Chapitre 44
— Soyez prudents.
— Oui. Je ne sais pas si nous reviendrons un jour, Papa, mais tu sais désormais où nous vivons.
— Peut-être que je viendrais vous voir un jour, sourit Galon. J'ai plus de facilités à aller et venir entre nos îles.
Sebastian hocha la tête et laissa son père l'enlacer. Elsa se laissa faire aussi et, alors qu'elle reculait, elle tendit la main et ses doigts se refermèrent sur une hampe de bois noir parfaitement lisse. Un peu plus haut qu'elle, son nouveau catalyseur était surmonté du cristal d'un bleu électrique comme un bloc de glace.
— Tu te sentiras mieux dans quelques jours, assura alors Galon. Il faut laisser un peu de temps à ton cristal pour s'adapter aux pouvoirs qu'il a reçus. Mais une fois que ce serait fait, tu pourras puiser dedans quand bon te semblera et tu pourrais même être encore plus puissante qu'avant.
— Papa, ne lui donne pas des idées, marmonna Bash. Allez, en selle ! Ou presque, étant donné que nous partons en bateau...
Elsa rigola. Elle donna une dernière accolade à Galon puis tendit son bâton à Sebastian qui l'aida ensuite à prendre pied sur le petit bateau avec lequel ils étaient venus.
— Le courant vous poussera jusqu'à la barrière de corail, ensuite, vous devrez suivre votre instinct, dit le Magiker. Soyez prudents.
— Mais oui...
Galon secoua la tête puis défit l'amarre du petit bateau et jeta la corde sur le pont. D'une vive poussée sur son pied, il l'éloigna ensuite du quai puis le poussa à l'aide d'une longue gaffe.
— Rentrez bien, dit-il. Et sachez que je suis très heureux pour vous deux et que si jamais, vous avez ma bénédiction.
Elsa secoua la tête avec un sourire puis elle agita la main et Bash récupèra les rames. Il les plongea dans l'eau turquoise et ils s'éloignèrent ensuite vers le large. Bientôt, l'île et le quai ne furent plus qu'une miniature, puis une mince ligne brune sur l'horizon avant de disparaître totalement...
.
À Arendelle, c'était l'effervescence. Elsa avait envoyé un messager magique au palais, sous la forme d'un oiseau de neige et, en apprenant que sa sœur et Sebastian revenaient de leur périple, Anna s'était vue investie d'une mission presque divine en décidant de faire nettoyer le manoir de haut en bas et de le fournir en personnel adéquat pour deux Magikers.
En apprenant qu'un couple de magiciens venaient s'installer en ville, les candidats avaient été nombreux, surtout pour servir l'ancienne Reine, mais beaucoup craignaient la magie, encore échaudés par les derniers événements, quand bien même Anna leur assurait qu'ils n'avaient plus rien à craindre.
— Vous en êtes vraiment sûre, Votre Majesté ?
— Oui. Ma sœur a désormais le contrôle total de ses pouvoirs, elle ne pourra plus s'énerver comme avant et tout geler.
— À quoi ce miracle est-il dû ?
Le majordome du manoir observa la jeune reine un moment tandis qu'ils longeaient un couloir interminable.
— Des réponses qu'elle a eues de l'autre côté du brouillard, j'imagine, répondit la jeune femme. Elle n'a rien dit de très probant dans son message, mais ils rentrent et c'est tout ce qui m'importe.
— Sans vous offenser, ce n'est pas peut-être pas l'avis de tous vos sujets.
— Quand bien même, je ne vais pas exiler ma sœur sous prétexte qu'elle n'est pas ma sœur au final, qu'elle est amoureuse d'un Magiker très puissant tout en étant un elle aussi !
— Non, bien sûr, mais les loger dans le manoir de votre père ?
Anna serra les mâchoires et le majordome comprit que la discussion était terminée. Il inclina la tête et tourna les talons en s'excusant. En apprenant qu'Elsa revenait, il n'avait pas souhaité reprendre son poste, il demeurerait au manoir le temps de former son successeur, puis il irait couler une retraite tranquille en ville...
En entrant dans une chambre, Anna hésita. Oubliant les paroles du majordome, elle se demanda si elle devait préparer deux chambres ou une seule. Elsa avait été peu explicite dans son message, mais elle avait précisé à sa sœur que Sébastien et elle rentraient ensemble et que cette aventure les avait fortement rapprochés, mais qu'elle lui en parlerait plus en détails à son retour. Anna en avait conclu que, libérée de ses obligations, sa sœur avait coupé sa laisse à la jeune femme en elle et profité d'être loin de chez elle pour accepter son destin plus facilement.
— Laure ?
— Oui, Votre Majesté ?
— Veuillez tout de même à préparer les deux chambres. Au cas où.
— Vous aviez pourtant dire que...
— J'ai spéculé, répondit Anna avec un sourire contrit. Je préfère tout de même que la chambre de ma sœur soit prête, juste au cas où je me serais trop avancée.
— Bien, Madame.
Laure, la nouvelle femme de chambre du manoir, inclina la tête puis Anna tourna les talons et quitta la bâtisse pour rentrer au palais, mais elle n'avait pas fait dix mètres qu'elle tombait sur un traîneau familier garé devant une taverne. Immédiatement, les souvenirs lui revinrent et elle serra sa main sur sa gorge. Quand la porte de la taverne s'ouvrit, elle se cacha aussitôt derrière un empilement de caisses et retint sa respiration.
— C'était sympa de te revoir, Kristoff ! entendit-elle. Tu sais, la reine elle a pas mal perdu en annulant votre mariage.
— Tu crois ?
Anna sentir ses entrailles se liquéfier à entendre la voix de son ancien mari. Elle serra les mâchoires et ferma les yeux.
— Ouais, mais bon, on dit qu'elle est heureuse avec le prince Hans, alors je sais plus trop quoi penser, moi. Je l'aimais bien, elle était gentille, mais elle a un devoir à faire maintenant que Elsa est partie... Tu serais devenu roi ?
Kristoff demeura silencieueux un moment.
— Non, dit-il alors. Si les choses s'étaient passées comme ça, mais que j'étais encore marié à elle, je pense que j'aurais fait annuler le mariage. Je n'aurais pas pu supporter d'être enfermé dans un rôle qui ne me va pas. Je n'aime pas les mondanités, je suis un glacier, je vis dans les montagnes, près d'un lac gelé... Pas dans un palais.
Anna sentit les larmes brûlantes couler sur ses joues. Soudain, on posa une main sur les siennes et elle rouvrit les yeux. Quand elle reconnut Hans, elle lui jeta un regard douloureux et il l'entraina avec lui en direction du palais.
.
— Tiens.
— Merci, mon amour...
Hans s'assit près de la jeune femme sur le tapis devant la cheminée. Il observa les flammes un instant puis soupira.
— J'ai entendu la fin de la réponse de Kristoff, dit-il. Ça ne m'étonne pas, tu sais ?
— Pourquoi ?
— Il faut avoir été élevé dedans pour comprendre la royauté, ses devoirs et ses obligations... Kristoff ne l'aurait jamais supporté. Pour lui des époux sont égaux, ils mangent ensemble, ils dorment ensemble...
Anna avala une gorgée de son thé.
— Nous mangeons ensemble, nous dormons ensemble... répondit-elle.
— Depuis peu. Et uniquement parce que tu as insisté pour que je m'installe dans ta chambre. Faire chambre à part est normal pour moi, pas pour Kristoff.
Hans serra les lèvres.
— Même si c'est ma faute si tu l'as rejeté, je pense que tu as fait le bon choix. Devenir reine et l'obliger à te suivre aurait détruit Kristoff encore plus durablement que le simple fait de savoir que tu es toujours amoureuse de ton premier amour...
Annq remua les lèvres puis hocha la tête. Elle posa sa tasse devant elle et pivota vers Hans.
— Elsa et Bash sont ensemble, révéla-t-elle.
— Comment tu sais ça ? Ils ne seront pas retour avant deux ou trois semaines...
— Elle m'a envoyé un message magique, sous la forme d'un oiseau de neige. Elle dit qu'ils rentrent ensemble et qu'ils se sont beaucoup rapprochés.
— Cela ne veut pas dire que...
— Je sais, mais ma sœur est désormais libre, elle n'a plus le poids de la couronne sur les épaules et le devoir se marier pour donner un héritier au trône !
— Les convictions ne changent pas aussi facilement, Anna, répondit Hans. La dernière fois que nous avons vu ta sœur, elle était plutôt sûre qu'elle n'aurait jamais d'enfant ni ne se marierait.
La jeune reine haussa une épaule.
— Peut-être qu'elle a eu le temps de réfléchir ? reprit Hans. Elle t'a laissé son trône en apprenant qu'elle n'était peut-être pas ta sœur de sang, si ça se trouve, elle a appris des choses là-bas, chez les Magikers, qui ont confirmé nos doutes et elle l'a accepté.
— Tu crois ? Si c'est le cas, elle va avoir énormément changé alors !
Hans serra les lèvres. On toqua alors contre la porte et un soldat entra. En trouvant le couple assis sur le tapis devant la cheminée, il s'approcha et s'agenouilla en tendant un courrier à la jeune femme.
— Qui envoie cela ? demanda-t-elle.
— Une femme l'a déposé à la Caserne. Nous ne l'avons pas ouvert, mais elle nous a demandé de vous la remettre en personne.
— D'habitude, c'est mon Chambellan qui réceptionne les courriers...
— Il est malade, Madame, répondit le soldat avec un sourire.
— Oh, oui... C'est vrai, j'avais oublié ! Merci, soldat, vous pouvez partir.
L'homme s'inclina puis se releva et quitta la pièce. Hans prit alors la lettre et Anna lui jeta un regard courroucé.
— Je préfère l'ouvrir moi, dit-il simplement. On ne sait jamais.
La jeune femme croisa les bras sans répondre et son fiancé déchira un coin de l'enveloppe et sortit ensuite la lettre qu'elle contenait. Il l'a deplia et la lut rapidement avant de la rendre à sa compagne qui fronça les sourcils en la lisant à son tour.
— Bon... Le retour d'Elsa et Sebastian risque d'être pas si joyeux que ça, finalement...
Hans grimaça. La lettre provenait de la mère adoptive de Sebastian, la reine Sare'ya des Îles du Nord, qui annonçait que le roi son mari était très malade et que les médecins ne lui donnaient pas plus que de quelques semaines à vivre...
— Il ne montera jamais sur le trône des Îles du Nord, dit alors Ana.
— Non, mais sa sœur oui. Et elle aura besoin d'un mari.
— Tu te moques de moi ? La reine ne peut quand même pas faire une telle chose ! C'est son fils !
— Elle l'a adopté, répondit Hans. Il nous a bien dit dans sa dernière lettre que cette femme n'était pas sa mère, que celle-ci était d'une race de magiciennes supérieures aux Magikers et qu'elle était probablement morte. Cela fait donc de Sebastian un futur époux tout trouvé.
Anna secoua la tête.
— Non ! Hors de question !
Elle jeta alors la lettre dans les flammes où elle se consuma en un instant. Hans poussa un cri de surprise en tendant la main puis se tourna vers la jeune femme.
— Pourquoi as-tu fait ça ! s'exclama-t-il.
— Cet homme n'est pas son père, cette femme n'est pas sa mère et ton ex-épouse n'est pas sa sœur ! répliqua la rouquine. Il n'a aucun lien avec cette famille qui l'a renié et contraint à vivre dans une grotte pendant onze ans !
Sur ce, Anna bondit sur ses pieds et quitta le salon à grandes enjambées. Surpris, Hans observa les restes de la lettre dans les braises et serra les mâchoires. Se relevant, il décida d'aller répondre à la mère de Sebastian, se gardant bien de lui dire qu'Elsa et lui avaient quitté Arendelle depuis deux mois...
.
Assise sur le pont du bateau, Elsa regardait le paysage monochrome et monotone. Enroulée dans un châle, elle laissa les embruns mouiller son visage et chasser ses pensées douloureuses ; elle sursauta quand Bash s'agenouilla près d'elle puis elle lui sourit.
— J'ai hâte de rentrer, dit-elle. Je me sens tellement sereine !
— Ça se voit. C'est dû à quoi ?
La jeune femme haussa les épaules.
— Au fait que je ne sois pas une reine, que même si je ne connais pas les gens qui m'ont donné la vie, ce ne sont pas des humains ; au fait que tu sois là aussi, alors que je n'ai pas toujours été sympathique avec toi.
— J'admets que j'ai mieux apprécié la version de toi sans pouvoirs, mais avec ce cristal, maintenant, cela revient plus ou moins au même. Tu as déposé tous ses pouvoirs dans la pierre, ils n'obscurcissent plus ton esprit désormais et tu es bien plus agréable à vivre sans tous ces tourments.
Elsa sourit doucement et l'embrassa du bout des lèvres.
— Je suis contente que tu sois resté malgré tout.
— J'avais vraiment envie de te laisser là-bas, pour te donner une leçon, puis j'ai compris que je n'en avais pas le droit, pas parce que ta sœur m'a "engagé" pour t'aider, mais parce que tu n'es pas réellement responsable de ton caractère de merde.
Elsa haussa les sourcils puis rigola. Elle leva soudain les yeux et fronça les sourcils.
— Un messager magique... dit-elle en le pointant du doigt.
— Comme l'oiseau de neige que tu as envoyé à ta sœur ?
— Oui...
Elle leva alors la main et l'oiseau piqua vers l'embarcation. Il se posa sur le bastingage et observa le couple avant de se mettre littéralement à parler.
— Elsa, Bash, j'ignore où vous êtes par rapport à Arendelle, mais nous avons reçu un courrier de la reine des Îles du Nord, le roi est très malade et n'en a plus pour très longtemps. Son unique enfant étant une fille, sans héritier mâle, le royaume risque d'être avalé par un voisin plus gros si la reine ne lui trouve pas un époux digne de ce nom.
— C'est Hans, dit Elsa, les sourcils froncés.
— Chut.
— Je ne vous demande pas de vous rendre là-bas, car je sais que cet homme n'est pas ton père, Bash, mais si vous n'êtes pas trop loin, peut-être pouvez-vous aller porter votre soutien à la reine. Je vous enverrais un autre message pour vous tenir au courant des choses. Amitiés, Hans d'Arendelle.
Elsa inspira. Elle se mordit la lèvre et prit la main de son compagnon qui était pâle.
— On y va ? demande-t-elle. Je comprendrais si tu ne veux pas aller voir le roi une dernière fois, mais ta mère...
— Elle n'est pas ma mère, répondit Sebastian. Galon a bien dit que c'était une Éminence ; la reine m'a juste adopté puis rejeté...
— Qu'est-ce qu'on fait, alors ?
— On continue jusqu'à Arendelle. Ces gens ne sont pas mes parents, j'espère que tu le comprends ?
— Oui, bien évidemment.
Le jeune homme s'excusa ensuite et disparut dans le petit bateau. Elsa soupira et observa l'oiseau de neige.
— Je peux te donner un message à ramener à la reine Ana d'Arendelle ?
— Kwak !
— Bien. Alors écoute bien.
L'oiseau, bien que magique, s'ébroua et Elsa entreprit de réciter son message. L'animal s'envola ensuite et prit la direction des montagnes dont une mince ligne noire était visible à l'horizon.
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