Chapitre 01 : Le diamant de la couronne. (1/2)
5 ans plus tard.
Les souvenirs m'assaillirent par dizaine.
Aujourd'hui, cela faisait cinq printemps que la reine Elizabeth II avait quitté ce monde. Ancienne reine, devrais-je dire. Ceux qui étaient surpris à penser ou à parler de monarchie de nos jours se voyait pendu. Quelle drôle d'ironie lorsque l'on savait que la dernière avait eu lieu en 1964. Les Républicains l'avait rétabli, ce lundi de dix-neuf septembres. Le pouvoir avait été renversé et les monuments à connotation monarchiques avaient presque tous étés attaqués. Les caveaux royaux avaient été pillé, Charles III assassiné, suivit de Camilla Parker. Plus aucun membre de la famille royale n'avait osé se rebeller. Beaucoup de personnes auraient étés ravies si nous n'avions pas assisté à une insurrection sans équivoque, digne de celle des Français.
Ne restait plus que le parlement où quelques idiots avaient élus domicile après avoir menacé de mort les membres déjà en place. Ils avaient des convictions mais ils e savaient toujours pas s'en servir. Depuis cinq ans, nous étions plongés dans une crise économique, sociale et politique comme il n'en n'avait jamais existé chez nous. Même certains immeubles d'habitations tombaient en ruines. La technologie ainsi que le confort avaient été privé à ceux qui se revendiquaient Monarchistes.
Ma mère en faisait partie.
Au cours de la première semaine, elle a été pendue. J'étais invité à la rejoindre jusqu'à ce qu'ils comprennent que je n'étais qu'une gamine innocente qui n'avait pas encore ses propres opinions. Cela ne les avait pas empêchés de me faire connaître la rue, estimant que je pourrais devenir une rebelle effarouchée tôt ou tard. Quant à mon frère, je ne l'avais pas revu depuis. Il avait fui, comme beaucoup d'autres. La population avait drastiquement diminué et les réfugiés politiques avaient surtout gagnés la France, l'Espagne ou le Portugal. Si j'avais été plus âgée, j'aurais pu comparer notre période à celle de l'après-guerre, mais je n'en n'avais aucune idée. J'allais sur mes vingt ans. Je connaissais plus de la vie que nécessaire.
Posée contre un mur encore debout, je tirai ma première cigarette de la journée. Nous trouvions ce genre de choses moins chères sur le marché noir ou dans les squats de jeunes comme moi. Mine de rien, c'était un moyen lucratif pour certains et une réserve de boîtes à cancer pour d'autres. Les enfants perdus de la monarchie s'entraidaient comme une famille.
Aux dernières nouvelles, le monde tournait encore. Il ne manquerait plus que ça. Les plus démocrates d'entres nous défilaient dans la rue comme des potiches. On les reconnaissait à leurs grands airs, leurs habits propres et repassées ainsi que leur manière de regarder les Monarchistes. Ils nous toisaient tous comme des insectes. Ils avaient gagné et ils aimaient le montrer. Des milliers de sous-fifres les avaient rejoints, de peur de finir dehors. Certains restaient influençables au point de renier toute l'histoire Britannique qui avait précédée Elizabeth II.
Les adultes corrompus se trouvaient à présent à la tête des grandes enseignes : les banques, les restaurants, les gares. Tout ce qui tenait encore sur les constructions, en tout cas. Et ils étaient payés une fortune pour avoir changé de bord aussi aisément. Les autres avaient été licenciés, les adolescents comme moi avaient perdu leur école, leur vie. Personne ne savait encore à l'époque que nous serions capable d'en bâtir une autre en marge de la République Absolue. Ce terme officieux et utilisé par les enfants perdus de la monarchie faisait bien évidemment référence à l'absolutisme français qu'avait appliqué le roi Louis XIV. Entre nous, il s'agissait d'une expression basée sur le sarcasme, devant les potiches, il était devenu insultant. Personne chez les Républicains n'assumait d'être nommé ainsi.
- Oprah ! résonna la voix de Faith derrière moi.
Elle avait perturbé ma tranquillité. Je grommelai :
- Tu fais chier.
- Je sais, mais partage tes clopes.
Elle passa l'angle du bâtiment et se posta devant moi. Ses cheveux noirs ondulaient grassement jusqu'à ses épaules. Elle avait un regard de biche, une mine innocente. Je soupirai avant de céder. Je fouillai frénétiquement dans mon paquet, cigarette au bec, avant de lui en tendre une. Et dire que je m'étais juré de ne jamais toucher à la nicotine. Un échec plus que visible. Malheureusement, lorsqu'on traînait dans la rue, la tentation se faisait moins redoutable au fil des jours.
- Les garçons ont prévus un petit vol à l'étalage cet après midi. Ils nous ont dégotté l'enseigne d'un bourgeois Républicain. Tu veux te joindre à nous ?
Je haussai les épaules, observant la vie qui continuait de tourner dans les environs. En évoquant ce pillage, elle avait parlé plus bas que d'ordinaire, évitant les regards insistants des potiches qui nous entouraient. Les Républicains avaient crée plus de voleurs que de travailleurs, c'était indéniable.
- Pourquoi pas, dis-je en attrapant ma cigarette et en évacuant sa fumée. C'est loin d'ici ?
- Tesco Express.
Mon sourcil droit s'arqua de réflexion.
- C'est pas à côté du Big Ben ?
Elle acquiesça. Je continuai de nourrir mes poumons de fumée. Le parlement et Big Ben faisaient partis des seuls monuments qui restaient encore debout. Il était devenu symbole des Républicains, l'endroit à ne pas piller au risque de se faire pendre publiquement. Mais le Tesco ne faisait pas partie de cette zone interdite, alors cela me convenait. Je finis par écraser brutalement ma cigarette sur le mur de l'immeuble lorsque la voix d'un étranger se fit entendre :
- Mais vous n'avez pas honte ?
Un homme sortit du lot, vêtu sobrement mais de façon élégante. On sait dans quel camp il est, lui.
- Aux dernières nouvelles, je fais ce que je veux, grognai-je, à moins que ce ne soit encore l'une de vos lois débiles contre les Monarchistes !
Il passa devant moi et s'arrêta, offusqué. Des comme ça, il y en avait des dizaines par mois. Faith resta silencieuse, le regard braqué sur mon assaillant.
- J'espère qu'un jour, on vous fera lécher les cendres de vos cigarettes. Les gens comme vous ne savent pas être propre, et ce jusqu'au bout, pesta-t-il, bien ancré sur ses positions.
- Eh bien moi, je vous invite à passer votre chemin plutôt que de me chercher des noises ou la cigarette, je l'écraserai entre vos deux yeux.
Ma réplique eut le don de le faire taire. Il s'exécuta, mécontent, et disparut du trottoir. Jusqu'au bout de la vue, je le vis serrer les poings le plus possible, le corps tendu comme un piquet. Touché coulé.
- Allons piller ce magasin, j'ai besoin de me défouler après avoir croisé la route d'un demeuré pareil.
Elle s'activa et m'accompagna au squat sans faire plus de commentaires sur cet humiliant incident. J'avais connu Faith plusieurs semaines après l'insurrection. Depuis, elle n'avait pas cessé de me talonner où que j'aille. Avec Zachary, Austin et Morgan, nous étions l'équipe la plus soudée du squat. Autour de nous gravitaient plusieurs autres bandes. Il nous arrivait de nous allier, d'aller provoquer les Républicains - souvent pour des raisons futiles. Le quartier général de nos troupes se trouvait à Queens Walk, face à la Tour de Londres, un endroit symbolique pour nous. Cet endroit avait été ravagé et, de l'autre côté de la Tamise, ne restait plus que les décombres de la monarchie britannique. Cinq ans plus tôt, il y avait des bâtiments en verre. Détruits par les Républicains qui estimaient que ce lieu ne devait plus être fréquenté par eux. Peu à peu, des hangars dantesques se voyaient entreposés là, sans but. L'occasion pour nous de nous établir là s'était rapidement présentée.
Le Tesco était remplit à ras-bords de personnes. De quoi faire du bruit dans les journaux. Je marchais doucement entre Faith et Morgan, attrapant le plus de choses possibles entre mes mains et mes bras. De nos jours, certains commerces refusaient de payer de la nourriture aux Monarchistes. Il fallait savoir où piocher pour ne pas être recaler et les garçons savaient pertinemment que le Tesco était tenu par un Républicain depuis peu. En les rejoignant, une heure plus tôt, ils nous l'avaient affirmé.
Les rayons serrés nous permettaient de piller discrètement, agglutinés les uns aux côtés des autres. Durant longtemps, j'avais honte de faire ça, de partir en courant d'un magasin en se marrant allégrement de la tête des employés. Aujourd'hui, je n'avais plus aucun scrupule à le faire. Damian n'était plus là pour me sermonner, et cette vie valait bien quelques commerçants ahuris et des articles dans la presse.
Nos pas se serrèrent et s'harmonisèrent au dernier virage, près de la seule caisse ouverte. Les garçons au premier rang guettaient chaque mouvement de la caissière frêle et probablement sans aucune expérience. L'enseigne avait été tenue par une monarchiste qui avait bataillé durant des années pour ne pas se faire mettre à la porte. Régulièrement, nous faisions no achats chez elle. Il était donc de notre devoir de protester contre ce changement. Ma respiration se tranquillisait. Plus qu'un pas. Et je savais ce que j'avais à faire. Morgan se tourna vers nous furtivement, prompt à nous lancer le signal. Des trois garçons, il était le plus grand. Ses cheveux roux et rasés à ras-le-crâne lui donnaient un air sévère. Il était également le plus vieux. La vendeuse s'adressa à lui avec nonchalance, lui demandant sans commune mesure son parti politique. Sans ciller, son œil gauche dévia vers nous. Maintenant.
Dans une course effrénée, nous passâmes les portes de l'enseigne avant de tourner à droite. Mon cœur tambourina dans ma poitrine au rythme de mes enjambées. J'avançai sans réfléchir, là où mon esprit et mes instincts pouvaient me mener. Je talonnai Morgan sur plusieurs dizaines de mètres, suivit de nos trois autres camarades. Le hurlement de la vendeuse n'était plus qu'un lointain souvenir. Mes bras étaient sur le point de lâcher tout ce qu'ils transportaient jusqu'à ce qu'on ralentisse. Devant moi, Morgan était également à bout de souffle.
- Vingt-trois ans et toujours un gamin, me marrai-je derrière lui.
- C'est toujours aussi hilarant ! Meilleur que le marché au noir, c'est certain.
Les autres arrivèrent à la chaîne, manquant de se percuter les uns aux autres. Après avoir tourné à notre gauche nous nous étions enfoncés dans quelques petites ruelles. Le parc public le plus proche était vide, ce qui nous permettait de nous installer sur un petit muret, à l'abri des regards insistants. Tous posèrent leur butin à terre ou sur la pierre de notre assise.
- Alors, vous avez chopé quoi ? nous intima Morgan, debout devant nous.
- Des chips et du sauciflard, commença Austin.
Il était notre plus jeune recrue. Lors de la mort d'Elizabeth II, il n'avait qu'onze maigres années. Morgan le couvait comme un frère. Ses cheveux blonds et ondulés étaient plus souvent marrons et crasseux, pleins de boue. Il passait ses journées dans les skate-park des Monarchistes, à se casser la binette et à s'écorcher la peau.
- Pas mal, admit Morgan.
- J'ai du pain, de la confiture et du beurre, enchaîna joyeusement Faith.
- Mais vous vous accordez aujourd'hui, c'est le pied !
Faith et Zach rirent aux éclats, attirant l'attention d'un autre groupe de jeunes, à quelques mètres de nous. Ils semblaient tout aussi sales et amaigris que nous, ce qui me réconfortait dans l'idée que je pouvais leur sourire sans être insultée.
- J'ai récupéré cinq sandwichs, ne me remerciez pas ! lâcha Zach en ouvrant généreusement sa veste de pluie dans laquelle il cachait toutes ses provisions.
- Petit cachotier, susurrai-je.
Il nous tendit chacun un pain finement emballé dans du plastique. On se contentait de peu à chaque repas mais c'était toujours ça de prit. Vivre au jour le jour était notre credo. J'ouvris le sachet et croquai un bout avant de brandir de mon autre main ce que j'avais planté contre moi lors du pillage.
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