5°) La Rédaction

Plutôt que de vous assommer avec un mode d'emploi, je vais vous donner des idées pour gérer votre rédaction.

5.1°) Le travail de pré-écriture

On va faire court : comme pour un roman, il vaut mieux réfléchir au background de vos personnages et de votre univers pour éviter les incohérences et pour gagner en profondeur. D'ailleurs, même si c'est le lecteur qui conditionne le déroulement de l'histoire, ça n'empêche pas de bien réfléchir à votre personnage principal.

5.2°) Et après, on commence par où ?

Par l'introduction, pardi ! Ou pas... C'est vrai que, techniquement, comme on planifie bien toute notre scène, on peut commencer par un peu n'importe quel nœud. En fait, c'est comme vous le sentez, mais moi j'ai ma méthode. Je débute la rédaction en suivant un premier chemin de nœuds, comme si je lisais le livre. Ça permet d'avoir une première trame qui se développe. Ensuite, je m'occupe des îlots de nœuds qui fonctionnent ensemble (une conversation avec un personnage, la visite d'un lieu, un enchaînement d'actions particulier...). En faisant ainsi, je peux mieux gérer la cohérence au sein de ces îlots.

5.3°) Les nœuds de convergence

Plus votre histoire avancera, et plus les possibilités que vous offrez au lecteur s'accumuleront. Vous arriverez alors régulièrement sur des nœuds de convergence, c'est-à-dire des nœuds vers lesquels convergent plusieurs chemins. Ces nœuds, s'ils concentrent un maximum de chemins possibles, se doivent de rester neutres dans les descriptions et les évènements qu'ils dépeignent.

Dans mon roman par exemple, c'est le cas du nœud qui présente l'annonce des combats de lutte, en cours de sport. Dans celui-ci, je ne peux faire aucune référence aux affinités avec les autres personnages ou aux évènements que Camille a vécus avant ça. Je dois rester neutre pour que tout reste cohérent. Imaginons que vous rédigiez l'arrivée de votre héros dans un château, après un grand voyage semé d'embuches. Le lecteur s'est peut-être perdu dans une forêt (#PerduEnForêt). Il a peut-être combattu une horde de gobelins (#Gobelin) et s'est retrouvé malheureusement blessé (#Blessé). Toutes ses spécificités doivent disparaître sur un nœud de convergence.

Ici, le nœud de convergence correspond à l'Arrivée Au Château. On pourrait y raconter comment le personnage gravit les premières marches qui mènent à la porte d'entrée sans faire référence à sa blessure (#Blessé) ou à l'horaire d'arrivée, s'il s'est perdu dans la forêt (#PerduEnForêt). Le personnage saisit le heurtoir et cogne à la porte. Quelqu'un se présente, puis c'est à ce moment-là que le nœud se termine. La réaction du personnage qui vient d'ouvrir dépendra des hashtags précédents. Le nœud de convergence permet de reconcentrer l'histoire autour d'un point important, puis de la séparer de nouveau en fonction de nos actions précédentes.

Dans l'exemple au-dessus, depuis Arrivée Au Château, l'histoire se sépare en trois nœuds qui vont présenter la réaction de la personne qui ouvre la porte. Dans Au Milieu de La Nuit, l'interlocuteur n'est pas très aimable, puisque vous l'importunez. C'est l'occasion de parler un peu du château sous la lumière de la lune. Dans Appelé un Médecin, votre blessure entraine une réaction rapide de votre hôte qui propose tout de suite de vous aider. Il vous propose directement d'entrer et de vous reposer dans un salon. Dans Bien Accueuilli, la discussion est cordiale, vous restez sur le pas de la porte et vous allez devoir convaincre le châtelain de vous laisser pénétrer sa résidence. Plus tard, les chemins finiront par se rejoindre. On pourra même faire intervenir le hashtag #Gobelin dans la discussion entamée sur Bien Accueilli pour, par exemple, proposer au châtelain de le débarrasser de ces créatures qui squattent ses terres.

5.4°) Les Répétitions

5.4.1°) Résolvables en amont

Il arrive un moment où, en écrivant notre histoire, on finit par se demander comment éviter la répétition de certains passages descriptifs (comme avec l'Arrivée au Château, par exemple) ou de certaines scènes qu'on atteint alors que seuls de petits changements affectent le personnage. Le point précédent répond en partie à cette question, puisqu'en évitant de donner trop d'informations dans des nœuds neutres de convergence, on peut s'abstenir des répétitions. Les détails qui diffèrent apparaissent alors dans les nœuds suivants, les nœuds de divergences. C'est bien pratique, mais pas toujours très naturel dans le flux de lecture, puisqu'on compartimente tout.

Un exemple flagrant serait celui du chemin avec #PerduEnForêt. Dans Arrivée au Château, la description du château ne fait pas mention de l'heure du jour à laquelle on arrive. C'est seulement dans le nœud suivant, Au Milieu De La Nuit, alors que notre hôte a déjà répondu à la porte qu'on ajoute ces détails (fenêtres éclairées, difficulté à s'orienter, inquiétude quant au fait de réveiller les habitants...). Le souci, c'est qu'en faisant ainsi, on se heurte à ce qu'a déjà imaginé le lecteur. On fait du rétropédalage descriptif. Ici, pour le coup, ce n'est pas trop grave. Les nœuds sont très proches les uns des autres. Mais dans d'autres cas et selon ce qu'on veut donner comme information, ça pourrait s'avérer désagréable à la lecture.

Il existe un moyen très simple d'éviter ça. Il faut commencer la description dans les nœuds précédents l'Arrivée au Château (Immense Forêt, Victoire, Défaite) avec des éléments spécifiques, puis continuer la description des éléments neutres dans Arrivée au Château. On place donc en amont, dans l'esprit du lecteur, le fait qu'il fasse nuit (ou jour) avec quelques détails qui en découlent. Et ainsi, toute la construction qu'il va se faire du château dans la description neutre se fera sous l'influence des premières graines qu'on a plantées.

À vous de juger de la meilleure solution en fonction de la situation.

5.4.2°) Répétitions inévitables

Le point précédent nous a montré que pour éviter les répétitions, il faut réussir à jongler avec les informations qu'on délivre en fonction des chemins empruntés par le lecteur. Mais parfois, on ne peut pas se résoudre à tout compartimenter. C'est principalement le cas quand les détails sont trop enchevêtrés les uns aux autres et que les séparer rendrait la lecture fastidieuse (trop de nœuds à créer, trop de changement de page) ou désagréable dans le style (partitionnement non naturel).

Dans mon roman, par exemple, lorsque Camille va à l'arrêt de bus, le premier matin. Je laisse au lecteur la possibilité d'écouter de la musique. Il existe donc une version de plusieurs nœuds où la jeune fille porte ses écouteurs. Elle s'isole alors de ses camarades et je ne décris pas les bruits qui l'entourent. Mais, il y a la version de ces mêmes nœuds dans lesquels Camille entend tout ce qui se passe autour d'elle et où, je reprends donc le même passage avec des phrases quelque peu modifiées. Ici, séparer la description sonore de la description visuelle aurait pu se faire dans des nœuds différents, mais au final, ça n'aurait pas été très naturel et les nœuds se seraient accumulés pour rien.

Finalement, tout ça dépend de comment vous voulez décrire les choses et de la liberté que vous avez. En effet, la plateforme sur laquelle vous publiez peut-être un frein à la création d'une multitude de nœuds. Si j'avais pensé mon histoire pour mon site web avant de la penser pour Wattpad, j'aurais pu créer des éléments descriptifs qui s'insèrent directement dans les nœuds en fonction des hashtags pour rendre la lecture beaucoup plus dynamique. Mais bon, il faut s'adapter ! Du coup, on retrouve des répétitions quand je décris le collège, le bureau du proviseur ou la cour de récréation, mais je m'arrange pour modifier une ou deux phrases, influencées par la façon dont le lecteur est arrivé jusqu'à ce nœud.

Dans tous les cas, ça sera à vous de juger de chaque situation et d'éviter un des premiers dangers de la répétition : oublier qu'elles existent. Parce que, lorsque vous voudrez vous corriger, ou modifier un peu votre texte, il faudra faire attention de ne pas perdre en cohérence au niveau des passages qui se répètent dans d'autres nœuds. Gardez donc un œil là-dessus.

5.5°) Écriture évolutive

Gardez en tête, qu'au cours de la rédaction, vous pouvez développer de nouvelles idées pour la suite de votre aventure ou vous pouvez simplement avoir une meilleure vision de ce que vous vouliez écrire dans votre nœud. Parfois, à cause de ce décalage entre ce que vous avez planifié et ce que vous écrivez, vous ajouterez des nœuds parce que vous vous rendrez compte que le nœud que vous rédigez n'est pas assez intéressant. D'autres fois, vous en enlèverez en vous rendant compte que vous pouvez factoriser certains passages. Ce n'est pas grave ! C'est même l'avantage de s'est bien organisé, puisqu'on peut appliquer des changements sans avoir trop peur de s'emmêler les pinceaux. Du coup, si vous avez l'impression d'être bloqué, n'hésitez pas à développer ou supprimer des nœuds.

Voilà, j'en ai terminé avec ces petits conseils rédactionnels.