— Blessée ?
— L'homme avec elle a dit que ce n'était pas grave.

Anna serra les lèvres et fit signe aux messagers de se retirer. Hans s'approcha de sa compagne.

— Elsa est avec Sebastian, si elle a été blessée dans la destruction du château, alors ce n'est pas de son corps que tu dois t'inquiéter, mais de son esprit, Anna.
— Pourquoi ?
— Ce château représentait la liberté qu'elle a durement acquise après son couronnement, c'était son refuge et voilà qu'en perdant le contrôle de ses pouvoirs, titillée par Bash, elle le détruit totalement ! Comment crois-tu qu'elle soit, mentalement, en ce moment ?
— Honnêtement, je n'en sais rien, je crois que je ne la connais pas suffisamment pour te répondre, cependant, peut-être que la laisser à l'écart de la ville pour l'instant serait une bonne chose ?

Hans plissa les yeux. Anna lui relata alors ce qu'Elsa lui avait dit, quelques jours en arrière, comme quoi si elle persistait à se séparer de Kristoff pour être avec Hans, alors elle n'aurait plus le droit de vivre au palais et perdrait son accès au trône.

— Elle m'a proposé un manoir à la sortie de la ville, acheva la jeune princesse. C'est une jolie maison avec un jardin, à l'écart des autres maisons, je n'y ai jamais été, mais je vais envoyer du monde pour l'ouvrir et la nettoyer, puis je proposerai à Sebastian de s'y installer avec Elsa le temps qu'elle se remette.
— Elle risque de croire que tu veux l'écarter du trône, surtout si c'est la maison qu'elle nous avait réservée...

Anna pinça la bouche.

— Peut-être que tu as raison, dit-elle alors. Peut-être que ma sœur n'est pas apte à gouverner en ce moment, mais si cela s'avère le cas, alors je prendrai la couronne, mais uniquement si elle ne redevient pas la reine que je connais, la gentille jeune femme qui joue à geler le sol pour que les gens puissent patiner en plein été.

Hans esquissa un sourire. Il prit la main de son amie et lui embrassa les doigts avant d'aller chercher un baiser. Elle le lui rendit avec un sourire et quand elle entoura ses bras autour de son cou, il la saisit par la taille et enfouit son visage dans la dentelle de son corsage.

— Je t'aime tellement, Anna... dit-il en posant son menton sur son épaule. Pas une seule seconde je n'ai cru que tu me pardonnerais ce que j'ai fait par cupidité...

La jeune femme recula et posa une main sur la visage anguleux de son compagnon.

— Ce n'était pas de la cupidité, tu as vu une occasion de plaire à ton père, tu l'as saisie, c'était une opportunité à ne pas manquer, mais cela a lamentablement foiré et tu as, dans la foulée, perdu la fille dont tu étais tombé amoureux...

Hans baissa les yeux. Anna caressa sa joue de son pouce.

— Mais je suis là, maintenant, et même si j'ai été mariée à Kristoff pendant quelques mois, nous avons bien compris qu'il y avait quelqu'un entre nous et Kristoff a préféré courber l'échine et me laisser partir au lieu de m'obliger à vivre un mariage malheureux.
— Jusqu'à ce que tu reçoives ma lettre, tu n'étais pas malheureuse, si ?

Anna s'assit sur un banc et Hans s'installa en face d'elle.

— Non, j'avais des projets, nous avions une maison, nous projetions d'avoir un enfant prochainement, mais... Quand j'ai reçu ta lettre, c'est comme si un miroir s'était fendu, j'avais cru avoir rangé ton souvenir très profond, mais tout est remonté dès l'instant où j'ai vu ton nom sur ce papier... 

Anna souffla par le nez, le sourire aux lèvres, secouant la tête.

— Ta demande en mariage me tourne encore dans la tête, tu sais ? J'étais une jeune fille abandonnée, orpheline de parents, seule malgré la présence d'une sœur aînée qui ne s'est jamais occupée de moi... J'avais besoin que quelqu'un m'aime, que je serve à quelque chose dans ce monde, et tu as débarqué sans prévenir, sans avoir été invité au couronnement d'Elsa...

La jeune princesse serra les lèvres. Hans la prit dans ses bras et la serra contre lui. Elle soupira dans sa veste puis se redressa.

— Je vais envoyer du monde au manoir, puis nous irons tous les deux chez Oaken pour annoncer ma décision à Elsa.
— Cela ne lui plaira pas du tout.
— Je n'ai aucune doute là-dessus, mais je n'ai pas ramené Sebastian pour qu'il me la rende folle, je veux juste qu'elle sache qui elle est, de quoi elle est capable, et pas qu'elle végète dans un rôle de reine pour lequel elle n'a jamais été préparée.
— Un rôle auquel tu n'as pas été préparée non plus, crut bon de préciser Hans.
— Certes, mais j'ai un avantage sur ma sœur.
— Lequel ?
— Je t'ai toi à mes côtés pour me guider. Tu es un prince, tu as été élevé pour régner, tu m'aideras.

Hans esquissa un sourire en hochant la tête puis Anna quitta la pièce et se rendit à la conciergerie où elle trouva sa gouvernante et son chambellan en train de boire le thé. Ils se levèrent immédiatement, mais elle leur fit signe de se rasseoir.

— Je voudrais que vous vous rendiez tous les deux avec quelques domestiques pour ouvrir le manoir de mon père, à la sortie est de la ville. Le tremblement que nous avons ressenti ce matin était le château de glace d'Elsa qui s'effondrait, elle l'a détruit en perdant le contrôle de ses pouvoirs accidentellement.
— Mince... Qu'allez-vous faire ? demanda la gouvernante. Et pourquoi rouvrir le manoir de votre père ?
— Pour Elsa, pour qu'elle se repose quelque temps. Un ami est venu nous rendre visite, nous avons récemment découvert qu'il était un magicien, comme elle, et il s'est mis en tête, avec mon accord, d'aider ma sœur à mieux contrôler ses pouvoirs. J'imagine que la destruction du palais de glace n'était pas prévue, mais ma sœur risque d'en être affectée et de ne pas pouvoir régner correctement d'ici-là.
— Dois-je comprendre que vous prenez la régence, Majesté ? demanda le Chambellan.
— En effet. Jusqu'à ce la reine Elsa ait accepté l'aide de Sebastian pour gérer ses pouvoirs, je serais la seule à gouverner Arendelle, avec le soutien du prince Hans des Îles du Sud.

La gouvernante et le chambellan, bien que surpris, inclinèrent la tête puis Anna regagna ses appartements pour se changer avant de se rendre dans le bureau de sa sœur pour écrire une proclamation. Elle la fit transmettre au héraut du palais, récupéra Hans, changé lui aussi, puis ils gagnèrent les écuries pour seller deux chevaux.
Le couple avait à peine quitté la ville que le héraut se plantait devant le portail du palais et sonnait de sa longue trompette pour ameuter les villageois...

.

— Tu as entendu ?
— Non, quoi ?

Elsa se leva et sortit sur le perron de la boutique d'Oaken.

— C'est la trompette de héraut, dit-elle. Qu'est-ce que ça veut dire ?
— Je l'ignore, répondit Sebastian qui l'avait suivie. Est-ce que ta sœur aurait pris une décision ?
— À quel sujet, je suis la reine, jusqu'à preuve du contraire, une princesse ne peut en aucun cas prendre une décision qui requerrait l'utilisation du héraut.
— Rentrons, dit soudain le magicien en se détournant. Ta jambe ne se guérira pas si tu restes debout, tu dois te reposer.
— Non, je dois rentrer, je dois savoir ce qu'il se passe.
— Elsa, tu m'avais promis...

La jeune reine serra les lèvres, elle regarda par-dessus son épaule en direction d'Arendelle puis baissa le nez et retourna dans la boutique. Oaken lui proposa ensuite de dormir un peu, mais elle refusa et s'assit sur une banquette en prenant une livre.

— Elle semble abattue.
— Elle a de quoi, son palais était son trésor et avec ça, elle a drainé toute sa magie... Il lui faudra beaucoup de temps et de repos pour invoquer Olaf à nouveau...

Oaken, inquiet, regarda la jeune femme puis posa une main sur l'épaule de Sebastian.

— Épouse-là dès que tu pourras, dit-il. Profites-en, elle a besoin de quelqu'un de solide à ses côtés, quelqu'un qu'elle pourra geler de colère sans qu'il risque de mourir.
— Je refuse de me marier sur cette simple excuse, répondit Bash en secouant la tête. Elsa est pétrie de colère, de chagrin, de doutes, il lui faudra des années pour les chasser. Elle est convaincue qu'elle a tué ses parents, qu'à cause d'elle et de ses pouvoirs, ils ont pris la mer pour aller trouver des réponses et qu'ils ne sont jamais revenus.

Le marchand grimaça.

— Convaincre un enfant qu'il n'est pas la raison de la mort de ses parents est reconnu comme étant la chose la plus compliquée du monde... Par contre, as-tu songé à une chose ?
— Laquelle ?
— Tu es le fils de la reine des Îles du Nord et d'un Magiker, mais mes souverains n'étaient pas des magiciens, alors comment expliquer qu'Elsa le soit ?

Sebastian fronça les sourcils.

— Précise ta pensée ?
— Imagine une seule seconde que Agdar et Idun aient adopté une enfant tout bébé alors qu'ils ne parvenaient pas à concevoir ? Pour calmer les inquiétudes des habitants d'Arendelle, ils décident d'adopter un bébé et de taire cette information. Trois ans plus tard, la reine tombe enceinte et Anna pointe son nez. Je n'avais jamais fait attention, mais depuis qu'Elsa a révélé de puissants pouvoirs, cela me trotte dans la tête... De plus, les sœurs ne se ressemblent pas et...

Sebastian demeura silencieux tandis que l'information se frayait un passage dans son esprit. Anna était rousse, Elsa blonde, rien d'anormal à cela, Sebastian était blond et Savina auburn... Alors certes, ils n'avaient pas le même père, mais...

— Bash, le roi et la reine étaient tous les deux roux... souffla alors Oaken.

Le jeune magicien se redressa et observa Elsa, indifférente à leur discussion, plongée dans son livre.

— Si ce que tu dis est vrai, alors Elsa n'est pas la reine légitime d'Arendelle... souffla-t-il à voix basse. C'est Anna qui l'est, et elle est désormais majeure, si j'ai bien compris.
— Pas encore, elle n'a que dix-neuf ans, mais j'imagine que le protocole royal peut être un peu... ébréché pour une occasion si particulière.
— Seigneur, comment vais-je pouvoir lui dire une telle chose ?
— Je suggère que tu laisses Anna le faire. Elle sera moins tentée de passer sa colère sur elle que sur toi, même si tu ne crains rien venant d'elle pour le moment.

Sebastian opina lentement, mais nanti de cette information, il eut du mal à se reposer durant le reste de la journée. Pour couronner le tout, quand deux chevaux s'annoncèrent, montés par personne d'autre qu'Anna, escortée par Hans, Sebastian comprit que la soirée allait être compliquée...