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Chapitre II

IL MAGO

Dix-sept heures, le regard toujours fixé devant la porte, j'attends un signe de mon gars. Je passe une main dans ma barbe, avant de grimacer pour refréner ma colère. Je calme mes pulsions meurtrières en tirant de grandes tafs sur mon cigare. Un mouvement de tête au loin me conforte dans l'idée que nous pouvons enfin intervenir. Je sors de ma Rolls, ajuste mon trois quarts oversize qui me permet de porter mon kevlar et mon holster avec aisance. Un de mes hommes me fait passer une arme et je colle le canon de mon fusil à pompe contre l'œil-de-bœuf pendant que mon soldat frappe contre le bois.

Après quelques bruits qui me laissent deviner qu'un trou du cul à poser ses yeux contre l'œillet, je tire sans sommation et surtout sans pitié. Avec rapidité, nous défonçons le chambranle, pénétrons l'endroit, enjambant le cadavre qui jonche le sol. J'analyse la situation en un quart de seconde. Tout est exactement comme on me l'a décrit. Deux connards assis près d'une table basse, sachets de coke en main, me dévisagent pétrifiés.

— Alors, qu'avons-nous là ? interrogé-je marchant dans les débris qui craquent sous mes pas.

Deux autres de mes gars nous rejoignent après avoir sécurisé les alentours mettant en joue nos ennemis.

— Ramasse la dope ! ordonné-je à l'un d'eux tout en m'approchant de la table.

Lentement, je les contourne, laisse échapper un rictus malsain avant de reprendre mon monologue :

— Alors, lequel d'entre vous a eu la brillante idée de saloper ma drogue ?

Leurs corps tremblants trahissent leur peur qui excite ma soif de sang.

— Messieurs, quand on s'amuse avec ce genre de chose, il faut avoir les nerfs plus solides ! leur adressé-je.

Avec le canon de mon arme, je pousse les gélules d'ultra-levure parsemées devant eux.

— Sérieusement ? Vous savez, mes agneaux, il y a une chose à laquelle je tiens plus que tout, c'est ma réputation ! Je mets un point d'honneur à fournir un produit de qualité. Donc, quand une douce rumeur arrive à mes oreilles m'accusant de couper ma coke, et bien voyez-vous, ça a le don de me mettre dans une rage folle !

— Il Mago, ce n'est pas ce que tu...

Le métal froid sur son front le dissuade de se jeter dans d'absurdes justifications.

— Je vais te raconter une histoire, poursuis-je. Il y a de ça deux ans, un patron de bar m'appelle, affolé. Dans la nuit, un commando armé a débarqué pour péter la caisse d'une de mes Bingo. Quatre connards ont décidé de s'approprier ce qui m'appartient, vous vous rendez compte ? ris-je. Faut avoir une sacrée paire de couilles pour s'attaquer à moi, non ? Alors, voilà, peut-être me suis-je relâché ces derniers temps  ? Pourtant, je croyais que cette histoire avait marqué la France ? La mafia marseillaise descend une équipe qui s'approprie la recette de leurs machines à sous, un massacre en plein jour, en pleine rue, si surréaliste que ces abrutis de passants croyaient assister à un tournage de cinéma, susurré-je nostalgique de ce souvenir. Cette histoire ne vous dit rien ? m'amusé-je.

Les deux lopettes toujours figées par la crainte ne pipent mot. Agacé par ce manque de respect, je descends celui le plus proche de moi, une balle dans le genou, je recharge et la seconde dans la tête. Le dernier connard sursaute et se crampe à la table cherchant du regard une issue favorable.

— Maintenant un nom ! Je vais me répéter pour la deuxième fois, crois-moi, mon garçon, ce sera la dernière. Qui a eu la brillante idée de saloper ma came avec des putains de pilules d'ultra-levure à la con ?

— Steeve, chuchote-t-il.

— Mais encore ?

— Je te jure, Il Mago, je ne v...

— Ta gueule et crache-moi ce putain de morceau, vociferé-je perdant patience.

— Steeve s'est présenté il y a quelques semaines. Il parlait de nous faire gagner plus... commence-t-il, les yeux baissés. Il a dit que cela devait rester entre nous et qu'il était impossible que qui que ce soit ne s'en rende compte, pas même notre fournisseur.

Je jette un œil à l'un de mes hommes qui nous accompagne, le fournisseur et gestionnaire de ce quartier en question. Je vois la rage qui déforme ses traits et lui ordonne d'un simple regard de ne pas intervenir en lui arrachant la langue avant que l'oiseau n'ait fini de chanter.

— Ce n'était pas grand-chose, juste un demi-gramme de levure et un demi-gramme de Coke... De toute manière, ces camés de merde ne s'en rendent même pas compte, on pourrait tout aussi bien leur vendre de la farine qu'ils n'y verraient plus de différence.

Je hoche la tête, ce qui donne le feu vert pour l'exécution finale.

— Contacte le fossoyeur, ordonné-je à mon homme de main.

Il acquiesce et enclenche le processus de nettoyage. D'ici une heure, tout au plus, la porte sera remplacée, le studio miteux récuré de fond en comble, les cadavres en route pour leur dernière demeure.

Mon prédécesseur admirait mon côté mise en scène dans mes exécutions, considérant ma trouvaille pour stocker les corps comme une idée de génie. Il n'était plus question de bétonner des pieds et de jeter la viande au fond du Rhône, seuls les nostalgiques procèdent encore ainsi. Où pourrait-on cacher des macchabées sans que personne ne vienne jamais y foutre son nez ? La réponse est une évidence à elle seule ! Au cimetière, tout simplement. Une fois que tu as ton équipe de fossoyeur, que les employés de la mairie deviennent les tiens, tout devient fluide. Enfin ça, c'était à mes débuts. Aujourd'hui, nous n'en sommes plus là. Grâce aux tentacules que j'ai déployés partout dans le sud, je suis en mesure de mener les élections municipales des quatre plus grosses villes de la région. Et j'y fais siéger la marionnette la plus manipulable et surtout la plus sale. Tout est une question de patience, lucidité et d'esprit.

Nous sommes entourés d'êtres humains imparfaits qui foulent cette terre à la recherche de besoin égoïste. Chacun traînant sa faille ou sa faiblesse. Parfois, il ne suffit pas de gratter trop profondément pour qu'elle se révèle au grand jour. Du politicien qui détourne les fonds publics à la petite secrétaire de mairie qui trompe son mari, la Cosa Nostra est partout, voit tout, sait tout ! Un peu comme au casino, nous sortons toujours gagnants et ceux qui en doutent en payent le prix fort ! Sans compter la monstrueuse chasse aux pédophiles que j'ai lancée ! Si l'inceste reste le fléau numéro un pour les gosses, découvrir tous ces hommes d'influences trempés dans ce réseau de pédocriminalité et agissant en toute liberté m'a conforté dans l'idée que j'étais le seul à pouvoir y mettre un terme. Je suis donc parti en guerre et chaque fils de pute, qui touche un enfant ou alimente le dark web, se fait exécuter dans d'atroces souffrances. La Cosa Nostra met un point d'honneur à ce que nous protégions femme et enfant ! Il est impératif de frapper un grand coup ! Et de remettre de l'ordre dans ce que ce pays protège et cautionne depuis bien trop longtemps.

— Quant à toi, il est grand temps que tu me nettoies ce bordel ! balancé-je en direction de mon lieutenant. Tu vois ce qu'il se passe quand tu délègues ! Je ne tolérerai plus une seule sortie de ce genre, je ne me casse pas le cul à m'établir en Colombie pour vendre cette daube sur mon territoire ! C'est inacceptable et faites passer le mot. Avertissez comme il se doit notre réseau que le prochain qui s'amuse avec ma drogue, je le pends par les couilles et extermine sa lignée sur sept générations !

Remontez à bloc, je regagne ma Rolls. Je sors le téléphone prépayé de ma poche avant de contacter mon second.

— On a un problème ! craché-je dans l'appareil. Réunion ce soir et viens avec Steeve, je veux voir jusqu'où cet enculé va nous mentir. Je veux qu'on lui demande de se mettre sur l'histoire de la Coke coupée. Vu qu'il en est l'investigateur, je veux savoir s'il fait ça de son propre chef ou s'il agit pour quelqu'un d'autre ! Tu le laisseras partir plus tôt de notre entretien, tu mets deux hommes sur son cul. S'il a un complice, il ne tardera pas à se griller.

Mon interlocuteur approuve comprenant exactement la nature de mon stratagème et m'informe que son entrevue concernant la revalorisation de certains de nos produits s'est conclue par un accord. C'est donc l'esprit un peu léger que je regagne mon manoir.


BINGO Nom de machines à sous connues dans le grand banditisme.

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