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1 : Un corbeau à New York...


" But to you in your own little dream world,
You're still the queen of the butterfly collectors. "

        Elle retourna la pancarte accrochée au dos de la porte en verre, celle-ci indiquait désormais que la boutique était fermée. Elle la verrouilla ensuite minutieusement puis pianota de son index sur le boitier de l'alarme et fit face à son cabinet. 

« Oh quelle journée ! souffla-t-elle épuisée. Mais c'est une évidente liesse qui se lit sur son visage, cette journée avait été fructueuse. 

Je crois ne jamais avoir vu autant de monde depuis qu'on a ouvert... et en prime les commandes sur le site se succèdent aussi, je viens encore d'en recevoir une ! » s'exclama la jeune femme derrière le comptoir. Elle aussi le sourire aux lèvres, elle griffonna rapidement sur le carnet devant elle afin de se souvenir de traiter cette commande demain. 

Une vraie tête en l'air nommée Kaydel. Son interlocutrice la regarda affectueusement, elle n'aurait pas pu imaginé meilleure collaboratrice. En effet, qui d'assez fou l'aurait suivi dans ce projet ubuesque au milieu d'un New York en ébullition politique ? Kaydel Connix avait accepté de suite sans poser se questions et voilà un mois qu'elles se retrouvaient toutes les deux cinq jours par semaines à gérer la boutique et que cela commençait ainsi à porter ses fruits. La blonde s'occupait de toute la communication du lieu, du site, des livraisons, la logistique c'était son truc. Rey l'avait vite compris lors de leur première rencontre, bien qu'elle n'envisageait pas une seconde qu'une amitié sortirait de cette histoire. A l'époque Rey n'envisageait rien du tout  avec qui que ce soit, Rey n'avait pas d'amis et n'était personne. Ce séjour dans l'unique famille d'accueil qui voulut bien d'elle fut bien entendu court mais intense, c'était la première fois de son existence que Rey entretenait un contact avec un autre être humain qui n'était pas régi par la souffrance. Et elle resterait indéfiniment reconnaissante envers la petite blonde d'avoir continué à prendre de ses nouvelles pendant toutes ces années, jusqu'à ce qu'elles se réunissent par hasard à l'université. Cependant leur relation restait fragile, Rey n'était pas l'amie la plus joviale et démonstrative qu'une jeune femme de vingt ans puisse avoir, mais elle avait été une soeur pour elle à un moment difficile et cela suffisait à Kaydel pour ne pas davantage poser de questions sur le passé vaseux et sombre de la brune. 

« Ça me rassure, je t'avoue qu'au bout de cinq semaines je commençais à m'inquiéter, confia Rey, longtemps peu confiante à l'idée d'ouvrir une boutique en cette période avec le nombre déjà important d'antiquaires dans tout  l'état. D'autant plus en tant que femmes. 

T'en fais pas, on a fait un super chiffre aujourd'hui ! rétorqua Kaydel tout en rangeant précieusement la recette de jour. 

Je l'espère. Il semblerait que tous ces objets entassés finissent par plaire, répondit la brune, davantage détendue. Son attention s'attarda ensuite sur la pile de courrier qu'elle n'avait pas eu le temps de lire plus tôt dans la journée. Ses mains firent défiler les enveloppes devant ses yeux. 

Tout  est prêt pour demain, on peut aller se défouler ! Kaydel se dirigea énergiquement vers la sortie arrière. 

Comment tu fais pour tenir encore debout après une telle après-midi ? plaisanta son amie mais son sourire s'effaça rapidement lorsque son regard retomba sur le courrier. 

Ah tu m'as promis que tu m'initierais à l'escalade ce soir ! C'est le seul moment de la semaine où je peux t'accompagner, alors...» la blonde continua de déblatérer sur le sport que Rey pratiquait depuis des années. 

Un silence envahit le lieu partiellement plongé dans le noir, Rey n'écoutait plus. Son cerveau fit abstraction de tout  ce qui l'entourait lorsqu'une enveloppe blanche une fois sur le dessus du paquet lui fit froisser les sourcils. "Rey de nulle part" y était noté et en plus de l'écriture qu'elle connaissait parfaitement, il n'existait qu'une seule personne qui la nommait ainsi. Elle attendait le contenu de cette lettre depuis des mois et en particulier l'éventuelle réponse qu'elle contenait et qui marquerait un nouveau cap dans sa vie, pourtant ça lui coupa le souffle pendant un instant. Elle hésita quelques secondes avant de décider qu'elle nécessitait de savoir maintenant.

« Rey ?! Rey tu m'écoutes ? lança Kaydel.

Euh oui, pardon... reprit Rey, sortie de ses pensées, dissimulant le tas de papiers contre elle. Vas y, je te rejoins dehors je vais chercher mes affaires. »

Kaydel la convia de se dépêcher, apparemment pressée de partager cette activité avec son amie, c'est-à-dire passer du temps avec elle en dehors de la boutique. Rey embrassait aussi l'idée de ce moment malgré la fatigue, mais avant il fallait qu'elle sache si sa demande avait été acceptée. Elle se dirigea vers le comptoir et y attrapa un coupe papier. L'enveloppe fut déchirée maladroitement et la lettre qu'elle renfermait était courte. Néanmoins son contenu amena la jeune femme à se mordre la lèvre d'agacement. Encore un jeu stupide, c'était bien son genre.    

   "Chère Rey, j'ai reçu ta demande de mainlevée concernant ta tutelle. Cette nouvelle m'assigne un coup de vieux, mais naturellement j'aimerai y donner suite. En échange, j'ai également une requête. Je pense sincèrement que cela va te plaire. J'attends ton appel. A très bientôt. Lando Calrissian "

Elle lâcha un léger rire nerveux, elle le reconnaissait bien là. Par contre, cela l'irritait profondément qu'il prenne sa demande d'émancipation aussi peu sérieusement et en profite de surcroit pour lui faire du chantage. Peu importe ce qu'il avait à lui demander, ça ne l'intéressait pas, elle souhaitait juste être libre. Ce n'était pas contre lui, mais elle en avait besoin. Rey déchira ces papiers et les fourra sans regrets dans la poubelle à ses pieds. Son appel, il pouvait l'attendre longtemps. Ensuite, les lumières une fois toutes éteintes dans la boutique d'antiquités, elle rejoignit Kaydel afin désormais de se vider la tête. 

Cette séance d'escalade fut un réel moment hors du temps. Rey oublia la lettre de Lando pendant deux heures et se permit de rire en compagnie de Kaydel. Et Rey ne riait pas souvent. Elle sentit son amie particulièrement ravie lorsqu'elle lui raconta ses débuts avec ce sport. Après des années à escalader des façades de maisons ou des roches du désert d'Arizona, elle s'était dit lors de son retour à New York qu'il était peut-être temps de pratiquer en bonne et due forme et surtout en toute sécurité. Cela lui fit du bien de parler un peu d'elle, de sa vie d'avant et de réaliser que du positif avait pu ressortir de son adolescence pour le moins ravagée. Après cet intermède, Rey rebroussa chemin. Son appartement se situait juste au dessus de sa boutique et chaque jour depuis quelques mois elle remerciait la vie pour ce confort sans nom. Elle s'était tant battue pour cet endroit après son master. Elle avait fait toutes les démarches possibles, elle s'était acharnée et elle avait même suppliée, elle qui ne pliait jamais le genou. Au bout du compte, sa ténacité avait porté ses fruits, elle avait récupéré cette boutique dans laquelle elle avait travaillé pendant trois ans sous les ordres de l'ancien proprio. Maintenant elle savourait le privilège de ne pas avoir à traverser New York en métro pour se rendre à son travail et de ne plus vivre dans un studio miséreux. Néanmoins, ce n'était pas tant ce luxe qui la rendait fière, c'était surtout qu'elle y était arrivée seule. Elle s'était à nouveau extirpée d'un endroit trop petit, trop étouffant par ses propres moyens et désormais elle était pleinement capable de s'offrir un espace dans lequel elle pouvait pleinement respirer.


Une semaine plus tard, Rey n'avait toujours pas l'intention de passer ce coup de fil. Les derniers jours chargés à la boutique et son travail personnel l'avaient suffisamment occupée pour qu'elle ait le temps d'y repenser. Il était inutile qu'elle s'inquiète pour cette histoire. Leur dernière conversation à ce sujet lui avait fait comprendre que ce projet était important pour elle et qu'elle serait prête à engager une procédure d'elle-même si il n'était pas d'accord. Cette ascendance s'était avérée bienveillante jusqu'au bout mais il fallait que ça cesse, elle n'en pouvait plus de toujours dépendre de quelqu'un de cette manière. Elle était une femme adulte désormais totalement capable de gérer sa propre vie et elle comptait lui faire comprendre. La jeune femme descendit dans sa boutique afin d'en préparer le lieu pour l'ouverture avant l'arrivée de Kaydel. D'excellente humeur en ce samedi qu'elle souhaitait aussi productif que le précédent, après un rapide coup de ménage, elle s'installa à son bureau dans le fond de la pièce principale pour y examiner les derniers objets reçus ou achetés, un thé chaud dans les mains. Sa collègue ne devait plus trop tarder mais à peine eut-elle le temps de boire une gorgée et de poser les yeux sur un vase que l'on frappa à la porte du magasin. Sûrement une livraison ou un client très matinal pensa-t-elle or il s'agissait d'une visite inattendue mais qu'elle considéra finalement comme bienvenue. Autant régler le problème maintenant. Son air traduisait clairement qu'elle savait qu'il finirait par débarquer. Elle désenclencha les serrures et passa la tête dehors. Une brise bien automnal lui caressa le visage. 

« J'espère que t'es ici pour discuter de ma demande, parce que comme tu peux le voir, la boutique n'est pas encore ouverte, balança-t-elle cinglante. 

Bonjour Rey, ravi de te voir, répondit-il, stimulant volontairement son agacement. Il pénétra dans le magasin et se déchargea de son manteau et de son chapeau, toujours très élégant en toutes circonstances. Il balaya la pièce du regard une fois confortablement installé sur un sofa, connaissant parfaitement les lieux. C'est de plus en plus beau ici. 

Lando... insista Rey, les bras croisés. 

Je suis en effet venu pour discuter de ta requête... reprit-il sérieusement. Ainsi que de la mienne. Comme tu n'appelais pas...

Justement, si je ne t'ai pas rappelé c'est que ça ne m'intéresse pas, l'interrompit-elle exaspérée. Elle traversa la pièce jusqu'à son bureau. 

Je t'ai connu bien plus curieuse, rétorqua Lando déçu.

Qu'est-ce que tu crois ? J'ai pas le temps pour tes devinettes, ma boutique commence à bien tourner et ma recherche occupe toutes mes soirées si tu veux tout savoir, expliqua-t-elle le ton toujours sec. 

Tu continues tes recherches ? Tu compte finalement la mener cette thèse ? s'exclama Lando, agréablement surpris. 

Je te l'ai dit, une fois que cet endroit sera totalement rentable et que j'aurai suffisamment avancé, je reprendrai mon travail à l'université et... on les fera, ces expéditions, avoua Rey, plus calme. Lando marqua un silence et déambula jusqu'à elle, les mains dans les poches de son pantalon mais sa mine avait changé. 

Je comprends d'autant plus ton envie pressante d'indépendance. C'est important pour toi et pas seulement pour cette boutique...

Ça n'est pas contre toi, j'espère que tu le sais... j'ai 25 ans Lando, et tu es le mieux placé pour savoir combien ça a été difficile pour moi d'en arriver là, combien j'ai besoin de cette liberté. Je sais que ça paraît complètement fou mais cet endroit c'est littéralement tout ce que je possède. J'ai enfin un pied à terre quelque part, narra la jeune femme émue. 

Et c'est justement pour cet endroit que tu devrais un peu plus te soucier de mon offre » renchérit son interlocuteur déterminé.

Rey pouffa, le visage déridé, elle y accola une main. Lando se dandinait devant elle, faisant traîner ce ridicule mystère. Après toutes ces années il restait le même drôle de personnage, songea la jeune femme. 

Bon aller crache le morceau ! je sens que ça te démange, le vieil homme se précipita à nouveau devant elle et fut sur le point d'ouvrir la bouche quand elle enchaîna rapidement. Je te préviens c'est toujours non. 

Oh mais quel caractère de cochon ! s'exclama-t-il. Je me faisais une joie de partir à la chasse aux trésors avec toi, histoire de renflouer ta boutique ! Une exclusivité pareil, franchement !

De quoi tu parles ?! 

Ça te dit d'aller fouiller une maison remplie de vieux objets et d'un mobilier âgé de presque deux cents ans ? lui proposa enfin Lando, appuyé de ses deux mains sur son bureau. 

Comment t'as trouvé une telle opportunité ? demanda Rey un sourcil levé bien que très excitée par cette idée sans qu'elle ne le montre. Il doit sûrement déjà y avoir tous les antiquaires de la ville sur le coup...

 Non justement, je suis le seul au courant pour l'instant et je dois le rester. Je ne veux que toi sur ce coup... il faut que ce soit toi qui t'en occupes, révéla-t-il le ton grave.

Pourquoi moi ? Rey voguait de plus en plus à travers une brume au fur et à mesure des paroles de son ami. Elle se leva. Lando, qu'est-ce qu'il se passe ? De quelle maison tu me parles là ? L'intéressé se mordit la lèvre, il était persuadé qu'elle accepterait sans qu'il ait besoin de lui en dire davantage.

— Il s'agit de la maison de Leia... avoua Lando attristé. 

Leia... Leia Organa ? La Sénatrice ? 

Et la soeur de Luke, rajouta-t-il. Le visage de Rey se tordit, une impression désagréable de retour dans le passé l'envahit. Elle comprenait l'insistance de Lando. 

C'est lui qui me demande ? questionna la jeune femme soucieuse. 

Non, il n'est même pas au courant que tu vis ici. Leia est malade Rey... avec les élections qui approchent, elle comptait de toute façon prendre sa retraite et emménager chez son frère à la campagne. Mais elle a dû être hospitalisée il y a quinze jours, Lando chassa son émotion. Elle est d'accord pour que tu gères la vente de ses biens. Luke viendra s'occuper des objets de famille et des papiers, le reste est à toi si ça t'intéresse. 

Je suis touchée... dit-elle avec une pointe d'ironie alors qu'elle ne comprenait pas ce traitement de faveur. Et la maison ? Elle revient à leur famille je suppose..

Non, les jumeaux sont comme toi, dévoila-t-il et Rey ne s'offensa pas une seconde de sa remarque. Depuis le temps, elle pouvait évoquer sa situation familial avec Lando sans prendre des pincettes. Il faut que la maison soit vendue avant le printemps. Leia investira l'argent récolté dans l'orphelinat qu'elle a fondé. 

Je suis désolée pour ton amie, prononça-t-elle sincèrement. Et Rey ne faisait jamais preuve de compassion. Mais c'était la première fois qu'elle voyait Lando à ce point atteint par quelque chose d'autre que le sort de la gamine qu'elle était autrefois. Quand est-ce que l'expertise est censée avoir lieu ? 

Nous devons y être demain ! répliqua Lando, enthousiaste car sachant parfaitement que son amie s'imaginait déjà fouiller cette maison. 

Demain ! C'est une plaisanterie ?! s'écria-t-elle, de nouveau irritée. C'était bien son genre, la prévenir à la dernière minute. Rey détestait qu'on la coince de cette façon, qu'on ne lui laisse pas le choix. 

Quoi ? Ta boutique est fermée le dimanche ! Lando la contempla l'air innocent, elle lui en rendit un consterné. Puis il fouilla à l'intérieur de sa veste. Tiens, voici l'adresse et de l'argent pour un taxi. Je te retrouverai sur place et...

Hé du calme, il faut que j'y réfléchisse ! le coupa Rey devant son assurance alors qu'elle prit la carte et le billet. 

Bien sûr, prends ton temps, se moqua-t-il. Il la connaissait bien, Rey était totalement partante, elle ne voulait simplement pas le laisser gagner aussi facilement. 

Maintenant si tu le permets, j'aimerai ouvrir mon magasin. » termina Rey, lui indiquant la sortie poliment. 

Lando Calrissian obéit et rattrapa ses affaires. Il regarda son élève se rasseoir derrière son bureau, portant une petite minute d'attention à l'adresse de la Sénatrice. Cela lui suffit pour apprendre que sa demeure se situait à Chandrila¹ et lui arracher un soupir de plus. C'était évidemment pas la porte à côté. Son interlocuteur, ravi de l'avoir revue et de la tournure de leur entretien, se retourna vers elle une dernière fois.

« Au fait, j'ai entamé la procédure pour lever ta tutelle. Tu devrais recevoir un courrier du juge. »  confessa-t-il. 

Alors qu'il quittait enfin le bâtiment, Rey sourit de plus belle. Quel clown il pouvait être parfois, la faire ainsi tourner en bourrique. Quelques minutes plus tard, la pièce accueillit la frénésie de Kaydel et Rey s'affaira à ne pas trop penser à cette histoire. 


La nuit avait été pénible si bien que Rey somnola un temps pendant le trajet. Elle à qui il avait fallut des années pour s'habituer aux voyages, elle qui avait la désagréable impression d'avoir passé son existence enterrée sous du sable. Ainsi, elle avait cogité jusqu'au petit matin, redoutant son passage dans la maison de la Sénatrice. Aucunement une question de prestige, il s'agissait plutôt d'un étrange pressentiment. Des questionnements qu'elle ne parvenait pas à s'enlever de la tête l'empêchaient de se réjouir pleinement de l'opportunité qui s'offrait à elle en ce dimanche gris. Quelles étaient les raisons pour qu'une personnalité aussi influente et fortunée requiert les services d'une inconnue ? Qui plus est, un vilain syndrome de l'imposteur refusait de la quitter. C'était la première fois qu'une mission d'une telle envergure lui était confiée et en tant que jeune antiquaire elle doutait d'être à la hauteur. Cependant, cet événement comprenait trop d'éléments qui la passionnaient pour qu'elle se dégonfle. Rey n'était pas du genre à abandonner, après un passé aussi affreux, rien ne pouvait lui faire peur. 

Le taxi s'arrêta dans une allée entourée de verdure. Lorsqu'elle s'était réveillée dans la voiture, elle avait eu le temps d'apercevoir que Brooklyn était déjà loin et que des maisons toutes plus grandes les unes que les autres défilaient devant les yeux de la jeune femme. Elle qui considérait voler la vie d'une bourgeoise à vivre au dessus de sa propre boutique. Rey descendit nonchalante, l'air y était plus frais qu'à New York, plus morne aussi, et des corneilles craillaient en coeur. Elle aperçut le toit d'une bâtisse et il devait sans aucun doute s'agir de sa destination, le reste du lieu n'était composait que de cette longue route et d'une immense forêt. Derrière elle, Lando l'attendait contre sa voiture, terminant un cigare. Il se tenait face au chemin menant à la maison et quand la jeune femme le rejoignit, elle fut si frappée par son aspect qu'elle en perdit ses manières. 

« Oh putain... À une époque, Lando l'aurait reprise gentiment mais il comprenait la surprise que pouvait provoquer cette demeure. Tu ne m'avais pas signifié que c'était aussi grand.

Nous sommes chez une femme qui occupe le poste de Sénatrice depuis presque trente ans, tu t'attendais à quoi ? plaisanta-t-il. Rey n'était jamais à l'aise devant tant d'opulence, elle qui avait connu la rue. 

T'es certain qu'elle vit seule ? On peut loger au moins douze personnes là dedans...

Ce fut le cas autrefois, il y avait souvent du monde ici, mais... Son mari est mort il y a dix ans et à part son personnel... » le vieil homme ne finit pas sa phrase. Il s'en étonna lui-même, pourtant évoquer Han lui était encore douloureux. 

Rey comptait continuer avant qu'elle ne remarque son expression fermée, il ne souhaitait pas en parler davantage. De plus, très honnêtement elle s'en foutait. Elle était ici pour le travail pas pour un repas de famille et la possibilité de revoir Luke lui demandait suffisamment d'efforts. Cependant, la présence d'une ribambelle de morveux aurait peut-être rendu l'atmosphère moins lugubre, comme si jamais personne n'avait ri en ces lieux. La jeune antiquaire reprit sur un ton plus léger, mal à l'aise que la même ambiance s'installe entre elle et son ami. 

« Depuis quand tu portes du tweed ? se gaussa-t-elle en le balayant du regard de la tête aux pieds. 

Tu n'aimes pas ? On est chez une figure politique tout de même, qui plus est une connaissance de longue date, se justifia Lando. 

Oh désolée j'ai manqué le dress code, rétorqua Rey amusée.

C'est sûr que tu fais plus commun, se défendit-il lui lançant le même regard observateur face à son long manteau de laine beige et ses bottines claires au cuir vieilli. 

Si c'est pour mettre les mains dans la poussière... et apparemment je vais en avoir pour la journée » termina-t-elle de nouveau assommée par la taille de la maison.

Les deux individus gagnèrent enfin le parvis de la propriété. Le jardin était colossal, sachant qu'il se poursuivait par la forêt environnante. Un cabanon étrangement bien entretenu se trouvait à la lisière et à l'autre extrémité près de la véranda, un potager indiquait à la jeune femme que son commanditaire devait passer beaucoup de temps à l'extérieur. Elle remarqua aussi des traces au sol dans une parcelle d'herbe, cette zone semblait avoir soutenu une balançoire ou un jeu dans le même genre. Rey ne releva pas davantage, Organa possédait un orphelinat, elle avait dû accueillir des enfants ici avant de vivre recluse en compagnie de deux ou trois personnes qu'elle payait pour faire son lit ou lui servir un café. La large porte d'entrée s'ouvrit dans un grincement et la silhouette qui se dévoila quatre marches plus haut fit pâlir la jeune femme. Il avait évidemment vieilli et toujours affecté de la même façon, portant le sort du monde entier sur ses épaules. Renfermé, austère mais l'allure bien moins monastique qu'à l'époque, le teint plus halé et les cheveux risiblement plus longs aussi. Vivre à la campagne lui réussissait apparemment. Rey se concentra quelques secondes afin d'empêcher son cerveau de rejouer ni cette nuit fatidique ni la décision de cette homme qui avait presque rejetée à la rue l'adolescente qu'elle était la dernière fois qu'elle l'avait vu. Elle n'eut pas le temps pour la rancune, Lando lui emprunta le pas et ils s'avancèrent jusqu'à leur hôte. Les deux hommes partagèrent une poigne enthousiaste tels de vieux amis puis Luke posa enfin les yeux sur Rey. 

« Je suis heureux de te revoir, tu... il allait s'empêtrer dans un discours banalement familier et énoncer le fait qu'elle avait drôlement grandi, mais évoluer serait plus exacte. Le sourire bref qu'elle lui assigna ralentit ses élans de paternalisme et il préféra attendre. Entrez. »

Si l'extérieur de la maison paraissait gigantesque et morbide, l'intérieur était bien plus chaleureux, mais tout aussi grand. Arrivant tous les trois dans le salon, Rey remarqua de suite le goût prononcé de Leia pour les belles choses et particulièrement pour l'esthétisme du XIXème, le mobilier était singulier et magnifique. Les meubles les plus imposants étaient tous fonctionnels et agrémentés de nombreux objets décoratifs, plantes et luminaires. L'ensemble était harmonieusement agencé, quoique un peu chargé par endroit, mais assurément peu entretenu. C'était en effet trop spacieux pour une seule personne et Rey n'en était qu'au séjour. Luke les invita à s'installer dans cette pièce et ils s'y mirent à l'aise tandis qu'une vielle femme soigneusement vêtue apporta du café. Le temps semblait être à la discussion or la jeune femme n'était pas d'humeur à renouer, elle souhaitait plus que jamais disparaître derrière tous les objets dont cette demeure regorgeait. Néanmoins, étouffée par la politesse, elle patienta. 

« Comment va Leia ? demanda Lando après une goulée noire. 

Elle est faible mais son état est stable. Les médecins préfèrent la garder pour l'instant... répondit son frère. 

Elle va s'en sortir, elle est forte, rétorqua le premier. Le second se gratta la barbe dans un hochement de tête, moins convaincu. Je passerai la voir dans la semaine. 

Ça lui fera plaisir, et un sourire apparut enfin sur son visage, il ne le quitta même pas lorsqu'il se préoccupa de la jeune femme qui avait regardé la fenêtre dès son arrivée. Rey ? 

J'aimerai commencer. » exigea-t-elle froidement en se tournant vers le vieil homme.

Luke rit brièvement et partagea une oeillade avec Lando. Il reconnaissait là son caractère bien trempé, elle n'avait pas changé sur ce point. C'était toujours pas son fort la causerie, ni la famille, apparemment peu sensible au sort de la Sénatrice en question. Il ne pouvait pas lui en vouloir après tant d'années de solitude. Aussitôt, ils se levèrent en coeur et Lando leur proposa de démarrer sans lui, s'éternisant au salon pour passer un coup de fil. Conneries. Il simulait afin de laisser complètement seule son élève avec Luke et espérer qu'une conversation franche en ressorte. Rey le maudit sur le moment comme l'exprimait le regard qu'elle lui lança tandis qu'elle suivait l'autre homme. 

« Antiquaire à New York alors, pas mal... Luke tenta une approche alors qu'ils se rendaient dans le bureau de Leia. 

En effet, j'ai su poursuivre mes études sans votre aide, ne put s'empêcher Rey de balancer. Bien que cela n'atteint pas le vieil homme, comme d'habitude, elle essaya de se montrer plus aimable. Ce ton sarcastique et revanchard à forte dose lui rappelait son adolescence.

Tu vivais donc à une heure d'ici depuis tout ce temps, reprit Luke nostalgique.

Plus ou moins oui. Je préférai que personne ne sache, c'était plus prudent.. dévoila-t-elle un peu malgré elle et son interlocuteur comprit sans qu'elle ne le sache. 

T'as toujours pas de nouvelles de tes parents ? questionna-t-il sans précaution. Elle hocha la tête. 

Ils sont sûrement morts. » acheva-t-elle impassible en pénétrant dans une pièce attenante à une large bibliothèque bien fournie. 

Luke fut au départ surpris de son manque d'émotion face au sort de ses parents puis se reconnut en elle. Sa réaction était logique, naturelle. Elle avait passé la majorité de sa vie sans eux, ils n'étaient finalement que ses géniteurs. Son existence était caractérisée par une solitude viscérale, qui même aujourd'hui pourtant bien entourée, ne prenait toujours pas fin. Les notions de famille, d'attachement ne signifiaient rien pour elle, cela ne subsistait pas dans son système de valeur, le sang ne représentait rien. Ses parents étaient un mythe, une boîte fermée à clé qui ne contenait rien car elle n'avait que de vagues souvenirs d'eux. A vrai dire, tout ce dont elle se souvenait les concernant était le jour où ils l'avaient abandonnée. Et Dieu sait qu'elle les avait attendu, qu'elle avait attendu qu'ils reviennent la chercher, la délivrer, qu'elle avait plus d'une fois appelé à l'aide, qu'elle avait crié, qu'elle avait prié. Mais la seule main qui lui avait été tendue avait laissé une marque rougeâtre indélébile autour de son mince poignet d'enfant, à jamais relié à une chaîne rouillée. Ainsi, Luke, lui aussi orphelin, ne pouvait que compatir, d'autant plus que la famille Skywalker n'avait pas toujours été d'une grande vertu. 

Après ce silence introspectif, Luke fouilla dans un vieux secrétaire situé près de la fenêtre et tendit un carnet à son invitée. 

« Tiens, c'est l'inventaire des biens de la maison. Les surlignés sont ceux que nous conservons, qui appartiennent à notre famille ou que nous comptons vendre aux enchères pour l'orphelinat, expliqua-t-il pendant qu'elle feuilleta le bouquin rigoureusement annoté pièce par pièce. 

Merci, marmonna-t-elle. Je sais pas si je pourrais tout stocker dans ma boutique...

Prend ce qui t'intéresse, l'interrompit-il. Si besoin, je te livrerai les meubles ou ils peuvent rester ici jusqu'à la vente immobilière, Rey inclina la tête en guise de second remerciement devant tant de soudaine générosité. Essayait-il de se rattraper ? Elle ne pouvait nier que ça la touchait, il la prenait au sérieux, elle et sa passion et ce genre d'attention se faisait rare. Alors qu'il s'apprêtait à la laisser travailler, elle fit aussi un pas vers lui. 

Ça vous dérangerait pas de m'aider à trier et.. à dépoussiérer un peu ? »

Il accepta volontiers et ne put refréner un sourire. Une fois la vente effectuée, il ne la reverrait certainement pas, persuadé qu'elle n'apprécierait pas de le voir débarquer dans son magasin pour tenter une réconciliation. Alors, il apprécia de constater ses talents de pilleuse pendant quelques heures.

Suite au déjeuner, Rey s'était attelée seule aux contenus des étages. Les deux hommes s'étaient éternisés autour du repas pour évoquer le bon vieux temps. Alors qu'elle, elle avait récolté pas mal d'objets afin d'agrémenter sa boutique, beaucoup de choses lui plaisaient ici et elle prit rapidement ses marques malgré le nombre important de pièces. Chaque endroit était minutieusement arrangé avec goût et la même harmonie esthétique résidait partout. À l'exception de la chambre dans laquelle elle venait de s'introduire. Elle y était entré par réflexe, pensant qu'il s'agissait d'une chambre de plus destinée aux employés qui, comme elle l'avait deviné, vivaient ici. Or ce que Rey y découvrit abolit le mystère sur la famille de la Sénatrice. Leia Organa n'avait pas seulement héberger des gamins, elle avait eu un enfant et à en juger par la décoration de la chambre, un garçon. L'atmosphère y était sinistre et glacée, figée dans le temps. Cette pièce n'avait pas accueillie de chaleur humaine depuis des lustres et pourtant les jouets et posters aux murs démontraient qu'elle y était destinée. Cependant tous ces objets n'étaient pas récents, ni même les vêtements que la jeune femme découvrit en examinant la penderie. Celui qui occupait cette chambre devait avoir onze ans tout au plus à l'époque, car aujourd'hui plus personne ne dormait ici et il n'avait laissé aucune trace, il n'y avait aucune photo. L'antiquaire n'y comprenait rien et s'interrogea sur les raisons de la politicienne à conserver cette piaule de cette manière alors que la ville entière le savait et Lando avait été clair à ce sujet : les Skywalkers n'avaient pas de descendance. 

Rey chercha à retrouver l'indifférence qu'elle avait apportée sous le bras et chassa toutes ces questions qui ne trouveraient de toute façon pas de réponses. Mécaniquement, elle tapa du bout du pied droit contre le sol, alors qu'elle réfléchit à la place aux recoins qu'il lui restait à vérifier dans la maison. Jusqu'à ce qu'elle réalise que le bruit engendré par son tapement nerveux sonnait bizarrement pour un parquet aussi rustre. Elle frappa du pied une latte derrière pour s'en assurer et sa théorie fut exacte. Elle s'agenouilla et regarda ainsi le sol de plus près. Cette partie du plancher n'était pas totalement fixée au reste et semblait de cette façon amovible. La jeune femme attrapa son trousseau de clé dans le fond de son sac et s'aventura à la retirer. Après quelques efforts, elle glissa sa main dans le trou désormais présent devant elle. Sa trop grande curiosité l'amenait souvent à quelques fantaisies, à force de fouiller un peu partout, et elle se sentit un peu bête sur le moment. Il ne devait s'agir que d'une vulgaire cachette d'enfant, idéale pour dissimuler des bonbons ou de l'argent, le genre de choses qu'elle n'avait pas connues. Mais ce qu'elle en retira n'avait rien d'enfantin et lui coupa la circulation du sang. Ce qu'elle tenait dans ses mains l'horrifia au point qu'elle le lâcha dans un tremblement brusque et la broche tomba ainsi entre ses genoux devant elle. En fait, il était tout bonnement incompréhensible  que cet artefact se trouve dans cette maison et de plus dans la chambre d'un gosse qui avait disparu ou n'existait même pas. Rey resta paralysée un long moment, la respiration difficile. Pendant cette catatonie, elle fit un bond de quinze ans en arrière. Elle se remémora la première et la dernière fois qu'elle avait aperçu ce type de broche et sur qui en particulier. Ce blason qui l'avait nargué toute sa vie, forgé dans ce métal scintillant. Mais celle qui captivait son regard à l'instant paraissait avoir connu le feu et le sang, elle était pourpre et brûlée sur les côtés. Il était impossible que cette femme, que son frère ou quiconque vivant ici ne soit lié de près ou de loin à ce que représentait ce logo, à toute la monstruosité cachée derrière. Impossible, même en tant que membre du Sénat, qu'ils aient connu cet homme. Les pires moments de sa vie tournaient dans sa tête, elle se demandait surtout si son engagement ici était réellement un hasard ou si finalement les Skywalkers connaissait son histoire. 

Elle épongea une larme et s'empressa de remettre la latte du plancher à sa place. En revanche elle renferma fermement la broche dans sa main et elle se releva avec ses affaires. Son teint était livide et il lui fallut un moment dans le couloir contre la porte à nouveau fermée pour reprendre ses esprits. Elle avait envie de vomir. Elle s'était juré de ne plus jamais se noyer dans ses souvenirs en dehors de ses cauchemars, de ne plus jamais revenir en arrière. De ne plus jamais faire aucune recherche sur lui, ni sur ses parents, et encore moins d'en parler. Tout  ce qu'elle avait entreprit depuis son installation chez Lando était dans le but de tourner définitivement la page, de changer de vie. D'être la Rey qu'elle avait envie d'être. Il lui fallait impérativement sortir loin de cette poussière alors elle souhaita descendre au jardin pour un air plus frais. Cependant, l'ombre que Rey Calrissian rencontra dans les escaliers lui fit immédiatement comprendre qu'elle n'était pas au bout de ses peines. 

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¹Chandrila : équivaut à Chappaqua, une ville située environ à 40min de New York.



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