Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

8 : Errer dans les rues


" Chaque centimètre est notre terrain de jeu.

Ces liens si fort nous rapprochent de Dieu. "

TW : drogue, abandon, premier rapport sexuel


Rey. Dix ans plus tôt, quelque part en Arizona.

Elle venait de passer une semaine à ratisser les petites communes bordant le désert, jonglant entre terrains abandonnés et motels miteux payés avec l'argent qu'elle parvenait à voler ici et là. Une semaine sous un soleil ardent à chercher ses parents. Cela faisait six mois qu'elle vivait dans la rue, six mois que tout ce qu'elle voyait, entendait et expérimentait n'avait plus rien à voir avec les huit dernières années. Elle n'avait plus aucun repère et avait donc dû s'en construire d'autres et ne compter que sur elle-même. Elle rôdait toute seule dans l'état et se contenter du strict minimum. Elle ne possédait qu'un gros sac en bandoulière contenant quelques vêtements trouvés après avoir jeté ceux qu'elle portait à son arrivée, parfois de la nourriture et quelques autres babioles et nécessaires d'hygiène. Elle avait au moins su se servir de ce que son ancienne vie lui avait appris, et réussissait alors pour l'instant à survivre malgré une précarité évidente.

Mais Rey était pleine de ressources et elle le savait. L'homme à la canne lui répétait souvent, elle était forte et pouvait s'adapter à n'importe quelle situation, rien ne pouvait lui faire déclarer forfait. De plus, elle était animée par une volonté abondante, car elle se trouvait dans sa ville natale. Pourtant, elle n'y avait plus repensé depuis de nombreuses années ni cherché à en savoir plus. Elle avait parfaitement assimilé et accepter l'idée d'avoir été abandonnée par ses parents, qu'ils s'étaient lassés d'elle, peut-être même qu'ils ne l'avaient jamais aimée ni désirée. L'homme à la canne ne lui avait pas donné davantage de détails et elle n'en avait finalement pas voulu. Elle avait continué de vivre à ses côtés avec la conviction qu'elle ne devait pas chercher ses parents.

Maintenant qu'il était mort et qu'elle était toute seule et plus grande, elle voguait depuis des mois avec cette viscérale envie de les retrouver. Elle les avait attendus si longtemps, ils lui devaient alors une explication aujourd'hui. Du moins, elle souhaitait leur montrer qu'elle s'en était sortie sans eux. Les seules informations qu'elle détenait étaient qu'ils avaient vécu près de Phoenix et qu'elle était sûrement née ici, elle conservait encore quelques vagues souvenirs d'avant l'abandon. En réalité, elle ne savait pas s'il s'agissait de vrais souvenirs ou uniquement des bribes que son cerveau avait fabriqué pour supporter la douleur à l'époque. Elle ignorait si la tendresse de ces épisodes avait été réelle ou si ce n'était qu'un endroit illusoire de son cerveau dans lequel elle s'était réfugiée un temps.

Rey se dirigea vers le dinner le plus proche. Le trajet depuis le désert fut long et elle n'avait rien avalé depuis la veille. Par chance, elle était parvenue à voler un peu d'argent cette semaine. Néanmoins, elle ne possédait que de quoi manger pour le week-end et non pour se loger également. Cette fois, elle choisit de privilégier la faim. Ces derniers repas avaient été minces et il lui était toujours plus facile de trouver un endroit où dormir que de manger autre chose que quelques aliments subtilisés dans un magasin ou sur un étalage. Ce soir, elle souhaitait quelque chose qui lui tienne au corps jusqu'au lendemain, puis elle se trouverait une couchette dans un squat ou se faufilerait discrètement quelque part. Elle souhaitait quelque chose de chaud et de réconfortant. En effet, ses recherches ne donnaient toujours rien. Elle n'avait absolument aucune piste concernant ses parents. Les personnes qu'elle avait interrogées ne se souvenaient pas d'elle ou l'avaient rudement envoyée promener. Sa description était évidemment très vague, un jeune couple hétéro avec une petite fille coiffée de trois chignons, parfois accompagnés d'un homme plus vieux et marchant sur une canne, mais elle avait tenté malgré tout. Pour l'instant, son histoire ne disait rien à personne, elle n'était personne. Et au bout de six mois maintenant, elle était fatiguée.

Le resto comprenait à peine deux ou trois personnes, ainsi Rey fut rapidement servie. Elle s'installa au milieu de la pièce devant un hot-dog, une carafe d'eau et des pancakes. Alors que la serveuse lui souhaitait mollement un bon appétit, la jeune fille lui demanda des couverts et ce fut un regard étonné qu'elle reçut à la place. Elle savoura ensuite son repas, vite réchauffée par la chaleur du pain et le ventre gonflé par tant de graisses et de sucre. Elle était souvent interloquée de constater à quel point le corps pouvait s'habituer au moindre changement. Elle en oubliait presque ce que c'était de manger à chaque fois, alors qu'avant l'incendie, elle ne s'était jamais nourri de la sorte. L'homme à la canne aurait désapprouvé ce genre de repas, il l'aurait grondée et l'assiette aurait volé avant de se briser sur le sol. Mais encore une fois, la situation l'exigeait, elle ne pouvait pas faire la difficile et pour le premier hot-dog de sa vie, ce n'était pas si mauvais.

Tout en mangeant, elle feuilleta son journal et y annota grossièrement ses dernières journées et l'avancée de sa recherche. Elle ne put remplir à peine qu'une page qu'elle combla par des croquis de choses qui l'avaient marquées dernièrement. Des paysages, des gens, des mots, ou encore un gribouillis de l'homme à la canne. Elle finit son dîner en relisant les pages précédentes. Ce carnet était la première initiative qu'elle avait prise en quittant New York. Elle l'avait volé là-bas et avait commencé à le remplir pendant le trajet jusqu'en Arizona. Les premières feuilles étaient encrées de son histoire, tout ce dont elle se souvenait avant l'accident et dont elle avait ressenti le besoin de laisser une trace. Elle se répétait souvent que, lorsqu'elle les aurait retrouvés, elle confierait ce journal à ses parents pour qu'ils sachent tout ce qu'elle avait vécu. Quant aux dernières pages, elles étaient jonchées de traits, un pour chaque jour sans eux. Elle avait repris le décompte, même loin de New York.

Au fond de la salle, alors que la jeune fille pensait n'intéresser personne, elle n'échappa pas au garçon désinvolte aux cheveux blonds hirsutes. Il l'avait remarqué dès qu'elle avait passé la porte du restaurant. D'abord comme une simple adolescente de Phoenix, bien qu'il fût rare d'en voir manger seule dans ce coin. Puis, il avait vite capté qu'elle était comme lui, à la rue. Son sweat bleu troué et trop grand pour elle, ses cheveux dans les yeux à peine brossés, ses cernes, son énorme sac à ses côtés et sa manière de compter son argent, de fuir les regards. Seulement, son comportement était bien différent et avait donc attiré son attention. Elle était assise le dos bien droit devant le plat le plus banal qu'elle mangeait avec des couverts, les manches retroussées jusqu'aux coudes. La plupart des gosses des rues, une fois suffisamment d'argent en poche pour un tel repas, se ruait littéralement sur leur assiette. Là, cette fille prenait le temps de mâcher chaque bouchée lentement et entre chaque, elle baissait les yeux vers un carnet près d'elle. Elle avait parfaitement la dégaine des paumés de ce faubourg, mais usait de manières guindées pour un vulgaire hot-dog. Le garçon avait aussi entendu la politesse dont elle avait fait preuve envers la serveuse.

Il vint s'asseoir face à elle sans attendre son approbation, un rictus au coin des lèvres. Rey le fustigea du regard et referma brusquement sa main gauche sur son carnet, la droite autour de sa fourchette, sur ses gardes.

« Allez-vous-en.

Du calme, pria-t-il en levant ses deux mains en signe d'innocence. Je suis comme toi, étrangère. La rue ça rend hostile...

Qu'est-ce que vous voulez ?

Je vois que tu tiens à une certaine politesse, mais tu peux me tutoyer. Je suis Jared. T'es nouvelle ici ?

Pas vraiment en fait. Et comment vous pouvez le savoir ?

En général, on reste pas longtemps seul dans la rue, on finit pour une raison ou une autre par se rapprocher des autres. Dans les quartiers, ici, on est une petite communauté, on s'entraide si tu veux, expliqua-t-il.

Tant mieux pour vous. Je préfère rester seule.

T'en es sûre ? La rue ça peut être dangereux, pour tout le monde. Mais encore plus quand on est une fille, avança-t-il sans quitter son sourire.

Je sais me défendre, déclara Rey en pointant son couvert vers lui.

Oh j'en doute pas ! Seulement, tu sais c'est la même galère pour tout le monde. Si t'es venue ici grailler un repas complet, c'est que t'as pas d'endroit où dormir ce soir.

Je vais me débrouiller. C'est pas la première fois, grogna-t-elle.

Et ce sera sûrement pas la dernière ! C'est pour ça qu'il est important d'avoir des contacts, se vanta le blond.

De quoi tu parles à la fin !?

T'es vraiment pas commode, mais je serai un salaud si je te laissais comme ça. Avec mes potes, on occupe une maison inhabitée depuis quelques semaines, les proprios sont partis  je ne sais où. En tout cas personne ne vient jamais. On compte y rester encore quelques jours. C'est grand !

En quoi ça me concerne ?!

Là-bas, tu pourras prendre une douche, et même un bain ! Et te changer aussi, manger, dormir ! Tu devrais accepter, au moins pour ce soir. Les flics rodent de plus en plus dans les faubourgs, c'est pas le moment de se faire chopper.

Pourquoi tu me proposes ton aide ? On ne se connait pas.

J'ai pas besoin de connaître tous les gens du coin pour les aider ou accepter qu'ils m'aident. C'est comme ça par ici. Puis, bah, je me dis que j'aurais aimé qu'on fasse ça pour moi quand je me suis retrouvé dehors. » raconta-t-il.

Rey continuait d'être alertée par l'attitude du garçon. Ce n'était pas le premier inconnu à venir l'aborder depuis qu'elle vivait de cette manière et malgré son côté crâneur et son syndrome avorté de sauveur, il restait bien plus correct que les autres. Alors qu'il lui narrait sa vie dans la rue, la jeune fille réfléchit à sa proposition. Elle avait de quoi s'armer en cas de danger, elle pourrait aussi à tout moment s'enfuir ou se cacher. Elle avait survécu six mois d'une rue à une autre, livrée à elle-même et elle avait toujours échappé à la police ou aux agresseurs. Elle se dit alors qu'un week-end dans une immense maison comprenant tout le nécessaire ne lui ferait pas de mal. Elle ne pouvait pas nier qu'elle était épuisée, et même avec ce copieux repas, elle se laissait petit à petit portée par l'idée de dormir au chaud, peu importe la maison et les gens autour, plutôt que dehors dans le froid.

De plus, rencontrer des gens comme elle ne pouvait être qu'une bonne chose après tout. Peut-être même qu'ils l'aideraient à trouver une piste. Cependant, elle se doutait que ce genre de squat, pour en avoir fréquenté plusieurs comme logement de nuit, ne se résumait pas à la description de ce Jared. Certes, c'était principalement pour se sustenter et avoir un abri quelque temps, mais très souvent cela tournait en grande foire. La drogue y circulait pas mal comme exutoire, l'alcool aussi. Ça n'inquiétait pas la brune, elle avait déjà vu faire et elle ne consommait rien de tout ça. C'était juste une occasion de se reposer, choper quelques trucs avant de repartir. Si en plus, elle se faisait une ou deux connaissances sur lesquelles elle pourrait compter à l'avenir, elle n'allait pas s'en priver.

La maison était conforme à la description. Isolée, très grande. En revanche il était évident que le squat perdurait depuis longtemps. Mais ils avaient été malins et avaient gardé la façade et l'allée impeccables pour ne pas attirer de soupçons des passants. À l'intérieur, les pièces étaient dérangées, des fringues jonchaient sur le sol ainsi que des emballages. Jared faisait ainsi visiter les lieux à Rey jusqu'à lui proposer une chambre où elle pourrait être seule pour la nuit. Elle avait fini par le suivre en lui précisant plusieurs fois qu'elle ne resterait que deux jours, mais qu'elle le remerciait profondément pour son aide. Le garçon s'amusait encore de son air renfrogné et suspicieux qu'elle affichait en permanence et qui n'empêchait pas sa politesse de ressortir. Rey s'installa sur le lit et fixa le blond toujours dans l'embrasure de la porte.

Il lui indiqua les vêtements dans l'armoire qu'elle pouvait prendre, et l'invita à les rejoindre en bas pour une petite fête, comme chaque vendredi. Puis il referma la porte et lui laissa le temps de se poser. C'était assez nouveau pour elle, elle n'avait jamais accepté l'aide de qui que ce soit avant ce soir et elle appréhendait un peu de se retrouver au milieu de tant de personnes. Comme d'habitude, elle était déchirée entre la certitude de devoir rester sur ses gardes, comme l'homme à la canne lui avait appris, s'adapter en restant toujours aux aguets ou lâcher prise. Se laisser aller. Seulement, elle ignorait comment se comporter les jeunes de son âge. À part les substances illicites et ceux qu'elle croisaient parfois dans les magasins, elle n'en savait pas grand chose. C'était quoi finalement une fête ?

Avant de descendre se présenter, elle se débarrassa de ses vêtements qu'elle ne supportait plus et se dépêcha de prendre une douche, mais savoura tout de même la sensation de l'eau chaude et de cheveux propres. Puis, elle enfila de nouveaux sous vêtements, un jean et un t-shirt qu'elle attrapa sans réfléchir dans la penderie, ainsi qu'une paire de baskets. Mais elle conserva son large sweat. Elle apparut ensuite dans le salon, son sac autour d'elle. En plus de Jared, il y avait deux autres garçons. Ces derniers et le reste des filles étaient assurément plus âgés que Rey, sans dépasser la vingtaine non plus. En tout cas, ils accueillirent chaleureusement Rey et lui proposèrent tout de suite à boire et à manger. Elle ne délaissa pas son sac, mais décida de souffler quelques heures. D'oublier le spectre juste une nuit et s'intégrer à un groupe, parler et agir comme une jeune fille normale.

Minuit était passé. Elle ne s'était jamais sentie aussi légère et détachée, elle avait même réussi à converser un long moment avec les autres. Elle était bien sûr restée vague sur sa vie, n'abordant simplement que l'abandon de ses parents qui semblait d'ailleurs être la même raison pour tout le monde. Une faille dans la structure familiale. Malheureusement, aucun d'eux ne semblait enclin à l'aider, ils lui avaient même à plusieurs reprises répété qu'elle était bien mieux sans eux, qu'il était inutile de les retrouver.

Dans la cuisine, Rey tomba sur un homme beaucoup plus vieux. Il était un peu enrobé et portait une énorme veste kaki ornée de poches. Il discutait avec la plus âgée des filles, celle aux cheveux courts et au tatouage sur la cuisse. Rey s'avança un peu plus jusqu'à discerner qu'il était en train de lui vendre de la drogue. Plus encore, ils semblaient être familiers et riaient ensemble tout en effectuant leur transaction. La brune passa devant eux comme si de rien n'était, mais fut rattrapée par la concernée, nommée Jade. Rey avait aperçu dès son arrivée que son interlocutrice n'appréciait pas la nouvelle recrue qu'elle était. Elle ne lui avait quasiment pas parlé de la soirée et la voilà qui lui demandait comment elle trouvait la fête. Rey papota quelques minutes et se posa en même temps milles questions sur le fait d'être une fille. Elle réalisa ainsi que Jade était la première à qui elle parlait de toute sa vie. Néanmoins, la conversation prit vite une tournure désagréable lorsque Rey lui annonça qu'elle ne comptait pas rester vivre avec eux de cette manière. Jade lui parla de nouveau de ses parents et de l'homme à la canne et qu'ils ne constituaient pas le seul abandon qu'elle connaîtrait.

« T'es encore attachée à tous ces gens alors qu'ils t'ont tous abandonnée ! T'as juste peur de te l'avouer, c'est pour ça que tu t'entêtes à vouloir rester seule, t'as peur !

J'ai pas envie d'en parler. Écarte-toi, s'il te plaît, je dois voir Jared, la pria Rey presque menaçante.

Jared ?! J'espère que t'as au moins compris qu'il t'avait invitée pour coucher avec toi,  elle ria devant l'air déboussolée de Rey qui s'en doutait, mais ne s'attendait pas à quelque chose d'aussi frontale. T'en fais pas, les prudes trop bien élevées, c'est pas son genre.

Et si j'en avais envie ?! » cracha Rey face à la moquerie.

Rey continua son chemin en bousculant Jade sur son passage. Elle ignorait si son discours avait tourné au dédain par provocation ou par jalousie. D'habitude, ce genre de réflexions l'aurait à peine touchée, mais son interlocutrice avait insinué que Rey ne parvenait pas à se détacher de l'homme à la canne. "Les prudes trop bien élevées", c'était tout à fait ce qu'elle était en réalité. Il l'avait tellement brimée pendant toutes ces années, enfermée dans des carcans moraux et conservateurs. Elle n'avait jamais eu le droit de rien faire et ces gens, ce soir, étaient les premières personnes à qui elle parlait depuis son abandon. Elle errait toute seule depuis six mois et elle sentait pourtant encore sa main squelettique sur son épaule, l'empêchant constamment de commettre un faux pas.

Sauf qu'elle avait quinze ans. Maintenant qu'elle avait le temps et l'espace psychique d'y faire plus attention, elle se découvrait un corps qui avait changé à une vitesse éclaire et qu'elle ne comprenait pas encore tout à fait, ni son apparence, ni son fonctionnement. Avec cette batterie de changements physiques, elle ressentait aussi tout un tas d'émotions qu'elle avait dû jusque-là réprimer pour se montrer forte et concentrée en permanence. Désormais, elle les accueillait toutes et ça la bouleversait souvent. Elle ne possédait que la partie théorique de cette partie de la vie et du corps humain, mais elle n'avait jamais rien expérimenté. Elle prenait des risques pour survivre depuis des mois, alors pourquoi pas faire aussi preuve de témérité pour un peu de contact humain. Les occasions ne se succéderaient certainement pas et dans le pire des cas, elle savait parfaitement se défendre. Rey était une ado et elle avait simplement envie de s'amuser un peu, se déconnecter de son existence singulière et de trouver du réconfort et de la chaleur.

Et tant mieux si ça constituait une provocation envers le vieil homme. Elle était libre, même s'il continuait de la hanter parfois, il n'était plus là pour la réprimander. Elle n'avait plus à obéir.

Ce fut en Jared qu'elle percevait le plus d'affects. Elle avait répondu à Jade sans réfléchir, mais elle n'était pas contre l'idée. C'était d'ailleurs peut-être ce soir ou jamais. Elle voulait savoir, tenter et vivre. Elle le retrouva alors à l'étage dans le couloir. Il discutait et partageait une bouteille avec un autre garçon. Elle le fixa un instant, assez pour qu'il saisisse quelque chose dans ses iris. Puis, elle entra dans la chambre qu'elle occupait et inspira longuement. Elle allait sauter à cloche pied dans l'inconnu, mais plus elle y réfléchissait et privilégiait la raison plutôt que ses désirs, plus les paroles de son tuteur lui revinrent en mémoire. Ses préceptes, ses ordres, ses valeurs qui s'étouffèrent dans sa tête lorsque Jared la rejoignit.

« Qu'est-ce qu'il y a ? On dirait que t'as vu un fantôme. » demanda-t-il, éméché.

Rey ne dit rien en retour et lui prit simplement la bouteille des mains. Elle but quelques gorgées devant les yeux bleus ébahis du garçon. Le liquide lui brûla la gorge, c'était la première fois qu'elle en consommait et ce rhum n'était pas du meilleur goût. Elle posa ensuite la bouteille sur le bureau et se montra encore plus surprenante.

« Tu veux qu'on couche ensemble ? lança-t-elle, impassible. Elle poursuivit devant la voix bégayante du blond. Je sais que t'en as envie. Je sais que je te plais, sinon tu ne m'aurais pas abordée dans le restaurant.

C'est vrai... dit-il étonnement avec timidité, puis se ravit de l'opportunité. T'es sûre ? »

Rey hocha la tête. Elle avait bloqué son cerveau et ne réfléchissait plus, ni à ses gestes ni aux conséquences. Elle s'approcha du blond et l'embrassa. Ce fut maladroit et brusque, même pour le jeune homme plus expérimenté. Mais il lui rendit bien vite ses baisers et glissa sa main dans les cheveux bruns de la jeune fille. Rey se répétait que tout se passerait bien, qu'il fallait qu'elle le fasse, qu'il était temps. Elle amena Jared contre le lit, ses mains tremblantes sur ses épaules et celui-ci tenta de frayer sa langue contre celle de Rey. Elle n'eut pas vraiment  le temps de réagir ni de savoir si elle en avait envie, ce fut juste d'un coup moins doux. Tout comme les doigts de son partenaire autour de sa taille et si vite sous son t-shirt. Les sensations qui s'accumulèrent dans tout son corps ne lui parurent pas aussi agréables que ce que le grand mythe autour du sexe aimait raconter.

« Doucement ! murmura-t-elle en le stoppant un instant.

C'est la première fois ?! » questionna-t-il, un sourire moqueur sur le visage.

Une fois de plus, Rey n'approuva pas la raillerie. Elle ne comprenait pas en quoi c'était si étonnant ou honteux de ne l'avoir jamais fait. Sa vie d'avant ne se prêtait pas vraiment aux relations. L'amour, le sexe n'était que des choses abstraites pour elle et son tuteur l'avait mise au courant des risques que cela comportait. Elle n'avait pas besoin d'explorer sa sexualité, encore moins de s'attacher, car ça ne ferait que l'éloigner de sa mission, et ne lui causerait que souffrance. Il avait peut-être raison, se dit-elle, et elle hésitait d'ailleurs à mettre un terme à tout ça. Mais elle ne pouvait pas le savoir sans essayer.

Elle poussa Jared sur le lit et se déshabilla à la hâte devant lui, faisant preuve d'un contrôle aigu pour ne pas montrer sa gêne. Jamais personne n'avait vu son corps, elle-même ne s'y attardait pas. Ce n'était qu'un ensemble fonctionnel qui lui permettait de bouger, de vivre. Ce soir, elle en découvrirait d'autres facettes. Elle signifia à Jared qu'il valait mieux qu'ils se protègent, car il était ivre et qu'elle ne le connaissait pas. Sa franchise aurait refroidi n'importe qui, pourtant le blond obéit simplement. Il enleva à son tour ses vêtements et  prit son corps tremblotant dans ses bras.

Rey se rhabilla lentement, comme l'ombre d'elle-même, prenant soin de ne pas réveiller Jared. Puis elle quitta la chambre, son sac de nouveau sous le bras. La fête s'était également terminée pour les autres. Le salon sentait encore les vapeurs d'alcool et la cigarette et Rey savait pertinemment qu'il lui fallait de l'air sous peine d'attraper une migraine dans le prochain quart d'heure. Avant de sortir, elle piqua quelques provisions dans la cuisine.

Elle atterrit dans le garage, la seule partie de la propriété que la fête n'avait pas touchée. La grande porte était ouverte et donnait sur l'allée qu'elle pouvait emprunter à tout moment pour partir. Cependant, elle resta là un instant. Autour d'elle, il n'y avait que des établis et des armoires, des outils, des caisses. À ses pieds contre le mur, il y avait un vieux miroir légèrement brisé et couvert de poussière, mais elle pouvait tout de même y voir son reflet. La cassure et la fine couche de saleté étaient finalement appropriées.

Elle n'était plus rien.

Elle avait passé plus de huit ans à être le centre du monde d'un seul homme et malgré sa sévérité, son absence de tendresse et la peur viscérale qu'il avait inséminée en elle, à ses côtés Rey avait mine de rien trouvé un foyer. Pas le plus confortable ni le plus aimant, mais elle y avait reçu le nécessaire, ainsi qu'un sentiment de pouvoir. Aujourd'hui, elle voguait entre dans le monde sans réussir à s'encrer dans le présent et à accepter son sort. Elle était simplement de retour à la case départ et ignorait quoi faire. Et même ce qu'elle pensait judicieux n'était en fait qu'une mascarade pour se voiler la face et croire qu'elle était une adolescente comme les autres. Seulement, elle ne le serait jamais.

Elle venait de faire l'amour pour la première fois avec un garçon dont elle ne savait rien, uniquement pour se prouver qu'elle pouvait le faire, uniquement parce qu'on lui avait balancé qu'elle était bizarre. Un coup de tête, une impulsion qui n'était pas dans ses habitudes. Et le pire était qu'elle avait détesté. Cela n'avait pas été horrible, bien qu'elle avait eu mal, mais pas non plus fantastique. Jared ne s'était pas montré particulièrement violent, mais pas non plus à l'écoute et son alcoolémie avancée n'avait rien arrangée. Elle ne s'était juste pas retrouvée dans cet acte, comme si elle avait été ailleurs et qu'elle avait attendu que cela se termine, au plus vite. Là non plus, elle n'avait pas découvert la tendresse et avait vite compris que ça ne signifiait rien pour Jared. Finalement, elle n'avait pas ressenti autant de choses que ce qu'elle imaginait, mais au moins c'était fait. Elle n'avait plus à s'en inquiétait. Et si elle était amenée à recommencer avec un autre, elle savait maintenant à quoi s'en tenir. 

Dans l'ensemble très encombré autour d'elle, elle parvint tout de même à dénicher quelques affaires. Cependant, avec tout ce qu'elle avait piqué dans la maison, son sac commençait à vraiment se faire lourd et il deviendrait difficile à porter sur de longs trajets. Ainsi, elle fouilla dans la pièce à la recherche d'un autre sac, mais elle entendit des pas dans son dos et la fraîcheur de l'air nocturne fut soudainement remplacé par une odeur de tabac.

Elle se retourna vivement, munie d'un marteau.

« Hey ! Petite, tu peux ranger ça, je te veux pas de mal, s'exclama-t-il faisant virevolter sa cigarette devant lui, mais Rey ne baissa pas sa garde.

Qu'est-ce que vous faites là ?!

Bah tu vois, les pyjamas parties, j'ai passé l'âge ! Et ça n'a pas l'air d'être ton truc non plus... il alluma la lumière du garage et Rey put discerner son visage.

Oh.. vous êtes l'homme qui leur vend de la drogue. 

On dirait que je suis démasqué ! Tu sais, ces gosses sont majeures, c'est eux qui sont venus me chercher. On est quittes alors. Moi je t'ai vu voler dans la cuisine tout à l'heure, il remarqua une petite inquiétude sur le visage de la gamine qui refusait de laisser son arme. T'es douée, dit-il soudainement admiratif. Ta manière de déplacer les objets pour visuellement remplacer ce que tu prends, et cette discrétion. Tu fais ça depuis longtemps ?

C'est pas vos affaires, répondit-il dédaigneuse en retournant à ses occupations.

Non, mais en revanche, je pourrais te proposer de voler bien plus gros sans avoir à traîner les rues comme ça. Je suppose que t'as nulle part où aller, mmh ?

Non, mais je me débrouille. Et ça m'intéresse pas vos histoires, je refuse de vendre de la drogue !

Qui te parle de drogue ? Ce que je te propose, c'est de voler pour moi de temps en temps, comme tu le fais déjà, et en échange, je te garantie d'être logée et nourrie. Qu'est-ce que t'en dis ? »

Rey passa une bonne heure avec lui dans ce garage plus grand que toutes les chambres qu'elle avait connues. Il s'appelait Unkar Plutt et était un genre de receleur accouplé à un dealer de quartiers. Il était plutôt connu à Phoenix et dans les petites villes aux alentours par les marginaux, les petits voyous ou les gros malfrats. Rey envisageait sérieusement sa proposition, car il lui garantissait qu'elle pourrait conserver sa liberté et aller où bon lui semble quand il n'aurait pas besoin d'elle. De plus, elle aurait toujours un endroit où dormir et à manger. Il assurerait aussi qu'elle ne serait jamais mêlée à la drogue, elle n'en verrait même pas la couleur, et il la protégerait. Il lui semblait honnête, bien plus que ses précédents camarades qui lui avaient joué une comédie. Ce n'était pas comme ça qu'elle avait imaginé la tournure de cette fête, cependant au petit matin, Rey s'était enfuie avec Unkar.


Unkar Plutt gardait la petite Rey sous sa botte depuis un an maintenant. Elle était une championne dans son domaine et il avait souvent été émerveillé par ses exploits, de sa manière de voler sans se faire prendre et de l'arme infaillible qu'était son joli minois. Rey n'aimait pas tromper les gens ainsi par des sourires ou jouer de sa situation, mais le vieil homme lui avait répété que le monde était de toute façon impitoyable envers les gens comme elle. Les mois avaient passé et la jeune fille avait une impression de déjà vu, être encore au service d'un homme autoritaire ne l'enchantait guère. Elle avait vite eu le sentiment de s'être fait avoir et que tous les points de leur accord n'avaient pas été respectés, Unkar n'était pas l'homme sincère et sans problèmes qu'il prétendait. La police avait failli à plusieurs reprises cramer son business et envoyer Rey dans un foyer. Néanmoins, les choses perduraient et Rey avait malgré tout obtenu un petit studio. En revanche, ces besoins étaient par moments passés au second plan pour Unkar, et étaient satisfaits selon ce qu'elle lui ramené. Lorsque ça n'avait pas suffisamment de valeur, elle retournait mourir d'ennui dans sa chambre avec à peine de quoi manger. Et encore aujourd'hui, il continuait de lui faire croire que c'était ainsi, il fallait mériter ce qu'on gagnait.

De plus, cette relation l'avait également rendue plus sauvage. Contrairement à la petite bande de punks qu'elle avait connu avant, dans l'équipe d'Unkar, elle était la seule fille. Ainsi, même si elle était sa protégée, il lui avait fallu s'endurcir très vite et montrer qu'elle n'avait pas peur. Elle était devenue plus agressive, plus méfiante et elle en oubliait d'ailleurs parfois sa politesse et ses bonnes manières. En revanche, sa quête pour retrouver ses parents était toujours sa priorité. Elle n'avait beaucoup eu l'occasion de s'y attarder, mais elle avait retrouvé l'espoir. Dès qu'elle le pouvait, elle allait interroger des passants, des commerçants à propos de ses géniteurs.

Alors un jour, à la mi-novembre, Rey en eut marre des plans foireux d'Unkar et décida de revenir à ses propres méthodes. Cela faisait quelques semaines qu'il ne lui donnait plus une partie de l'argent que ses ventes lui rapportaient, considérant qu'il n'en avait pas assez pour tout le monde. Néanmoins, elle avait aussi besoin de cet argent, d'en avoir de côté pour le jour où, encore une fois, elle s'en irait.

Elle se rendit donc à l'aéroport de Phoenix. Plutôt que son large sweat à capuche, elle portait un gros pull beige et avait coiffé ses cheveux en trois chignons - un des seuls souvenirs de l'enfant qu'elle a été - pour ne pas attirer l'attention. Elle souhaitait repérer un ou plusieurs individus à dépouiller de leur portefeuille, peut-être récupérer une valise. Elle n'avait jamais fait ça dans ce type de lieu, mais ça s'y prêtait bien. Il y avait du monde, du bruit, du mouvement. Alors, elle commença par un homme installé dans la zone d'attente. Il semblait avoir la quarantaine, emmitouflé dans un long manteau marron et il tapotait près de lui une sacoche en cuir. Rey prit place sur la même banquette et lui feint un sourire, comme si naturellement elle attendait aussi un avion. Elle discerna bien vite une montre de valeur à son poignet ainsi qu'une masse dans sa poche, pas suffisamment rectangulaire pour être un vulgaire paquet de cigarettes.

Elle usa d'un de ses tours et fit tomber un bouquin qu'elle sortir de son propre sac, juste devant l'individu. Poliment, il se baissa pour lui ramasser alors qu'elle articula une tirade d'excuses et en profita ainsi pour bel et bien lui dérober son portefeuille. Seulement, lorsque l'homme à la moustache lui fit face, la jeune fille ressentit pour la première fois de sa vie la honte.

« Tu sais, tu n'y trouveras pas grand chose dedans. Mon vol a été annulé, j'ai dû usé de tout le liquide que j'avais pour en réserver un autre demain, lui murmura-t-il absolument pas affolé par son acte. Rey était un peu paniquée, et se replia sur la sacoche qu'elle tenta d'attraper. Oh là non plus, rien qui peut t'intéresser. Sauf si tu veux m'aider à corriger des copies.

Des copies ?! s'exclama-t-elle en reposant le sac sur le siège, frustrée.

Ouais, t'es en train de voler un prof ! rit-il, ce qui décontenança la jeune fille.

Et qu'est-ce que vous enseignez ?

L'Histoire ! À l'Université.

Prof à Phoenix... c'est pas un peu...

Ah attention à ce que tu dis, ce sera pas très gentil pour mes collègues ! s'exclama-t-il. Moi, j'étais ici pour une formation, j'enseigne à New York. Rey était clouée sur son siège, elle ne comprenait pas comment il pouvait rester là à lui parler alors qu'elle venait d'essayer de le voler.

New York... j'ai vécu à New York, je crois... la petite se perdit dans ses pensées et sa main autour du portefeuille se fit plus lasse.

Tu crois ? C'est la rue qui te grignote la mémoire comme ça ?

Qu'est-ce que ça peut vous faire ?!

Tu sais, j'ai beau faire cours dans un bel amphi, j'en ai vu passé des gamins et des gamines comme toi. Même à New York ! Et ils ont ce même regard, perdu on ne sait où, mais qui cherche à s'accrocher quelque part.

C'est ça qu'on apprend à l'Université ? se moqua-t-elle et le vieil homme se ravit du minuscule sourire qui se dessina sur son visage, même dans un essai de provocation.

Pourquoi, ça t'intéresse ? Rey haussa les épaules, peu convaincue de sa possibilité de faire réellement des études un jour. Elle ouvrit le portefeuille seulement pour lui montrer qu'elle ne se laissait pas bercer par ses belles paroles, mais il disait vrai. Pas un centime. Elle se tourna vers lui sans montrer son désarroi. D'ailleurs, tu ne devrais pas être à l'école plutôt que de traîner dans les aéroports ?

J'ai pas besoin d'aller à l'école. J'ai déjà mon diplôme, déclara-t-elle sans saisir l'exploit que cela représentait pour son âge.

T'es bien plus qu'une simple voleuse alors, sacré bagage ! Lando la félicita et ses propos créèrent un sentiment que Rey ne connaissait pas jusque-là, jamais personne ne lui avait parlé de cette manière ni ne s'était intéressé à elle et à son parcours.

Ça fait un moment maintenant. Je faisais l'école toute seule, à la maison.

Ah, alors tu as une maison finalement ? demanda-t-il, sincèrement intéressé par le sort de la gamine.

 — Non... plus maintenant, avoua-t-elle avec toute la détresse accumulée depuis deux ans.

— Qu'est-ce que tu dirais de finir cette conversation autour d'un plat chaud ?  la jeune fille,  lui offrit un regard ébahi. Elle voyait déjà Unkar la grondait pour son absence. Je sais pas toi, mais moi j'ai un petit creux et je suis coincé ici jusqu'à demain. Alors autant m'occuper un peu.

— Vous voulez pas non plus que je vous fasse visiter la ville ?!

— Bonne idée, une voleuse de ton niveau doit connaître les meilleurs coins, rétorqua-t-il sans jamais quitter cette espèce de légèreté et d'ironie. Rey finit par craquer et rire. Quelle drôle de rencontre elle venait de faire encore.

— C'est ce que vous faites, quand vous rencontrez des gamins comme moi, qui savent pas où aller ? Vous déjeuner tranquillement avec eux ? demanda-t-elle toujours assise.

Quand je le peux, oui.

Sauf que vous n'avez plus de quoi payer le repas,  sourit-elle en lui rendant ses affaires.

Heureusement, j'ai encore ma carte bleue... tu pourras essayer de me la voler tout en me racontant ton histoire,  son défi réussit à terminer le rictus sur les lèvres de la brune pourtant mécontente de s'être faite bernée. Alors qu'elle allait tenter de lui reprendre l'objet du vol, le vielle homme lui tendit sa main. Lando Calrissian. 

... Rey. Je m'appelle Rey. »

Le lendemain soir, la jeune fille avait pris l'avion aux côtés de Lando en direction de New York.

____________________________

J'espère que ce chapitre sur une partie de l'adolescence de Rey et sa rencontre avec Lando vous a plu. Le prochain chapitre porte évidemment sur Ben ! Hâte de lire vos avis ! :)

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro