Détailler une Scène (1/2)
3°) Détailler une scène
Maintenant que vous avez une première version de votre schéma général, il est temps de travailler chacune des scènes. Ici, nous allons parler des nœuds qui composent votre histoire.
3.1°) Encore de l'itératif !
Plutôt que de réfléchir à tous les nœuds de toutes les scènes en même temps – et éviter ainsi de perdre la tête –, je préfère personnellement me concentrer sur une scène à la fois, la développer, puis passer directement à sa phase d'écriture avant de me lancer dans le détail de la suivante. Si pendant cette phase d'écriture, des idées me viennent pour une prochaine scène, je les note dans un coin. Plus tard, quand j'arrive à la phase d'écriture de la future scène, si mes notes ne tiennent plus bien ensemble, je les évacue.
Note 1 : Quand deux pièces d'un puzzle ne s'assemblent qu'au marteau, c'est qu'on s'est trompé de pièce.
3.2°) Une partition dont vous êtes le chef d'orchestre
Une scène est composée de choix que le lecteur va devoir faire avant d'arriver à la scène suivante. Chacun de ces choix conduit à un nœud narratif dans la scène. Pour rendre notre histoire intéressante, il va falloir travailler sur l'intérêt de ces nœuds (et de ces choix). En effet, les choix qu'on va proposer au lecteur (en plus de l'histoire en elle-même) vont participer à rendre le tout plus ou moins stressant, plus ou moins frustrant, plus ou moins passionnant. C'est pourquoi, avant de nous lancer dans la partie créative pure avec un brainstorming en 3.3°), nous allons parler un peu de ces fameux choix.
3.2.1°) Choix cornéliens et autres dilemmes
L'une des façons de créer de l'intérêt pour le lecteur est de le mettre face à des choix cornéliens (en opposant le cœur à la logique, la passion au devoir, l'égoïsme à l'altruisme...) ou à d'autres dilemmes moraux.
Exemple : Le super méchant a capturé la petite amie du héros et l'a attachée en haut d'une tour bardée d'explosifs. Le héros doit choisir entre sauver celle qu'il aime ou sauver les habitants de ladite tour. Que va-t-il faire ? Ça demande un peu de réflexion. Et il n'y a pas de troisième choix... (la liberté, c'est vous qui la donnez ou pas).
Après, il est clair que ce genre de dilemme entraine des résultats radicaux et manichéens. Mais, si toutes les décisions que prend le lecteur se résument à choisir entre un verre d'eau à la cantine, et un verre de coca, l'histoire va devenir un peu ennuyante. Il faut changer la donne et mettre un peu de piment. Le lecteur doit être conscient que, sur certaines actions, il joue avec les fils de son destin.Il ne faut pas non plus le noyer. D'ailleurs, si vous voulez jouer sur la pression avec autre chose que des dilemmes, vous pouvez aussi utiliser une gestion du temps pour obliger le lecteur à choisir une suite d'actions plutôt qu'une autre.
On notera, au passage, que les dilemmes vont être générateur de hashtags (voir le point 4.3), puisqu'ils vont avoir une importance capitale dans le déroulé de l'histoire.
3.2.2°) Choix non radicaux
Dans mon roman, j'utilise aussi beaucoup de choix qui n'entrainent pas de changements radicaux. C'est même presque la moitié des choix que je propose au lecteur. Certains permettent d'accéder à des nœuds purement informatifs et d'autres donnent des indices. Il y en a même qui servent seulement à générer un peu de frustration en faisant perdre du temps. Comment les intégrer ? Selon l'histoire que vous allez raconter, vous pourrez jauger vous-même de leur utilité. Rien ne vous empêche, d'ailleurs, de les mixer entre eux. C'est même plutôt conseiller. Voilà quelques exemples pour illustrer leurs intérêts respectifs.
3.2.2.1°) Pour l'ambiance
Les nœuds qui traitent purement d'ambiance peuvent être intéressants pour aider le joueur à s'immerger un peu plus dans l'univers (ou dans ce qui l'entoure). Bien sûr, vous pouvez proposer de traiter cette ambiance sur la trame principale, mais ici on parle vraiment d'un choix qui permet au lecteur de quitter cette trame pour y revenir sans que rien ne change ou que le temps n'en soit impacté.
Par exemple, le héros choisit de lire un article dans un journal, de discuter avec un passant, d'observer une scène dans un parc, de profiter de l'air pur sur son visage. Il faut voir ça comme l'intérêt que peuvent avoir tous ces personnages avec lesquels on peut converser dans les jeux vidéos, mais qui ne font que nous parler du chat mort de leur grand-mère ou de la dernière fois qu'ils ont mangé un kebab. Ça n'impacte pas la trame principale, mais ça peut livrer des informations parfaitement inutiles.
3.2.2.2°) Pour donner un indice
Dans la même veine que les nœuds d'ambiance, on peut aussi aborder les nœuds qui donnent des indices et qui peuvent aider à mieux prendre des décisions dans le futur. Encore une fois, on parle là d'indices qui ne sont pas pris en compte par le système de hashtag. C'est-à-dire que, si le lecteur passe par ce nœud, c'est à lui de se souvenir qu'il a vu, entendu, découvert telle ou telle chose. D'ailleurs, vous n'êtes pas obligé de lui indiquer qu'il y a quelque chose à relever.
Par exemple, ce pourrait être une discussion entendue en passant par une rue plutôt qu'une autre, qui nous donne un indice sur le plat (un truc avec un nom immonde) que préfère une personne qu'on s'apprête à rencontrer. Plus tard, durant une conversation avec cette personne, elle demande naïvement ce que le héros pense de ce fameux plat au nom immonde qui n'inspire rien de bon. Le lecteur qui aurait entendu cette conversation saurait que son interlocuteur adore ça. Et pour créer de la connivence, il vaudrait mieux pour lui qu'il réponde qu'il adore ça lui aussi.
3.2.2.3°) Pour faire perdre du temps
Ici, il s'agit de proposer un choix qui n'apporte quasiment rien au lecteur en termes de background. Le nœud vers lequel il se dirige est inutile, si ce n'est qu'il lui fait perdre du temps. C'est vraiment le genre de choix à proposer avec parcimonie, puisqu'il risque de générer beaucoup de frustration. Évitez de donner au lecteur, l'impression que vous vous foutez de lui, surtout si l'énoncé du choix ne laisse pas deviner cette possibilité. En plus, à part le faire rager, ça n'apportera rien. Gardez à l'idée que vous êtes là pour lui faire vivre une aventure et pas pour lui donner envie d'abandonner votre histoire pour une autre.
3.2.3°) L'illusion du choix
On a beau dire, malgré toutes les possibilités que vous pouvez offrir au lecteur, c'est toujours vous qui tirez les ficelles. C'est une histoire dont il est le héros, mais vous êtes aux commandes des sensations qu'il va ressentir en vivant son histoire.
3.2.3.1°) L'illusion simple
Vous avez peut-être déjà joué à des jeux vidéos interactifs comme Heavy Rain, Beyond Two Souls ou encore Become Human ? Dans ces jeux, il y a parfois des mécanismes qui vous donnent l'illusion que vous avez fait un choix, mais qui vous ramènent malgré tout au même point donné de l'histoire. Vous avez l'impression d'avoir vécu quelque chose d'exceptionnel, alors que tout était prévu que pour que vous arriviez là et que vous ressentiez ça. Cette impression est d'autant plus forte que c'est vous qui avez fait ce chemin vous-même, que vous vous en êtes tirés. Vous êtes le survivant ! Mais au final, ce n'est qu'une illusion.
Voyons un exemple pour éclaircir cette idée de l'illusion du choix.
Imaginons que votre personnage affronte un dragon. Il se tient face à lui, épée à la main. Le danger est là. La tension est palpable pour le lecteur. Il a beau s'être préparé à affronter une créature comme celle-ci, il se trouve devant un risque indéniable. Il pense même que, s'il fait les mauvais choix, son personnage y passera. D'ailleurs, vous pouvez l'insinuer quand vous rédigez votre histoire et mettre l'accent sur cette possibilité. La mort. En réalité, vous avez prévu que, quoi qu'il arrive, le héros restera en vie. Vous êtes le seul à le savoir. Quant au joueur, il a peur de faire une erreur et va peser chacune de ses décisions. Au bout du compte, lorsqu'il réussira à s'en sortir de justesse, il aura eu l'impression de s'en sortir avec une simple blessure et ça, qu'importe ses choix. Il pouvait bien brandir son épée et foncer dans le tas, courir se cacher à l'abri d'un rocher, sauter dans le ruisseau qui coule au pied du dragon... il s'en serait sorti à chaque fois. Il aura vécu une aventure dont il pense être la conséquence de ce qu'il a choisi. Il a survécu. La pression retombe. Vous avez simplement créé l'illusion du danger et il s'est prêté au jeu de vos manigances.
3.2.3.2°) Le détournement d'attention
Ce que j'appelle le détournement d'attention, c'est l'utilisation d'un faux objectif pour en cacher un autre. Voyons ça avec un exemple et notre histoire de dragon !
Imaginons que votre personnage soit accompagné de son meilleur ami et qu'ils affrontent ensemble ce fameux dragon. Lors de la rédaction, le but évident que vous présentez au lecteur, c'est de vaincre le dragon. Mais ce que le lecteur ne sait pas, c'est que quoi qu'il fasse, le dragon, une fois blessé, va s'enfuir et que l'enjeu réel (et non avoué) de la scène est de tester la loyauté du héros envers l'un de ses amis.
Petite mise en situation : le combat est intense. Les deux personnages attaquent et se défendent de tous côtés. Soudain, votre ami enfonce son épée dans la cuisse de la créature qui hurle à plein poumon. La victoire est proche, mais un coup de queue vient frapper votre compagnon qui finit par tomber de la falaise sur laquelle vous vous battiez. Le dragon vous sépare. Il continue de grogner. Son visage se contracte. Heureusement, vous vous rendez compte que votre ami se tient toujours au rebord, d'une seule main. Il risque de tomber si vous ne l'aidez pas. Mais pour ça, il faut abandonner l'idée d'achever le dragon qui tente de s'échapper. Sacré choix cornélien, hein ? En réalité, quoi que vous fassiez le dragon s'échappe et quoi que vous fassiez votre compagnon s'en sort. La seule différence, selon que vous choisissiez d'essayer d'achever le dragon ou de sauver votre ami, c'est que ce dernier vous en voudra (ou pas) de ne pas lui être venu en aide et que sa loyauté s'en verra impactée.
3.2.1.2°) Les limites de l'illusion
Les limites de l'illusion commencent quand le joueur comprend les rouages de votre histoire. Il risque alors de faire ses choix, non pas en se basant sur l'histoire, mais en fonction d'un pressentiment que lui évoque votre trame. Bien sûr, vous ne pourrez pas l'en empêcher, mais vous pouvez essayer de jouer avec les stéréotypes et de varier les façons de le surprendre pour qu'il ne puisse pas trop prédire où vous voulez l'emmener.
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