Bash rumina pendant des jours l'idée du majordome de partir pour le pays des Magikers. Elsa, elle, resta enfermée dans sa chambre et, à en croire le givre sur le bois et la température générale du manoir, elle usait d'une magie intensive, sans doute pour forcer ses pouvoirs à retrouver leur puissance originelle et ainsi, retourner sur son trône le plus vite possible.

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— Monsieur, cela fait dix jours que la reine est cloîtrée dans sa chambre, ne devriez-vous pas aller lui parler ? Il commence à faire vraiment très froid ici et les cheminées ont du mal à maintenir une température agréable...

Ce matin-là, Sebastian se faisait servir le petit-déjeuner dans le patio et, comme chaque matin depuis dix jours, il n'attendait pas Elsa.

— À quoi bon ? demanda-t-il. Elle est clairement en train de tout faire pour récupérer sa magie, lui proposer de partir ensemble de l'autre côté du monde la fera bondir et je risquerai encore de me faire envoyer valdinguer... Mon dos s'en souvient encore, merci bien...

Le majordome plissa le nez. Il laissa le jeune homme à son repas et celui-ci soupira en observant le jardin enneigé. Un frisson glacial le fit songer à Elsa et quand du givre tomba en pluie poudreuse devant lui depuis le plafond, il souffla par le nez.

— Elle ne voudra jamais partir plusieurs mois et laisser Anna et Hans à la tête d'Arendelle... Elle est bien trop prétentieuse pour accepter de laisser le trône en gérance plus longtemps que nécessaire.

Son thé gela soudain et le jeune magicien grogna en le dégelant d'un geste de la main. Il soupira ensuite et avala rapidement son petit-déjeuner avant qu'il ne prenne à nouveau l'envie à Elsa de déployer ses pouvoirs au-delà de sa propre limite pour les tester jusqu'au bout...

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Au palais, les choses se passaient mieux qu'Anna ne l'avait imaginé. Les habitants d'Arendelle semblaient s'habituer au changement de régence et plus personne ne parlait d'Elsa ou de Sebastian à la ville. Certains considéraient même Anna comme la nouvelle reine, ce qui, bien évidemment, ne plaisait pas à Elsa qui avait des espions parmi le personnel du palais qui venaient lui faire des rapport journaliers sur la situation.

— Je ne le supporte plus ! Je dois recouvrer mes pouvoirs et reprendre mon trône !

Les mâchoires serrées, la jeune femme tendit les mains et un monticule de neige se forma sur le tapis. Pendant une seconde, il prit l'apparence d'Olaf, mais dès que Elsa relâcha sa concentration, il s'écroula en un tas de poudreuse sèche.

— Et merde !

Se détournant, Elsa fit un geste du bras et un stalactite jailli pour se planter dans le lambris. Chaque meuble de sa chambre était abîmé, parsemé de trous de glace ou de taches d'humidité. Les serviteurs n'osaient même plus entrer pour faire le ménage après que la jeune femme ait congelé accidentellement le pied d'un valet venu lui apporter son repas. Il avait été aussitôt dégelé par Bash, mais le jeune homme aurait sans doute quelques séquelles pendant un temps...

— Ces satanés pouvoirs doivent revenir ! Je ne peux pas laisser les gens offrir mon trône à ma sœur ! Ce n'est pas l'héritière !
— Ce n'est peut-être pas toi non plus.

Elsa se figea et se retourna vers la porte. Elle serra les mâchoires en découvrant Sebastian sur le seuil. Lorsqu'elle serra le poing, il baissa le menton et le cristal de son bâton s'éclaira doucement. La jeune femme sentit alors sa magie s'éteindre et elle fronça les sourcils en reculant d'un pas.

— Qu'est-ce que tu fais ?! s'exclama-t-elle. Bash, non ! Ne fais pas ça !
— C'est fini Elsa, je n'en peux plus de tes caprices et de ta violence, répondit le jeune magicien en entrant dans la chambre. Je ne voulais pas en arriver là, mais tu as blessé des serviteurs, tu m'as attaqué et maintenant, tu t'en prends à ta sœur. C'est trop.

Un filet de neige s'envola alors d'Elsa qui plaqua ses mains sur sa poitrine pour tenter de le retenir. Soudain, elle se figea et tomba sur les genoux. Ses ongles s'enfoncèrent dans le tapis et elle haleta.

— Tu vas me tuer...! Mon cœur est en train de geler...
— Il est déjà gelé...

Elsa hoqueta. Des larmes se formèrent alors sur ses cils et quand elles touchèrent le sol, elles étaient gelées.

— Je t'en supplie, ne me retire pas mes pouvoirs... Je suis désolée !

Elsa fondit en larmes et enroula ses bras autour de sa poitrine en se mettant à sangloter bruyamment. Jamais elle n'avait connu une telle douleur, c'était comme si quelque chose lui arrachait les entrailles à vif. Soudain, elle sentit un à-coup, puis ce fut fini et elle se redressa, les mains levées devant elle, l'air abasourdi. Quand elle tenta d'invoquer quelque chose, rien ne se produisit. Elle retenta, mais ses mains restèrent inertes. Elle regard alors Bash et le jeune homme enroula ses doigts autour de son bâton.

— Tu m'as trahie... souffla-t-elle.
— Trahie ? Non, du tout.
— Alors rends moi mes pouvoirs !
— Je ne le peux pas.
— Tu les as pris alors tu peux les rendre !

Le jeune homme pencha la tête et leva les yeux vers son cristal.

— Je ne t'ai rien pris, répondit-il. Je n'ai fait que récupérer ce qui m'appartenait. J'avais distillé un peu de ma magie dans la propriété et tu t'en es nourrie. Mais sans moi, tu es aussi magique que ta sœur...

Elsa devint presque translucide. Elle resta sans voix une longue seconde avant de se mettre à pleurer.

— Non, c'est pas vrai... Mes pouvoirs, je les sentais !
— C'était les miens que tu sentais... Nous avons partagé notre magie depuis notre arrivée dans cette maison. Au début, je pensais que cela pourrait déclencher tes pouvoirs, les recharger, mais tu n'a pas su le faire, tu es immédiatement retournée dans tes travers d'avant mon arrivée et je ne le supporte plus. Le majordome a raison, nous allons partir tous les deux de l'autre côté du brouillard et nous ne reviendrons qu'une fois que tu auras appris à te servir de tes pouvoirs sans canalisateur externe.

Elsa déglutit. Elle se releva lentement et observa ses mains.

— Je... Je suis à sec ?
— Totalement. Ton éclat de rage qui a détruit ton château de glace a dispersé la magie emprisonnée dedans... C'était lui, la source de tes pouvoirs, et plus tu devenais puissante, plus il en absorbait.
— Je n'ai ce château que depuis deux ans, pourtant que j'étais enfant, j'ai souffert de mes pouvoirs grandissants...
— Comme nous tous. Tous les enfants de magiciens doivent apprendre à se servir de leur magie avec des professeurs qui savent ce qu'ils font. Je pensais le savoir, mais je ne peux plus rien pour toi, désormais.

Elsa passa sa langue sur ses lèvres.

— Si nous nous rendons dans cet endroit d'où nous sommes censés venir, qui va s'occuper de mon royaume ?
— Ta sœur fait déjà du très bon travail, elle pourra continuer quelques mois. Je vais aller au palais pour les prévenir, toi, tu fais les bagages. Nous partirons demain matin, à l'aube.

Sebastian tourna alors les talons et Elsa se mordit la lèvre.

— Bash, je... tenta-t-elle.

Il s'arrêta à quelques pas de là, mais la jeune femme ne fut pas capable de finir sa phrase alors le jeune homme reprit son chemin et disparut dans l'escalier qui descendait.
Quand son pas se fut estompé, Elsa laissa échapper un profond soupir saccadé. Une servante se montra alors.

— Je suis tellement navrée que les choses se soient passées ainsi, Majesté...
— Et moi donc... Je ne pensais pas que... Je... Je suis un monstre, Ina... Je suis incapable de me contrôler, la magie m'a complètement changée, je ne vois plus le monde comme avant...
— Sebastian vous rendra vos pouvoirs, j'en suis certaine.
— Il ne m'a rien pris... C'est moi qui ai merdé, c'est tout... J'étais tellement obnubilée par ma prétention à ne pas avoir besoin de professeur que j'ai détruit la source même de ma magie... Mon château était comme une batterie, il accumulait ma magie petit à petit et en le détruisant, j'ai tout perdu...

Elsa serra les mâchoires en regardant le plafond. Elle inspira ensuite puis souffla.

— Aidez-moi à faire mes bagages, vous voulez ? dit-elle.
— Oui, bien entendu. Je m'occuperai de ceux de Monsieur Sebastian après.

Elsa ne répondit rien, elle se contenta d'ouvrir sa penderie et de choisir quelques vêtements pratiques pour le voyage en bateau. Une fois là-bas, elle avisera...

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— Tu es sûr ?
— Il y a forcément une autre solution.

Sebastian regarda Anna.

— Non, répondit-il. Il n'y a pas d'autre solution. Elsa a complètement vidé ses pouvoirs en détruisant son palais de glace, c'est fini, elle n'est plus du tout capable de faire de la magie.
— A quoi bon faire ce dangereux voyage, alors ? demanda Hans.
— C'est surtout pour moi que nous partons. Je veux savoir qui je suis, d'où je viens. Je sais qui est ma mère, mais j'ignore qui est mon père, sinon un Magiker. J'emmène Elsa avec moi parce qu'elle doit connaître l'endroit d'où elle vient, même si elle est persuadée que tes prends sont les siens.

Anna déglutit. Pour elle, il n'y avait pas à tergiverser, Elsa était sa grande sœur quand bien même elle était blonde à la peau très pâle... Et capable de magie.

— Nous partons demain à l'aube. Je vais à la capitainerie pour faire un armer un petit bateau et...
—Je m'en occupe, dit alors Hans en se levant. Je dois aller en ville, je vais faire préparer un navire pour deux personnes, suffisamment solide pour traverser le brouillard. As-tu besoin de matelots ?
— S'il y en a, je prend, sinon on se débrouillera.

Hans opina puis quitta le bureau d'Anna avec un coup d'œil pour la jeune femme. Sebastian se tourna alors vers elle.

— Ce sont tes allusions à notre hypothétique vie amoureuse qui nous a conduits à cette solution, dit-il alors. Elsa est incapable de comprendre ce concept basique, elle n'a aucune notion des relations ente les hommes et les femmes, elle est totalement ignorante et pense qu'un enfant c'est dix minutes au cœur de la nuit et vingt ans d'emmerdes.

Anna serra les lèvres.

— Tu as donc choisi le silence, répondit Bash. Soit. Qu'il en soit ainsi. Nous ne serons pas de retour avant des mois, peut-être une année ; d'ici là, tâche de ne pas mettre ce royaume à feu et sang. Je le saurais.

Croisant les bras, Anna tourna la tête. Bash comprit le message et quitta le bureau à son tour pour rentrer au manoir, maugréant après les sœurs d'Arendelle et leurs fichus caractères.