vP ( vH ; -gtP+vV) soit vP ( vH ; -vV)
Dans le but d'éviter le pont Saint Ange, la traversée de l'Ile San Bartholoméo est toute indiquée. Alito y entraine son protégé.
La manière dont le chico répond à ses contradictions est à la fois touchante et énervante. Bernardo n'a de cesse que de reprendre à son compte les arguments de l'hérétique. Il bafouille, s'énerve, regarde Alito comme si ce dernier ne comprenait rien à rien.
- Oui, monsieur, la terre tourne sur elle-même à une vitesse incroyable. Et c'est pour ça que nous avons le jour et la nuit. Le jour, pour nous, c'est quand nous somme exposés au soleil, et la nuit c'est quand on est de l'autre côté. C'est pourtant simple, non ?
- Oui, mais le soleil, lui, il tourne autour de la terre, donc tout ça doit s'annuler un peu ?
- Euh... attends... euh. Bon, pour le moment si tu veux, on en reste là, parce que j'ai quand même eu une journée difficile et je dois réfléchir à comment je vais te faire comprendre. Parce que moi, je comprends vite, mais il faut que je compose avec toi, puisque toi tu comprends moins vite.
"Ce gamin est vraiment un fils d'aristo !" Mais, Alito l'aime bien dans le fond et cette mission qui l'agaçait un peu au démarrage commence à devenir amusante. Et puis, il lui faut bien se l'avouer, cette nuit passée à le veiller lui a rendu une certaine forme de compassion qu'il s'était pourtant promis de ne plus éprouver.
Ceci dit, une bonne leçon ne fait jamais de mal... surtout au donneur !
Depuis le passage du premier pont de l'Ile, une image tentait d'interpeller son esprit. Enfin satisfaite d'avoir réussi, elle se projette en grand format.
A l'ombre du Colisée, juste à côté des restes de la Meta Sudans (1), lors de ses séances d'entrainement avec d'autres mercenaires et soldats dans cette partie désaffectée de la ville, Alito a repéré une troupe de saltimbanques qui s'est installée dernièrement.
L'heure n'est pas encore trop avancée, et, de toute façon, le cardinal, pris dans ses affaires ne s'inquiètera pas d'un retour tardif.
Après le second pont, le pont Fabricius, la soutane et l'épée continuent donc leur chemin vers le Campo Vaccino, le traversent sur toute sa longueur, et, au grand étonnement de Bernardo, se retrouvent devant des carrioles peinturlurées.
Alito sort de sa bourse un écu, qu'il glisse dans un de ses gants. Puis il pose sa main sur le bras de Bernardo et lui fait signe de l'attendre. Ce dernier sait maintenant bien lire l'autorité de son protecteur. Il obtempère.
Quelques minutes plus tard, Alito revient et l'entraîne au bord d'une piste de terre balayée, dont la rotondité est presque parfaite.
Une jeune fille souriante passe devant eux, suivie d'un homme d'un certain âge tenant, par le côté du mors, un cheval à la croupe impressionnante.
Elle esquisse un salut, puis monte sur le cheval. Celui-ci, retenu au bout d'une longe par son dresseur installé au centre de la piste, commence à tourner. Quand sa vitesse est satisfaisante et stable, la jeune fille s'appuie sur l'encolure puis se redresse, jusqu'à se mettre debout. A ce moment, une autre femme, tenant dans ses bras trois grandes quilles, se positionne à côté du dresseur. Sur un geste de la cavalière qui a trouvé son équilibre, elle lui envoie une quille, puis, une par une, les deux autres.
Après quelques instants de concentration, la jeune fille commence à envoyé en l'air une, deux, puis les trois massues et jongle pendant que le cheval continue sa rotation.
Bernardo applaudit et envoie des "bravos". La virtuosité se conjugue tellement bien à la beauté de la jeune fille en tenue légère !
Celle-ci, amusée par ce jeune moine si démonstratif, pivote d'un quart de tour et se retrouve ainsi face à Bernardo, pendant quelques secondes, à chaque tour. Elle reprend son jonglage devant le regard médusé du jeune homme.
Après trois passages, elle renvoie les massues, se rassoit, flatte l'encolure de sa monture, puis, d'un mouvement gracieux, saute.
Le dresseur, à grand renfort de claquement du côté de sa bouche, fait tourner le cheval à vide, puis le freine progressivement jusqu'à ce qu'il s'arrête.
Une belle révérence devant les deux spectateurs :
- Ça vous a plu ?
Bernardo rougit... prend soudain conscience de sa tenue... rougit davantage..
- Je vous présente Bernardo, mademoiselle, à qui j'ai demandé de porter cet accoutrement afin de pouvoir l'amener, sans qu'il puisse se faire reconnaitre...
La jeune fille s'esclaffe.
- Vous êtes sur que c'était le bon costume pour ne pas se faire repérer ici ?
Quelque soit le niveau de qualité du prétexte, Bernardo aurait embrassé Alito, tant il se sent mieux d'un coup.
- Vous êtes vraiment douée et vraiment... vraiment... tout ça... quoi.
- Merci, revenez me voir quand on fera le spectacle, ça me fera plaisir... Je m'appelle Monica...
Elle s'éloigne, la main sur la bouche, en gloussant un peu, comme seules les jeunes filles savent le faire.
- Allez, on rentre cette fois-ci !
Un petit coup de coude d'Alito à Bernardo, dont le regard reste figé sur la silhouette gracile qui s'éloigne.
Le jeune homme aspire l'air à plein poumon, et le relâche dans un long soupir mêlant contentement et, déjà, nostalgie du trop court moment passé.
Sur le chemin de retour, Alito se garde de rompre le silence.
Avant de franchir les limites du centre agité de la ville, il s'arrête et fait face à Bernardo.
- Tu as vu... la pierre retombe toujours au pied du mât !
- Pardon ? Mais... de quoi... rumine l'adolescent, dérangé dans cette si douillette et nouvelle sensation intérieure, toute empreinte des yeux, de la bouche, de...
- Les massues de jonglages, aussi haut que Monica pouvait les lancer et alors que le cheval trottinait allégrement, retombaient toujours dans ses mains, et non pas en arrière, ou sur le côté après qu'elle ait pivoté. Donc, si la terre tourne vite, comme ce cheval, et que je lance quelque chose en l'air, comme les massues, je le récupère dans ma main comme la cavalière récupérait les massues. En fait, quand quelque chose bouge, tout ce qui est dessus ou dépend de cette chose, bouge avec. Sur la piste, le cheval, Monica et les massues, même en l'air, formaient un tout et bougeaient ensemble à la même vitesse. Donc, sur un bateau, la pierre, même lâchée, et le mât bougeront ensemble à la même vitesse, et la pierre tombera au pied du mât. C'est bien ça que tu voulais prouver ?
Un moment d'intense concentration et les yeux de Bernardo s'écarquillent à la limite de l'énucléation !
Alito n'en a cure, son raisonnement s'emballe et les "u" et les "r" ont du mal à suivre.
- Pour une raison que je ne saurai expliquer, les nuages, les oiseaux, enfin tout ce qui ne touche pas effectivement la terre, est, comme les massues en l'air, lié à elle et tourne avec elle.
Perplexe mais content de lui, il reprend le chemin, laissant Bernardo statufié.
- C'était ça votre idée ?
- Non. Je ne me suis souvenu d'avoir vu cette jeune fille s'entrainer que lorsqu'on a traversé l'île. En premier lieu, je pensais faire l'expérience avec un carrosse qu'on aurait emprunté au cardinal. Debout sur le toit, j'aurai lâché une grosse pierre au dessus de tes mains tendues au travers de la portière. Mais je pense que ce n'est plus nécessaire.
- Oui... effectivement...en tout cas, j'ai hâte de raconter tout ça à Giordano... je crois que j'ai été un peu sévère avec toi, pardon, vous tout à l'heure. Vous êtes bien plus capable que je l'ai dit et je m'en excuse. Un peu d'humilité me fera le plus grand bien.
Bernardo tente de se composer une mine grave, très concentrée. Quand il croit pouvoir donner ainsi le change, il déclame :
- Oui, humilité est le mot juste. Pour bien comprendre votre magistrale leçon, il sera nécessaire que je revois cette expérience de Monica sur le cheval, rapidement...et probablement plusieurs fois.
Alito éclate de rire tellement fort que les passants se retournent. Plié en deux, les bras et les mains entourant les côtes, les yeux dégoulinant de grosses larmes, Il tousse, tente de contrôler les spasmes mais manque de s'étouffer.
(1) La fontaine "qui suinte", se trouvait entre le Colisée et l'arc de Constantin.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro