HOLLY

Ce n'est pas vrai. Je n'ai pas proposé à Dan de manger avec moi ce soir, comme je l'ai prétendu à Nash. Non pas parce qu'il est désagréable, mais parce que j'aurais préféré passer la soirée avec mon meilleur ami.

La réaction qu'il a eue ce soir au terrain de basket, n'est pas la première. Les fois où j'instaure cet espace afin que notre relation ne déborde pas sur des sentiments plus vifs, il se rétracte comme s'il était offensé.

Ou bien est-ce que c'est moi qui me fais des idées ?

Nous sommes amis depuis le lycée, on est entrés tous les deux dans la cour des grands en franchissant les portes battantes de la faculté. Si nous nous voyons moins ces derniers temps, ça n'a pourtant pas l'air d'impacter notre amitié.

Je décide de ne pas me prendre la tête plus longtemps, comme à chaque fois qu'une situation me préoccupe. J'appaire mon téléphone à mon enceinte Bluetooth et lance la musique Blank Space de Taylor Swift. Je fais le vide complet dans ma tête et bouge au même rythme que la chanson. Je ne pense à rien, si ce n'est le son qui endiable chacun de mes mouvements. Je saute, je hoche la tête, mes bras et mon bassin ondulent, le sourire aux lèvres, ma voix ne tarde pas à accompagner celle de la talentueuse chanteuse de pop.

— "Cause we're young, and we're reckless, we'll take this way too far. It'll leave you breathless, mm, or with a nasty scar !"

Je continue jusqu'à épuisement, et baisse le son lorsqu'il se fait un peu tard. Les étudiants de la résidence ne seront sûrement pas ravis si je prolonge mon moment de folie. Je m'écroule sur mon lit, avant de fermer les paupières, le cœur battant la chamade. Mon téléphone vibre à mes côtés, je mets quelques minutes avant de me résoudre à jeter un œil à la notification.

C'est un SMS de Dan.

[ Salut beauté, ça te dit de sortir ce soir ? ]

Je fais la moue en réfléchissant un instant, avant de pianoter sur mon clavier.

[ Je commence tôt demain, mais si on ne rentre pas trop tard, c'est d'accord. ]

[ Tes désirs sont des ordres ! On se retrouve à ton arrêt de tram. ]

Je souris.
Dan est un chic type, gentil, un peu borné, mais très attachant. Je l'ai rencontré cette année, durant les premiers jours de cours. Il suit le même cursus que le mien, même si nous n'avons pas les mêmes options. Je me lève sans plus tarder, retouche légèrement mon brillant à lèvres, avant de quitter mon appartement. Je descends les deux étages afin de rejoindre mon arrêt de tram, à quelques pas de la résidence. Assise sur le banc, écouteurs enfoncés dans les oreilles, j'attends que Dan arrive.

Les minutes s'écoulent avant qu'il ne se pointe le bout de son nez. Je frissonne, j'aurai dû prendre une veste. Je me frotte machinalement les bras, comme pour tenter de me réchauffer. Dan avance dans ma direction m'offrant un sourire craquant.

Très craquant !

— Vais-je devoir te prêter ma veste, parce que tu n'as pas prévu la tienne ? demande-t-il plaisantin.

— Non, tu vas attraper froid.

Il secoue la tête, amusé.

— J'ai des défenses immunitaires imparables, m'octroie-t-il d'un clin d'œil avant d'ôter sa veste en cuir et me la poser sur les épaules.

— Merci, souris-je.

Nous marchons tous les deux côte à côte en direction du centre-ville.

— Alors qu'est-ce qu'on fait, l'interrogé-je, curieuse.

— Je me suis dit qu'on pourrait aller manger un bout en ville et voir un film au ciné ensuite ?

Je hoche la tête, plutôt convaincue par le programme, alors que mes pensées se focalisent sur Nash au fur et à mesure que nous avançons. Je me demande si la sortie avec ses amis se passe bien. Habituellement, les soirées cinéma, c'est avec lui que je les passe.

— Je crois qu'il y a un film pas trop mal qui passe en ce moment ! précise Dan.

Je reviens sur terre en lui souriant. Nous nous arrêtons devant un restaurant et en jetant un œil au prix, cela me semble raisonnable pour mon petit budget que me permettent ma bourse et mon job.

Nous nous installons autour d'une table, puis examinons le menu. Je souris en voyant les lasagnes en première ligne.

— Bonjour, avez-vous fait votre choix, nous questionne une voix que je reconnais instantanément.

Mon regard glisse dans sa direction.

— Nash ?

L'ai-je donc invoqué par le pouvoir des lasagnes ?

— Holly, lâche-t-il sans grand enthousiasme après avoir remarqué la présence de Dan.

— Qu'est-ce que tu fais là ? l'interrogé-je, alors que son uniforme m'indique clairement qu'il est l'un des employés ici.

— Je suis en essai, ce n'était pas prévu. J'ai postulé il y a quelques jours, m'explique-t-il, alors que son regard m'évite.

— Oh, tu ne me l'avais pas dit.

— J'ai oublié, hausse-t-il les épaules.

Notre regard s'accroche quelques secondes.

— Alors, vous avez fait votre choix ? nous réitère-t-il.

— Ce sera une blanquette de volaille et riz pour moi, annonce Dan.

— Et pour moi des lasagnes, s'il te plaît !

Je tente un sourire, mais il ne me le rend pas.

— Bien, je vous apporte ça. Ce sera tout ?

Je hoche la tête, il n'attend pas la confirmation de Dan avant de retourner à son service.

— Eh bien, j'ai vu plus chaleureux comme serveur ! lance Dan à mon attention.

— Il est simplement fatigué, j'imagine, le défends-je immédiatement en haussant les épaules

Dan m'accorde un regard en biais puis demeure silencieux alors que Nash réapparaît quelques minutes après, nos assiettes en mains.

— Si vous désirez autre chose, faites-moi signe, conclut-il de sa voix rauque, sans m'accorder grande attention.

Je fronce les sourcils tandis que mes yeux restent rivés sur lui, même lorsqu'il nous tourne le dos.

— Tout va bien ? me questionne Dan.

Je hoche vaguement la tête, mais en réalité, quelque chose cloche. Dan et moi dégustons notre plat, alors qu'il me raconte ses derniers exploits au baseball.

— Je pourrais t'apprendre, je suis sûre que tu es douée ! sourit-il de toutes ses dents.

Je pouffe de rire, manquant de m'étouffer.

— En réalité, je suis plutôt douée pour la basket, le baseball n'a jamais été mon fort, ajouté-je.

Il hoche la tête, enfournant une bouchée.

— Tu pratiques depuis longtemps ?

— Oh non, je n'en pratique pas. Je joue de temps en temps par plaisir, c'est Nash qui m'a appris quelques gestes et techniques.

Il s'arrête de mâcher quelques secondes puis reprend machinalement. Alors que nous passons le repas à discuter, nous terminons en réglant chacun la note, et sortons du restaurant. Nerveuse, je joue avec mes doigts, le regard dans le vide.

— Dan, est-ce qu'on pourrait repousser le cinéma un autre jour ? l'interrogé-je, fautive.

— Non, aucun soucis, tu te sens mal ?

Je hoche négativement la tête.

— Non, j'aimerais simplement savoir ce qui cloche avec Nash, c'est un très bon ami, et ça m'inquiète.

Dan m'offre un sourire en coin, j'ôte la veste qu'il m'a momentanément prêtée, afin de la lui rendre.

— Bien, alors on se croisera surement demain, conclut-il.

— Oui, je suis désolé...

Il s'approche avant de me planter un baiser sur la joue.

— Pas de problème, m'octroie-t-il d'un clin d'œil lorsqu'il s'éloigne vers l'arrêt de tram.

Je le vois disparaitre dans l'un des wagons. Je me cale à l'arrière du restaurant, adossé contre un mur, écouteurs enfoncés dans les oreilles, alors qu'une musique apaisante me plonge instantanément dans mes pensées. Pensées toutes monopolisées par Nash.