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Le sommeil des pèlerins

- "Messieurs, je vous remercie de vous être déplacés. J'irai droit au but. Nous nous inquiétons du retard chronique dans le paiement de vos taxes, sans parler bien sur des intérêts qui s'accumulent également... Avez vous concrètement aujourd'hui des propositions à nous faire ?"

Le trésorier général s'avance sur son siège, pose ses avants bras sur son bureau, et, un à un, regarde chacun des trois hommes assis devant lui.

Ceux-ci ont hésité longuement sur le choix de leur tenue, compte tenu du lieu du rendez-vous. Pour marquer leur déférence aux règles édictées, Ils ont posé sur leurs épaules une sorte de châle, assez grand, mais d'une couleur se rapprochant plus de l'orange que du jaune.  Ainsi, le traditionnel bonnet jaune a pu être remplacé par des chapeaux vierges, qu'ils ont respectueusement ôtés dès le seuil du bureau franchi. 

Leur interlocuteur ne montre aucun signe de désapprobation a la vue des kippas ainsi découvertes.

Les trois gonfaloniers, élu pour six mois par les membres du ghetto, se regardent quelques instants. Le plus âgé se racle la gorge derrière son poing fermé, sort de sa besace une pile de feuilles en papier réalisées probablement à partir des vieux chiffons collectés par la communauté juive, qui depuis une bulle de Clément VIII, n'a pu le droit de commercer que "du vieux".

- "Nous en sommes totalement désolés, Monsieur le trésorier général, et croyez bien que le dénuement dans lequel notre communauté est plongée depuis l'inondation (1) nous attriste et même nous terrifie chaque jour davantage. De nombreux noyés ont été emmenés par la colère du Tibre, et notre deuil est encore plus vif de n'avoir pu leur donner la sépulture qu'ils méritaient. Nous y avons perdu plus d'un tiers de nos membres ! Un tiers ! Tout a été et reste à refaire. Notre pauvreté ne nous permet même plus d'aider correctement les orphelins et les veuves."

- "Ce fût une terrible épreuve pour notre ville toute entière qui a payé un lourd tribu... Nous sommes sensible à votre détresse, croyez-le ! Il nous faut bien cependant trouver ensemble une solution à un problème chronique, bien antérieur à cette inondation."

- "Quelle proposition pourrions faire alors que nous sommes prisonnier d'un casse-tête insoluble ? Restriction drastique des emplois et métiers permis à notre communauté d'un côté et augmentation des taxes, dont le récent rétablissement du reversement du tiers de la Gabella Polpina (2), de l'autre.  Nous avons dû augmenter encore le taux de notre taxe interne sur le capital, qui atteint un taux usuraire et nous passons notre temps à contrôler, menacer, condamner nos congénères. Et, au bout du compte, tout cela pour si peu !"

- ...

- "L'année écoulée vous nous avez réclamé près de cinq mille écus (2), attendez... voilà : 4 861 écus exactement. Dois-je vous en donnez le détail ?"

- ....

Un long silence suivi les propos.

De nouveau, le trésorier général, regarde un à un ses trois interlocuteurs.

Puis, prenant tout son temps, Il se recule, s'adosse et croise les bras.

- "Je ne peux Messieurs que vous rappeler que vous êtes, en tant que représentants élus par votre communauté, personnellement responsables de cette dette de... 18 000 écus (3), à laquelle je dois ajouter, je me permets d'insister, les reliquats d'intérêts annuels, que vous ne payez  que partiellement depuis longtemps."

Le trésorier général repousse la feuille qu'il venait de faire glisser sur son bureau, et renoue ses bras.

Même si les trois hommes s'attendaient à un moment ou un autre à ce rappel, l'entendre prononcer aussi calmement fait effet, et pendant quelques courtes secondes, on entend le frottement des tissus sur les sièges et des chaussures sur le sol.

-" Il ne nous est pas possible de rembourser, même un tant soit peu, cette dette. Nos revenus sont maintenant largement inférieurs aux taxes à payer, et, vous connaissez l'état de dénuement dans lequel notre ghetto se trouve. Les propriétaires de nos immeubles (6) ne les entretiennent plus et nos loyers restent aussi élevés. L'inondation a sapé les fondations. Le dernier mariage que nous avons célébré s'est terminé en catastrophe. Le plancher de l'appartement s'est effondré, tuant les jeunes mariés, tuant et blessant des convives, ainsi que les voisins des appartements situés en dessous. Nous devons soigner, reloger, aider et nous ne sommes plus capable de le faire... Le droit d'emprunt nous a été retiré... Nous sommes au bord du gouffre, si ce n'est pas... dans le gouffre."

- "Encore une fois, croyez bien que le Saint-Père est informé de tout cela et combien il en est désolé.

Veuillez, pour ma part, faire suivre mes condoléances aux infortunées familles des victimes..."


Les trois visiteurs hochent la tête, le ton de leur interlocuteur ayant l'air sincère.

Le silence devient pesant.

Pour maintenir la pression, le trésorier général se garde bien de l'interrompre. Ses bras s'ouvrent, ses mains s'écartent et accompagné d'un geste du menton, réclament une réponse.

La gêne des gonfaloniers est évidente.

Il se rapproche lentement.

- "Bon... J'ai peut-être, moi, une proposition à vous faire, au nom de notre Sainteté qui compatit à votre dénuement actuel, pour sortir de cette impasse."

Dans un seul mouvement, les trois hommes se penchent vers le trésorier général. Que va t-il leur tomber dessus ?

- "Le droit d'emprunt vous a été effectivement retiré. Mais notre Saint-Père serait prêt à vous autoriser une exception..."

- "Mais nous ne pouvons déjà plus honorer nos dettes !"

Impassible devant cette interruption, le trésorier général reprend :

-  "Je vous propose une opération financière qui serait pour vous gratuite ou presque."

Les yeux s'agrandissent.

- "Vous savez que les crédits de pitié sont distribués quasiment gratuitement à toutes personnes empruntant moins de 100 écus (5) ?"

L'étonnement est à son comble.

Le trésorier se rapproche encore et murmure :

- "Des membres de votre communauté peuvent se présenter et demander chacun un prêt de cent écus. Avec deux cents dix comptes ouverts, vous obtenez vingt et un mille écus, ce qui vous permet de rembourser la totalité de votre dette. Le Saint père à transmis ses ordres pour un accord sur ce nombre maximal."

- "Vingt et un mille écus, mais ..."

- "Oui, vous comprendrez aisément que notre Chambre Apostolique doivent se rembourser les frais du montage d'une telle opération si avantageuse pour vous."

Un sombre raclement de gorges ne fut que la seule manifestation devant ce qui était présenter comme une rémunération évidente.

- "En fait, vous transformez ainsi la dette de notre collectivité envers la papauté par un endettement bancaire personnel de ses membres, et contre un gage de valeur, bien entendu, supérieure ? "

- "Oui, endettement quasiment gratuit, je le répète. Pour ce qui est du gage et de son éventuelle revente aux enchères, je crois savoir que c'est une de vos spécialités. Mais, bien sur, si vous avez une autre solution, je suis prêt à l'entendre."

Les trois émissaires juifs se regardent longuement.

Un hochement des têtes, presque imperceptible.

- "Bien, nous acceptons cette solution. Nous enverrons dès demain, deux cent dix emprunteurs à la Plazza del monte di pietà."

Les trois hommes se redressent, quand de nouveau le trésorier général hausse les mains.

- "Attendez, il reste un point."

Les trois corps se replient sur les sièges.

- "Vous savez que nous attendons de nombreux pèlerins pour l'année qui arrive. Ce jubilé est promis à une grande réussite. Nous avons décidé que votre collectivité participera à son organisation en mettant à notre disposition cinq cents lits !"











(1) voir Crepitus Dei / Sources et annexes

(2) Impôts payés par les bouchers du ghetto à leur communauté.

(3) (4) (5) Soit, selon ma méthode de conversion, (2) 200 000 €, (3) 720 000 € (4) 4 000 €

Ces chiffres (en écus or) , et la solution proposée, proviennent d'une étude fort documentée de 1891 :

Le Saint Siège et les juifs / Le ghetto de Rome / de Emmanuel RODOCANACHI

(6) Les chrétiens expulsés sur ordre de Paul IV en 1555 pour créer et fermer le nouveau ghetto juif louèrent leurs appartements aux résidents forcés. Il s'en suivit pendant des siècles, de nombreux problèmes entre familles propriétaires et locataires, tant sur le prix et l'indexation des loyers que sur l'entretien des immeubles.

(7) "Monte" signifie  : emprunt. Lors de la traduction, "pitié" (pieta) est devenu "piété", d'où le nom français: mont-de-piété.

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