Chapitre 27
Occupée à prendre son dîner, Anna mangeait en silence tout en lisant un livre. Soudain l'eau dans son verre se mit à trembloter et les deux verres tintèrent l'un contre l'autre. Les pendeloques du lustre se mirent à danser elles aussi et la porte s'ouvrit brutalement.
— Chancelier, c'est un tremblement de terre ? demanda la jeune femme.
— Il faut aller se mettre à l'abri, répondit l'homme. Il pourrait y avoir une avalanche. Venez, vite !
Anna ne se fit pas prier. Toute sa vie on l'avait mise en garde contre les avalanches qui déboulaient des montagnes en emportant tout sur leur passage. Elle n'en avait jamais vue une, mais elle se souvenait de deux ou trois tremblements de terre qui avaient fait paniquer ses parents ou ses gardiens pendant sa jeunesse...
— Hans ! s'exclama la jeune femme en trouvant son compagnon dans le couloir. Viens, il faut nous mettre à l'abri.
— C'est un tremblement de terre ? demanda le jeune homme.
— J'enverrais des hommes vérifier, mais en attendant, vous descendez dans les souterrains, tous les deux, et vous y restez, répondit le Chancelier. Hors de question qu'il arrive encore quelque chose à la famille royale !
Anna opina vivement. Elle prit la main de Hans et l'entraina à sa suite. Ils rejoignirent des servantes et d'autres personnes et suivirent le groupe jusqu'au réseau de tunnels qui serpentait sous la ville, creusés dans la roche du fjord comme la secousse s'accentuait...
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Sebastian ouvrit les yeux difficilement. Il regarda autour de lui et inspira. Il entendit alors des bruits cristallins et comprit rapidement qu'il était enseveli sous les décombres de ce qui était autrefois le château de glace de la Reine Elsa. La mémoire lui revint alors et il serra ses doigts sur son bâton. Se protégeant de son autre bras, il activa sa magie et la glace se transforma en neige poudreuse.
— Friskette ? Olaf ? Gardien ? appela-t-il ensuite.
Aucune réponse. Les trois bonhommes de neige n'étaient pas dans les environs ou bien ils avaient été détruits par l'effondrement du palais. Il ne s'inquiéta pas pour eux, ils se reformeraient une fois le choc passé.
— Elsa ? appela alors le jeune homme. Elsa, est-ce que tu m'entends, Majesté ? Aïe, aïe, aïe...
Avec quelques douleurs, il s'assit et regarda mieux autour de lui. Oui c'était ça, le palais de glace d'Elsa était réduit à l'état de blocs scintillants répandus sur toute la zone où il s'était jadis dressé.
— Quel saccage... Elsa !
Sebastian se releva ensuite et grogna. Il maudit la jeune reine pour ne pas avoir su se contrôler et espérait qu'elle était toujours vivante. Fermant les yeux, il entreprit alors de la localiser en se servant de sa magie, mais les interférences avec les débris du palais mettait à mal ses pouvoirs et il eut une violente nausée. Soudain, il entendit un faible gémissement et il pivota vers la source du bruit.
— Elsa ? appela-t-il. Elsa, tu m'entends ?
— Par ici... Je suis coincée...
Sebastian ne se fit pas prier. Il rejoignit la jeune femme et la trouva effectivement quelques mètres plus loin, dans une posture plutôt douloureuse. Un bloc de glace de la taille d'un cheval lui bloquait les jambes et elle avait un bras pris sous un autre bloc.
— Tu vas bien ? demanda-t-elle en voyant le jeune homme.
— Oui, attends, je vais t'aider. Tu n'es pas assez forte pour te sortir de là ?
— Je n'ai plus de pouvoirs... Mon château était mon catalyseur, il est détruit...
Une larme glissa sur la joue de la jeune femme et elle reposa sa tête sur la glace derrière elle. Sebastian l'observa un moment. Elle n'avait plus sa couronne, ses cheveux étaient défaits et s'étalaient autour d'elle comme une couronne dorée ; sa robe bleue était déchirée à certains endroits et quelques traces brunes indiquèrent au jeune homme qu'Elsa était blessée.
— Ne t'en fais pas, ça va aller. Ne bouge pas.
Il se redressa et, d'un geste de la main, il souleva lentement le bloc de glace qui coinçait Elsa. La jeune femme grogna de douleur et Sebastian l'aida ensuite à se lever, mais il s'avéra rapidement qu'elle avait une jambe brisée.
— Il nous faut retourner en ville, dit-elle alors. Mon médecin nous aidera...
— Tu ne peux pas marcher et je ne te porterai pas.
Elsa haussa un sourcil sans répliquer. La douleur l'empêcha de faire une quelconque réflexion et elle s'assit sur un morceau de glace.
— Gèle ma jambe, dit-elle alors. Je n'aurais plus mal, nous pourrons nous rendre chez Oaken et il me fera une attelle.
— Tu es sûre ?
Elsa opina. Sebastian s'exécuta et la jeune femme se leva ensuite. D'abord sur un pied, elle testa l'autre puis s'appuya dessus et hocha la tête.
— Ça ira, la douleur est supportable. Allons-y. Partons d'ici.
Sebastian ne protesta pas. Le château détruit, Elsa n'avait plus rien à faire ici. À présent, elle allait devoir se servir de son propre corps pour drainer sa magie et la contrôler et le jeune homme se promit de l'aider, même si cela allait être compliqué.
En passant près de débris plus petits du palais de glace, Sebastian en trouva un taillé comme un flocon et le ramassa. Il le tendit à la jeune reine qui pinça les lèvres. Elle se détourna sans plus de cérémonie et s'éloigna en s'appuyant sur le bâton du jeune homme pour marcher.
— Elsa, il te faudra un catalyseur, dit-il alors. Comme mon bâton.
— Je trouverai autre chose en temps et en heures, pour le moment, j'ai une jambe brisée, je suis furieuse et épuisée, alors avance, rétorqua la blonde.
Mouché, Sebastian n'insista pas, mais glissa tout de même le morceau de cristal dans sa poche.
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À Arendelle, pendant ce temps, on patientait dans les souterrains de la ville. Creusés dans le permafrost, ils étaient résistants à tout, avalanches, tremblement de terre, inondations, mais il y faisait aussi un froid polaire et il n'y avait pour seules lumières que des lampes à pétrole disséminées ici et là.
— Tiens...
Hans déposa une couverture sur le dos d'Anna qui le remercia d'un signe de tête en s'en enveloppant. Il s'éloigna pour en distribuer à d'autres femmes et Anna l'observa un moment.
— Vous allez l'épouser, Majesté ? demanda soudain une femme près d'elle.
— Si j'en ai le droit, oui.
— Qui vous en empêchait ? Elsa ?
— Elle en serait capable, elle ne l'aime pas et déteste l'idée-même de l'avoir dans notre famille...
— Mais vous vous aimez, tous les deux, ce n'est pas ce qui compte le plus ?
Anna hocha la tête et serra les lèvres. Hans revint alors et s'assit près d'elle, épaule contre épaule, en prenant ses mains dans les siennes pour les réchauffer.
— On dirait que c'est passé, non ? dit alors un homme.
— S'il y a eu une avalanche, mieux vaut attendre que les gardes viennent nous chercher, répondit Anna. Nous avons froid, oui, mais il y a de la lumière et de quoi manger pour plusieurs jours. Restons calmes, dormez si vous le pouvez, mais soyons patients.
— Oui, Votre Altesse.
Hans passa alors son bras dans le dos de la jeune femme et l'attira à lui pour qu'elle bénéficie de sa chaleur. Les autres se rapprochèrent également de leurs voisins pour se serrer et partager leur chaleur en attendant patiemment.
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— Elsa, Sebastian ! Mais qu'est-ce que vous faites ici ? Entrez vite !
Le couple ne se fit pas prier et Elsa soupira quand Oaken lui avança un tabouret. Il remarqua aussitôt la gangue de glace autour de sa jambe et comprit.
— Bougez pas, je reviens, dit-il en disparaissant dans son arrière-boutique.
Un jeune homme d'une vingtaine d'années reparut avec une valisette à la main et Elsa souffla.
— Vous êtes médecin ? demanda-t-elle.
— Oui, je viens d'arriver à Arendelle, et vous êtes ma première patiente, Reine Elsa, j'en suis honoré.
— Plus tard, les courbettes, coupa Sebastian. Elle a une jambe cassée, vous pouvez la rafistoler ?
— Bien entendu, mon garçon... répondit le jeune médecin en fronçant les sourcils. Inutile d'être aussi désagréable...
Sebastian resta silencieux et croisa le regard d'Elsa qui lui intima de ne plus l'ouvrir. Il décida donc d'aller se promener et Oaken lui apporta un chocolat bien chaud sur la terrasse.
— Il s'est passé quoi là-haut ? demanda-t-il. Ça a tout tremblé ici, on a cru qu'il y avait une avalanche !
— Elsa a perdu le contrôle de ses pouvoirs et son palais est détruit. Sans lui, elle n'a plus de magie, du moins si, mais elle va devoir apprendre à s'en servir toute seule.
— Vous n'allez pas l'aider ?
— Bien sûr que si, quand je disait toute seule, c'était sans l'aide de son palais. Elsa est très puissante, bien plus que moi, mais elle n'a jamais essayé de se servir de sa magie sans la canaliser dans le palais de glace.
— Ça va changer quoi pour elle ?
— Concrètement ? Sans le palais pour garder une partie de ses pouvoirs, elle sera encore plus puissante et peut être encore plus incontrôlable. Elle est persuadée qu'elle ne peut rien faire sans son catalyseur, je dois lui prouver que c'est faux. Du moins, elle n'a pas besoin que ce catalyseur soit un palais de soixante mètres de haut...
Sebastian loucha sur son bâton et Oaken esquissa un sourire.
— C'est quoi ce caillou, pour vous ? demanda-t-il.
— C'est un morceau de mon berceau, répondit le jeune magicien. Quand je suis né, ma mère m'a installé dans un berceau de marbre finement ciselé et quand j'ai été chassé de chez moi, j'ai détruit le berceau et récupéré un morceau de marbre. Ma haine, ma colère, ma tristesse, tout a été canalisé là-dedans et je me sers depuis de cette force négative pour déplacer des objets.
— Je vois. Mais vous avez d'autres capacités, non ? Vous contrôlez des éléments je crois.
— L'eau, précisément. Je peux la changer en vapeur ou en glace, ou bien lui demander d'attaquer ou de sauver...
Oaken opina. Il se dandina alors et Sebastian soupira.
— Que va devenir la reine ? demanda le boutiquier.
— J'imagine que nous allons rentrer en ville et qu'elle va reprendre son trône.
— Et vous ?
— Si Elsa n'a plus de pouvoirs, alors je suis inutile. Si elle refuse d'apprendre à contrôler sa magie, je suis inutile.
— Et si elle veut juste un compagnon ?
Sebastian laissa échapper un ronflement dédaigneux.
— Elsa d'Arendelle n'est pas une femme qu'on épouse ! siffla-t-il. Elle est trop prétentieuse pour accepter le fait qu'un homme puisse avoir envie de partager sa vie avec elle !
— Vous êtes dur... La reine Elsa est une gentille personne, elle est un peu farouche, je l'admets, mais c'est une bonne reine et...
— Je suis pas prétentieuse.
Oaken se figea. Il pivota et recula d'un pas. Elsa s'avança sous le porche en s'appuyant sur une canne en bois. Oaken l'observa un moment puis prétexta des choses à faire pour rentrer dans la cabane.
— Tu es prétentieuse, confirma Sebastian.
— Non, et tu ne le sais pas, car tu ne me connais pas. Je n'ai jamais voulu qu'on interfère dans ma vie, je n'ai jamais demandé à ma sœur de trouver quelqu'un pour me... seconder. Elle n'aurait jamais dû t'approcher, résultat, mon palais est en miettes et je n'ai plus aucun pouvoirs !
— Ta magie toujours en toi, Majesté, répondit Sebastian en déposant sa tasse sur une table proche. Tu dois simplement apprendre à t'en servir sans ton palais. Quand tu étais enfant, tu t'en servais pourtant.
— Je m'amusais seulement, répondit Elsa en plissant le nez. Ce n'étaient que les jeux d'une enfant de onze ans pour amuser sa petite sœur de sept ans.
— Mais c'était de la magie et une magie utilisée sans catalyseur.
Elsa serra les mâchoires, agacée. Elle se détourna ensuite et retourna dans la boutique en annonçant qu'ils repartiraient dès qu'elle aurait mangé quelque chose.
Sebastian opina puis soupira profondément en récupérant sa tasse de chocolat chaud. Il la porta à ses lèvres en marmonnant après les femmes et leur satané caractère...
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