Chapitre 3
Je vais avoir cent ans ! Dans très peu de temps, je serai un adolescent et non plus un enfant. Et, pour cette occasion, je vais pouvoir choisir mon prénom. Cette idée me mets dans tous mes états, tant je suis excité !
- Dis-donc, jeune Obbdjorn, si tu pouvais te concentrer sur ce que je raconte, ce ne serait pas pour me déplaire...
- Mais, Leiv...
- Non, non, non ! Je ne veux pas entendre tes nouvelles excuses. Pour une fois que je ne t'ai pas encore perdu de la journée, tu vas rester tranquillement assis ici et écouter.
Encore combien de temps à attendre ici ? Ingvar a quelques petits problèmes de soudures au niveau supérieur, dans la zone qui sépare nos lieux de vies de sa propre constitution. Si je ne fais rien, il pourrait avoir une fuite d'huile. Finalement, peut-être aurais-je dû en parler à Mognar quand j'ai découvert cette faille hier... Mais j'ai tellement envie de le réparer par moi-même... Et je sais qu'Ingvar me fait confiance ! Et Mognar également ! Je l'ai compris.
Mon regard s'attache sur Leiv, qui s'est retourné pour répondre à un adulte de passage. C'est le moment ! Rapidité, silence et dextérité ! Les maîtres mots d'une fuite réussie.
- Tiens, Mognar ! Regarde qui est là !
Le chef n'eut pas besoin de se retourner pour savoir que l'enfant tant redouté par Leiv était encore parvenu à échapper à la surveillance de l'adulte pour venir jusqu'à lui.
- Ce petit est en totale admiration devant toi, ça crève les yeux, ajouta Dageid.
Mognar ne répondit pas à cette remarque pourtant touchante. D'autres auraient été fiers du comportement de l'enfant mais lui ne voulait pas de cette admiration. Il n'était devenu le chef des Obbdjorn que par un concours de circonstances dont il se serait bien passé, car cela avait été la cause de bon nombre de décès. Il n'était le commandant que parce que les autres l'avaient mis à cette place et que tous comptaient sur lui et ses connaissances.
- Quelle explication vas-tu me donner aujourd'hui pour être venu jusqu'ici, jeune Obbdjorn ? demanda le chef.
- J'ai réparé Ingvar !
- Comme presque tous les jours, je dirais..., répondit l'adulte, un sourire en coin.
- Je craignais qu'il n'ait eu une faille au niveau de son conduit d'huile... Tu veux que je te montre comment je l'ai aidé ?
Mognar soupira. A chaque fois que l'enfant venait, il lui faisait la même demande. Et lui, à chaque fois, se voyait contraint de décliner, non pas par manque d'intérêt, mais parce que gérer la vie de près de quatre-mille Obbdjorn passait, malheureusement pour le petit, avant un enfant qui voulait que l'on s'intéresse à lui.
- Mognar ! Et mon déserteur ! s'exclama Leiv en pénétrant dans la salle de commandement. Mognar, puis-je te parler seul à seul ?
Devant les yeux bleu ciel, les deux adultes quittèrent la pièce, le laissant avec Dageid et les autres qui, pour son plus grand bonheur, lui permirent de s'installer sur le fauteuil de son héros.
- Ce petit est très doué, Mognar. Bien plus que bon nombre que nous avons eu ou que nous aurons. Et il est très attaché à toi. J'ai essayé de l'inclure avec les autres enfants ou les adolescents, mais en presque cent ans, il n'a toujours d'yeux que pour toi... et pour Ingvar ! Tu te rends compte que ce gamin le répare depuis longtemps ? Tu sais ce que cela pourrait signifier pour toi ?
- Il n'est pas même encore adolescent, Leiv. Même s'il est promis à de grandes choses, ce serait un sacrifice que je n'accepterais pas.
- Mognar, il te suivrait au bout de l'Univers. Sais-tu le prénom qu'il a décidé de porter ?
- Tu as questionné Ingvar, toi. Je le sais, il me l'a également dit...
- Seras-tu présent lorsqu'il choisira son prénom ?
- Comme pour chaque Obbdjorn.
C'est aujourd'hui ! Je vais enfin avoir mon prénom ! Dans le dortoir, je ne tiens plus en place. Je ne sais pas comment font les adultes pour dire que c'est le jour ou la nuit et déterminer quand nous devons nous reposer ! Lorsque je pose mes yeux vers l'extérieur, je ne vois que des étoiles, parfois des planètes ou des astéroïdes qui passent non loin. Des galaxies entières défilent devant moi, des soleils plus ou moins brillants, des étoiles parfois magnifiques. Et, pour le moment, aucune planète pour nous... Mais j'ai beaucoup d'espoir ! Je sais que Mognar nous trouvera la plus belle planète de l'Univers ! Parce que, Mognar, c'est l'Obbdjorn le plus fort et le plus doué !
La porte s'ouvre et je me précipite par terre, feignant de dormir comme je le devrais.
- Alors, jeune intrépide, n'avais-tu pas quelque chose à me montrer, l'autre jour ?
C'est lui ! Il est en face de moi, un genou à terre parce que je suis encore trop petit malgré mes trois mètres cinquante. Et il me regarde avec ses yeux noirs si profonds. Je ne sais pas quoi dire... Mognar ! Mognar s'intéresse à ce que je fais !
- Allez, viens ! Montre-moi donc cette faille que tu as réparée, que je puisse admirer ton travail !
« Admirer », il a dit « admirer » ! Il ne vient pas pour contrôler ce que j'ai fait mais pour le voir ! Alors, je cours vers le couloir, l'entendant marcher derrière moi. Ce n'est pas bien loin, juste à trois-quarts d'heure de course d'enfant !
Mognar suivit d'un pas tranquille le jeune Obbdjorn qui rentrerait ce jour même dans l'adolescence, repensant encore à ce Vigbdjorn agité dont il avait vu l'éclosion de ses propres yeux. La joie de vivre et l'insouciance qui caractérisaient le petit faisait plaisir à voir et un sourire se dessina sur ses lèvres. Lui n'avait pas eu la chance de connaître cette période qui semblait fort agréable, et durant laquelle les Obbdjorn ne se rendaient pas toujours compte de ce qui les entourait. Là où lui recherchait un lieu de vie éloigné d'Eux et espérait ne plus voir les siens mourir dans ses bras, l'enfant ou le jeune adolescent regardait les étoiles, une fascination certaine brillant dans ses yeux. Malgré cela, il savait que ce petit intrépide qui courrait devant lui était bien différent des autres. Il ne s'était jamais intégré au monde des plus jeunes et avait toujours recherché sa compagnie ou celle d'Ingvar. Comme si son esprit trop vif ne lui permettait pas de communiquer aisément avec ceux de son âge.
- Regarde, Mognar ! C'est ici !
L'adulte regarda la réparation précise qu'avait opérée celui qui était encore un enfant quelques jours plus tôt. Un travail soigné et précis qui l'impressionnait réellement.
- Comment as-tu procédé ?
La fierté se lisait dans les yeux du plus jeune tandis qu'il montrait la flamme qui sortait du dessous de sa main droite, au niveau de son articulation, ainsi que la lame qu'il avait déployée au-dessus de son poignet gauche.
- Tu vois, j'ai juste fait fondre un peu de mon épée et mis au niveau de la faille !
- Surtout pas !
Le cri qui avait échappé à l'adulte coupa l'adolescent dans son élan et il se tapit contre le mur, soucieux d'avoir provoqué le courroux de celui qu'il admirait tant.
- Excuse-moi, jeune Obbdjorn, tenta de le rassurer Mognar, un genou à terre et la main tenant le menton du plus jeune. C'est juste que tu ne dois pas utiliser une partie de toi pour réparer. Nous avons ce qu'il faut pour cela. Malheureusement, des nôtres sont morts, et c'est leur métal que nous utilisons. Tu ne dois pas faire cela avec toi, même si nos armements ne sont pas douloureux. Pourquoi donc as-tu fait ça ?
- Mais moi, je veux être comme toi ! Tout le monde dit que tu as tout sacrifié pour nous ! Alors, pourquoi est-ce que je ne pourrais pas sacrifier un petit bout de ma lame ? Elle se réparera...
- Personne ne devrait avoir à se sacrifier, et surtout pas les plus jeunes... Tu es très vif et intelligent, mais je ne veux plus jamais que tu ne donnes une partie de toi, d'accord ?
- D'accord, Mognar...
Gêné d'avoir rabroué le jeune adolescent, l'adulte grogna intérieurement contre lui-même. Il n'avait pas l'habitude des plus jeunes, et c'était bien pour cette raison que Leiv en avait la charge. N'ayant pas connu cet état, il ne parvenait pas à comprendre ou prévoir leurs réactions. Afin de revoir le sourire du petit, il décida de poser la question à laquelle il avait déjà la réponse.
- Et alors, tu pourrais me confier un secret ? et comme le jeune adolescent acquiesçait, il ajouta : Comment vas-tu choisir de t'appeler ?
- Audar ! répondit avec une immense fierté le plus jeune. Comme tu m'as appelé la première fois !
Et voilà une nouvelle étape de franchie pour notre jeune Obbdjorn ! J'espère que ces petits détails sur cette espèce vous plaisent ! Plus que deux chapitres avant le début de CvA !
A demain :)
Sanguinement-vôtre,
Gothycka
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