18 : comme un espoir qui gronde ...
"Don't go blindly into the dark
In every one of us shines the light of love"
Hello ! Vraiment navrée pour le retard sans nom que ce chapitre a pris, mais entre mes deux boulots, j'avoue avoir eu peu de temps et un passage à vide concernant l'histoire. Néanmoins, je reviens tout de même petit à petit, alors j'espère que ça vous plaira toujours ! :)
Rey demeura un moment assise sur le bord de son lit, la tête entre ses mains, à réfléchir. Du moins, elle pensait le faire. Mais en réalité, son cerveau n'était plus dans cette capacité et elle ne faisait que bouillonnait. Elle qui souhaitait rejoindre son lit jusqu'au petit matin, la tête un peu alourdie par une bière de trop, la voilà seule dans le désordre. Tout s'était enchaîné si vite. À peine rentrée dans son appartement, une douleur lui avait tordu le ventre, un coup de poignard dans le dos. Mais pas de ceux qui vous surprennent, non, celui-ci, elle l'attendait. Elle savait que tôt ou tard, la lame transpercerait sa chair avant d'être laissée pour morte. Elle n'avait fait que repousser l'échéance en jouant à l'enquêtrice du dimanche, en donnant des coups de pieds contre les vagues avant que la marée ne l'emporte. La marée venait de passer chez elle et si elle avait tout renversé, elle n'avait emporté que la broche avec elle.
C'était le premier réflexe qu'elle avait eut en constatant son appartement plus ou moins retourné. Rien de bien important ne semblait avoir disparu, alors un seul artefact de valeur ne pouvait être la cause de cette intrusion. L'intégralité de ses économies ou celle de sa thèse auraient pu être subtilisées qu'elle ne se serait pas sentie aussi abattue maintenant qu'elle savait la broche, la dernière relique qui la liait à une famille qu'elle n'avait jamais eu, aux mains du Premier Ordre.
Cela aussi, une évidence. Qui d'autre aurait pu, selon elle ? Qui d'autre de mieux placée que la bête de suie tapie dans l'ombre pour la poignarder ainsi, la trahir au moment le plus opportun ? Et elle, quelle idiote d'avoir cru qu'on pouvait accorder sa confiance à une telle créature des ténèbres sans conséquences. Quelle idiote de l'avoir laissé écouter ses espoirs bien vains et effleurer son âme.
Lui qui n'en avait pas.
Rey était persuadée que Kylo était entré ici, chez elle, pendant que, sa garde baissée, elle jouait à être quelqu'un de normal, passant un jeudi soir dans un club avec sa copine à boire et danser, à rire et oublier, comme si son enfance ne sentait pas le fond de cave et la charogne. Il avait simplement saisi l'occasion, fourbe et vilain comme on le lui avait appris. Il avait pris la broche, il l'avait serré dans sa large main et avait sûrement ri d'elle, petite idiote qui venait de nulle part et n'était rien, ni dans sa précédente vie, ni dans celle-ci. Elle se sentait terriblement conne d'avoir laissé quelqu'un s'approcher d'elle, d'avoir cru, espéré, manifesté qu'un cœur pouvait battre sous tout ce noir. Kylo Ren avait la broche et loin de la promesse que Rey pensait avoir aperçue dans ses yeux, contre ses doigts, il l'avait rendue à sa solitude. Seule dans le désordre, seule dans le noir.
Elle avait laissé le tiroir de son bureau ouvert après s'être rendue compte que la broche n'y était donc plus. Cela aussi, ça la rendait folle. Elle se sentit idiote de ne pas l'avoir mieux cachée, de ne pas avoir fait plus attention. Mais elle avait passé son existence à être sur ses gardes, à l'affût de tout, à avoir peur de tout. Ce soir, elle n'avait souhaité que souffler un peu. Se sentir libre.
Cela lui avait coûté la broche, la seule trace, outre ses propres cicatrices, de son passé. De l'homme à la canne. Peut-être de ses parents. Une trace également du passé de Kylo. Du lien qui existait entre eux et qu'elle ne comprenait toujours pas, qu'elle ne pourrait plus jamais saisir. Kylo Ren s'était introduit chez elle après l'avoir foncièrement manipulée pendant des semaines.
C'était ce qu'elle avait immédiatement conclu et ressassé dans sa tête jusqu'à ce qu'elle retourne dans son séjour pour se préparer une aspirine. La nuit était déjà bien trop longue et le sommeil ne viendrait sûrement pas de si tôt la délivrer. Et là, par miracle, alors qu'elle commença à constituer la liste des éventuels mensonges de Kylo ces dernières semaines, elle tomba sur un emballage au sol. Elle le ramassa mollement, convaincue que ce n'était qu'un détail insignifiant dans cette soirée, un emballage qu'elle-même aurait laissé traîner là. Jusqu'à ce qu'elle s'attarde sur ce qui était inscrit.
"Patch de morphine", notamment.
Immobile au milieu du salon, les yeux rivés sur l'emballage, elle réfléchit vraiment. Le sentiment de trahison ne la quitta pas, mais fut accompagné par un autre de soulagement. Kylo n'avait pas l'utilité de ce type de traitement à sa connaissance, et la dose indiquée était conséquente, il s'en serait forcément servi devant elle à un moment. Non, ce vol fourbe et bien soudain provenait de quelqu'un d'autre, quelqu'un qui ne doutait pas qu'elle accuserait en premier lieu Kylo Ren.
Rey serra l'emballage dans sa main, si fort qu'elle en risqua une crampe. Sa colère monta d'un cran. Certes, elle était soulagée que ce ne soit finalement pas Ren le coupable, mais ça ne l'avait pas aidée à se sentir mieux, au contraire. Maintenant, elle se trouvait encore plus bête. Bête d'avoir douté de lui si vite, de l'avoir maudit avant même d'inspecter les lieux et sans réfléchir deux minutes, qu'importe le taux d'alcool dans son sang. Mais surtout bête parce qu'elle avait été une fois de plus manipulée.
Elle n'arrivait pas à croire que Luke ait pu s'introduire ainsi chez elle, après ses inlassables mises en garde et sa comédie ridicule pour tenter de se rattraper auprès d'elle. Seulement Rey ne comprenait pas l'essor de ce cambriolage grotesque. Que pouvait-il bien faire de cette broche maintenant ? La rendre à Kylo pour s'assurer qu'il disparaisse de nouveau ? Ou était-ce enfin l'aveu qu'elle attendait, la preuve du lien entre lui et le fantôme de son passé ? S'il se targuait d'être un père de substitution pour elle, alors qu'il n'avait même pas su prendre réellement soin d'un membre de sa famille, il se trompait royalement.
Comme pour faire passer sa colère, elle remit un peu d'ordre là où Luke était passé, referma non sans hargne tiroirs, livres et placards. Comme pour effacer le passage du vieil homme. Elle s'enfila enfin une aspirine, non pas pour la laisser agir tranquillement tandis qu'elle se glisserait dans son lit jusqu'au matin, mais bien parce qu'il fallait qu'elle réagisse. Elle ne parvenait pas à rester en place et se calmer, elle devait récupérer la broche et comprendre à tout prix. Maintenant.
Alors elle dégaina son téléphone, les mains tremblantes. Non aidée par les 50 cl de bière inhabituels et la crise d'angoisse s'annonçant dans sa poitrine comme une tempête, elle téléphona à l'autre corbeau.
Messagerie, évidemment.
« Putain », grogna-t-elle.
Que croyait-elle ? Qu'il débarquerait dans la seconde, quittant son repère de voyous pour elle alors que la broche était certainement en route pour lui être restituée. Qu'il débarquerait pour la rassurer, écouter sans bouger ses excuses pour l'avoir considéré comme le pire des traîtres et le dernier des salauds ? À une heure pareille, Kylo était logé au Premier Ordre ou traînait dehors, semant des allumettes éteintes.
Tant pis. La priorité c'était de toute façon la broche. Pour cela, il fallait qu'elle retrouve Luke et ça ne pouvait pas attendre demain. Il y avait urgence, qu'il s'agisse de Kylo ou de sa propre histoire, qu'importe l'heure déjà bien avancée de la nuit. Rey ne dormirait pas sachant sa vie dans un tel chaos et demain lui paraissait tellement loin qu'elle s'inquiétait qu'il soit déjà trop tard.
Elle fonça alors dans sa salle de bain, se passa de l'eau sur le visage pour se remettre les idées en place, noyer un peu la douce ébriété qui l'avait gagnée quelques heures plus tôt, puis se changea rapidement pour une tenue plus confortable et chaude, et attacha ses cheveux en une demi-queue. Elle n'avait que faire de son apparence à cet instant, l'endroit où elle envisageait de se rendre si nécessaire finirait sûrement par être son caveau, mais ça ne l'arrêta pas pour autant. Elle enfila sa veste, ne se munit que de son téléphone et d'un peu d'argent pour un taxi.
☯
Arrivée à l'hôpital, elle s'attendait à voir débarquer Lando et ses sermons pleuvoir. Après tout, elle l'avait sorti de son sommeil pour lui demandait où était Luke. Ce dernier n'avait sûrement mis personne au courant de son escapade nocturne, si bien que Lando s'était de suite inquiété à l'appel de Rey. Malgré son affolement, elle était parvenue à apprendre que Leia avait été autorisée à rentrer chez elle ce soir et que Luke passait naturellement la chercher. Il était donc préférable d'agir vite, avant que Lando ne vienne. Elle lui expliquerait plus tard.
Elle sortit du taxi en conjurant le chauffeur de l'attendre. Dans le hall d'entrée, elle regarda autour d'elle, espérant que les jumeaux ne soient pas déjà en route, que Luke n'ait pas eu le temps de remettre la broche à Kylo.
Mais de quoi avait-elle l'air ? Si le spectre la voyait ainsi, agissant de la sorte, sans le moindre plan pour une bête de suie qu'elle connaissait à peine, qui la dévorerait un jour toute crue, ne lui laissant que ses yeux pour pleurer. Si l'homme à la canne était encore en vie et présent à ses côtés aujourd'hui, il l'aurait rouée de coups pour tant d'inattention et de bêtises puis isolée un temps avant de reprendre cette leçon depuis le début avec acharnement. Justement, en repensant furtivement au fantôme de son passé, tout en se dirigeant vers l'ascenseur de l'hôpital, elle s'en voulait d'avoir fait de sa vie un merdier pareil. Elle aurait dû laisser cette fichue broche dans le trou où elle avait passé ces dix dernières années, dans l'oubli total et elle avec.
Malheureusement, c'était trop tard. Se rejouer le film avec un scénario différent ne faisait qu'alimenter la myriade de questions qu'elle se posait depuis des semaines, les incohérences, les mystères et les doutes. Davantage lorsqu'elle vit Luke apparaître dans le hall, aux côtés de Leia dans un fauteuil roulant poussé par Therry.
Lorsque le regard du vieil homme croisa celui de Rey, indéniablement saturé de colère, il sut immédiatement qu'elle avait compris. Une fois de plus, il l'avait sous-estimée, à ses dépens. À l'inverse, la jeune femme put lire en un quart de seconde la panique dans ses yeux. Mais elle captura surtout ceux de Leia, pétrie de fatigue, mais profondément ravie de la revoir, en témoignait son simple sourire. Seulement, Rey n'était pas là pour elle, même si ça la rassurait de la savoir plus ou moins sortie d'affaires. Et elle ne pouvait pas s'attarder sur la Sénatrice ce soir, sachant son fils à l'autre bout de la ville en train de renouveler son contrat avec la mort.
Elle vit Luke marmonner quelque chose à Therry avant qu'il ne se dirige vers elle et l'emmène à l'écart dehors. Leia resta dans l'enceinte de la clinique et ne comprit évidemment pas, son regard se tordit face à Rey ne venant pas l'accueillir.
« Comment avez-vous pu ? prononça l'antiquaire une fois le vieil homme face à elle, la mine grave. J'avais confiance en vous...
— Rey, laisse moi t'expliquer... cette histoire doit s'arrêter et...
— Non, je n'ai pas le temps pour vos justifications, s'emporta-t-elle de suite, elle ne supportait plus de l'entendre à nouveau décider comment devaient se dérouler les choses et s'écrire le récit de sa vie ou de celle de Kylo. Vous savez, le pire, c'est que vous avez failli gagner. À peine entrée dans mon appart, c'est à lui que j'ai pensé. C'est lui que j'ai accusé sans réfléchir. Et ça vous arrange tellement en fait, ça arrange bien tout le monde..., continua-t-elle, épuisée en joignant ses mains contre ses lèvres.
— Tu ne vois pas que c'est pour te protéger enfin ?! Tu ne peux pas être mêlée de près ou de loin à une organisation criminelle de cette ampleur !
— Pourquoi, mmh ?! Je ne vous ai rien demandé ! J'ai besoin de la broche et...
— C'est terminé, je lui ai rendu il y a une heure, la jeune femme ferma les yeux succinctement, elle bouillonnait.
— Comment... comment pouvez-vous prétendre me protéger moi et le condamner lui à une telle existence ?!
— Cette existence comme tu dis, c'est son choix ! C'est lui qui a décidé d'en arriver là, de sacrifier sa famille ! Luke leva un peu plus le ton, une rancœur évidente, teintée de chagrin.
— Un choix que vous avez influencé il y a dix ans ! Vous avez échoué en pensant qu'il était déjà trop tard, qu'il avait basculé, pour Snoke, mais c'était pas le cas. Et aujourd'hui qu'il est de retour, qu'il vous ait possible de rattraper ces erreurs du passé, vous l'abandonnez encore ! s'offusqua-t-elle.
— Tu ne le connais pas Rey, tu ignores tout de ce qu'il est capable de faire, de ce qu'est le Premier Ordre...
— Suffisamment pour savoir que si je lui tends la main, il reviendra.
— Il est impossible que les choses se passent comme tu le dis, tu te berces d'illusions Rey.
— Si, je l'ai senti. Je sais qu'il y a toujours un conflit en lui, Luke leva les yeux au ciel, mais ce qui pouvait éventuellement se tramer derrière cette charité l'inquiétait davantage.
— Tu imagines qu'un lien s'est créé entre vous parce que votre histoire aurait des similitudes, mais il n'en est rien ! Tu ne peux pas sauver ce qui ne veut pas être sauvé ! articula-t-il clairement et fermement.
— J'essayerais quand même, répondit Rey déterminée. Je ne le laisserais pas retourner à Snoke ni lui donner la broche.
— Rey... ne fais pas ça, termina Skywalker, devinant tout à fait le plan inconscient et suicidaire que la jeune femme avait en tête. »
Luke ne saisit pas s'il s'agissait d'une naïveté profonde, une forme d'optimisme dérisoire de chercher ainsi un restant de bonté dans une mare de boue noire ou une folle envie de lui prouver quelque chose, mais Rey lui tourna le dos et remonta dans le taxi qui ne fut bientôt qu'un point jaune dans la nuit. Néanmoins, si physiquement, il ne pouvait la retenir et l'empêcher d'aller signer son arrêt de mort tout en déterrant d'autres cadavres au passage, il avait encore quelques ressources pour l'aider et s'assurer un minimum qu'elle revienne vivante. Il sut immédiatement en retournant auprès de sa sœur. Il sut pertinemment ce qu'il avait à faire maintenant, et Leia Organa lui rappela avec le même ton autoritaire qu'elle avait déjà à leurs vingt ans.
« Il faut qu'elle revienne, Luke. Je veux que tu la ramènes saine et sauve chez nous. Elle et Ben, exigea la Sénatrice en fixant son frère, décontenancé. Oui, je sais qu'il est en vie. Je sais qu'il est même venu me voir, ici.
— Leia... souffla-t-il, désolé. Il s'abaissa à son niveau et posa sa main valide sur son genou.
— Si cette petite croit qu'il existe, ne serait-ce qu'un ridicule espoir pour qu'il revienne, alors laisse la aller jusqu'au bout. Et aide la. Appelle le bureau. Appelle la Résistance. »
Leia lui offrit un mince sourire et son frère déposa un baiser sur son front avant de la laisser rentrer en voiture avec Therry. Il ne voulait pas décevoir sa jumelle, mais savait pourtant qu'il n'était pas celui qui pourrait sauver son fils. Le vieux Skywalker nourrissait peu d'espoir en cette rédemption. S'il confrontait de nouveau Kylo, l'issue en serait tout autre.
☯
À l'autre bout de la ville, dans une tour sombre de Hell's Kitchen, Kylo traversait d'un pas vif les longs couloirs du Premier Ordre. Il n'avait plus l'allure du mec paumé que Rey côtoyait depuis quelques semaines. Non, en ses murs, il avait remis son accoutrement de cavalier noir. Ses gants de cuir empêchaient sa peau d'effleurer quoi que ce soit et ses bottes de soldats faisaient retentir ses pas lourds. Heureusement que l'organisation ne s'embarrassait pas de mobilier quelconque ou de décorations dans ses allées, car à cet instant, Ren aurait tout cassé.
Cinq minutes plutôt, il avait reçu un message de Rey sur son autre téléphone. Il l'avait lu, comme les précédents, sans intention d'y répondre. La broche maintenant retrouvée, il devait tenir son engagement et la laisser tranquille. Et jusqu'alors, il avait lui aussi naïvement cru que les choses se passeraient facilement, qu'elle passerait vite à autre chose sans nouvelles de lui, qu'elle serait même soulagée et enfin en sécurité. C'était très mal la connaître, et à juste titre, elle était un tel mystère pour lui. Lui qui se devait d'avoir le contrôle sur tout par sa position délicate et sa condition, voilà que l'antiquaire venait une fois de plus foutre des coups de pieds dans sa fourmilière. Et cette fois, directement à la maison mère.
Alors, totalement inconsciente de ce que cette tour abritait, Rey lui avait écrit qu'elle était en route pour le Premier Ordre. Pour la broche et pour lui parler. Il aurait dû s'y attendre, avec ce caractère qu'il avait commencé à esquisser, il était certain que, ne venant pas à elle comme prévu, elle prendrait les devants. Comme elle le faisait dès le début.
La jeune femme avait obtenu l'adresse pendant le trajet en taxi auprès de Poe. Combien de personnes elle allait encore prévenir ? Assurait-elle sa sécurité en passant le mot comme ça à ses seules connaissances au courant de cette affaire, espérant que l'un d'eux soit aussi fou qu'elle et passerait aussi son samedi soir à défier la mort ? Ou agissait-elle spontanément sans penser aux conséquences, au dénouement de cette nuit ? En tout cas, ça avait fonctionné. Poe crut à peine à son énième histoire de recherches et besoin de précisions en lui donnant l'adresse de l'enfer.
En attendant cette drôle de cavalerie, cette fois, elle paya et renvoya le taxi, intégrant qu'elle n'aurait probablement pas d'échappatoire ni de retour possible. Alors, elle leva la tête et dévisagea un vaste hangar dans la nuit, surplombée d'une haute tour, parsemée de quelques fenêtres aux vitres sans tain et plutôt moderne pour ce qu'elle abritait. Et avant même qu'elle ait eu le temps de réfléchir, la large grille se releva devant elle dans un fracas lourd. La porte s'ouvrit et la lumière blanche de la pièce l'éblouit un temps, si bien qu'elle ne vit pas de suite la bête noire qui se dressait devant elle, qui l'avait attendu.
Malheureusement, la jeune femme ne parvint pas à déchiffrer son expression ni à lire dans ses yeux. Cependant, elle se sentait soulagée de le voir, presque ravie malgré les circonstances. Elle se doutait que ça ne pouvait être réciproque, qu'il la trouvait plutôt totalement ridicule, elle et son audace inconsciente d'héroïne débutante. Elle le fixa si consciencieusement qu'elle ne vit pas de suite les sbires derrière lui, tendant une paire de menottes dans sa direction.
Avant même qu'il ne l'approche, Rey l'entendait déjà la traiter de folle, se moquer d'elle ou lui avouer que désormais, il n'avait plus le choix, qu'il la tuerait là devant tout le monde et la laisserait agonisante sur le trottoir, sans remords. Mais il n'en fut rien. Il ne prononça pas un mot et fuyait son regard. Ses hommes la menottèrent sans délicatesse et Kylo la fit avancer devant lui jusqu'à un ascenseur. Elle aurait préféré qu'il la sermonne plutôt que son silence, que son ignorance, sachant parfaitement où il la conduisait. Elle eut l'impression de n'être plus personne, qu'une vulgaire prisonnière qu'il avait capturé sans même une once de fierté.
Une fois seuls dans l'ascenseur, la donne changea. Comme une étrange routine entre eux, Rey brisa le silence, l'ombre dans son dos.
« Tu n'es pas obligé de faire ça... prononça-t-elle sans bouger. Je sais que tu doutes, qu'il y a encore un conflit en toi, puis elle lui fit face et le fit réagir, presque trembler, comme si elle l'avait réanimé en l'appelant simplement. En lui rendant son humanité. Ben ? ses yeux noirs rejoignirent les siens immédiatement, il ne se souvenait même pas de la dernière fois qu'on l'avait ainsi nommé et elle, elle le faisait avec tant d'aisance, les mains liées, grimpant vers un périple certain. Il la suivit du regard alors qu'elle avançait vers lui. Après tous nos échanges, tout ce que l'on s'est confié et ces enfants, je le sais maintenant. Tu ne t'inclineras pas devant Snoke. Et tu peux revenir... Je t'y aiderai. »
Si elle savait.
Lui-même à ce moment n'en revenait pas de son plan, de ce qu'il avait prévu de faire. Mais depuis que celui-ci avait germé dans sa tête, la nuit dernière, il se sentait partiellement libéré d'un poids. Cela lui semblait être l'unique solution, l'unique résolution à tous ses problèmes, la seule perspective possible pour lui et pour elle. Pour eux, ensemble. Et elle comprendrait, forcément. Il n'avait pas d'autres choix, pas d'autres options à lui soumettre. Il fallait que cette situation se termine ce soir, qu'il assure leur tranquillité définitivement.
Mais il ne s'était réellement pas attendu à ce que Rey se montre si démonstrative et déterminée à son égard, persuadée de pouvoir le sauver et l'extirper de sa propre vie. Ni à cette tendresse dont elle faisait preuve, l'implorant de baisser sa garde, de lâcher prise et de la suivre elle, aux pays des merveilles. Seulement, un cavalier comme Kylo n'avait plus la capacité d'imaginer une vie comme elle pouvait lui décrire, un retour auprès des siens, dans sa maison natale où jusqu'à il y a peu, il n'existait même plus. Une telle vie ne l'attendait pas, c'était impossible.
Et pourtant, il aurait pu s'y laisser tenter, y croire, surtout face à elle. La jeune femme était bien trop proche de lui, plus près que jamais, sans compter leurs altercations physiques de leurs débuts. Il peina à rester concentré et serein, car dans son esprit tourmenté, ressemblant à un miroir brisé en morceaux parmi lesquelles l'antiquaire se frayait toujours plus un chemin, avançant sur la pointe des pieds qu'elle se coupait de temps en temps contre le verre, son plan bien ficelé laissa place, une toute petite place à une folle envie. Un désir inavoué et inavouable, contre-nature et dangereux. Et le supplice s'accrut lorsqu'il captura la même soif dans ses yeux verts, descendus sur ses lèvres. C'en était trop.
Avant que cette envie prennent complètement forme dans sa tête, que ces douces images s'installent, Kylo amenuisa sa fièvre en récupérant le contrôle, en refusant de lâcher prise, autorisant la bête à resserrer sa prise autour de lui, à le flageller même pour un tel désir, indigne de lui. Il devait s'en tenir au plan. Ce fut pénible et difficile, mais il fit abstraction du regard épris de tendresse que Rey tenait sur lui, espérant qu'il capitule. Alors, il se montra dur, impassible et prétentieux.
« Moi aussi, je ressens un immense doute chez toi. Tu cherches à mener une vie qui ne te ressemble pas, que tu ne connais pas. Je sais que le moment venu, tu changeras d'avis. Tu ouvriras les yeux... et tu accepteras la vérité sur tes parents. »
La jeune femme n'eut pas le temps de répondre, son cerveau n'avait même pas encore absorbé l'information, l'évocation de ses parents, que les portes de l'ascenseur s'ouvrirent et que Kylo la fit avancer devant lui en la tenant par le bras.
Rey maudit la sensation du gant de cuir sur sa peau, qu'il la touche encore ainsi, qu'il puisse s'agir du dernier contact physique qu'elle connaîtrait si cette nuit-là n'avait pas de lendemain.
Kylo l'arrêta au milieu d'une grande salle, où jonchait un large fauteuil légèrement surélevé, quelques tables autour, de larges fenêtre au travers desquelles on ne distinguait que le ciel sombre et sans étoiles de New York. Deux ou trois hommes de main étaient répartis d'un bout à l'autre de la pièce, attendant sagement les ordres de l'étrange silhouette affalée dans ce qui semblait lui servir de trône.
Tandis que Rey pensait faire face aux derniers maillons de la chaîne, aux plus vils des individus, à l'entité cruelle qui la traquait depuis des semaines, derrière elle, Kylo s'agenouilla, docile, comme un enfant puni venant demander pardon.
Et la bête s'éveilla. Elle gronda dans ses entrailles.
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