— Tu es certain de vouloir partir sans elle ?
— Elle a pris sa décision. Elle est redevenue l'infecte Elsa et moi, je ne veux pas de cette version là.
— Tu es amoureux, alors... soupira Galon.

Son fils ne répondit rien.

— Père, veille sur elle, d'accord ? Elle ne rejoindra pas les Éminences, je ne pense pas, mais le fait que je l'abandonne ici va être très dur à digérer.

Galon hocha la tête.

— Je te la ramène dans trois mois, dit-il alors. Jour pour jour, peu importe si elle est redevenue la femme que tu aimes, ou bien si elle est resté Elsa la reine des neiges.

Bash déglutit, les lèvres serrées. Il leva alors les yeux vers les fenêtres de l'étage et avisa la jeune femme derrière sa fenêtre. Elle avait l'air misérable, enveloppée dans un châle, ses cheveux blonds défaits.

— Dis-lui au moins au revoir... tenta son père. Elle souffre, tu sais ?
— Oui, je l'entends pleurer le soir, mais...
— Il n'y a pas de mais, fiston... Vous avez passé des semaines ensemble ; à défaut d'être ta compagne, elle est ton amie et tu ne peux pas partir comme un voleur, cela ne se fait pas et je suis sûr que ta mère ne t'a pas élevé ainsi.

Sebastian plissa le nez et soupira avant de hocher la tête. Galon le laissa ensuite et retourna dans la maison. Le jeune homme releva les yeux vers la fenêtre, mais Elsa avait disparu et il grimaça. Il n'avait aucune envie de l'abandonner ici, sur cette île si loin d'Arendelle, mais il n'avait pas le choix. Malgré le fait qu'il n'appartienne pas à Arendelle, il devait obéir à Anna et elle lui avait demandé de rentrer sans sa sœur, s'imaginant sans doute que de demeurer avec les siens lui serait moins douloureux que de voir celle qu'elle avait toujours crue être sa petite sœur, monter sur son trône et devenir la reine d'Arendelle à sa place. S'il revenait avec elle, qu'allait-il se passer ? Retournant à son tour dans la maison, il monta à l'étage et s'approcha de la porte ouverte de la chambre d'Elsa. Il inspira, leva l'index, puis toqua une fois avant d'entrer.

— Tu n'es pas encore parti ?

Le ton était amer et Sebastian grimaça. Pendant une seconde, il fut tenté de faire demi-tour mais il renonça et s'approcha de la fenêtre devant laquelle Elsa avait pris place dans un petit fauteuil.

— Tu ne m'attaques pas ? demanda-t-il. Pourtant je suis sans défenses...
— Vas-t'en.

Sebastian opina.

— C'est effectivement ce que je vais faire, répondit-il. Mais je ne voulais pas partir sans...
— Sans me dire au revoir ? À quoi bon ? Je ne suis clairement la plus la bienvenue dans ta vie, alors pourquoi te soucierais-tu de moi, à présent ?
— Arrête, par pitié...
— Quoi donc ?
— D'être comme ça, une emmerdeuse agressive qui ne sait rien faire d'autre que d'attaquer. Ça devient fatiguant, tu sais ?

Elsa ne répondit pas et tourna la tête. Sebastian serra le poing puis traversa la chambre et se planta devant elle.

— Regarde-moi, dit-il. Regarde-moi droit sans les yeux et dis-moi de rester.

Elsa s'obstina à regarder dehors.

— Très bien. J'ai compris, répondit alors le jeune homme. Adieu, Elsa d'Arendelle. Ou devrais-je plutôt dire... Votre Éminence.

Il quitta ensuite la chambre et comme il fermait la porte, il entendit un sanglot. Pendant une seconde, il fut tenté de retourner la consoler, mais il croisa alors le regard de son père au bout du couloir et se détourna sans un mot de plus.
À la nuit tombante, il larguait les amarres de son bateau et le maître des docks le repoussait au large avec une petite impulsion magique...

.

— Hans, tu penses qu'il va revenir avec Elsa ?
— Tu lui as demandé de ne rien en faire, rappela le jeune homme.

Il sortit de son bureau et observa sa compagne, assise à sa table de travail. Elle l'observa un moment.

— Je n'ai toujours pas compris pourquoi tu lui as demandé une telle chose, dit alors le prince en s'approchant. Pourquoi l'exiles-tu ?
— Je ne l'exile pas, si elle veut revenir, elle peut tout à fait, mais je ne voudrais pas qu'elle souffre d'avoir tout perdu en quelques minutes alors qu'avant cela, elle était la reine et avait tout.
— Presque tout.

Anna reharda son compagnon.

— C'est à dire ?
— Elle avait tout ce qu'elle désirait, elle était belle, elle était aisée, elle était puissante et respectée. Cependant, il manquait une chose pour que la balance s'équilibre.

Anna plissa le nez.

— L'amour.
— Exactement. À mon avis, Sebastian et elle sont amoureux, ou du moins, ils sont sur le point de se l'admettre, mais Elsa n'acceptera jamais.
— Il le faudra bien, un jour. Elle ne va pas rester seule toute sa vie, surtout maintenant qu'elle n'est plus la reine et qu'elle a donc tout le loisir de fonder une famille sans risque de "perdre son temps" comme elle disait.

Hans grimaça. Pour lui, fonder un jour une famille n'était pas une option. Habitué à avoir tous ses frères sur le dos depuis qu'il est petit, il rêvait d'une famille nombreuse, entouré d'enfants qui couraient partout dans les couloirs en faisant tourner chèvre les domestiques... Tout comme il l'avait fait étant petit.

— À quoi tu penses ? demanda alors Anna avec un sourire en coin.
— À notre futur ensemble. J'espère que le rôle de reine ne te montera pas trop à la tête et que tu accepteras de fonder une famille avec moi.
— C'est la raison pour laquelle j'ai rendu sa liberté à Krisrof, répondit la jeune femme, surprise. Le trône d'Arendelle a besoin d'héritiers, au moins un, fille ou garçon peu importe, mais il faut un héritier sinon ma couronne partira dans ta famille étant donné que je n'ai plus personne et ce n'est pas acceptable.

Hans ne répondit rien. Anna avait mis Elsa de côté si rapidement qu'il avait bien du mal à comprendre comment elle avait fait. Cependant, plus il y pensait, plus il comprenait, après tout, Elsa avait vécu en recluse pendant quasiment toute sa vie, enfermée dans sa chambre sans jamais en sortir depuis la mort de leurs parents...

— Quand Sebastian sera là, on enverra quelqu'un chercher Elsa, dit-il soudain.
— Je viens de te dire que...
— Anna, tu ne peux pas faire une croix sur elle comme ça du jour au lendemain, c'est impossible ! Peu importe qu'elle partage ton sang ou pas, Elsa reste ta sœur, vous avez été enlevée ensemble, vos parents vous aimaient toutes deux au même niveau ; tu n'as pas donc le droit, sous prétexte de la protéger, de la chasser comme ça de ta vie.

La jeune femme observa son fiancé sans comprendre pourquoi il était si brusquement en colère.

— Je n'ai pas de sœur, répondit-elle alors. Je ne sais pas de quoi tu parles, Hans, mais je n'ai jamais eu de sœur, Elsa...

Elle baissa soudain les yeux, fronça les sourcils puis regarda de nouveau Hans.

— Pourquoi j'ai dis ça ? demanda-t-elle, soudain apeurée. Hans, pourquoi...?
— Parce que la magie d'Elsa ne fais plus effet sur toi, ma fille.

Le couple se retourna et une toute petite silhouette entra dans le bureau.

— Grandmpabbie ?! s'exclama la jeune femme. Mais que faites-vous si loin de votre forêt ?
— J'ai senti la magie d'Arendelle s'amoindrir, répondit le troll de pierre en s'approchant. En vérité, cela fait des semaines déjà...

Ses pieds de pierre cliquetèrent sur le sol de marbre. Il s'approcha de la cheminée et se chauffa les mains un instant ; Anna le rejoignit et s'agenouilla près de lui.

— Dites-moi ! Pourquoi ai-je dit que je n'avais pas de sœur ?
— Je viens de le dire, la magie ne fait plus effet sur Arendelle. Le départ d'Elsa et de Sebastian a fait que la magie qui régnait ici s'est affadie au fil des semaines, elle pourrait aller jusqu'à totalement disparaître. S'ils reviennent, les choses redeviendront peut être comme avant.
— Mais... Si Elsa revient, elle va souffrir ! Elle n'est pas la fille de mes parents, elle n'est donc pas légitime au trône !
— Oui, tu as raison, cependant, la laisser sur l'île avec les Magikers n'est pas non plus une bonne idée. Surtout si Sebastian l'y abandonne.
— Pourquoi ? demanda Hans, un peu mal à l'aise devant cette petite créature couverte de mousse verte.
— Oh, c'est simple. Le lien qui les unit désormais va se distendre et se rompre le temps qu'il revienne ici. S'il ne fait pas demi-tour, Elsa pourrait devenir encore plus puissante à cause d'un cœur brisé, plus puissantr encore qu'elle ne l'était auparavant et rejoindre celles qui se font appeller les Éminences, des magiciennes presque pareilles aux Magikers, mais sans aucune limite ni morale.
— Ce n'est pas ce que Bash dit dans sa lettre...

Hans apporta le papier et Grandpabbie le parcourut rapidement.

— Son père n'est pas au courant, répondit-il. Les Éminences sont des démons femelles qui séduisent les hommes pour avoir un enfant avec eux, elles usent de tous les stratagèmes pour parvenir à leurs fins, et bien évidement, quand l'enfant est un garçon, il est rejeté et abandonné à son père.
— Elsa est une fille... répondit Hans.
— Bien vu, l'aveugle ! s'exclama Grandpabbie, faisant rougir le jeune prince. Plus sérieusement, je pense que ta sœur est en danger seule là-bas, Anna, reprit le chaman. Si elle a été élevée par tes parents, ici, alors c'est pour une bonne raison. Son père l'a probablement arrachée aux Éminences, il l'a volée à sa mère et est parti avec elle pour la mettre en sécurité.
— Si Elsa avait retrouvé son père là-bas, Bash l'aurait mentionné, répondit Anna en indiquant la lettre du menton. Or, il ne dit rien de tout cela.
— Donc, son père est mort, ou bien il est ici, dans ce monde, quelque part sur une île ou sur le continent.
— Peut-on essayer de le retrouver ? demanda Hans.
— Vous pouvez, je ne vous garantis pas que vous y arriverez, cependant. Les Magikers ont tendance à se cacher, ils refusent tout conflit avec les humains et c'est tout à leur honneur, cependant, Elsa à le droit de savoir qui elle est. Cela ne lui rendra probablement pas la vie plus douce, mais au moins, elle aura une attache dans le passé.

Anna opina lentement. Grandpabbie allait partir quand il se retourna vers elle.

— Oh, et puisque tu le demandes, Anna, Krisroff va bien. Il ne compte pas revenir vivre en ville, mais il va bien. Merci pour lui.

La jeune femme prit la pique en plein cœur et serra les mâchoires. Le petit chaman de pierre se roula ensuite en boule et, dans un bruit sourd, il roula hors de la pièce, déboula dans le couloir et fit japer les quelques personnes qui s'y trouvaient...
Pivotant vers Hans, Anna grimaça. Il la regarda un instant puis haussa les épaules.

— On va régler le problème, répondit Hans en l'enlaçant. Dès qu'Elsa sera rentrée, on discutera tous ensemble.
— De quoi ? Elle sait qu'elle n'est pas ma sœur de sang, mais je la considère toujours comme telle, Hans ! Quant à leur hypothétique relation...
— Je ne pense pas que ce soit une hypothèse, répondit le prince en secouant la tête. Tu ne l'as sans doute par remarqué, mais dès son arrivé sur tes terres, Sebastian a montré un intérêt pour Elsa. Désintéressé au début, sans doute, mais petit à petit, ils ont appris à se connaître et à se respecter, et je ne serais pas surprise qu'il nous dise qu'il l'aime plus qu'on ne le pensait...
— Tu crois ? Et Elsa, alors ? Elle a été claire pourtant, elle se fiche royalement de lui...
— Parle donc au passé, répondit Hans. Nous ignorons ce qu'il s'est passé depuis qu'ils sont partis. Ils ont trouvé une île pleine de magiciens, ils sont dans leur élément, plus besoin de cacher ses pouvoirs, ils peuvent s'en servir n'importe quand... Ça rapproche des gens, surtout si Bash a retrouvé son père.

Anna se mordit la lèvre et observa la lettre dans la main de son fiancé.

— Laissons le revenir, pour commenter, ensuite nous aviserons quoi faire, dit-elle. Que fais-tu, maintenant ?
— Rien de particulier, pourquoi ?
— Je dois discuter d'un menu avec le cuisinier, pour le couronnement. Est-ce que tu veux m'accompagner ?
— Pour ?
— Pour passer du temps tous les deux, triple buse ! s'exclama la jeune femme, soudain agacée.
— Ok, ok ! répliqua le jeune homme en rigolant.

Il lui prit ensuite le bras et ils quittèrent la pièce côte à côte, main dans la main.