'ai réellement connue alors qu'elle était dans le ventre de notre mère ; un jour, Sare'ya est venue me voir, dans ma chambre, je jouais avec des figurine en bois et je l'ai à peine écoutée, mais je me souviens du moment où elle m'a dit que j'allais avoir un petit frère ou une petite sœur... Un mois plus tard, on me demandait de quitter le palais.
— Bash, je suis tellement désolée... J'ai été isolée dans ma chambre pendant dix ans, je sais ce que c'est d'être seule, mais à la différence de toi, moi je l'ai choisi.
— Je sais. Je ne l'ai pas choisi, mais je l'ai accepté, pour ma mère. Je n'ai jamais aimé le roi Golric, et il me le rendait bien. Quand il s'est mis à courtiser Sare'ya, et qu'il a découvert qu'elle avait un enfant déjà grand, il m'a immédiatement pris en grippe. Pis encore quand il a découvert que j'étais un magicien. Je ne lui en veut pas, mais il y avait sans doute d'autres manières de faire pour m'empêcher d'accéder au trône malgré mon statut d'ainé.
Elsa hocha lentement la tête puis se releva.
— Tu veux vraiment partir demain ?
— Demain ou dans une semaine, peu importe, mais elle a raison, elle est ma mère et Savinna est ma sœur. Je dois être là pour elles. Je suis le dernier homme de notre famille.
— Rassures-moi, tu ne comptes ni prendre la régence, ni épouser Savinna pour la forme, j'ose espérer ?
— Non, rien de tout cela. Je t'ai toi, Elsa, c'est largement suffisant !
— Que dois-je comprendre ? demanda la jeune femme avec un sourire mi-figue mi-raisin.
Bash lui saisit les hanches et la ramena devant lui. Il releva la tête et l'observa d'en bas.
— Rien de plus que le fait que tu sois ma femme, répondit-il.
— Admettons, mais si tu veux vraiment que je le sois un jour, tu devras faire mieux que ça...
Le jeune magicien haussa un sourcil puis sourit et Elsa se pencha pour l'embrasser une longue seconde. Elle se détourna ensuite et disparut dans une volée de flocons en disant qu'elle allait prévenir sa sœur de leur prochain départ.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro