Cassandre bailla, épuisée par son week-end. Son professeur de SNT, habitué à sa fatigue, lui adressa un sourire compatissant.
La jeune fille se recroquevilla. Elle avait toujours aussi peur de son professeur de Sciences Numériques et Technologiques. Il était gentil, en soi, mais lorsqu'il s'énervait... Il valait mieux être à des kilomètres et des kilomètres. Semblable à son professeur de Français, un érudit sans pareil, excellent enseignant. Sa patience était très grande, mais lorsqu'elle arrivait à son terme... aucun doute que les larmes coulaient.
Cassandre se souvenait avoir pleuré, l'année passée, durant un cours de latin, où une élève n'avait pas fait ses devoirs. L'engueulade de monsieur Le Fogg avait duré vingt minutes. La classe de latin, déjà composée d'à peine quinze élèves, avait diminué à... cinq élèves, dont Cassandre, son amie Léa, l'élève concernée, prénommée Capucine, un de leurs amis, nommé Clovis, et une élève brillante, Maëlys, qui était l'une des seules à avoir conservé le latin avec Cassandre, en cette année de seconde.
Cassandre tapa ses lignes de code dans la morosité. Créer un blog sur le scoutisme aurait dû l'enthousiasmer, pourtant, elle ressentait juste une profonde envie de retourner dans son lit.
Le cours de maths se déroula dans le même état de fatigue. La professeure interrogea Cassandre, qui, bien qu'ayant appris ses formules, trouva quand même le moyen de se tromper.
Lorsque, enfin, la sonnerie du lycée retentit, Cassandre bondit sur sa chaise. Sa fatigue venait de s'envoler. Il fallait absolument qu'elle voie Jean...
Elle rangea ses affaires à la hâte, et sortit de la salle de classe, en direction du collège, faisant hausser un sourcil à Mme Tuzaï et à bon nombre d'élèves de sa classe.
Jean attendait devant la salle des professeurs, un carnet à la main. En regardant attentivement, Cassandre comprit qu'il s'agissait de son carnet de lecture.
— Salut !
— Coucou, ça va ?
— J'ai froid... grommela Cassandre.
Jean comprit aussitôt de quoi elle parlait, et un mince sourire se dessina sur son visage.
— Mais oui ! Il faisait super froid, la nuit dernière ! Et vous, vous étiez sous la tente... Mes pauvres...
— J'ai cru que mes doigts allaient se détacher ! fit mine de geindre Cassandre.
Jean esquissa un nouveau sourire, et toqua à la porte de la salle.
Après qu'il aie déposé son carnet de lecture dans le casier de sa professeur de français, tous deux se dirigèrent vers la salle de classe de Jean.
— Tu as quoi, là ?
— Maths.
— Ah oui, c'est vrai ! Moi, j'en reviens...
— Et alors ?
— De bonne humeur.
— Tant mieux. Et toi, t'as quoi, là ?
— Français.
Un sourire moqueur se peignit sur le visage de Jean.
— Ah oui ? Avec Mr Le Fogg, c'est bien ça ?
— C'est ça, marre-toi. Il a beau faire peur, c'est un super prof.
— Moi, l'année prochaine, j'aurais Mme Finnoc'h ! chantonna Jean sur un ton ironique.
— Et ça ne devrait pas t'enchanter ! Tout le monde en 2nde D dit que Mme Finnoc'h n'a pas les bonnes méthodes, qu'ils n'ont encore rien appris sur le commentaire de texte ou la dissertation, et qu'elle leur donne de grands devoirs le jour pour le lendemain.
— C'est faux !
— Demande à Léa ! Ou à n'importe qui en seconde D !
— C'est pas possible, tu as vu comme Finnoc'h est super pendant le Club de Kultur Breizh !
— Eh ben elle est pas la même en français !
Mme Finnoc'h était à la fois professeur de français et journaliste bretonne. Très impliquée dans le souvenir de la langue bretonne, elle était connue dans tout le département du Finistère. Au lycée, elle était la professeur de français de la classe Erasmus, la Seconde D, dans laquelle prévoyait de partir Jean l'année suivante. La classe Eramus étant une classe spécialisée dans l'Anglais, et des voyages à l'étranger promis, des échanges avec des correspondants... Mme Finnoc'h tenait également l'atelier du Club Kultur Breizh, sur le temps du mardi midi. Jean s'y rendait depuis la sixième, Cassandre avait commencé en seconde.
Mais autour d'elle, elle entendait ses amies de seconde D critiquer l'enseignement de la professeur de français, et, si elle avait parfois eu des envies de l'avoir, elle avait vite changé d'avis...
Jean se calma, comme pris d'hésitation. Et il reprit avec un sourire malicieux :
— Admettons que ce soit vrai. Il n'empêche que moi, j'aurais Mme Jamad comme prof principale !
Cassandre grimaça. Touchée-coulée.
Jamais de sa vie, elle n'avait connu une professeure aussi douce que Mme Jamad. Celle-ci était une jeune professeure de mathématiques, calme, gentille, attentive, compréhensive, excellente enseignante, sévère quant il le fallait, communicative, à l'écoute des élèves...
La plus grande frustration de Cassandre était sans doute de ne jamais l'avoir eu comme professeure pour une année. Elle n'en faisait l'expérience que le jeudi après-midi, en accompagnement personnel de mathématiques. Tous les cours l'enchantaient, mais elle aurait tant aimé l'avoir comme enseignante sur une année ! Jean l'avait déjà eue en cinquième...
Cassandre et Jean s'amusaient énormément à surnommer Mme Tuzaï et Mme Jamad les "Profs jumelles". En effet, celles-ci géraient à elles seules les quatre classes de seconde, elles discutaient tout le temps ensemble, organisaient la Semaine des Maths ensemble ! Aux yeux de Cassandre, elles étaient les deux meilleures profs de maths du lycée, quoi qu'en dise Jean, qui avait toujours du mal avec sa professeure principale.
Cassandre porta le regard à sa montre. Neuf heures cinquante-six. Les cours reprenaient à dix heures.
Le regard de Jean s'éclaira soudain.
— J'ai failli oublier ! Tu les as ?
Cassandre tilta aussitôt et se frappa le front du plat de la main.
— Oui ! Quelle idiote, j'ai failli oublier, moi aussi !
Elle ouvrit son sac, en sortit sa pochette et l'ouvrit. Un flot de décorations en papier s'en échappèrent.
— T'es incroyable... murmura Jean en se penchant pour les regarder de plus près.
Inconsciemment, Cassandre sentit ses joues rosir, sans qu'elle ne sache expliquer pourquoi.
— Je sais, merci, fit-elle mine de se vanter.
— Ils vont être trop contents... ajouta Jean.
Les deux amis aimaient tous deux remercier leurs professeurs de tout ce qu'ils faisaient pour eux. Ainsi, pour chaque Noël qui approchait, Jean confectionnait des guirlandes de papier crépon, qu'il offrait à ses professeurs, tandis, que de son côté, Cassandre découpait des flocons de papier, et les décoraient selon la personnalité de ses professeurs, leur manière de s'habiller... Ainsi, celui de Mme Tuzaï, se retrouvait orange, rouge et doré, en hommage à son caractère... épicé, comme disait Jean. Celui de la gentille Frau Brugoh, se distinguait par le fuchsia, l'or et le bleu, un mélange original, comme son caractère. Celui de Mme Teledob, la professeur de français de Jean, se verrait orné d'or, de pourpre et de lilas, référence à ses habits généralement dotés de cette palette.
Jean était beaucoup plus ordonné qu'elle. Dans un porte vue, il réunissait plusieurs combinaisons de couleurs, et laissait les profs choisir.
Cassandre s'agenouilla, et entreprit de transférer ses flocons dans la pochette de Jean. Quand soudain, celui-ci lui saisit le bras pour la presser.
— Vite ! Elle arrive !!!
— Qui ça ? demanda bêtement Cassandre en regardant derrière elle.
— À ton avis ?
Ses clés en main, Mme Tuzaï approchait à grands pas.
— Vite ! C'est censé être une surprise ! paniqua Jean.
— J'fais ce que je peux ! rétorqua Cassandre en lui tirant la langue.
— Pourquoi, mais pourquoi faut-il qu'elle soit TOUJOURS en avance ? râla Jean.
— Corrige-moi si je me trompe, mais ça fait pas dix minutes qu'on est plantés devant ta salle de classe, par hasard ?
— Bien joué, approuva Jean.
Cassandre finît de transférer le dernier flocon au moment où la jeune professeure arrivait à leur hauteur. Celle-ci haussa un sourcil étonné en la voyant agenouillée, serrant contre elle une pochette, tandis que Jean cachait la sienne dans son dos.
— On a rien fait de suspect ! s'exclama involontairement Cassandre, qui, réalisant sa gaffe, plaqua ses mains sur ses lèvres, comme pour s'empêcher d'ajouter quelque chose.
Déconcertée, Mme Tuzaï haussa un sourcil, tandis qu'à côté de Cassandre, Jean pouffait silencieusement.
— Je-crois-que-je-vais-y-aller-maintenant, articula Cassandre en filant. À-tout-à-l'heure-Jean.
Et elle s'enfuît, entendant de justesse sa prof de maths dire à Jean :
— C'est quand même un sacré phénomène, ton amie !
— Je sais, répondît Jean, et Cassandre l'imagina parfaitement hocher la tête, assumant pleinement son statut de "sacré phénomène".
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« Allez ! On garde le rythme ! »
— Sadique ! grommela Cassandre en se tenant les côtes, à bout de souffle, tandis qu'elle repassait pour son cinquième tour de terrain.
Il n'y avait rien de pire au monde que le biathlon. Courir pendant une demi-heure, tirer trois stupides flèches, et finir essoufflé, plus mort que vif. Après le déjeuner, en plus. Cassandre avait beau très peu manger, elle détestait avoir sport juste après.
Avec monsieur Le Telmob, en plus. Ce professeur avait une très mauvaise réputation au sein du lycée, mais personne n'osait rien dire, se plaindre à quiconque de son comportement relativement lourd. Parfois déplacé. Encore moins Cassandre, qui, ayant été amie avec sa fille, était plusieurs fois allée dormir chez elle, et donc, chez son prof...
Elle se souvenait encore, le premier cours de biathlon, alors qu'elle s'était essayée au tir à l'arc. Il s'était approchée d'elle, et avait demandé :
— Alors, ça avance, ton travail ?
— Quel travail ? avait demandé Cassandre en sentant un semblant de panique la gagner...
— Tu sais très bien de quoi je veux parler, avait-il répliqué en s'approchant encore plus près.
— Absolument pas.
— J'espère que j'aurais un bon rôle dans ta prochaine histoire... avait-il murmuré avant de s'éloigner.
Cassandre avait bégayé comme une idiote qu'elle n'écrivait pas d'histoires, tandis qu'il s'éloignait, un sourire ironique aux lèvres.
Il n'y avait rien à ajouter. Comme beaucoup de filles, Cassandre avait peur de ce professeur.
Un goût abominable lui envahit la bouche. Elle toussa, s'efforçant de reprendre un rythme respiratoire normal.
Le biathlon ! Toujours le biathlon ! C'était vu et revu ! Pourquoi ne pas faire preuve d'un peu d'originalité, et donner des cours d'escalade ? Voilà qui serait innovant ! Et utile !
En finissant son tour, et en s'emparant de l'arc, elle pesta contre son prof, qui l'observait du coin de l'œil.
« Mais il peut pas nous lâcher les baskets ? »
Elle visa, s'imaginant que c'était lui, la cible. Et la planta dans le cercle du 9.
« Au moins, ça me fera une bonne note en tir à l'arc... »
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P-S : Un bon rôle... quel naïf...
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