Chapitre 37
L'aube se levait quand Elsa ouvrit un œil. Tournant la tête, elle nota que Sebastian dormait encore, tourné face à elle. Il avait d'ailleurs passé un bras sur elle, au niveau de sa taille... Cela lui provoqua un étrange frisson mêlé de peur et de dégoût et elle se dépêcha de quitter la couchette.
— Ah, tu es réveillée, bien... chuchota alors quelqu'un.
Elsa tourna la tête et fronça les sourcils en reconnaissant l'homme qui les avait abordés la veille.
— Ce n'était pas un rêve, alors ? demanda-t-elle.
— Non. Mais viens sur le pont, je vais te raconter ce que je sais. J'ai été en contact avec les miens toute la nuit, ils nous attendent et ils sont prêts à vous aider, ton compagnon et toi.
Elsa pinca la bouche ; le Magiker se détourna soudain et disparut sur le pont. La jeune femme hésita. Elle observa Bash un moment avant de récupérer son châle et de sortir. Elle trouva le visiteur à la barre et remarqua immédiatement qu'ils étaient à quai.
— Mais que...?
— Bienvenue sur les terres de tes ancêtres, répondit l'homme. Ici vivent tous les Magikers de ce monde, certains sont partis au fil des siècles, pour s'établir chez les humains, mais ils finissent toujours par revenir un jour ou l'autre ici...
Elsa observa les environs. La ville ressemblait a Arendelle avec ses maisons en torchis aux toits de tuiles rouges, mais aucune montagne à l'horizon, du moins, l'île était vallonnée, et semblait immense, mais point de haute montagne déchiquetée comme chez elle.
— Quel est le nom de cet endroit ?
— Il n'en a pas. C'est juste chez nous, notre maison.
Elsa opina lentement. Elle resserra son châle autour de ses épaules et déglutit.
— J'ai du mal à croire que mes parents ne le sont pas... dit-elle alors. Cela signifie que je ne suis pas la reine légitime d'Arendelle, et que donc, ma petite sœur, Anna, est la reine légitime et... Pourquoi ?
L'homme, qui regardait le paysage, baissa les yeux sur elle.
— Pourquoi quoi ?
— Pourquoi est-ce que j'étais à Arendelle depuis mon enfance si je ne suis pas l'enfant des gens qui m'ont élevée ?
— Je l'ignore. Plusieurs possibilités sont envisageables, comme un naufrage, ou un vol d'enfant, un abandon aussi... Tes parents biologiques sont peut-être des Magikers qui sont partis d'ici pour voir le monde et se sont établis dans l'un des royaumes de ton monde, nous ne savons pas.
— Nous ?
Elsa et le visiteur pivotèrent et Sebastian monta sur le pont.
— Bonjour, mon garçon, bien dormi ?
— Ouais, ça va... Pourquoi "nous" ? demanda-t-il.
— Nous parlons toujours de nous au pluriel, répondit le Magiker. Sauf si cela me concerne personnellement, je ne suis pas censé faire preuve d'individualisme. Les Magikers sont liés par des liens très forts, nous communiquons oralement mais aussi psychiquement. Si je cherchais ma femme, par exemple, je saurais immédiatement qu'elle est à la maison, en train de dormir. Et désormais, elle sait que je suis rentré et elle est réveillée, sourit-il ensuite.
Elsa esquissa un sourire et observa la ville. Il devait y avoir deux fois plus de maisons qu'à Arendelle, donc deux fois plus d'habitants, mais ces gens étaient-ils tous des magiciens comme Sebastian et elle ?
— Non, pas tous.
Elsa sursauta.
— Vous lisez dans les pensées ? siffla-t-elle.
— Non, du tout, j'ai simplement ressenti ton questionnement.
— Comment... Non laissez tomber, je suis trop perdue pour comprendre.
Le visiteur sourit.
— Vous avez un nom ? demanda-t-il alors.
— Sebastian.
— Moi, c'est Elsa de... Juste Elsa, en fait...
Elle se fut brusquement, croisa le regard de Sebastian puis sourit, comme si de rien n'était.
— Et vous ? acheva-t-elle.
— Mohekar. Ma femme s'appelle Kinae et j'ai trois enfanrs, deux garçons et une fille. Elle m'a donné quatre petits enfants, deux à chaque fois !
— Des jumeaux, sourit Elsa. Cela porte chance à Arendelle.
— Ici aussi, cela signifie que les Dieux sont optimistes et qu'il y aura suffisamment de nourriture pour tout le monde dans les prochaines années.
Elsa esquissa un sourire. Elle avait entendu ce genre de phrase pendant toute son enfance. Cela ne lui donnait pas pour autant l'envie d'avoir des enfants un jour, mais sachant désormais qu'elle n'était pas la fille des souverains d'Arendelle et pas la sœur d'Anna, elle serait peut-être tentée de revoir ses priorités, un jour.
La jeune femme aperçu alors un groupe de personnes qui approchait du petit bateau, sur le quai.
— Voilà le comité d'accueil, dit alors Mohekar. Venez, mettons pied à terre.
Le jeune couple le suivit et le trois nouveaux venus s'arrêtèrent à quelques pas deux.
— Qu'est-ce que tu nous ramènes encore Mo ? demanda une femme. Des enfants ?
— J'ai vingt et un an, répondit Elsa, un peu froissée.
— Oh, pardon, Majesté !
Le ton était moqueur et Elsa serra les mâchoires. Instinctivement, elle serra les doigts et la femme devant elle eut un sourire en coin.
— Je ne ferais pas ça, à ta place, dit-elle. Tu n'es pas de taille contre moi, petite.
— Ne la provoque par, Kin, répondit alors Mohekar. C'est Elsa d'Arendelle...
Kin, de son nom complet Kinatuea, plissa les yeux. Elle pencha ensuite la tête puis sembla remarquer Sebastian et se tourna vers lui. Elle eut aussitôt un mouvement de recul et croisa le regard de Mohekar.
— Et lui, il vient d'où ? Pourquoi l'as-tu ramené ? Il n'a rien à faire ici !
Bash rentra le menton et Elsa se tourna vers lui.
— De quoi elle parle ?
— J'en ai aucune idée...
— Qu'est-ce que tu racontes, Kin ? demanda alors Mohekar. Ce garçon est un Magiker, il a même un cristal de canalisation !
— Justement ! Il l'a sans doute volé ! Aucun enfant ne peut...
— Ça suffit ! s'exclama alors Elsa. Arrêtez de traiter mon ami comme s'il était un moins que rien ! Ce n'est pas un voleur !
— Qu'est-ce que tu en sais, petite ? siffla Kin. Tu ne le connais sans doute mieux que moi... sa propre mère ?
Un silence s'abattit sur le groupe et Sebastian vit aussitôt le monde se mettre à tourner. Il sentit la main d'Elsa lui agripper la bras en criant tandis que le monde basculait et que la terre prenait la place du ciel. Puis ce fut le trou noir...
.
— Vous ne pouvez pas être sa mère.
— Et pourtant, je le suis. Et il doit repartir, il n'a rien à faire ici, il...
— Il est avec moi, acheva Elsa. D'accord ? C'est mon compagnon et vous n'avez aucunement le droit de lui demander de partir, peu importe qui vous êtes pour lui ou pour cette communauté.
Kinatuea serra les mâchoires. Mohekar les avait tous conduits chez lui, sa maison étant la plus proche du quai et Sebastian avait été installé dans une chambre à l'étage. Tirubhan, le fils cadet du Magiker, le dernier des trois à vivre encore avec ses parents, veillait sur lui.
— Si je l'ai abandonné, c'est pour une bonne raison, répondit alors Kin, mauvaise.
— Cette raison m'est complètement égale, madame, rétorqua Elsa. Sachez qu'il est le magicien le plus puissant après moi dans le monde humain.
— C'est impossible. Il est né sans magie.
— Je vous assure que non... Il m'a même privée de mes pouvoirs. Du moins, il m'a tellement agacée que j'ai littéralement explosé, détruit mon catalyseur et perdu mes pouvoirs.
— Je sens encore de la magie en toi, pourtant, répondit Mohekar.
— Elle est épuisée, pas perdue à jamais. Elle revient petit à petit, mais je ne suis guère plus capable de déplacer un objet inanimé désormais...
— De quel type était ton catalyseur ? demanda alors l'un des trois hommes qui avaient accompagné Kinatuea.
Elsa l'observa. Il devait avoisiner les cinquante ans, il était chauve et maigre comme un clou. Sa chemise grise semblait trop grande pour lui, mais malgré tout, son regard bleu était vif et perçant.
— Un château, répondit alors la jeune femme. Mon catalyseur était un château de soixante mètres de haut, de quatre étages habitables et entièrement fait de glace...
Les Magiker se regardèrent, surpris. Elsa esquissa un sourire et entreprit de raconter comme elle en était venue à mettre quasiment toute sa magie dans un gigantesque château de glace...
.
Sebastian ne revint à lui que bien après le dîner et en se redressant, il découvrit Elsa endormie près de lui, sous les couvertures. Il regarda ensuite autour de lui et cligna ; avec une excuse silencieuse, il décida de réveiller la jeune femme pour comprendre ce qu'il s'était passé...
— Quand Kinatuea a révélé qu'elle était ta mère, tu a tourné de l'œil et tu t'es écroulé comme un sac sur le pont du navire. Mohekar a ensuite vivement sermonné Kinatuea puis il nous a tous conduits chez lui...
— C'est sa maison, ici ?
— Oui, nous sommes dans la chambre de sa fille qui ne vit plus ici depuis des années. J'ai passé la soirée avec eux, j'ai raconté ma vie, mon ascension et ma d'échéance de reine d'Arendelle... Tout ça en moins d'une année.
Sebastian joua avec l'ourlet de son vêtement un moment et quand Elsa posa une main sur son poignet, il leva les yeux sur elle.
— Cette femme est ma mère... souffla-t-il. Elsa, cette femme...
— T'as abandonné quand tu étais un nourrisson, acheva la jeune femme en fronçant les sourcils. Tu es né sans pouvoirs, selon elle, donc elle a quitté l'île et t'as abandonné sur la première terre qu'elle a croisée. Tu as été récupéré par une jeune femme, Sare'ya, qui t'a élevé comme son fils jusqu'à ce qu'elle soit choisie pour épouser le roi des Îles du Nord... Tu es devenu le prince régnant, mais quand le roi a découvert tes pouvoirs, il t'a renié et chassé du royaume...
— Pourquoi la reine ne m'en a jamais rien dit ? Surtout une fois que j'avais été exilé, elle est venue me voir chaque semaine pendant onze ans, elle aurait eu largement le temps de tout m'expliquer...
Elsa resta silencieuse. Elle bailla soudain et Bash s'excusa de l'avoir réveillée.
— Dormons, proposa-t-elle. Nous y verrons plus clair demain et tu pourras poser toutes les questions que tu veux à Mohekar. Il m'a dit que nous pouvions rester aussi longtemps que nécessaire et sa femme semble ravie d'avoir de la compagnie.
Sebastian opina en silence puis Elsa lui souhaita bonne nuit et se recoucha en se tournant dos à son ami. Il l'observa un moment avant de se rallonger à son tour en rabattant le dessus de lit sur lui, mais il eut du mal à dormir correctement, sa nuit fut peuplée de rêves étranges à la fois terrifiants et perturbants et, à l'aube, il se réveilla épuisé...
.
Kinae, la femme de Mohekar, avait préparé le petit-déjeuner quand les deux nouveaux venus descendirent des chambres. Ils la saluèrent et s'installèrent autour de la table. Le dernier fils de magicien apparut ensuite et se figea un instant en voyant les inconnus.
— Tirubhan, tu te souviens d'Elsa ? dit alors son père en sortant d'une pièce adjacente. Voici Sebastian, le jeune homme sur qui tu as veillé toute la soirée.
— Bonjour, Tirubhan, merci de m'avoir tenu compagnie, sourit Bash.
— C'est normal. Vous étiez mal en point...
— Tant que ça ?
— Tu t'es évanoui, mon garçon, répondit Mohekar. Cela ne nous arrive jamais, normalement...
Elsa sembla réfléchir et, effectivement, elle n'avait pas le souvenir d'avoir un jour tourné de l'œil, sauf quand son château de glace avait été détruit.
— Mohekar, est-ce que vous savez pourquoi Kin a abandonné Bash ?
— Elle l'a dit, il est né sans pouvoirs...
— Elle se trompe clairement ou bien elle me confond avec un autre, répondit le jeune homme. J'ai toujours eu des pouvoirs, depuis aussi loin que je me souvienne, parce que je devais les cacher. Quand ma mère s'est mariée, mon père avait peur de moi, alors ma mère m'a exilé dans une caverne, sur le domaine royal et elle venait me voir tous les jours. Je suis resté là-bas pendant onze ans.
— Onze ans de solitude ? s'étonna Tirubhan. Tu m'étonnes que tu es puissant !
Bash haussa un sourcil amusé.
— J'admets que mon isolement a probablement accéléré les choses, mais je ne suis pas né sans pouvoirs, clairement pas.
Mohekar opina. Sa sœur se trompait sans doute d'enfant, après tout, ils étaient plus d'une dizaine à abandonner leurs bébés chez les humains chaque année...
— Vous allez rester chez moi jusqu'à ce que vous ayez les réponses à vos questions, dit-il alors. Cela nous changera un peu !
Son fils rigola puis annonça qu'il allait être en retard pour l'école. Il souhaita une bonne journée à tout le monde et fila. Elsa l'observa un moment puis reporta son attention sur Mohekar.
— Vous ne sauriez pas qui sont mes parents, par hasard ? demanda-t-elle.
— Non... Je ne reconnais personne en toi, malheureusement. Tes parents sont peut-être des Magikers exilés qui vivent chez les humains.
— M'ont-ils également abandonnée ?
— Non, j'en doute. Tu as clairement un pouvoir de naissance très puissant, personne n'abandonnerait un bébé avec d'aussi grandes capacités.
— Alors... Ils sont morts.
Mohekar serra les lèvres et croisa le regard de Sebastian. Il servit ensuite le petit-déjeuner puis annonça au jeune couple qu'il pouvait leur faire visiter les environs s'ils le désiraient, mais Elsa refusa et prétexta un mal de tête pour retourner se coucher...
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