Chapitre 9 - Questionnements
Mais qu'est-ce que je fais ici, dans un lieu que j'exècre? Tous les hôpitaux se ressemblent, peu importe la ville où il se trouve. Pour le travail, je peux me permettre de compartimenter. C'est juste un bâtiment où des personnes vont et viennent. Mais là, je n'y suis pas pour jouer les gardes.
Je savais pertinemment qu'en accompagnant Olivier j'y serais confronté mais laisser mon ami se débrouiller n'était pas une option. Comment aurais-je pu? Depuis que nous nous sommes rencontrés, je l'ai pris sous mon aile. Je l'ai aidé à se construire en tant qu'adulte. Ce n'est pas pour l'abandonner quand il a besoin de moi. Il est un peu comme l'enfant que je n'ai jamais eu et quel père ferait ça à son fils? Je serais le plus grand des égoïstes...
Nous avions besoin de repos. Nous avons profiter de la matinée pour régler les formalités administratives auprès de notre travail. Nous venons d'arriver au service de réanimation. Son besoin d'être ici a supplanté le reste. Pour notre plus grande surprise, sa mère est réveillée. Enfin, autant que l'on puisse l'être après une telle opération. Olivier a laissé Tonio y aller en premier tandis que nous nous asseyons dans la salle d'attente. Après quelques minutes dans un silence pesant, j'essaie de lui parler un peu pour le distraire mais ça ne fonctionne pas autant que je l'espérais. Si je veux être honnête, ça m'aurait beaucoup aidé aussi mais je prends sur moi. Un quart d'heure plus tard, son frère est de retour.
- Comment elle est? lui demanda-t-il en se levant.
- Elle est encore dans les vapes mais elle est consciente. Tu l'as connais, elle s'est même excusée de nous embêter, lui répondit-il en levant les yeux au ciel.
- Ça ne m'étonne pas. Toujours à avoir peur de déranger, soupira mon ami.
- Elle m'a demandé si tu étais ici. Elle t'attend.
- J'y vais tout de suite, acquiesça-t-il.
Je le vois partir, la tête basse. Je sais à quel point il tient à elle et ça me brise de le voir comme ça. Je ferme les yeux en soupirant.
- Tu n'aimes pas les hôpitaux hein? remarqua Tonio qui venait de s'asseoir près de moi.
- Ça se voit tant que ça?
- Quand on sait observer oui. Explique-moi un peu comment quelqu'un qui n'aime pas les milieux hospitaliers se retrouve à y travailler comme agent de sécurité?
- Ça n'a pas toujours été le cas, lui répondis-je en haussant les épaules. Au début de ma carrière, je m'en moquais comme de l'an 40.
- Et maintenant? Qu'est-ce qui a changé?
- La vie est passée par là tout simplement. En tant que personne, je ne supporte plus de me trouver dans ces endroits où rien que l'odeur me soulève le cœur. Mais quand je suis en service, c'est un endroit comme un autre.
- Alors pourquoi t'être porté volontaire pour amener mon frère ici? D'après lui, vous êtes nombreux dans votre groupe. N'importe lequel aurait pu servir de chauffeur. J'ai un peu de mal à comprendre.
- Je pourrais te répondre que c'est parce que j'étais là, lui répondis-je.
- Mais ce serait la réponse facile.
- Exact! lui confirmais-je. Je n'ai pas réfléchi, je voulais être là pour lui. Et je recommencerais sans aucune hésitation.
- Tu ne le considères pas seulement comme un ami, m'affirma-t-il.
- Non, c'est vrai. Mais il n'y a rien de charnel entre nous. Je ressens plus un lien paternel. Il aurait pu être mon fils.
- Il a beaucoup de chance de t'avoir. Toi et les autres d'ailleurs.
- C'est nous qui sommes chanceux...
Une demi-heure après son départ, Olivier revient mais quelque chose ne va pas. Il a le visage fermé, les yeux rouges.
- Il est arrivé quelque chose à maman?
- Non. Tu n'as qu'à la rejoindre si tu veux.
Tonio et moi nous regardons dans les yeux. Nous pouvons y lire la même inquiétude.
- Oli? tenta une dernière fois son frère.
Mais mon ami ne réagit pas et fonce hors du service. Je ne me pose pas plus de questions et fonce le rejoindre. Ce n'est pas normal. Il ne réagit jamais comme ça. Je le retrouve à l'extérieur, près de l'entrée.
- Tu veux en parler? lui demandais-je.
Il se contente de secouer la tête de droite à gauche. Pour la première fois depuis longtemps, je suis décontenancé et perdu. Olivier a toujours été le soutien de tout le monde et le voir dans un état pareil... Qu'est-ce qu'il s'est passé dans cette chambre? Aucun mot n'est prononcé jusqu'à l'arrivée de Tonio. Il a l'air tout aussi septique que moi. Il n'a pas l'air d'avoir eu plus de réponses du côté de la maman. Le mystère reste complet. D'un commun accord, nous retournons à la maison dans un silence seulement rompu par la radio. Je m'inquiète de plus en plus. Olivier reste apathique, terré dans ses pensées.
Une fois arrivés sur place, mon ami décide d'aller prendre un peu l'air tandis que je rentre préparer le repas. Une demi-heure passe. Trois-quart d'heure. Une heure. Je décide d'appeler Audrey, peut-être aura-t-elle une idée pour le faire réagir.
- Allo?
- Salut la belle.
- Comment va Oli?
- Justement, c'est pour lui que je t'appelle.
Je lui explique la situation dans les grosses lignes.
- Étrange. Je me demande bien ce qu'il s'est passé, s'inquiéta-t-elle. Écoute, la seule manière de le faire réagir, c'est de lui parler.
- J'ai déjà essayé mais rien n'y fait.
- Je ne parlais pas de toi mais de Jack. Lui seul pourra en savoir plus.
- Mais la situation n'est pas la plus adéquate. Tu crois vraiment que Jack pourra le faire revenir à la raison? Tu ne pourrais pas le faire toi?
- Je pourrais effectivement lui téléphoner mais fais-moi confiance sur ce coup-là, me dit-elle. Essaie déjà de retrouver Olivier et tâche de le convaincre de rentrer à la maison. Après, contacte Jack.
- Très bien, soupirais-je. J'espère que ton plan fonctionnera.
Après avoir raccroché, je me mets en quête du fugueur. Après avoir errer dans un quartier que je ne connais pas du tout, je le trouve enfin. Il est dans le parc qui jouxte l'école, assis sur une des balançoires.
- Qu'est-ce que tu fais là? m'agressa-t-il. Je ne veux voir personne.
- Du calme mon grand. Ce n'est que moi, tu te rappelles? Geoffrey, ton collègue et ami, plaisantais-je.
- Petit comique! Je sais bien qui tu es. Pourquoi tu n'es pas à la maison?
- Parce que je m'inquiète pour toi, voilà tout, lui rétorquais-je en m'asseyant près de lui.
- Je vais bien, m'assura-t-il.
- Mais oui. Et je suis la reine d'Angleterre. Qu'est-ce qu'il ne va pas?
- Ce n'est pas ton problème.
- Je ne te reconnais pas. Tu n'es plus le même depuis que tu as quitté cette chambre.
Il se contente d'hausser les épaules. Bon, ce n'est pas gagné.
- Reviens au moins à la maison. Il commence à faire trop froid pour rester dehors. Ne te rends pas malade.
Il se lève enfin, nous donnant le signal du départ. Je le suis sans dire un mot de plus. De toute façon, ce serait user ma salive pour rien.
L'état d'Olivier ne s'améliore pas. Il est toujours muet comme une carpe et monte sur ses grands chevaux dès qu'on a le malheur de lui adresser la parole. En désespoir de cause, je profite qu'il parte dans sa chambre pour téléphoner à Jack. Il semble surpris que je l'appelle. Si Audrey pense que c'est la meilleure solution, je ne vois pas pourquoi je ne suivrais pas son instinct. Je lui explique donc la situation. Il hésite sur la marche à suivre. Il ne sait pas venir jusqu'ici mais me répond finalement qu'il va lui téléphoner. Il doute que ça change quoi que ce soit mais qui ne tente rien n'a rien. J'espère de tout cœur que ça va fonctionner.
Je m'assieds dans le canapé en face de la cheminée. Nous avons allumé un bon feu, histoire de nous réchauffer mais pour l'instant je suis le seul à en profiter. Comment nos vies ont pu tourner au drame en si peu de temps? D'abord celle d'Audrey et maintenant celle d'Olivier. Sans compter la mienne... Au moins, il y a un happy end pour ma chérie. Elle méritait d'être heureuse loin de son ex. Ça fait plaisir de la voir si épanouie. Pourvu que ça se passe aussi bien pour mon fiston. La perte de mémoire de Jack l'a démoli mais il reprend du poil de la bête. J'espère que ce qu'il vient de se passer ne va pas tout remettre en question. Le point positif de la situation est que tant que je pense à eux, je ne pense pas à moi. J'ai plutôt intérêt sinon je ne me lève plus de mon lit.
- Il s'est calmé? me surprend Tonio.
- Non. Tu n'a vraiment aucune idée de ce qui a pu le mettre dans cet état?
- Maman ne m'a rien dit. Mais elle avait l'air bouleversée aussi.
- Donc c'est en rapport avec elle. On s'en doutait un peu mais là ça se confirme.
- J'ai l'impression qu'ils me cachent quelque chose, marmonne-t-il. Ils me prennent toujours pour le petit gamin fragile que j'étais.
- Tu es et resteras toujours le petit frère d'Olivier. Mais si ça peut te rassurer, il agit avec toi comme avec n'importe lequel d'entre nous.
- Mouais. N'empêche, c'est lourd. J'ai 22 ans et avec eux j'ai l'impression d'en avoir 5, me dit-il en soufflant.
- Je sais que c'est dur mais, franchement, tu préfèrerais qu'ils restent indifférents?
- Non mais qu'ils me traitent en adulte responsable, ça pourrait changer, pouffa-t-il.
- Il ne tient qu'à toi de démontrer que tu l'es, le motivais-je.
- Ah oui? Et comment je fais ça moi? me questionna-t-il perplexe.
- Olivier m'a dit que tu as pris une année sabbatique. Termine tes études ou trouve du travail déjà. Ce serait un bon début.
- Justement je ne sais pas quoi faire, m'avoua-t-il. Je ne me sens pas à l'aise dans la matière que j'ai choisie.
- Va voir un conseiller d'orientation. Il pourra t'aider à trouver ta voie. Mais si j'étais toi, je réfléchirais d'abord sérieusement à ce que j'aime faire. Il n'y a rien qui te tente?
- L'ébénisterie. J'ai toujours rêvé de pouvoir fabriquer de superbes meubles à partir d'un bout de bois. Ça m'a toujours fasciné.
- Et bien voilà, renseigne-toi sur ce qu'il faut faire pour devenir ébéniste.
- Mais qu'est-ce qu'ils vont dire? Ce ne sont pas de grandes études.
- C'est ta vie. Le jour où tu comprendras que rien n'y personne ne peut décider pour toi, tu auras fait un pas de géant. Tu sais, ils ne veulent que ton bonheur et si ça passe par là, ils l'accepteront.
- Merci du conseil. Je vais aller dormir et j'y réfléchirai à tête reposée, me dit-il en se levant. Bonne nuit Geoffrey.
- Bonne nuit Tonio.
Peu de temps après le départ de ce dernier, j'entends du mouvement du côté de l'escalier. Olivier apparaît les yeux toujours aussi rouges mais il semble plus calme.
- Je vais me faire du chocolat chaud. Tu en veux? me demanda-t-il comme si rien ne s'était passé.
- Pourquoi pas.
Quelques minutes plus tard, il est de retour avec deux tasses fumantes. Il me tend la mienne et s'assied près de moi. Je ne vais pas mentir, boire quelque chose de chaud me fait beaucoup de bien. Une fois notre boisson terminée, nous les déposons sur la table. Il en profite pour poser sa tête sur mon épaule. Si ce geste me surprend, il ne m'étonne pas pour autant. Olivier a toujours été tactile. Nous restons un long moment dans cette position avant qu'il ne reprenne la parole.
- Je m'excuse Geof, murmura-t-il. Je n'avais pas être aussi odieux avec toi. Tu me pardonnes?
- Il n'y a rien à pardonner. Tu es humain. Certaines choses nous touchent plus que d'autres c'est tout... Et si tu m'expliquais?
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Je me suis dit que le point de vue de Geoffrey pouvait être bien. Le mystère autour de lui reste complet. On découvre quand même son ressenti par rapport à Olivier. Heureusement qu'il est là pour les deux frères qui semblent vraiment perdus.
Mais que s'est-il passé dans cette chambre? Nous ne le savons toujours pas. Avez-vous des idées?
J'aime vous laisser du suspens :-).
Un vote, un com, un partage... et je fais le reste :-). Bonne journée et bon début de semaine mes amis.
Bisouilles
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