Sehun observait attentivement le décor qui l'entourait. La clairière pleinement dégagée, l'herbe fraîche et frémissante sous le vent de fin d'automne. Son oeil glissa en direction de l'eau qui coulait à ses pieds, éclaboussant roches et galets, éveillant la forêt endormie de son léger bruissement. Il releva la tête et fit face au territoire Angae, une forêt sombre et dense composée de multiples pins. Des troncs d'arbres jonchaient toujours au sol. Comme si chaque soir la tempête venait saccager leur territoire, arrachait les arbres, remuait les roches, créait un espace dangereux et peu rassurant.

Allait-il réellement devoir pénétrer ce territoire hostile et peu accueillant ?

Du mouvement se fit dans les fourrés. Trois ombres se détachèrent du paysage, avançant d'un pas assuré en direction de la frontière. Le premier portait des lunettes noires, rappelant la couleur ébène de ses yeux et cheveux. Son expression reflétait l'ennui et la fatigue, il ne semblait guère enchanté.Le second était essoufflé, ses cheveux châtains collés sur son front suintant et les muscles saillants découverts par son débardeur. Il devait très certainement avoir couru, pour se présenter dans un tel état. Sa mâchoire était prononcée et ses yeux sombres toisaient Sehun de haut en bas. Le dernier affichait une expression sans nom, impossible à décrire. Il ouvrait la marche sans rien dire, fixant droit devant lui, la tête fièrement relevée.

Sehun grimaça lorsqu'il vit les trois Angae s'arrêter à quelques mètres de lui. Dans quelle mouise s'était-il fourré ? Aller sur le territoire Angae était une mauvaise idée. Il allait devoir passer une partie de l'hiver sur le territoire ennemi.

– Bon, tu comptes nous dévisager encore longtemps ? On à du chemin à faire. Ce serait bien d'arriver avant la nuit, grogna le leader du groupe, ses grands yeux jugeaient Sehun de haut en bas.

Bon, au moins, il n'était pas le seul à appréhender sa venue chez les Angae.

Il inspira une dernière fois et jeta un regard triste en direction de sa terre natale. Les engrenages venaient d'être actionnés, il ne pouvait plus faire marche arrière. Les pensées se mélangeaient et son cœur se serrait, ses pieds avancèrent d'eux-mêmes.

Il franchissait la frontière.

Les regrets se glissèrent dans sa gorge tandis qu'il suivait, avec quelques mètres de distance, les trois loups qui ouvraient la marche. Personne ne disait mot. Sehun restait de marbre, mais ses pensées ne cessaient de le torturer. Où allaient-ils ? Que faisaient-ils ? Qui étaient-ils ? Pourquoi l'Angae Tiré n'avait pas choisi de venir l'accueillir ? Était-ce l'un de ces trois loups ? Non. Impossible. Quelque chose lui disait que sa potentielle âme sœur n'était pas là.

Sehun lâcha un grognement de mécontentement, son âme sœur Angae ? Il n'en avait rien à faire !

La seule chose qui comptait, c'était Luhan. Et Luhan n'était pas Angae.

Il avançait en silence, enjambait roches et tronc d'arbres, s'approchant toujours plus de ces immenses pins qui hantaient Sehun depuis sa jeunesse. Il n'aimait pas ce territoire, l'odeur était différente, le paysage était terrifiant. Des sueurs froides le prenaient, Sehun ne se sentait pas à sa place.

Ils s'enfoncèrent alors dans les bois. Les trois membres de la meute ennemie avançaient d'un pas assuré, la tête haute, fixant droit devant eux. Sehun, lui, regardait tout autour de sa personne, s'emmêlait les pieds, se rattrapait sur une roche. Les épines frôlaient sa peau, provoquant d'horribles démangeaisons sur ses bras dénudés. Il faisait frais et plus ils avançaient, plus les pins semblaient se resserrer sur eux. Étaient-ils perdus ?

Il avait le désagréable sentiment que le mois à venir serait long et fatigant. Ils avançaient en file indienne, un des hommes se tenait devant lui, les deux autres le suivaient. Il ne pouvait pas fuir. Il était complètement coincé et personne ne pouvait l'aider.

Sehun observa les couleurs du ciel lentement s'assombrirent. Une couleur orangée se distinguait entres les cimes des arbres tandis que le violet crépusculaire s'emparait du ciel.

– La nuit commence à tomber, constata le noiraud en espérant rompre le lourd silence qui pesait sur ses épaules.

– Nous sommes arrivés, rétorqua aussitôt l'Angae qui ouvrait la marche.

Cette réplique eut le don de subitement arrêter Sehun. Il regardait autour de lui, complètement perdu. Où était le village Angae ? Lui avait-on fait une blague de mauvais goût ? Il fit un tour sur lui-même, cherchant des réponses à ses questions muettes. Mais autour de lui les sapins s'élevaient toujours plus haut dans le ciel et semblaient le regarder avec amusement. Il fit la moue. Il n'y avait pas l'ombre d'une maisonnette autour de lui. Le paysage n'était qu'arbres et ronces.

– Ne fais pas cette tête tu veux ? Nous ne sommes pas idiots, nous prenons des précautions. Notre lieu de vie est très sécurisé, déclara l'homme qui se trouvait dans son dos.

Sehun sentit alors une main se poser sur son épaule et le pousser violemment dans les ronces. Il poussa un gémissement de surprise, se débattant dans la végétation. Les épines entaillaient sa peau comme les griffes assaillantes de ses ennemis ouvraient sa peau. Il se faisait tirer dans le nœud épineux sans pouvoir protester.

La douleur disparut soudainement et il put à nouveau ouvrir les yeux. Sa bouche se décrocha de sa mâchoire, il passait ses mains dans ses cheveux. Sehun perdait ses mots, bon sang mais où était-il tombé ? Alors c'était ça, le campement Angae ? Il avala sa salive tout en levant la tête, détaillant en silence le gigantesque bâtiment qui se dressait sous ses yeux.

Le village des Angae était incomparable au sien. C'était en tout point différent, beaucoup plus grand, beaucoup plus protégé et bien plus sophistiqué. Pas de petites maisons de bois et de roches non, devant lui se dressait la plus impressionnante des forteresses.

– Je pensais que vous viviez dans des huttes en paille.

Dans son dos plusieurs éclats de rire se firent entendre. Le noiraud se retourna, se demandant ce qu'il avait dit de drôle. Étant inconnu au territoire Angae, il ne pouvait que supposer le fonctionnement de cette meute.

– Cette forteresse est un vestige que nous avons conservé, elle sert à protéger le campement. Nous avons également conservé l'ancien château, il part un peu en ruine mais tout l'intérieur est soigneusement conservé, c'est le lieu de vie de notre chef de meute. Ces remparts nous servent de première ligne de protection.

L'autre homme qui se tenait à sa gauche prit la parole tout en se raclant la gorge.

– Vivre sous les pins est impossible, la forêt est trop dense et comme tu as pu le remarquer, elle n'est pas propice à accueillir une communauté. Je ne comprends pas pourquoi vos ancêtres ont décidé de conquérir la forêt, ici les remparts nous tiennent à l'abri du danger. Contrairement à vos ridicules campements en pleine forêt, il bailla d'ennui et fit un mouvement d'épaule. Trêve de bavardages rentrons.

Ils longèrent alors la forteresse pendant quelques mètres et entrèrent par une des portes surveillées par deux loups. Sehun frissonna, l'odeur de la meute ennemie ne cessait de chatouiller ses narines et cette sensation se montrait très énervante. Serrant les crocs il suivit les trois autres loups à l'intérieur, découvrant ainsi une forêt d'arbres dans laquelle il pouvait distinguer maisonnettes et ce qui semblait être des camps d'entraînement. Malgré tout, la seule chose qui intriguait Sehun était cette grande bâtisse bien plus imposante qui se dressait droit devant eux.

Ils y entrèrent rapidement, ne laissant guère le temps à Sehun d'observer chaque détail de la bâtisse. Ils avançaient rapidement, tandis que Sehun traînait machinalement des pieds. Avec peu d'enthousiasme, il observa trois membres de la meute Angae mécaniquement s'aligner. Le peu d'indications qui lui furent données suffirent à lui faire comprendre qu'il étaient dans la salle de trône.

Un homme d'un âge avancé entra dans la salle. Son être entier respirait la sagesse et la bienveillance. Alors qu'il progressait vers le centre de la pièce, sur ce marbre ténébreux, les hommes Angae qui l'entouraient se mirent à genoux. Fusillant du regard le noiraud qui restait debout, sans comprendre ce qu'il se passait.

Le jeune à lunette lui attrapa vivement le poignet et le fit descendre à sa hauteur. L'obligeant à se soumettre à leur dirigeant.

– Voyons, relève toi mon enfant ! s'exclama l'homme en posant sa main sur l'épaule du jeune Hwajae.

Sans rien dire, Sehun se releva. Face à lui, se tenait un homme aux cheveux grisonnants. Une impressionnante aura se dégageait de son être, quelque chose qui le poussa à ne pas refuser son invitation à le suivre. Au contraire même, son loup se soumettait automatiquement à lui, sans éprouver crainte ou réticence. Il y avait une note de gentillesse dans son sourire qui le mit en confiance. Il ne rechigna pas lorsque le chef de meute Angae lui attrapa l'épaule en guise de salut, congédiant les trois loups qui avaient mené Sehun ici.

– J'espère que le voyage n'a pas été trop ennuyeux. Et que Lay, Jackson et KyungSoo n'ont pas été désagréables.

Sehun hocha simplement de la tête.

– Angae signifie brouillard. Nous sommes le peuple de l'ombre, celui qui vit caché tapis dans les bois. Vous les Hwajae, représentez le feu, ceux qui ont brûlé tant de villages pour conquérir la forêt. Nos meutes ont des noms symboliques et notre histoire en est le fruit. Les Angae étaient la meute secrète, l'échec de l'expérience, les « choses » à obligatoirement cacher. Nous sommes l'ombre de la forêt, le brouillard du passé. Et nos ancêtres ont toujours vécu derrière ces remparts que tu peux distinguer ici et là, déclara l'homme en montrant du menton les roches qui se distinguaient entre les cimes des arbres.

Il s'écarta alors de la fenêtre et fit signe à Sehun de le suivre.

– Mon nom est Leeteuk, mais cela importe peu. Sais-tu qui fut le premier des nôtres ? Sehun fit non de la tête, se contentant d'écouter les dires du dirigeant Angae. Il s'agissait d'un suzerain puissant qui habitait ce château. L'un de mes ancêtres et c'est pour cela qu'ici, ils me considèrent comme Gouverneur ou plus simplement le Roi.

Il rigola quelques instants.

– Ce nom me paraît fort ridicule maintenant, mais ils s'obstinent à respecter la lignée, alors je me contente de porter ce titre. Les Hwajae étaient le nom que portait une petite troupe rebelle qui n'acceptait pas le pouvoir qu'exerçait Donghae. Et tu connais la suite, ils sont partis former votre meute. Mais au final que valait tout ce sang versé, toute cette haine, si aujourd'hui cette dépendance des Hwajae empêche un bon nombre d'entre nous d'être heureux ?

Sehun le toisa avec fureur. Osait-il bafouer le nom des Hwajae sous son nez ?!

Il se mit à grogner et ses canines le démangèrent. Si les Hwajae étaient partis, c'était pour une bonne raison. La liberté ! Vivre derrière cette forteresse était comme tenir un chien en cage, elle oppressait le noiraud qui tuait du regard ce fameux « Roi des Angae ». Dans quel monde venait-il d'arriver ?! Il voulait absolument rentrer !

– Nous avions nos raisons, répliqua Sehun d'une voix forte, ces sourcils froncés traduisaient son désaccord.

– Mais si tu es ici Sehun...Leeteuk se retourna avec un sourire bienveillant de tracé sur les lèvres. Tu es victime des choix de ta meute.

– Mon âme sœur est Hwajae, j'ai été tiré par erreur.

L'homme rigola en regardant chaleureusement le membre de la meute voisine. Il y avait une lueur dans ses yeux que Sehun ne comprenait pas, de la considération, de l'écoute, de l'affection ?

– Tu ressembles beaucoup à mon fils. Vous allez bien vous entendre et tu oublieras la personne que tu crois aimer.

– Vous mentez.

– Ici tu es comme chez toi. Cesse d'être sur la défensive, tu devrais plutôt te sentir chanceux d'être là, grommela Leeteuk, légèrement peiné.Ton loup semble en colère contre notre meute, tu sens à plein nez la vengeance. Mais n'oublie jamais ce que nous étions avant de simples hommes. Aujourd'hui, nous avons la chance d'avoir hérité de gènes qui font ce que nous sommes aujourd'hui : une sorte de métaphore. Nous ne sommes pas vraiment des loups Sehun, nous avons simplement acquis cette capacité exceptionnelle de pouvoir prendre leur apparence. Pas d'alphas, pas d'omégas, ni même de bêtas. C'est à nous seul de choisir à quoi nous voulons ressembler. L'homme ou le loup, il n'y a qu'un pas entre l'un et l'autre. La seule chose qui relie l'Hwajae à l'Angae c'est le lien de l'âme-soeur, alors arrête de faire le loup en colère Sehun... Ici, tu trouveras ton bonheur. Même si je dois admettre que ton âme sœur semble aussi bornée que toi.

Sehun avala de travers, regardant fixement un point devant lui. Une part de vérité se cachait dans ses propos. Mais il ne pouvait s'empêcher de ressentir de la colère envers cet homme. Il ne savait rien de son passé, rien de ses souffrances, rien de ce qu'il pouvait ressentir actuellement. Cette entaille dans son cœur ne cessait de le faire souffrir, et les paroles de Leeteuk ne faisaient que remuer le couteau dans la plaie.

Il serra du poing, et un grognement s'échappa de sa gorge.

– Vous vous trompez. J'ai déjà offert mon coeur à quelqu'un d'autre, il tourna brusquement la tête, interrompu par des portes qui claquaient violemment contre le mur de pierre.

Devant lui, arrivait un jeune homme d'une beauté singulière. Son cœur fit un bon, ses pensées s'emmêlèrent tandis qu'il reconnaissait la tignasse blonde qui hantait ses rêves. Le garçon marchait rapidement en leur direction, frappant sans ménagement ses pieds sur le sol pour montrer son mécontentement. Il croisa les bras sur son torse, s'arrêtant à quelques mètres d'eux pour défier Leeteuk du regard.

– Père, je refuse d'épouser cet inconnu ! Tu m'as promis à Minhyuk, je ne changerai pas tes décisions pour un tirage à la noix.

Il dévisagea Sehun.

– En plus il est moche !

– Luhan ? questionna Sehun en écarquillant les yeux.

Le jeune blond tourna brusquement la tête, rencontrant pour la première fois le regard de l'ébène.

– Tout le monde ici m'appelle « Sa Majesté ». Je ne veux plus jamais entendre mon prénom sortir de ta sale bouche, intru. 

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Si vous trouviez que Sehun avait un sacré tempérament, j'ai le plaisir de vous annoncer que celui de Luhan est bien pire ! 
Winnie.