Chapitre 42
Sur l'île des Magikers, Elsa était cloîtrée dans sa chambre, dans la maison de Galon. L'homme était malade de ne pas avoir pu empêcher son fils de partir sans la jeune femme alors qu'il savait pertinemment qu'ils s'aimaient. Oh, aucun n'était prêt à l'admettre, surtout pas avec le ressentiment que Sebastian avait pour la version "mauvaise" d'Elsa...
Levant les yeux vers le plafond, Galon baissa son journal et soupira. Bash était parti depuis deux jours et Elsa n'avait pas mis le nez hors de sa chambre depuis lors. Il l'entendait marcher, remuer la chaise, elle récupérait les plateaux-repas qu'il lui montait trois fois par jour et qu'il déposait devant la porte, mais c'était tout et parfois, il se demandait si, rester enfermée ainsi dans un petit endroit sécurisé n'était pas pour elle sa manière de se réconforter. Après tout, elle avait passé de nombreuses années enfermée dans sa chambre, étant enfant, terrorisée par ses pouvoirs après avoir malencontreusement blessé sa petite sœur...
Soudain, le magicien tourna la tête et se leva. Il sortit sur la terrasse et fronça les sourcils en regardant l'océan. Au-delà de la barrière de corail rouge qu'il pouvait voir à marée basse, Arendelle se pelotonnait dans son fjord... Ainsi que toute une multitude d'îles et de royaumes tous plus différents les uns des autres.
Détournant son attention des lointains paysages, Galon baissa les yeux sur le chemin montant à sa maison et fronça les sourcils. Une silhouette nantie d'une grande cape cirée remontait la sente de terre battue.
— Bash ? souffla l'homme, surpris. Mais qu'est-ce qu'il...
Il retourna aussitôt dans la maison, enfila une veste et ressortit pour aller à la rencontre de son fils, mais le temps qu'il arrive, Sebastian s'était volatilisé et il soupira. Comme lui, le jeune homme était capable de disparaître dans les ombres ; il était probablement déjà devant la porte d'Elsa...
À la maison de Galon, en effet, Bash était sur le point d'entrer. Il avait parfaitement sentit son père le rejoindre et il avait décidé de couper court et de se servir de ses pouvoirs. Il avait quelque chose à dire Elsa, rien ne devait interférer pour le moment.
Dissimulé sous ses pouvoirs, le jeune homme parvint devant la chambre de son amie sans qu'elle ne le repère. Il l'observa un moment s'afffairer, sentant sa magie glacée travailler. À sa grande surprise, il la trouva beaucoup moins puissante que lors de son départ ; sa colère était sans doute retombée, ou bien elle avait accepté les faits ? Toujours est-il qu'il mit plusieurs secondes à se décider avant de toquer. Immédiatement, il sentit les émotions de la jeune femme se modifier.
— Laissez le plateau devant la porte, dit-elle alors.
Bash fronça les sourcils. Il inspira, toqua de nouveau en insistant un peu, et perçut alors l'agacement de la jeune femme. Le bruit d'un siège sur le parquet se fit entendre et la clenche de la porte pivota alors.
— Galon, je vous ait dit que...
Elle se figea en reconnaissant le visiteur, mais sa réaction ne fut pas tout à fait celle que Bash s'était imaginée en décidant de revenir la chercher...
— Pas encore parti ? lâcha-t-elle sèchement.
— Si, mais je suis revenu.
— Tsk, tu as eu des remords, c'est ça ? ricana la jeune femme.
— Non.
Elsa haussa un sourcil puis soupira et se détourna, non sans laisser la porte ouverte. Bash le prit comme un invitation à entrer et il referma la porte derrière lui.
— Veux-tu m'écouter ? demanda-t-il.
— Je vais t'écouter, mais rien ne m'oblige à entendre ce que tu diras.
— Je vois. Je ne m'attendais de toute manière pas à ce que tu me sautes au cou en me revoyant...
Elsa serra les mâchoires. Elle s'assit au bout de son lit et Sebastian s'approcha. Quand il s'agenouilla sur le parquet devant elle, elle haussa un sourcil.
— Je te demande pardon, commença-t-il. Je ne t'ai pas abandonnée ici parce que tu me fais peur ou que tu es redevenue l'infecte Elsa de notre rencontre, mais parce que ta sœur me l'a demandé.
— Je te demande pardon ? Anna ne ferait jamais une telle chose !
— Pourtant, c'était bien son écriture, le sceau royal et sa signature.
Elsa fronça les sourcils.
— Tu veux quoi, Sebastian ? demande-t-elle alors. Je ne veux pas de tes excuses, je ne veux pas de ton amitié, je ne veux pas de...
— D'amour ?
Le silence tomba aussitôt ; Elsa regarda le jeune homme et soudain se mit à ricaner.
— Tu te moques de moi ? demande-t-elle. L'amour ? Vraiment ? Tu te rends compte de ce que tu dis ? Tu me demandes de te reprendre et d'accepter des excuses débiles parce que tu es amoureux de moi ?
— Je n'ai pas dit ça, répondit le jeune homme.
La jeune femme fronça les sourcils. Bash s'éloigna alors et s'approcha de la fenêtre.
— Je suis parti, dit-il alors en pivotant. Je suis parti, mais quand j'ai atteint la barrière de corail rouge, j'ai été malade. Et pas le mal de mer, non, j'ai ressenti quelque chose, en moi, quelque chose que je sais être lié à toi.
— Et quoi donc ? Cet "amour" peut-être ?
Bash serra les mâchoires.
— Tu veux que je sois honnête avec toi ?
— Je t'en prie ?
— Personne ne peut tomber amoureux d'une fille comme toi, Elsa, c'est impossible. Tu es un poison sur jambes, arrogante, blessante... Quand tu n'avais plus de magie, j'ai appris à t'apprécier, à te voir autrement, mais dès l'instant où tu as compris que ce dragon d'eau avait rechargé tes batteries, tu es redevenue comme la reine que j'ai connue en arrivant à Arendelle, et c'est la raison pour laquelle j'ai décidé de te laisser ici.
— Mais ? Parce que tu es revenu...
— Mais te laisser ici met les Magikers en danger, acheva Sebastian. Tu es une Eminence, quoi que tu en penses, et tes pouvoirs sont bien plus grands que ceux de Mohekar ou de Galon, voire les deux réunis. Tu pourrais réduire à néant leur paradis en un claquement de doigts et je ne me le pardonnerai jamais.
— Admettons. Pourquoi ferais-je une telle chose ?
Sebastian releva le menton.
— Tu as tout perdu, voilà pourquoi. Tu as perdu tes pouvoirs, pour commencer, ensuite, ton trône, puis ta sœur quand elle a décidé de quitter son mari pour retrouver son amour de jeunesse... Maintenant, tu as même perdu ta propre famille. Tout ce qu'il te reste, c'est moi. À moins bien sûr que tu veuilles retrouver tes origines, ces créatures femelles démoniaques qui n'ont aucune loi, aucun sentiment pour personne, qui se contentent de séduire les hommes pour avoir un enfant et qui abandonnent cet enfant s'il n'est pas une fille ou s'il s'avère être sans pouvoirs.
Elsa serra les mâchoires et détourna la tête. Malgré le fait qu'elle sache pertinemment qu'elle était de nouveau la Elsa d'avant, barricadée derrière un épais bouclier de colère, elle savait qu'elle faisait du mal à Sebastian en agissant de la sorte; ses dures paroles lui faisaient du reste bien plus de mal qu'elle ne le pensait... Levant les mains, elle les observa un moment puis quitta le lit et resserra son châle autour de ses épaules.
— Je ne sais pas ce que sont les Eminences, dit-elle alors. Mais je suis sûre d'une chose, les Magikers m'effraient. Je n'avais jamais rencontré d'autre magicien avant toi, et voilà que tu me dis que nous sommes partout dans ce monde, que nous avons même un endroit qui nous est réservé, quelque part caché dans l'océan...
Elle se mordit la lèvre.
— Je veux rentrer avec toi à Arendelle, dit-elle alors. Je me fiche de ne plus être la reine, de toute manière, j'avais dans l'intention d'abdiquer pour laisser le trône à ma sœur à ses vingt et un ans. Je suis un imposteur, je l'ai toujours été, je le savais depuis le début, et maintenant, c'est véridique et je dois l'accepter. Tu es tout ce qu'il me reste, Bash, et j'ai besoin de toi, j'ai besoin que tu acceptes de m'aider avec cette colère en moi...
— Tu ne pourras jamais t'en débarrasser. Rien que de voir Hans dans ton palais te mettra en rage et je n'ose pas imaginer le jour où ils auront des enfants... Seras-tu la tante sorcière chez qui les petits refuseront d'aller même en étant grassement récompensés ? Tu ne le supporteras pas. Rester ici serait la meilleure chose pour toi, mais je sais que si moi je pars, tu vas vriller encore une fois et tout détruire. Je suis responsable de la perte de ton catalyseur, je ne veux pas non plus être responsable de la mort de mon peuple. Et de mon père.
Elsa baissa le nez, bouche serrée.
— Alors ? C'est une impasse ? demanda-t-elle. Je ne peux pas rester ici, je ne peux pas rentrer chez moi, je fais quoi ? M'exiler ne résoudra rien, tu le sais, mais malgré le fait que tu sois remonté contre moi, j'ai changé.
— Et en quoi ?
— Être humaine pendant toutes ces semaines m'a permis de me mettre à leur hauteur, de comprendre que la magie n'est pas importante, qu'ils s'en fichent même ! Ils vivent sans et ils y arrivent...
— Est-ce que tu es en train de me dire que tu veux renoncer à tes pouvoirs ?
— Non, pas du tout, mais j'ai besoin d'un nouveau catalyseur. Mon château était immense, car mes pouvoirs sont immenses, celle qui m'a donné le jour devait être une puissante créature, mais je refuse de recréer un château et de prendre le risque de le perdre à nouveau.
Elle se tut un instant et renifla.
— Bash, ce sont mes pouvoirs qui me rendent mauvaise, dit-elle doucement. C'est à cause d'eux que je suis infecte avec toi et avec les autres, que je suis arrogante, blessante... J'ai besoin que tu m'aides.
Elle jeta un coup d'œil au bâton de son ami, posé contre le montant du lit, et s'approcha. En passant la main devant le cristal, il s'illumina ; elle tourna la tête vers Bash qui opina.
— Allons voir mon père, il pourra te conseiller. Ensuite, nous partirons et, si tu veux, nous prendrons le temps de faire le tour du monde avant de rentrer à Arendelle.
— Le tour du monde ? Pour quelle raison ? s'étonna Elsa.
— Pour tout te dire, je n'ai pas envie de rentrer maintenant et je ne connais rien à notre monde à part ma grotte et Arendelle.
La jeune femme plissa le nez et croisa les bras. Un léger sourire étira sa bouche.
— Pourquoi pas ? Après tout, n'avons-nous pas dit à Anna et Hans que nous ne serions peut-être pas rentrés avant au moins une année ?
Sebastian pencha la tête puis la redressa en souriant. Il tendit alors la main, son bâton traversa la chambre et il frappa le plancher avec le bout. Le cristal s'illumina et Elsa sourit.
.
— Te créer un bâton sera simple; ce n'est que du bois sculpté. Pour le cristal, cependant, ce sera à toi de le façonner, avec tes pouvoirs. Ce n'est pas un morceau de verre ou de pierre, ce sont tes pouvoirs cristallisées autour de quelque chose à laquelle tu tiens tout particulièrement.
Assise sur une chaise, Elsa écoutait Galon presque religieusement.
— La chose à laquelle je tiens, je l'ai, c'est un fragment de mon palais de glace... Où je trouve le bois pour le bâton ? demanda-t-elle.
— Dans les bois. Il doit... t'appeler.
La jeune femme rentra le menton et tourna la tête vers Sebastian, assis sur le rebord de la fenêtre, un genou sous le menton. Quand il leva la main, son bâton sembla frémir et Elsa opina.
— Quand j'étais en exil sur les terres de ma mère, j'ai trouvé un arbre mort, dans les bois, dit-il. Je ne l'avais pas remarqué avant, il avait dû tomber avec un coup de vent, mais en m'approchant pour ramasser des champignons, j'ai ressenti quelque chose d'étrange, comme si le tronc m'appelait.
— Des chuchotements, sourit Galon.
Il indiqua son propre bâton, suspendu au-dessus de la cheminée comme un trophée. Le cristal était terne et Elsa haussa un sourcil.
— Je l'ai épuisé, répondit l'homme. Je n'ai plus de pouvoirs, désormais, sinon celui de la communauté. Je suis vieux, ma fille, et avec l'âge, nos capacités diminuent. Les tiennent mourront sans doute avec toi, si on considère tes origines, mais pour nous autres, simples Magikers, nous finissons généralement notre vie en tant qu'humains.
— Et lui ?
— Il est le fils d'une Éminence, répondit Galon en regardant Sebastian. Il mourra vieux avec ses pouvoirs, à moins qu'il ne les épuise d'ici-là.
Sebastian esquissa un sourire puis Galon passa le reste de la matinée à expliquer à Elsa comment elle était censée faire pour cristalliser ses pouvoirs, cependant, il n'avait aucun doute sur le fait qu'elle y parvienne étant donné qu'elle avait pu construire, de la même manière, un château de glace de quatre étages...
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