Je t'ai trouvée
04h23.
Je ne l'ai pas imaginé... Je ne suis pas folle. Ma vue a peut-être été altérée par ma consommation excessive d'alcool, mais je sais ce que j'ai vu. Je sais que c'était réel. Je suis assise dans un bain rempli d'eau glacée pour essayer de me débarrasser de cette impression d'être couverte de sang.
De son sang.
5 heures plus tôt.
Il devait être environ 23h lorsque j'ai trébuché sur ma porte d'entrée. Peut-être que « trébuché » est un euphémisme. Je me suis littéralement effondrée par terre tellement j'étais épuisée, et tout ce que je voulais faire, c'était dormir. Cela faisait exactement 6 mois qu'Anna avait disparu, et malgré mes efforts pour me distraire, je savais qu'il faudrait beaucoup plus que quelques shots de vodka et la brûlante sensation qu'ils m'ont laissée dans la gorge pour m'empêcher de penser à elle.
Anna est ma petite sœur. C'est une jeune fille de 16 ans, introvertie mais quelque peu agitée, qui a toujours l'air inquiète et effrayée. C'est pour cette raison que je ne crois pas une seule seconde qu'elle ait fugué. Non, elle a été kidnappée, j'en suis persuadée.
La dernière personne à avoir vu Anna la nuit de sa disparition était son amie, alors qu'elle quittait la fête à laquelle elle était. Ou du moins, jusqu'à ce que je rentre chez moi cette nuit, à moitié bourrée, pour retrouver ma petite sœur assise sur le sol de la cuisine.
« A... Anna ? » j'ai bafouillé en me frottant les yeux, essayant d'adapter mes yeux à l'obscurité ambiante. Pas de réponse. Elle était assise sur le sol, le dos contre le frigo, serrant ses genoux contre sa poitrine. Sans plus hésiter, je me suis précipitée vers l'interrupteur et j'ai allumé la lumière, mais avant que je ne puisse courir vers ma sœur, il y a eu trois coups très forts contre la fenêtre. J'ai violemment sursauté et je me suis tournée vers la source du bruit. De l'autre côté de la vitre, se trouvait Anna. Bien que sa voix fût étouffée par la distance, l'expression terrifiée de son visage, couvert d'un maquillage qui avait coulé, montrait clairement ce qu'elle voulait dire. Entre deux sanglots, elle me suppliait de sortir. J'ai reporté mon attention sur la fille assise par terre dans ma cuisine, qui était maintenant en train de me fixer.
J'ai rapidement fait demi-tour vers la porte d'entrée et j'ai saisi la poignée, mais je n'ai pas réussi à ouvrir. La poignée ne voulait même pas bouger. Alors que j'essayais désespérément d'ouvrir la porte, terrifiée, j'ai croisé le regard de la fille dans la cuisine, qui était à présent en train de se lever. Lentement. Très lentement. Elle portait le même pull rose et usé qu'Anna portait toujours. Seulement, il était déchiré et imbibé de sang, pendant lamentablement de ses frêles épaules. J'ai regardé à nouveau par la fenêtre, mais la vraie Anna n'était plus là. Était-elle allée chercher de l'aide ? J'ai violemment balancé mon corps contre la porte, dans une tentative futile et désespérée de l'ouvrir.
Au même moment, la chose a commencé à parler, et tout mon corps s'est figé.
« Je t'ai trouvée, » elle a murmuré d'une voix sans aucune émotion, sans détacher son regard du mien.
« Où... est... ma sœur ? » j'ai grogné.
Ça ne pouvait pas être elle, j'ai pensé. La façon menaçante dont elle me fixait... Anna ne me regarderait jamais comme ça. La fille qui se tenait devant moi semblait inhumaine, drainée de toute vie. Bien qu'elle ressemble trait pour trait à Anna, ça ne pouvait pas être elle. Sans aucun doute, c'était ma vraie sœur à l'extérieur de la fenêtre, et je devais la rejoindre, je ne pouvais pas me permettre de la perdre à nouveau, je ne le supporterai pas.
Soudainement, la fille s'est jetée contre moi en enroulant ses bras autour de ma taille. J'ai hurlé en essayant de me dégager, mais elle n'a fait que serrer plus fort. N'étant plus que pure adrénaline, je lui ai donné un coup de genou dans l'estomac, j'ai attrapé la bouilloire et je l'ai abattue sur sa tête. Alors qu'elle s'écroulait au sol, la porte s'est brutalement ouverte derrière moi. C'était Anna.
Elle s'est agrippée à mon bras, sanglotant de manière incontrôlable alors que j'étais figée dans un silence stupéfait et choqué, fixant la fille inconsciente sur le sol, qui était maintenant entourée d'une flaque de sang. Je suis restée paralysée quelques minutes, mais les mains glacées d'Anna étaient serrées si fort contre mon bras que j'avais l'impression que je me tenais là depuis des heures. Elles étaient tellement froides qu'elles me brûlaient la peau, elle devait être gelée.
Puis soudainement, elle s'est calmée et m'a lâché le bras. Elle s'est avancée vers son sosie, qui n'avait toujours pas bougé d'un pouce. Elle lui a touché le cou du bout des doigts, pour vérifier son pouls. Puis elle a levé les yeux vers moi d'un air désolé, secouant la tête. L'avais-je tuée ? Non, elle était déjà en train de saigner, elle se serait vidée de son sang quoi qu'il arrive. Je savais que je devais faire quelque chose à son sujet, je n'allais pas la laisser là. Mais je devais d'abord m'occuper d'Anna, qui devait être terrorisée et frigorifiée. J'ai décidé que la meilleure solution serait de la mettre au lit et d'attendre le lendemain matin pour discuter de tout ça, pour lui permettre de se reposer et récupérer des forces. Je ne voulais pas la brusquer. Je lui ai donc lavé le visage, je l'ai installée confortablement dans mon lit, et je l'ai laissée se remettre de ses émotions. De mon côté, je devais aller prendre un bain pour essayer d'encaisser tout ce qui venait de se passer.
04h23.
J'étais couverte du sang de cette fille, et mon estomac s'est retourné à la pensée de son corps sans vie abandonné sur le sol de ma cuisine. Elle ne pouvait pas être humaine, c'était impossible... Même sa façon de marcher la rendait monstrueuse. Anna, ma vraie Anna, ne m'avait pas adressé une seule fois la parole pendant que je la mettais au lit, et ça m'inquiétait énormément. Elle n'a fait que me regarder fixement d'un regard vide. Maintenant que j'y repense, j'aurais juré qu'elle n'avait même pas cligné des yeux. Je n'ose même pas imaginer ce qu'elle a dû endurer, ces six derniers mois. J'ai secoué la tête pour chasser ces pensées dérangeantes. Ma priorité pour le moment est de la garder en sécurité, je me soucierai du reste plus tard. Je suis finalement sortie du bain, me sentant toujours hébétée.
Je ne voulais absolument pas penser au cadavre dans ma cuisine, et encore moins m'en occuper, mais je n'avais pas le choix. Je devais faire quelque chose avant qu'Anna se réveille.
Je me suis lentement glissée dans les escaliers, les marches grinçant sous mes pas, et je me suis avancée jusqu'à la cuisine. Je me suis arrêtée à l'embrasure de la porte. Pourquoi avais-je si peur d'y aller ? Ma gorge était sèche et irritée, comme si j'avais avalé des lames de rasoir, et une boule d'angoisse la comprimait. J'ai dégluti et j'ai poussé la porte.
Disparu. Tout avait disparu. Ma cuisine était revenue à son état immaculé. Le corps, le sang... tout avait disparu, comme si rien ne s'était jamais passé. Comme si j'avais tout imaginé, y compris le retour d'Anna.
Anna... !
Mon cœur a manqué un battement, et j'ai hurlé son nom en me précipitant vers les escaliers, grimpant les marches quatre à quatre, et j'ai foncé vers ma chambre où Anna était en train de dormir. J'ai ouvert la porte à la volée, et le spectacle qui s'étalait devant mes yeux m'a fait tomber à genoux. Ma tête a commencé à tourner. Tout ce que je pouvais voir était un océan de pourpre. Du sang avait taché le tapis et avait giclé sur tous les murs. La fille morte qui était dans la cuisine avait été découpée. Des parties de son corps avaient été dispersées un peu partout dans la pièce, y compris sa tête qui avait été décapitée. Au-dessus de ce carnage se tenait une fille aux longs cheveux noirs, aux yeux noircis, et à la peau d'une pâleur fantomatique. Elle a levé les yeux de ses mains pour les poser sur moi, mains qui tenaient ce qui ressemblait au cœur de la deuxième fille, et m'a lentement souri, la bouche dégoulinant de sang.
Ce n'est pas ma sœur.
Ma sœur est la fille qui actuellement dispersée aux quatre coins de la pièce.
C'était elle depuis le début.
Paralysée, incapable de respirer et sur le point de perdre connaissance, j'ai difficilement réussi à déchiffrer les mots tracés en lettres sanglantes sur l'un des murs.
« TU AS FAIT LE MAUVAIS CHOIX. »
Avant que je ne puisse reprendre mon souffle, la créature a enfoncé ses crocs dans le cœur de ma sœur, et a murmuré :
« Je t'ai trouvée. »
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