Chapitre 6 - Petite parenthèse
Mon nez me chatouille. Je ne comprends pas pourquoi. J'ai beau le frotter, ça ne s'arrête pas. Un bruit résonne à côté de moi. Qu'est-ce que c'est? J'ouvre les yeux péniblement pour connaître la source de ce désagrément. Encore dans les brumes, il me faut du temps pour me rendre compte que quelqu'un est dans ma chambre et de savoir qui. Un petit rire confirme mes soupçons. J'attrape la fautive et la retourne sur le lit pour lui faire des chatouilles.
- Alors, on vient embêter son tonton?
- Oui, me répondit ma princesse en riant. Arrête steplait Oli.
- Et qu'est-ce que j'ai en échange?
- Euh... rien? Me dit-elle joueuse.
- Mauvaise réponse, lui répondis-je en recommençant de plus belle.
- D'accord, d'accord.
- Je n'entends rien, m'amusais-je.
- Je te ferai plein de bisous.
- Quoi? Répète un peu, je suis devenu sourd.
- Je te ferai plein de bisous, me crie-t-elle en riant.
J'arrête tout de suite et me remet sur le dos, à bout de souffle. Sylvie en profite et vient me faire une bise sur chaque joue.
- C'est tout? ruminais-je faussement indigné. Tu vas voir toi...
Elle se jeta sur moi et vint m'en faire sur le nez et le menton.
- T'en as eu assez? murmura-t-elle, hilare.
- Mmm, mouais on va dire ça. Que fais-tu là princesse?
- Maman veut que tu descendes.
- Et elle t'a envoyé me réveiller?
Elle acquiesça avec un grand sourire. Audrey est maline. Elle sait que je ne peux rien refuser à cette tornade brune.
- Tu peux aller la prévenir que j'arrive dans deux minutes, lui déclarais-je.
Sylvie ne perdit pas de temps et fila aussi vite que l'éclair. J'en profitai pour m'habiller avant de rejoindre les deux demoiselles à l'étage en-dessous. C'est en baillant que je fis mon entrée dans leur appartement.
- T'as l'air en forme, me taquina Audrey.
- J'ai été réveillé de force, lui rappelais-je. Je n'ai pas eu mon quota de sommeil.
- Oh pauvre chou.
- C'est ça, moque toi de moi, lui dis-je en lui tirant la langue.
- Très mature, rit-elle.
- Et si tu en venais à la raison de ma présence, plutôt que de te moquer de moi, grommelais-je.
- Je m'inquiète pour Geoffrey.
- Geoffrey? m'étonnais-je. Qu'est-ce qu'il a?
- Il est plus renfermé ces derniers temps. Tu n'as pas remarqué?
- Si. Mais je me suis tellement focalisé sur mes propres problèmes que je n'y ai pas prêter attention. Du moins pas autant que j'aurais dû.
- Je sais qu'il est toujours en train de courir de rendez-vous en rendez-vous. Mais j'ai l'impression qu'il nous ment. Comment t'expliquer? hésita-t-elle. As-tu déjà vu son regard et son expression quand il pense qu'on ne le voit pas?
- Je pensais me faire des idées. Mais si tu le vois aussi...
- On doit faire quelque chose.
- Je suis d'accord. Mais tu veux qu'on fasse quoi? On ne peut pas aller le trouver et lui dire de but en blanc qu'il ment!
- Je ne sais pas Oli, s'écria-t-elle. Et ça m'énerve. Je n'aime pas savoir qu'il souffre et ne pas pouvoir l'aider.
- Viens-là, lui dis-je en tendant mes bras. Calme-toi. On va trouver une solution, je te le promets.
Elle s'installe confortablement contre moi et reste ainsi pendant de longues minutes. Ça nous arrive de moins en moins ces derniers temps. Ça me manque. J'ai toujours été très tactile. J'ai besoin de sentir la chaleur d'une personne près de moi. Être dans les bras de quelqu'un, sentir sa présence. Et pour le moment, je suis plutôt au régime sec!
- Au fait, Lucas revient quand? la questionnais-je.
- Dans deux semaines. Sa mission a été prolongée, marmonna-t-elle.
Ces deux-là séparés, ce n'est pas rien. Audrey répète à qui veut l'entendre qu'elle a connu son mari militaire et qu'elle l'a choisi comme il était, déploiements inclus mais elle en souffre en silence. Ça me chagrine de la savoir comme ça mais à part la distraire, je ne peux rien y faire.
- Et si on faisait d'une pierre deux coups? m'exclamais-je.
- Que veux-tu dire?
- Sylvie est en congé non?
- Euh oui, hésita-t-elle. Mais je ne vois pas où tu veux en venir.
- C'est le jour de repos de Geoffrey aussi...
- Jusque là je te suis, me dit-elle de plus en plus confuse.
- Si on se faisait une sortie tous ensemble? Peu importe l'endroit. Ça fait une éternité qu'on n'est plus parti tous les quatre.
- On occuperait Sylvie et on resterait avec Geoffrey qui ne serait plus seul...
- Tout en essayant de lui soutirer des réponses, complétais-je.
- Tu es génial, s'écria-t-elle. Tu l'appelles pour arranger tout ça?
- Que vas-tu faire pendant ce temps?
- Te préparer un bon petit-déjeuner et aller vérifier que Sylvie ne fait pas de bêtises, me dit-elle en riant.
- J'adhère à 100 % à ton programme.
J'adore cette fille. Je ne comprends pas comment son ex a pu la traiter de cette façon. Heureusement Lucas n'a pas laissé passer sa chance sinon il aurait eu à faire à moi. Je prends mon portable qui trainait sur la table et remplis ma part du marché.
- Allo?
- Salut le vieux!
- Vieux vieux, grommela-t-il. Si c'est pour me traiter comme ça que tu m'appelles, je te préviens, je raccroche.
Il n'est pas à prendre avec des pincettes ce matin!
- Rassure-toi. Deux jolies filles m'envoient en éclaireur.
- Qu'est-ce que tu racontes encore?
- Ça te dit une journée avec Audrey et Sylvie?
- Elles deux rien que pour moi? Je suis gâté, rit-il. Mais j'imagine que tu seras de la partie?
- Attends. Rester ici alors que vous allez vous amusez? Tu perds la tête mon pauvre, le taquinais-je. Alors, ça te dit?
- Plutôt deux fois qu'une. On se retrouve où?
- On est chez Audrey. T'as qu'à venir ici. On verra ensemble pour le programme de la journée.
- Ça marche. Donne-moi une demi-heure.
- Ok à tout de suite.
Après avoir raccroché, je rejoignis ma femme préférée. Elle n'avait pas menti. Sur la table trônait tout ce que je préférais pour le petit-déjeuner.
- Rassure-moi. Vous mangez avec moi?
- Non, pour nous c'est déjà fait.
- Tu as cru que j'étais un ogre? Ou tu as simplement pensé que je ne me nourrissais pas? m'étonnais-je devant les quantités astronomiques.
- Je me suis doutée que Geoffrey n'aurait pas mangé.
- Tu as donc prévu en conséquence. Tu es une vraie mère pour nous tu sais ça? lui demandais-je en l'embrassant sur la joue. Du coup, je vais l'attendre. Il arrive d'ici une petite trentaine de minutes. Tu l'as déjà dit à Sylvie?
- Non, je comptais le faire maintenant.
- Je peux lui dire?
- Bien sûr, me répondit-elle avec un sourire attendri. Elle est dans sa chambre.
Je m'y rends silencieusement pour ne pas qu'elle m'entende. La porte est ouverte. Sylvie est en train de dessiner sur sa petite table. Elle est tellement concentrée qu'elle n'entend visiblement rien.
- Sylvie, murmurais-je tout en restant caché à côté de la porte. Sylvie.
J'entends ses petits pas arriver à ma hauteur. Je n'attends pas plus longtemps et bondis devant elle. Elle se met à crier avant de prendre conscience que c'est moi. Les cris se transforment vite en rire. Elle me saute dans les bras et me frappe gentiment sur le buste.
- T'es pas gentil. Tu m'as fait peur, me dit-elle en faisant une moue boudeuse.
- C'est parce que j'avais envie d'avoir un câlin.
- T'avais qu'à demander! rétorqua-t-elle tout en se blottissant un peu plus contre moi.
- Je peux me faire pardonner? lui demandais-je alors qu'elle acquiesce. J'ai une question pour toi. Est-ce que tu voudrais qu'on aille faire un tour quelque part avec ta maman et Geoffrey?
- Oh oui, ce serait trop génial! s'écria-t-elle. On va où?
- Je ne sais pas encore. On attend tonton Geoffrey et on décidera ensemble. Ça te va?
- D'accord. Je peux continuer mon dessin en attendant?
- Évidemment ma puce. On viendra te chercher.
Geoffrey est arrivé entre temps et discute avec Audrey.
- Hey, salut toi. T'as fait bonne route?
- Pour une fois, la circulation était normale. Donc on va dire que oui, répondit-il en haussant les épaules.
Ce petit geste, pourtant anodin, me semble lourd dans le cas qui nous préoccupe. Audrey croise mon regard et je vois la même inquiétude dans ses yeux. Une certaine lassitude semble s'être installée chez notre ami. Et ce n'est pas bon.
- Notre demoiselle ici présente nous a fait un petit-déjeuner digne d'un restaurant. Tu as déjà mangé? le questionnais-je.
- Non, j'ai juste pris le temps de m'habiller. C'est donc ça les bonnes odeurs qui titillent mes papilles?
- Exact. J'ai sorti Olivier du lit ce matin. Du coup, je lui ai fait son repas et...
- Et comme tu savais pertinemment que je n'aurais pas mangé non plus, tu en as fait pour moi aussi, compléta-t-il. Qu'est-ce qu'on ferait sans toi?
- Allez manger pendant que je vais chercher mon troisième enfant.
Une heure plus tard, nous étions tous fins prêts pour notre petite balade. Après mûre réflexion, nous avons décidé de faire un tour au parc. Le temps est encore clément en cette fin du mois de septembre. Ce serait bête de ne pas en profiter.
Audrey court derrière Sylvie qui n'arrête pas de rire. Cette insouciance fait plaisir à voir. J'ai l'impression d'être à des années lumières de mes problèmes. Geoffrey est à mes côtés, perdu dans ses pensées.
- Tu sais que je suis seul avec ma mère et mon frère? Depuis que je suis petit, je joue les pères de substitution pour Tonio. Si je ne l'avais pas fait, je ne sais pas ce qu'il serait devenu.
- Et tu as fait du bon boulot, me rassura-t-il.
- Merci. Par contre, personne n'a joué ce rôle pour moi. Maman a bien essayé mais elle était trop occupée à essayer de joindre les deux bouts. Depuis que je te connais, tu m'as pris sous ton aile. Tu m'as aidé...
- Où veux-tu en venir?
- Je ne te l'ai jamais dit mais tu es ce qui se rapproche le plus d'un père pour moi. Sans toi...
- Je ne sais pas quoi te dire, finit-il par me répondre après quelques secondes, visiblement très ému.
- Raconte-moi ce qui ne va pas, lui murmurais-je.
- ... Pourquoi crois-tu que quelque chose ne va pas?
- Tu es toujours joyeux, toujours à courir de fille en fille. Mais j'ai vu ton regard. Ton sourire ne va pas jusque là.
- Il ne se passe rien qui doive t'inquiéter. Je vais bien, je t'assure. Je suis juste fatigué ces derniers temps mais ça passera.
Je n'ai pas le temps d'insister. Les deux filles débarquent complètement essoufflées.
- Alors les gars, tout va bien?
- Impec! Vous vous amusez bien? leur demandais-je.
- Oui, j'ai semé maman, me répondit Sylvie en riant.
- C'est à ce moment-là qu'on se rend compte qu'on ne court plus comme une gamine de 6 ans, rétorqua-t-elle alors qu'elle était toujours pliée en deux.
- Et si on allait prendre un café? proposais-je en voyant l'heure défiler.
- Mais j'aime pas le café moi, me rappela ma princesse.
- Mon petit doigt m'a dit qu'ils ont aussi des chocolats chauds, lui murmurais-je à l'oreille. Ça te va ça?
Je ris en la voyant acquiescer de toutes ses forces.
- Et bien, allons-y dans ce cas.
Nous étions partis de cinq minutes que mon téléphone s'est mis à sonner.
- Allo?
- Olivier? C'est Tonio.
- Salut toi. Que me vaut cet appel?
- Je ne sais pas trop comment te le dire...
- Vas-y, tu m'inquiètes...
- C'est maman.
- Qu'est-ce qu'elle a? Elle a des problèmes?
- Elle a été hospitalisée. Elle a fait une crise cardiaque.
- Quoi? Mais elle allait bien la dernière fois que je l'ai eue au téléphone... lui rétorquais-je ahuri.
- Apparemment elle nous cache pas mal de choses.
- Qu'on fait les médecins? Dis-moi qu'elle va bien.
- Ils sont intervenus juste à temps. Elle est sortie d'affaire mais elle devra faire attention pendant quelques mois... Oli, j'ai besoin de toi, me murmura-t-il.
- Ne t'inquiètes pas. J'arrive. Je serai bientôt là, lui promis-je.
- Merci frangin.
Je raccroche, complètement hébété.
- Qu'est-ce qu'il se passe mon cœur? s'inquiéta Audrey. Tu es tout pâle.
- C'était mon frère, dis-je avant de déglutir. Maman a fait un infarctus. Je dois aller là-bas.
- Bien sûr. Qu'ont dit les médecins?
- Tout ce que je sais, c'est qu'ils sont intervenus à temps.
- On va passer prendre tes affaires et les miennes. Je vais t'y conduire, me dit Geoffrey.
- Mais et ton travail? lui demandais-je dans un éclair de lucidité.
- Ils se débrouilleront très bien sans moi pendant quelques jours. Allez, on rentre. Prête les filles?
Sans dire un mot, nous nous mettons en route. La petite, sentant que l'atmosphère avait changé, est venue me tenir la main.
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La vie d'Olivier se poursuit malgré l'amnésie de Jack. Cette petite parenthèse lui fait du bien. En tout cas, jusqu'à l'appel de Tonio...
Et Geoffrey, que lui arrive-t-il? A vos claviers pour me répondre à cette petite question.
Que pensez-vous du chapitre? Olivier qui doit aller au chevet de sa mère et Geoffrey qui le conduit!
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