15 : Danser avec le diable
" You're just a monster and I'm not scared
But can't you see that all you need
Is just to be loved. "
TW : mention de meurtres d'enfants
La veille, cet idiot n'avait pas répondu au message de l'antiquaire. Assailli par les appels incessants de son oncle, Kylo avait délaissé son téléphone pour tenter de réfléchir à la suite des événements. Mais maintenant qu'une nuit avait passé, évidemment agitée pour les deux opposés, Rey lui en avait renvoyé un autre, l'implorant de fixer un rendez-vous dans la soirée, après le coucher du soleil.
Quelque chose empêchait Kylo de poursuivre et ça le rendait fou, car il s'agissait simplement du retour de son oncle dans sa vie. Après toutes ces années, il avait suffit d'un appel pour que le vieil homme ait de nouveau un ascendant sur lui, pour que sa voix le hantent et commandent sa pensée, le renvoyant à l'état d'élève de l'Académie. Seulement, il y avait également un autre point plus important que l'autorité de Luke : Kylo lui donnait raison. Il n'avait rien de bon à apporter à la jeune femme. Même son aide au sujet de l'enquête ne serait que temporaire et il ne pouvait pas être complètement sincère avec elle.
Cependant, tandis qu'il préparait ses affaires pour rejoindre le quartier général du Premier Ordre, son téléphone vibra : Rey l'appelait. N'obtenant pas de réponse à sa demande, elle avait certainement pensé qu'elle en obtiendrait une plus facilement ainsi. Mais ça ne changeait rien pour Kylo, c'était même pire. Il ne voulait pas prendre le risque de l'entendre répéter les mensonges de son oncle. À la place, il prit le cellulaire qu'il utilisait au sein du Premier Ordre et à la mairie - le seul qu'il était censé posséder, seulement sa collaboration avec Rey nécessitait de rester en contact - et le fourra dans la poche de son jean. L'autre il le laissa sonner dans le vide, espérant que l'antiquaire ne cumule pas les appels et lui laisse le temps de décider quoi faire, et surtout ne pas faire. Lui laisser le temps de sortir la voix de Luke de son esprit.
Mais Rey n'avait pas ce temps, et les enfants non plus. Alors, sur le point de partir, Kylo activa tout de même le téléphone pour écouter le message vocal qu'elle venait de lui laisser.
" Si tu daignais me répondre, ça faciliterait grandement les choses. Pour tout le monde, pour les enfants. Tu ne les as quand même pas oubliés, mmh ? Parce que, vois-tu, en dehors de tes histoires de famille qui finalement ne regarde que toi, des enfants meurent sans raison en ce moment à New York. J'aimerais vraiment que tu me répondes, histoire d'entendre aussi ta version, mais si tout cela n'était qu'un stratagème pour m'atteindre moi ou Luke, alors sache que je poursuivrais l'enquête sans toi. "
Kylo réécouta le message une seconde fois et le conserva. Puis il éteint le cellulaire. Son discours était juste et sincère, à son image finalement. Le jeune homme n'en revenait pas à quel point elle était tenace et déterminée au sujet de ses enfants. Mais également de lui. Ses paroles l'avaient quelque peu rassuré, Rey tenait à entendre ce qu'il avait à dire, ce qui signifiait peut-être que son oncle s'était un peu plus dévoilé que prévu. Il ignorait encore ce qu'il comptait faire, mais tenait tout comme elle à éclaircir l'affaire des enfants et en prime, lui donnait entièrement raison. Ses vieilles rancœurs de famille ne devaient pas nuire à l'enquête. C'était injuste et égoïste, seulement, il réalisait qu'il n'était pas dans la meilleure des positions pour mener cela jusqu'au bout, d'autant plus aux côtés d'une antiquaire qui détenait l'objet de son salut.
☯︎
Plus tard dans la journée, Rey semblait avoir compris que sa collaboration foireuse et ridicule avec Kylo touchait à sa fin. Seulement, comme toujours avec lui, elle n'était sûre de rien et peut-être que son absence de réponse n'annonçait pas forcément quelque chose de négatif, qu'il était simplement occupé au Premier Ordre et indisposé à lui répondre convenablement, surtout que ce qu'elle avait découvert nécessitait un échange plus approfondi que des sms. Elle n'aviserait que le soir venu, quand le grand brun lui aurait potentiellement répondu. Contrairement à ce qui était prévu, tout avait tourné un peu trop autour de lui et de sa famille, et la jeune femme savait pertinemment que c'était loin d'être fini, car au-delà des révélations de Luke ou de celle de Kylo, aucune ne résolvait la réelle question que l'antiquaire se posait depuis le début : existe-il un lien entre les Skywaler et l'homme à la canne ? et elle ?
Aussi, le plus urgent ne la concernait pas non plus elle, du moins pas temps qu'elle n'aurait pas davantage d'informations et qu'elle ne se souviendrait pas de ce qu'elle avait aperçu, mais les enfants. Tous ces secrets et l'attitude de Kylo ne faisaient qu'alimenter la possibilité que l'assassin recommence. Et ça la rendait folle qu'il refuse de cracher une information capitale. Il jouait avec ses nerfs, ses émotions et ça n'apportait rien de bon dans l'enquête. Rey s'en rendait compte et pensa sincèrement qu'elle s'en sortirait certainement mieux sans lui, donnant ainsi raison à Luke, Lando et Finn.
Ce dernier d'ailleurs rendit visite à Rey vers midi alors qu'elle gardait seule la boutique jusqu'au retour de son associé. Il pénétra dans la boutique munie d'un bouquet de fleurs timide mais qui avait le mérite d'être bien agencé et très joli, son effet étant assurément plus important que son apparence. Son arrivée força l'antiquaire à lever les yeux de son ordinateur.
« Oh Finn ! lança-t-elle surprise de le voir.
— Bonjour Rey... bégaya-t-il. Tiens c'est pour toi, il lui tint le bouquet.
— Pour moi... ? Rey n'était pas fervente ni habituée à ce genre de démonstration, elle n'en comprenait pas toujours la signification et n'était pas non plus une femme à fleurs.
— Oui... pour me faire pardonner, il remarqua sa mine désemparée. De t'avoir menti sur moi et le reste... de t'avoir mise en danger aussi.
— Ce n'est rien... t'en fais pas pour ça, elle finit par accepter et prendre ses fleurs qu'elle sentit. Elle reconnut que c'était agréable et que ça égayerait la boutique. Je vais... les mettre dans un vase. »
Elle revint moins d'une minute plus tard, les glaïeuls désormais dans un vase ambré qu'elle déposa sur une console près de son bureau. Ensuite, elle fit de nouveau face au garçon, les mains dans les poches arrières de son jean, plutôt embarrassée.
« Merci... elles sont jolies, déclara-t-elle. C'était les premières fleurs qu'on lui offrait.
— Je t'en prie... je savais même pas si t'aimais ça.
— Celles-ci je les aime bien, lui sourit-elle. Et ça, qu'est-ce que c'est ? enchaîna Rey en indiquant le sac en kraft qu'il tenait.
— Oh désolée, j'aurai dû t'appeler avant. Je me suis dit, en plus des fleurs, que... enfin... on pouvait déjeuner ensemble. C'est juste des bagels à l'avocat, mais... je sais pas non plus si t'aimes ça... expliqua-t-il avec difficultés, se rendant compte que malgré sa bonne volonté, il ne connaissait rien à son sujet.
— J'aime ça aussi, panique pas. » se moqua-t-elle.
Rey se dirigea vers la porte du magasin et indiqua par la pancarte que celui-ci était fermé, puis rejoignit Finn dans le canapé situé un peu en arrière-boutique. Cela non plus, la jeune femme en avait assez peu l'habitude, déjeuner avec un homme. Rien de tout ça ne lui était arrivé depuis le dernier fréquenté à l'université et avec lequel ça s'était mal terminé. Bien qu'elle ne pouvait rien affirmer pour le moment, car après tout, elle ne le connaissait pas vraiment - tout comme Kylo - elle détectait chez Finn autre chose qu'un simple malaise entre deux inconnus et elle devait reconnaître que ce moment en sa compagnie fut agréable, léger et ordinaire. Loin de ceux, plus sombres et toujours incertains, partagés avec Kylo.
Ils déjeunèrent calmement, laissant traîner de longs silences, puis Finn brisa la glace en soulignant la beauté de la boutique et l'effort remarquable pour récupérer tous ces meubles. C'était étrange pour tous les deux de se voir et discuter ainsi, en dehors d'une heure assez tardive de la nuit et sur des sujets bien plus futiles qu'une organisation criminelle. Rey voyait que Finn s'intéressait sincèrement à elle, à son travail, il lui posa pas mal de questions. En quoi consistait son métier, quelles études avait-elle faites et sur quoi portait sa thèse, qui était Kaydel, etc. Il se montra curieux, spontané et gentil, d'une manière assez naturelle, ce qui n'enlevait pas totalement la gêne existante entre eux. À son tour, Rey sortit de sa bulle et malgré son manque évident de sens de la conversation et de sociabilité, elle voulut en apprendre davantage sur le garçon.
Cependant, dans son cas, Rey dut commencer par lui demander s'il allait bien, s'il n'avait reçu aucune menace ni tentative d'agression depuis leur dernier entrevue, à cause du Premier Ordre. Le policier la rassura rapidement et s'étonna lui-même que, pour le moment, tout allait bien et qu'il n'avait pas de nouvelles de l'organisation depuis des semaines, apparemment trop occupée par les élections. Cette accalmie, temporaire, il le savait, lui permettait ainsi de s'adonner à son travail, qu'il décrit à la jeune femme. Mais réalisant que la police n'était pas vraiment au goût de son interlocutrice, il bifurqua sans détour sur ses propres loisirs. Il finit même par complimenter la jeune femme afin de couronner ce lot de phénomènes inhabituels pour elle, et lui avoua qu'il la trouvait sympathique et courageuse. Et en beauté.
Finn pouvait se montrer serein et sensible et une bonne demi-heure passa sans que les sujets fâcheux ne reviennent sur le tapis.
« Désolé d'insister là-dessus mais... est-ce que tu as avancé sur le Premier Ordre ? finit par demander le garçon.
— Un peu, mais je pense ne rien t'apprendre de nouveau. Tout semble tourner autour de... Kylo. J'ai aussi parlé à Luke, par rapport au pensionnat. Il y a encore pas mal de zones d'ombres, mais Snoke a fait de cet endroit un enfer d'après ce que j'ai compris. C'est là-bas qu'il a recruté Kylo et d'autres. Apparemment il aurait lui-même mis le feu à l'école, raconta Rey.
— Moi j'en suis certain, c'est bien son genre ! renchérit Finn, une rancœur sans nom envers Kylo Ren qui contrariait l'antiquaire.
— Luke m'a plus qu'incité à me tenir loin de lui, il le croit capable du pire, bien que lui aussi soit assez surprenant dans ce domaine, marmonna-t-elle. Mais toi, pourquoi t'es si remonté contre lui ?
— Je sais pas, tout chez lui m'inspire la méfiance. Tout ce qu'il dégage est sinistre et mauvais, la jeune femme n'avait pourtant pas ressenti la même chose et à plusieurs reprises. Il était le plus discret de l'organisation, le moins bavard, le moins expansif et social, et c'était ce qui en faisait le pire. Quand il était en colère ou mécontent... Enfin bref, je suis d'accord avec ce... Luke. Il vaut mieux que tu restes loin de lui. En fait, il vaudrait même mieux que tu ne sois pas du tout mêlée à tout ça, mais à cause de moi...
— Finn, je t'assure que ce n'est rien, je suis une grande fille, répondit-elle en se levant, elle ne le montra pas mais ça l'agaçait profondément que tout le monde la prenne pour une petite fille fragile quand il s'agissait de cette histoire. Cela ne signifiait pas que ça n'arriverait jamais, mais Kylo ne lui avait rien fait. Et de ton côté, l'enquête sur les enfants avance ? Tu penses que le Premier Ordre pourrait être responsable ?
— Non, c'est pas leur genre, il prendrait pas le risque de laisser des traces comme ça... enfin je veux dire les enfants, expliqua le policier.
— Comment ça ? Tu parles de la manière dont on a retrouvé les cadavres ? Dont ils étaient exposés ? poursuivit la jeune femme.
— Oui, c'est bien trop... voyant pour l'organisation et le meurtre d'enfants, c'est pas... je vois pas ce qu'elle y gagnerait. Enfin bref, je suis pas autorisé à t'en parler, tu le sais bien.
— Ce serait intéressant que vous vous penchiez sur la manière dont ces enfants sont morts et dans quelle mise en scène vous les avez trouvés...
— Merci, j'y avais pas pensé, l'interrompit Finn. Avant de t'en dire trop, on peut parler d'autre chose. Je suis pas ici en tant que flic ou fugitif... mais en tant que... ami. » avoua-t-il. Rey ne saisit pas encore, mais lui adressa un timide sourire.
L'antiquaire capitula et discuta encore de tout et de rien. En réalité, la remarque du flic sur la découverte des corps lui retournait le cerveau et elle se sentit frustrée de ne pas en savoir davantage. Elle était également perturbée par l'attitude du garçon. Elle ignorait si c'était une si bonne idée de sympathiser avec un policier, doublé d'un fugitif d'une organisation criminelle coriace, mais au point où elle en était sur l'échelle du danger, ça ne pouvait pas être pire que Kylo. Cela lui plaisait aussi de réaliser qu'elle avait eu raison, et non ce dernier : Finn semblait réellement être quelqu'un de bien, attentionné et prudent jusque dans ses mots, loin de la vieille brute sans manières ni scrupules qui refusait bêtement de lui répondre. En revanche, à l'instar de ces précédentes relations, elle se demandait si le garçon agirait toujours ainsi à son égard s'il savait totalement qui elle était.
« Si l'autopsie n'a pas encore été faite, vérifiez si l'enfant a été mutilé et... comme tu l'as dit toi-même, à la manière dont son corps a été exposé. Il doit y avoir des cas similaires. J'espère aussi que vous retrouverez son identité, lui dit-elle lorsqu'il fut sur le point de partir. Elle tenta d'obtenir quelques dernières informations ou d'en avoir prochainement, afin de l'aider à se souvenir de ce qui l'avait marqué.
— Ce sera fait. Passe une bonne journée, Rey, ça m'a fait plaisir de te voir. » Finn lui sourit.
≈
Finn poursuivit sa journée de travail au commissariat après sa pause déjeuner merveilleuse aux côtés de Rey. Il reconnut s'y être pris maladroitement, organiser cette visite à la dernière minute et sans au préalable s'assurer qu'elle soit présente. Mais au final, ce moment fut agréable, pour elle aussi, pensa-t-il. Il n'avait pas connu un instant aussi léger depuis des lustres à cause de son métier et du Premier Ordre, et Rey, cette antiquaire mystérieuse et audacieuse, l'avait rendu spéciale.
Ce qui l'étonnait surtout chez elle, c'était son entêtement. Il ne comprenait pas ce qui pouvait l'intéresser dans cette enquête de meurtres d'enfants, ça en effrayait à vie plus d'un d'habitude, et il savait pertinemment qu'il ne s'agissait pas de curiosité morbide, car ses remarques étaient d'une justesse. Elle avait visé là où ni lui ni ses collègues n'avaient encore eu le temps de se pencher et l'autopsie mettait en effet du temps à se faire. Et il était fort probable, qu'à ce rythme, son équipe obtienne une piste une fois une nouvelle victime de faite. Le policier conserva en boucle les conseils de l'antiquaire, sur les cadavres, leurs éventuelles mutilations, leur identité, le lieu de découverte... toutes ces choses qu'elle lui avait demandées, comme si elle était du métier depuis longtemps, comme si tout cela lui paraissait si naturel, si logique, si évident. Qu'une clé pouvant résoudre cette enquête résidait dans l'une de ces caractéristiques.
Mais pour le moment, lui et ses collègues n'avaient rien et la commissaire se battait depuis des jours avec les journalistes et la mairie, déchirée par le désir de garder cette affaire secrète malheureusement déjà inassouvi par la presse. Alors, l'attente dans les bureaux était insoutenable et tout le monde redoutait un nouveau cadavre, tout le monde craignait de revoir le visage d'un enfant pas plus âgé de douze ans ensanglanté à la télévision. Finn faisait ainsi tout ce qu'il pouvait pour faire avancer l'enquête et passer des heures assis, entre deux tasses de café, à relire chaque rapport depuis des jours.
La seule nouveauté du jour était ceux concernant l'enquête de voisinage de la zone où le corps avait été retrouvé, le quartier de Red Hook. L'analyse de la scène de crime avait pu déterminer que le gosse n'avait pas été tué sur place, mais bien déplacé et exposé, tout comme Rey l'avait deviné. En revanche, il n'y avait aucune empreinte sur les lieux, aucune trace, le gosse était tout bonnement apparu d'un coup, dans la nuit. Quant aux voisins, il y avait peu d'habitants dans cet endroit de New York, et les employés des docks n'avaient évidemment rien vu, malgré leur habitude de travailler et roder la nuit. En dehors des dockers, du promeneur ayant découvert le corps, et d'un groupe d'ivrognes et des sans-abri du coin, il n'y avait personne sur les lieux pendant cette nuit. Personne ne semblait vivre aux alentours, ce vieux port n'attirait plus personne.
Alors qu'il relit de long en large toute cette paperasse sans parvenir à se retirer de la tête les propos de Rey, ni son sourire, Rose et Mitaka le rejoignirent, revenus du stand de tir. La jeune femme prit place à l'instar de Finn derrière son bureau tandis que le second vint jeter un œil à ce qu'il faisait.
« T'es encore là-dessus ?! Te prends pas autant la tête, vieux, l'enquête de voisinage a rien donné ! lança Mitaka à Finn.
— Je tiens quand même à vérifier, Holdo a été claire...
— De toute façon, même si quelqu'un avait par miracle vu quelque chose dans ce trou à rats, il dirait rien ! renchérit-il.
— Pourquoi ça ? interrogea Finn, tourné vers le vieux policier adossé au mur.
— Parce-que c'est que des mioches ! Des orphelins ! Personne ne viendra les identifier, les réclamer encore moins ! Y'en a tous les jours à New York. » s'exclama-t-il.
Finn le dévisagea un instant et maudit sa nonchalance et son détachement évident face à la situation, mais ne sut rien dire. Peut-être que quelque part il lui donnait tout de même raison, l'identité des enfants étaient cruciales et ils ne risquaient pas de l'obtenir de si tôt. En revanche, sa collègue ne put rester de marbre devant l'indécence des propos de Mitaka.
« Qu'est-ce que ça change qu'il s'agisse d'orphelins ? Un meurtre reste un meurtre ! C'est notre boulot ! rétorqua Rose, indignée.
— Dans ce cas, bon courage, on n'attrapera jamais le mec qui fait ça...» marmonna Mitaka avant de les quitter pour la machine à café.
Le regard désapprobateur de Rose n'échappa pas une seconde à Finn, qui, malgré tout, comprenait pourquoi elle s'opposait à ce vieux bougre de Mitaka. Elle avait parfaitement raison, aucun d'eux n'avait le droit de baisser les bras, peu importe qui étaient les victimes ou ce qu'elles avaient fait de leur vivant, c'était leur mission d'arrêter le monstre derrière tout ça.
« Je sais pas c'est quoi leur problème... S'il s'agissait de garçons de bonnes familles, je suis certaine qu'ils auraient déjà retrouvé le meurtrier, grommela-t-elle. Et encore, on a de la chance que ces gamins soient blancs, sinon il n'y aurait même pas d'enquête.
— Je t'avoue qu'au début, je voyais pas non plus la gravité des faits... Rose lui fit de gros yeux. Surtout qu'on a mis trop de temps à lier les meurtres entre eux, alors je pensais aussi qu'il s'agissait de simples bagarres entre jeunes.
— Je comprends pas comment vous avez pu croire à ça une seconde ! Tu as vu le corps comme moi, tu as vu ses blessures, ses marques ! Même l'enfant le plus sadique n'agirait pas aussi méticuleusement. C'est l'œuvre d'un adulte ! elle fit une pause et souffla. Ça me dépasse qu'on puisse infliger de telles souffrances à un enfant.
— Je suis avec toi Rose, j'abandonnerai pas tant qu'on aura pas arrêté le coupable, sa coéquipière lui sourit.
— Moi aussi j'y tiens. C'est ma première affaire, j'ai pas le droit d'échouer.
— Tu fais de ton mieux, et bien plus que n'importe qui ici, lui assura Finn. Justement, en parlant des corps, il faudrait qu'on presse un peu l'autopsie, voire qu'on aille nous-même jeter un œil au corps. Il y a sûrement des réponses dans ces blessures. Je vais également me pencher davantage sur la mise en scène et les périodes auxquelles on a retrouvé les corps, enchaina-t-il.
— D'accord, pourquoi pas... le discours de Finn l'avait d'un coup remotivée. Je peux savoir d'où te vient toutes ces bonnes idées ?
— Eh bien... il hésita un moment alors que Rose se pointa devant lui les bras croisés. Il faut que ça reste entre nous, mais ... la fille dont je t'ai parlé m'a un peu aiguillé.
— Finn ! On ne doit jamais mêler notre entourage aux enquêtes, tu le sais ! le sermonna-t-elle, en bonne recrue fraîchement sortie de l'école de police.
— Je lui ai rien dit justement, c'est elle qui s'intéresse à cette histoire et qui m'a conseillé, je te jure que j'ai rien dit. Elle a simplement vu le corps aux infos, raconta-t-il.
— C'est tout ? Et elle en a déduit tout ça ? questionna la brune, perplexe.
— Oui, moi aussi j'ai trouvé ça... étrange. Mais je crois qu'elle a raison, admit-il.
— Alors, pour le moment, tant qu'on a rien trouvé de concret, on ne dit rien à Holdo, proposa Rose.
— J'appelle le légiste. »
☯︎
Il s'était résolu, et ça n'avait pas été simple. Toute la journée, ses pensées n'avaient été qu'interrompues en permanence par le visage de l'antiquaire. Elle s'était montrée plus présente, plus récurrente que la voix de son oncle, la terrassant par son regard, sa détermination, sa voix à elle dans le téléphone. Même absente, elle continuait d'être si magnétique, quelque chose le poussait constamment vers elle, et par extension le ramenait aux enfants.
Il était pour l'instant le seul à connaître leur identité, du moins il savait d'où ils venaient et leur mort ne pouvait pas être anodine, et surtout, cela avait inévitablement un lien avec lui ou sa famille. Au début, il avait cru que Snoke était derrière ça, lui envoyant une forme de menace pour son comportement. Seulement, les meurtres remontaient déjà à six mois et les quelques éléments que Kylo possédait sur les corps et leur mise en scène lui avaient suffi pour comprendre vite que tout était bien trop calculé pour un homme limité comme Snoke.
Ainsi, il se devait au moins de partager ses infos avec Rey. Ensuite, elle serait libre de continuer seule ou d'accepter de le supporter de nouveau, et donc prendre d'autres risques. Dès que Kylo était rentré chez lui, il avait repris son second téléphone et l'avait appelé sur le champ, se préparant à entendre des insultes.
« Enfin... Kylo entendit Rey souffler de soulagement.
— J'étais... occupé aujourd'hui. À la mairie, Rey savait que ce n'était pas entièrement la vérité, mais elle prit ça comme sa manière de s'excuser, elle n'obtiendrait pas mieux.
— Et maintenant ? Tu vas enfin me dire ce que tu sais sur les enfants ? Il faut aussi qu'on parle de Luke... proposa-t-elle sur un ton amical.
— Je compte bien le faire, mais... ce serait plus simple qu'on se voit. J'aimerai... te voir pour te le dire, dit-il non sans bégayer mais en choisissant bien ses mots.
— Moi aussi. » Rey avait tout de suite accepté.
C'était ce que sa pensée lui avait dicté, elle savait que c'était dangereux mais au-delà des informations qu'il détenait, elle avait réellement envie de le voir. Tant pis pour l'heure tardive qu'il était, tant pis pour les risques et la broche, elle se sentit d'un coup aimantée. À lui.
En moins d'une demi-heure, il lui avait envoyé un taxi sans lui donner personnellement l'adresse du rendez-vous et sans un mot non plus du chauffeur, Rey s'était laissée conduire. Ce ne fut qu'en descendant dans la pénombre sur les quais de Red Hook que sa gorge nouée et ses sensations étranges dans le bas ventre laissèrent place à une certaine inquiétude. Une fois le taxi reparti, elle aperçut la silhouette de Kylo à quelques mètres d'elle, près d'une bâtisse caractéristique du quartier. Objectivement, la scène était assez effrayante et même lorsqu'il s'avança vers elle et que son visage se dévoila peu à peu, elle crut dur comme fer avoir mis les deux pieds dans la gueule du loup et s'apprêter à danser jusqu'à la mort avec le diable.
« Cet enfant... c'est toi qui... bredouilla-t-elle dans un murmure, serrant son sac et son manteau contre elle, par peur et morte de froid.
— Non, je te le jure, s'empressa-t-il de répondre. Viens, tu trembles. » lui proposa-t-il ensuite, lui-même vêtu d'un simple t-shirt noir à manches longues.
Rey devina ainsi rapidement que contrairement à elle, il n'avait pas eu besoin d'un taxi pour venir jusqu'à Red Hook. Plus encore, il l'avait amené ici, non seulement parce qu'il s'agissait de l'endroit où le dernier enfant avait été retrouvé, mais aussi parce que Kylo y habitait. Elle le réalisa complètement lorsque, le suivant à travers les vieilles usines, ils pénétrèrent dans un des entrepôts, à l'étage. Et alors qu'elle l'avait toujours imaginé cloitré dans une chambre noire et impersonnelle tout en haut d'une tour, l'antiquaire fut stupéfaite de découvrir cet endroit.
Elle aurait pu croire se retrouver dans un de ses lofts à l'aspect industriel, mais l'ensemble pour le coup n'était pas aussi bien aménagé. Ici, tout semblait avoir été agencé manuellement, à l'aide de matériaux simples et de meubles de récup', voire faits à la main. L'entrée était composée d'un long couloir qui s'ouvrait sur un séjour coupé par un bar derrière lequel se trouvait une cuisine simple. C'était évidemment peu décoré, mais un minimum vital suffisamment confortable et agréable à regarder malgré les circonstances. Et de l'autre côté du salon, une immense porte coulissante, qui n'était sûrement pas là à l'origine, devait le séparer d'une chambre ou d'une salle de bain.
L'antiquaire avança jusqu'au salon, inévitablement gênée. Lorsqu'elle lui posa la question, il affirma bel et bien que c'était chez lui et c'était si étrange pour elle de découvrir qu'il avait finalement un endroit à lui, qu'il possédait quelque chose en dehors du Premier Ordre. Elle n'avait pas besoin de lui demander, elle le savait, un tel endroit ne pouvait appartenir à une organisation criminelle, c'était rien d'autre qu'une planque, occupée volontairement par Kylo de temps en temps. Un entre-deux propre à lui, cette fois sincère et pure, entre le QG et la mairie, un endroit où il n'avait plus besoin de faire semblant, de dissimuler ses émotions. Sinon, il lui aurait donné rendez-vous n'importe où ailleurs.
Rey entend ensuite Kylo verrouiller minutieusement la porte derrière elle avant de la rejoindre au milieu du salon. Elle retire son manteau, la pièce est étonnement à une température convenable, et le laisse sur le canapé, mais conserve son sac sur elle, ce qui une fois de plus amuse Kylo. Le malaise est évident et palpable entre eux, une telle situation n'aurait jamais dû se produire, que chacun mette un pied dans l'intimité, le monde de l'autre comprenait trop de risques. Cependant, l'enquête semblait valoir plus que tout ce qui les opposait. Le jeune homme lui proposa quelque chose à boire, sachant pertinemment qu'il n'avait que de l'eau et du café, Rey déclina, incapable d'autre chose que de le regarder.
Et les regards se firent longs, en silence, teintés de pudeur et d'envie. L'envie de se secouer mutuellement afin que tout ce qui devait être dit le soit, l'envie de Rey d'aller briser la posture nonchalante du brun adossé contre le bar, de décrisper son visage qui, malgré sa cicatrice, n'était pas celui d'un monstre. Ou celle de Kylo de détendre la brune, de décroiser ses bras sur sa poitrine, de lui faire entendre qu'elle n'avait rien à craindre ici. Les regards durèrent, laissant une impression d'éternité, l'un comme l'autre sur ses gardes, non pas prêts d'attaquer, mais d'écouter. Tous deux, la même lueur au fond de la pupille. Rey dut en briser l'atmosphère lancinante.
« T'avais pas tout à fait tord. Les gens sont pas toujours ce qu'ils prétendent être, elle trouva immédiatement sa remarque gonflée venant d'elle-même, je sais ce que Luke a essayé de te faire, c'est affreux.
— Il a toujours été un peu trop paranoïaque, et soucieux de sa réputation, rétorqua Kylo sans affects, même si ça lui plaisait que Rey découvre peu à peu le vrai visage de cet homme.
— Je sais aussi ce que t'as vécu là-bas, au pensionnat, à cause de Snoke et...
— C'est impossible que tu le saches, parce que Luke ne le sait pas non plus. Il a préféré fermer les yeux toutes ces années. Snoke était plus... présent pour moi que lui.
— Justement, après tout ce que cet homme t'as fait et te fait aujourd'hui, pourquoi tu restes ?! Pourquoi continuer de lui obéir ? demanda Rey confuse.
— Tu ignores tout de ce monde. Je n'ai connu que ça, toute ma vie. Snoke a toujours été là, je lui dois beaucoup. Je serai incapable de faire autre chose, expliqua-t-il.
— Bien sûr que si ! Cette allégeance envers lui a plus de valeur que ta famille ?!
— Et quelle famille ?! Kylo haussa le ton et se détacha du meuble. Celle qui m'a regardé toute mon enfance comme une bête de foire, puis comme un monstre pour des crimes que je n'ai même pas commis ? Ou celle qui me croit mort, mmh ?!
— Des crimes que... Rey écarquilla les yeux. L'incendie... tu ne l'as pas provoqué. Tu n'en es pas responsable, n'est-ce pas ?
— Pas totalement, souffla-t-il. Il se déplaça jusqu'au fauteuil où il prit place. L'antiquaire ensuite face à lui, dans le sofa.
— Raconte-moi, le pria-t-elle. Il aurait été plus avisé de parler des enfants, mais narrer la version de Kylo était bénéfique pour l'un comme pour l'autre.
— Au début, je faisais tout pour que Luke soit fier de moi. Je savais pertinemment que ce pensionnat était une punition en dépit du discours sur ma protection et les bienfaits de rencontrer des enfants comme moi. Alors je m'étais dit que si j'agissais comme il le voulait, si je devenais le meilleur de l'Académie, je retrouverai mes parents. Mais Luke s'absentait aussi, il travaillait pour la police et au bout de deux ans, je n'avais toujours pas de nouvelles de mes parents. J'avais compris qu'ils m'avaient tous abandonné, contrairement à Snoke. Lui m'écoutait et m'a fait comprendre que je n'avais pas besoin de cette famille, qu'elle ne me comprendrait jamais. Que je pouvais devenir quelqu'un sans eux. Il avait toujours été là, narra-t-il et sa dévotion était évidente. Certes, il n'avait pas toujours les bonnes méthodes et la militarisation a été difficile à supporter, j'ai mis trop de temps à saisir le réel plan de Snoke qui se tramait derrière, même si je l'ai rejoint par la suite. Luke a aussi deviné ce qu'il se jouait car il a fini par revenir et il ne m'a plus lâché. Il était en permanence sur mon dos et était plus dur que jamais. Plus il essayait de m'éloigner de Snoke, plus je le provoquais. J'ai arrêté d'être à tout prix l'élève modèle et j'ai trainé avec les pires, je ne suivais que les cours de Snoke, le reste du temps je le passais dehors à faire des conneries ou... enfermé, il vit les yeux inquiets de Rey. Snoke usait d'une sévérité sans nom pour nous rendre dociles, qui pouvait prendre la forme de coups et d'isolements forcés. Ça a marché, je ne voyais plus que lui et je détestais de plus en plus mon oncle, jusqu'au jour...
— Où il a essayé de te tuer... finit-elle. Kylo hocha la tête. Et ton père dans tout ça ?
— Ça s'est passé le même jour. Dans la nuit, Luke était venu me chercher dans la chambre d'isolement. Il tenait son flingue, braqué sur moi. J'ai paniqué et l'ai repoussé violemment. Puis pour être sûr de ne plus jamais y retourner, j'ai mis le feu à la pièce à l'aide d'un briquet offert par Snoke et de mes draps. J'ai ramassé l'arme de Luke et je suis parti. Dans le hall d'entrée, je suis tombé sur mon père. Et à cet instant, j'ai ressenti une colère jamais éprouvée auparavant, pas même envers Luke ou Snoke. Le voir débarquer après toutes ces années et l'entendre se morfondre en excuses m'a rendu fou. Il marmonnait qu'il voulait me ramener à la maison, qu'il avait compris. J'étais à bout et furieux, j'ai pas réfléchi et...
— Tu l'as tué ? dit Rey presque dans un sanglot.
— Non... Si. Je lui ai tiré dessus, mais je crois pas que le coup était mortel. C'est l'incendie qui l'a tué. C'est moi, soupira-t-il.
— Après ça ? T'as tout de suite rejoint les rangs de Snoke ? demanda Rey avec un dédain qu'elle ne put dissimuler.
— Non, je me suis enfui, sans prêter attention aux dégâts que l'incendie était en train de causer, sa voix démontra qu'il avait honte. J'ai erré un petit moment, attendant que les choses se tassent, puis j'ai voyagé quelques années pour être loin d'ici. J'ai même essayé de rentrer dans l'armée, la discipline et l'autorité me hantaient, mais quand je suis revenu sur le territoire, j'ai compris que ma propre famille me considérait soit comme le pire des monstres, soit carrément mort. Et ça les arrangeait bien, crois-moi. Snoke avait gardé un œil sur moi et il m'a retrouvé. J'avais pas d'autre choix.
— Mais aujourd'hui tu l'as... Rey comprenait parfaitement ce qu'il voulait dire et se retrouver en lui dans la façon dont il avait trouvé une famille en Snoke. Tu peux quitter l'organisation maintenant, proposa-t-elle naïvement.
— C'est trop tard pour ça. Même si je le voulais, Snoke ne me laissera jamais partir ainsi, je représente beaucoup trop à ses yeux. Autant d'espoirs que de dangers. N'insiste pas, répondit le jeune homme en se relevant, contrarié. Après un silence passé devant la baie vitrée, il enchaîna. Et toi ?
— Moi ?!
— On avait convenu d'être mutuellement honnête. Alors, comment tu t'es retrouvée pupille de Lando ? » expliqua Kylo, face à elle.
Rey fut un peu prise au dépourvu, pensant pouvoir s'en sortir sur ce coup, elle avait oublié avoir trouvé aussi tenace qu'elle. Finalement, il avait raison. Afin que leurs investigations continuent, il fallait instaurer entre eux une certaine égalité et ça n'avait pas dû être évident pour lui de se confier à elle. Plusieurs fois elle avait aperçu la honte et les remords sur son visage, c'était donc à son tour de s'ouvrir un minimum. Il lui suffisait de narrer la version édulcorée de son histoire, laissant la noirceur de son existence de côté.
« Je n'ai pas vraiment connu mes parents. Ils sont partis quand j'étais enfant, elle ne l'avait pas explicitement dit depuis des lustres et c'était toujours aussi douloureux. J'ai été confiée à un vieil homme qui m'a élevée jusqu'à l'âge de quinze ans. Il est décédé dans un incendie, elle vit Kylo sourciller et venir sa rasseoir près d'elle. Après sa mort, j'ai voyagé seule à travers le pays pour essayer de retrouver mes parents en Arizona, mais... c'était peine perdue. Lando m'a trouvée quelques années plus tard et m'a proposée de rentrer avec lui à New York. »
Rey raconta plus en détails sa rencontre avec l'oncle de Kylo. Comment il l'avait aidée à sortir de la rue et quitter Unkar Plutt, à renouer avec une grande ville et faire des études. Elle lui précisa également que l'homme qui l'avait élevée était sévère et froid et qu'il l'avait éduquée et instruite durement et seul jusqu'à la fin. Le brun n'en revenait pas de ce récit, il trouvait la jeune femme suffisamment peu ordinaire et surprenante, et elle venait d'en rajouter une couche par son passé. Et celui-ci expliquait beaucoup de choses. Il ne comprenait toujours pas pour quelle raison Lando avait pu s'investir à ce point dans la vie d'une inconnue, une ado qui plus est, mais l'antiquaire non plus ne devait pas en saisir tous les aboutissants. Kylo l'écoutait sans bouger ni l'interrompre, il était plus qu'évident que son enfance avait un goût similaire à la sienne et qu'elle revenait presque d'aussi loin que lui. Tous les deux avaient véritablement souffert de l'absence de leurs parents.
Ainsi, il s'en trouva sincèrement ému, un fait relativement inhabituel chez lui, une émotion peu autorisée dans son quotidien, mais Rey semblait avoir retiré une épaisseur à son armure, à l'instar de lui-même quelques minutes plus tôt et ils étaient simplement redevenus de jeunes enfants qu'on avait abandonnés, partageant leur peine et leur déception des adultes. C'était si familier pour le jeune homme, si soudain et brut qu'il eut pendant un vif instant une espèce de révélation, de conviction. Néanmoins, il ne la conserva pas, c'était impossible qu'elle soit vraie.
« J'ai rien à voir avec ta famille. Leia m'a engagée pour la gestion de ses biens, rien d'autre. Je suis seulement tombée sur la broche en fouillant chez elle. Et cette broche... ou plutôt cet insigne, je l'ai vu pendant toute mon enfance. L'homme qui m'a élevée en portait une similaire, révéla-t-elle, la respiration lourde.
— À moins d'être un ancien élève ou un professeur de l'Académie, je vois pas comment c'est possible qu'il en ait fait partie, répondit Kylo, intrigué. Ces nouvelles informations et la fatigue l'empêchait malheureusement de réfléchir correctement.
— C'est peut-être juste ça... elle plongea ses yeux vers ses doigts qui s'entremêlaient par la nervosité et le désespoir. Quand je l'ai trouvée, j'ai pensé qu'il était possible qu'il soit encore vivant, et que... mes parents soient aussi quelque part. Je pensais que ça m'aiderait à reconstituer mon passé, à les retrouver, mais... en réalité, j'ai l'impression de toujours errer dans la rue. D'être de nouveau toute seule...»
Elle se rendit compte qu'elle avait surtout pensé à un peu trop fort, et n'osa pas croiser le regard de Kylo, gênée d'une telle confidence face à un homme de sa trempe et avec ce qui les opposait. Cependant, la réponse de Kylo Ren enveloppa son être et en particulier son cœur meurtri d'une chaleur sans nom, telle une couverture chaude délicatement remontée sur ses épaules devant un bon feu.
« Tu n'es pas seule, murmura-t-il en capturant son regard embué.
— Toi non plus. » expira-t-elle d'un ton si naturel.
La seconde d'après, la gêne disparut. Elle s'envola sans qu'aucun d'eux ne le remarque, bien trop occupés à reprendre leurs longs regards désormais lascifs, remplis de prières et de compassion l'un pour l'autre en dépit de leur situation plus que fragile. La soif de chaleur, de tendresse se fit plus forte que tout et leur fit oublier un moment la raison de leur rencontre ce soir. Ainsi, sans pouvoir quitter ses yeux onyx, Rey tendit sa main tremblante dans sa direction. Elle chercha simplement un contact, aussi minime, soit-il. Plus jamais elle ne serait contrainte dans ses larges paumes. Et sans se poser de questions, Kylo rétorqua favorablement et sa main rejoignit timidement celle de l'antiquaire. Il sut alors que plus jamais il ne poserait ses mains gantées sur elle, rien ne le priverait de cette sensation.
La sensation de bout de ses doigts contre ceux de Rey.
Ce fut fragile et figé dans le temps, s'imprimant dans leur mémoire respective à jamais, c'était un lien si petit mais si intense. Si intime. Comme si l'un sondait l'esprit de l'autre et vice-versa, à la recherche d'une image, d'une lumière, appartenant au passé comme au futur. Une réponse. Et chacun trouva un bout de celle-ci pendant cette éternelle minute. Une apocalypse aurait pu se produire dehors, ils ne l'auraient même pas remarqué et rien n'aurait pu d'ailleurs les atteindre pendant ce laps de temps. Quelque chose était en train de naître dans cette pièce à peine éclairée.
Seulement malgré eux, la réalité les avait rattrapés et ils tressaillirent tous deux lorsque la vibration d'un téléphone se fit entendre sur la table basse. Rey et Kylo réalisèrent ce qu'il venait de se produire entre eux et reculèrent en même temps, désormais profondément embarrassés. Ils n'osèrent se regarder dans les yeux de nouveau.
La sonnerie persista et Kylo se résigna à vérifier afin de maudire le nom de la personne qui avait pu interrompre ce moment et il ne fut pas déçu de voir celui de Luke. Son visage se trancha de colère et il rendit le cellulaire silencieux.
« Tu ne réponds pas ? interrogea Rey, recroquevillée sur le sofa, de honte et de froid.
— C'est encore Luke, répondit-il sans cacher son agacement. Depuis hier, il n'arrête pas.
— Je suppose que c'est à propos de moi... elle finit par se lever et avancer vers lui, près de la vitre.
— Il n'est pas très fan de nos entrevues et exige que je reste loin de toi. Car je ne t'apporterai rien de bon. Et il a raison. Il baissa le regard et continua sur un ton bas. Mais c'est impossible, je ne le veux pas... je ne le peux pas. Pas après ce que je vais te dire.
— De quoi tu parles Kylo ? Qu'y-a-t-il ?! Ren se tourna lentement vers l'antiquaire et lui révéla l'élément crucial de l'identité des enfants.
— Les enfant... Tous ces enfants viennent de l'orphelinat de Leia. »
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