Point de vue d'Olivier

Qui ose jouer au tambour avec ma tête? Non mais vraiment, faut pas abuser non plus. Et qui a éteint la lumière? Décidément, c'est pas mon jour. Mon corps me lance de partout, pas un centimètre n'est épargné. Attends une minute... comment ça partout? Même certains endroits qui ne devraient rien ressentir sont sensibles. Mais qu'est-ce que...

- Merde!

- Sympa le réveil, grommela quelqu'un près de moi.

Bon, résumons la situation: j'ai un mal de tête pas possible, mon corps est en miette, je suis allongé dans un lit sans savoir lequel, quelqu'un a visiblement dormi à mes côtés et ce n'est pas Jack. Mon esprit embrumé commence à s'éclaircir. J'ouvre les yeux pour vérifier l'identité de mon... enfin bref, vu que je ne sais pas comment l'appeler, je vais dire de mon voisin. La luminosité m'éblouit et me force à les refermer. Un effort Oli, concentre-toi! Utilises ta vue et observe... La fatigue se dissipe doucement, me permettant d'espionner l'homme à ma gauche. Des iris vertes me font face. Il a des cheveux noirs, une barbe bien taillée et la peau basanée. Un rictus naît sur ses lèvres.

- T'es pas du matin toi, murmura-t-il.

- Je ne veux pas paraître impoli mais...

- Tu ne te rappelles pas de moi. C'est ça?

- Comment le sais-tu? lui demandais-je, gêné.

- Vu l'état dans lequel tu étais hier, le contraire aurait été étonnant, rit-il.

- Quel état?... Oh, m'exclamais-je au fur et à mesure que les images de la veille me parvenaient. Pourquoi j'ai bu autant? Ça m'apprendra tiens!

- Comme tu dis, se moqua-t-il. Tu es un sacré danseur en tout cas.

- Te fiches pas de moi! Je suis déjà assez embarrassé comme ça, bégayais-je.

- Thomas...

- Quoi Thomas?

- C'est mon prénom, idiot. Et, au cas où tu te poserais la question, nous sommes chez moi. Vu ta tête ça ne t'arrive pas souvent.

- Ça se voit tant que ça? soufflais-je, piteusement. Pour être franc, c'est la première fois. Je n'ai pas l'habitude de faire la fête et de me retrouver dans le lit d'un inconnu.

- Je suis ravi que ce soit tombé sur moi, me répondit-il après quelques secondes. Je vais aller préparer le petit-déjeuner. Tu peux prendre une douche pendant ce temps. Enfin, si tu veux.

- Ce ne sera pas de refus mais ne prépare rien pour moi, je me suis déjà assez imposé.

- S'il y en a pour un, il y en a pour deux, rétorqua-t-il en haussant les épaules. Puis, tu ne t'imposes pas, c'est moi qui propose.

- Très bien, merci.

Il m'explique où se trouve la salle de bain et s'en va, me laissant seul dans la pièce et nu comme un ver. Le doute sur ce qu'il s'est passé n'est plus permis: nous avons fait des choses pas très catholiques cette nuit. Comment la soirée a-t-elle pu tourner comme ça? Je récupère mes vêtements tout en essayant de me rappeler de la veille.

Tonio avait décidé d'organiser une sortie. Il a invité les gars du groupe excepté Jack, ses copains et Marc, qui est lui-même venu avec ses amis. Mais plutôt que de rester tranquillement dans un café comme prévu, nous nous sommes retrouvés dans une boite de nuit. Je ne parvenais pas à me détendre assez au goût de mon frère qui a gentiment pris les choses en main en m'offrant un cocktail, alcoolisé évidemment sinon ça n'aurait pas été drôle. N'ayant pas l'habitude de boire, ma tête a vite commencé à tourner mais ils ont continué à m'en offrir et, imbécile comme je suis, j'ai continué à les consommer. Après, ça reste assez obscur ou pour être sincère, c'est le trou noir.

Honteux de ne pas savoir ce que j'ai pu fabriquer, je file sous la douche pour profiter des bienfaits de l'eau chaude. Une fois habillé et les idées un peu plus claires, je rejoins Thomas.

- Tu te sens mieux? me questionna-t-il.

- On va dire ça, grommelais-je. Dis, tu pourrais peut-être m'éclairer sur un ou deux points?

- Je peux essayer. Jusqu'où tu te rappelles?

- Je me souviens avoir accepté cocktail sur cocktail mais après, c'est comment dire, le néant.

- Je vois. D'abord, tu sais qui je suis ou ça t'échappe?

- Heu... vaguement. Tu étais avec nous quand nous sommes arrivés à la boite.

- J'ai pris un verre avec vous au café. Je suis un ami de Marc.

- Ça me revient maintenant. Vous étiez avec Laurent et Jérémy. C'est ça?

- Exact, me sourit-il. Maintenant que c'est plus clair, tu préfères la version minimisée ou la vraie pour le reste de la soirée? me taquina-t-il.

- La vraie, au point où j'en suis.

- Tu es allé te déhancher sur la piste avec nous. C'était plutôt chaud. Tu as même commencé un début de strip-tease mais nous t'avons empêché d'aller trop loin.

- Oh mon Dieu! murmurais-je en me cachant le visage dans les mains. Et hum, pour nous deux...

- Nous avons dansé collé-serré toute la soirée et une chose en amenant une autre, me dit-il en haussant les épaules.

- Ok. Si Tonio organise de nouveau une telle soirée, rappelle-moi de ne plus boire, le suppliais-je en gémissant.

Il éclate de rire tout en me servant du café. Cette petite parenthèse a le don de me détendre et je me joins à lui.

- Qu'est-ce que c'est gênant! Je n'ai jamais eu ce genre d'expérience. Je n'ai aucune idée de comment me comporter, lui expliquais-je voulant me montrer honnête.

- Rassure-toi, tu t'en sors très bien.

La conversation se prolonge agréablement tandis que nous dégustons les pancakes qu'il a préparé mais je me rends compte d'un truc:

- On s'est protégé, hein? m'inquiétais-je.

- Oui. En plus, je suis comme toi. Je ne suis pas un habitué des coups d'un soir et je suis clean.

- Tu me soulages, soupirais-je.

- Je peux te poser une question? s'enquit-il.

- Bien sûr.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé avec ce Jack? Je ne le connais pas mais tu as parlé de lui dans ton sommeil.

- J'ai parlé en dormant? répétais-je de plus en plus embêté. Désolé de t'avoir réveillé.

- Je ne dormais plus, rougit-il. Je te regardais.

- Oh... Et bien, c'est compliqué.

- Ça l'est toujours, concéda-t-il.

Je passe la demi-heure suivante à lui expliquer la situation. C'est étrange mais en parler à quelqu'un d'extérieur me fait du bien.

- Je vois le tableau. Je peux être franc avec toi?

- Vas-y.

- C'est un con. Il aurait dû faire plus attention à toi, asséna-t-il. Marc m'a un peu parlé de toi quand il nous a proposé de venir hier soir. Comment il t'a connu etc. Je trouve que tu as été assez patient avec lui.

- Il a des circonstances atténuantes avec l'accident.

- Peut-être, mais il a l'air d'oublier que tu n'es en rien responsable de la situation et que tu souffres autant que lui voir plus. Se rend-il compte de ce que tu as enduré jusqu'à maintenant?

- Je n'en sais rien.

- Tu mérites d'être heureux, avec ou sans lui. Je ne sais pas s'il va se passer autre chose entre nous, seul le temps le dira mais j'aimerais être ton ami au même titre que Marc.

- Nous avons couché ensemble. Ce ne sera pas trop gênant?

- Nous pouvons faire comme si de rien n'était. De toute façon, tu ne te rappelles de rien donc c'est comme s'il ne s'était rien passé non?

- Je m'en veux tu sais. Je sais ce que c'est d'être oublié.

- T'en fais pas. Surtout qu'ici, nous étions des inconnus l'un pour l'autre il y a encore quelques heures.

- Merci Thomas, lui dis-je en me rapprochant de lui.

Sans nous être concertés, nous nous retrouvons dans les bras l'un de l'autre. Je dépose ma tête dans son cou et respire son odeur. Elle est douce et masculine. La sonnerie de mon portable nous surprend et met fin à ce câlin, peut-être un peu trop envoûtant.

- Je dois répondre, lui expliquais-je après avoir vu le nom de l'appelant. Salut ma belle.

- Où es-tu? Je me fais un sang d'encre, me lance Audrey.

- Je suis chez Thomas. Je vais partir d'ici quelques minutes.

- Tu m'as fait peur! Enfin, c'est plutôt Lucas. Il m'a raconté ta soirée et qu'à un moment il t'a perdu de vue. Comme on était sans nouvelle...

- Je comprends, c'est gentil de t'inquiéter. J'ai émergé il n'y a pas si longtemps que ça.

- Qui est Thomas? Je l'ai déjà rencontré?

Son envie de tout savoir me fait rire. D'un côté, je sais que c'est parce qu'elle tient à moi donc ça ne me perturbe pas.

- C'est un ami de Marc. Je t'expliquerai d'accord? Je dois te laisser. À tout à l'heure ma puce, lui précisais-je avant de raccrocher.

- Excuse ma curiosité mais tu n'es pas censé être seul depuis que Jack a mis un terme à votre histoire? me demanda-t-il les sourcils froncés.

- C'est le cas. C'était ma meilleure amie, lui expliquais-je devant son incompréhension.

- Je comprends mieux, me dit-il contrit. Je suis désolé.

- Ne t'excuse pas. Tu n'es pas le premier à croire que nous sommes ensemble. Nous sommes assez fusionnels ce qui peut porter à confusion.

- Il ne s'est jamais rien passé avec elle?

- Non, je suis bel et bien gay. En plus, je tiens à la vie. Si tu veux tout savoir, son mari est dans l'armée et est très jaloux! Il était là hier soir d'ailleurs. Un des deux Lucas.

- Ok. Cela dit, tu fais ce que tu veux, rit-il.

- T'es trop mignon, lui répondis-je en l'embrassant sur la joue. Bon, il faut que je parte. J'ai un petit compte à régler avec mon frère.

- Soit gentil avec lui, il ne pensait pas à mal.

- Il est tout ce qu'il me reste, je ne compte pas me fâcher avec lui pour si peu.

- On pourra se revoir? me demanda mon amant.

- Avec plaisir. Tiens, c'est ma carte avec mon numéro de portable et mon email.

Il la prend et la dépose sur la table avant de me reprendre dans ses bras. Je ne suis plus habitué à avoir autant de câlins. C'est pourtant loin de me déplaire. Cette chaleur m'avait manqué et j'ai bien du mal à m'éloigner de lui. Est-ce à cause de cette sensation ou de lui? Je suis trop dans le cake pour le savoir, seul le temps me le dira.

- Je vais y aller.

- T'es sûr? me demanda-t-il sa tête contre la mienne.

- Oui. Sinon, je ne suis pas certain de pouvoir décoller. Écoute, je ne suis pas encore prêt à aller plus loin. Ma rupture est trop récente et ma tête est tellement dans le coton que je ne sais pas réfléchir.

- Je comprends, t'inquiète.

- Merci. À bientôt.

Je sors de son immeuble et me repère directement. Il habite pas loin du café dans lequel on s'est rendu avec les autres et donc à une demi-heure à pied de chez moi. Une petite balade me fera le plus grand bien. J'adore le temps qu'il fait: frais et sec avec un rayon de soleil. Je respire à pleins poumons quand je reçois un message:

«Il va falloir que je dise merci à Marc. Merci pour cette nuit beau gosse. À bientôt j'espère.Thomas»

Un sourire naît sur mes lèvres au fur et à mesure que je lis le texto. Dois-je lui répondre? Ça ne peut pas faire de mal.

«Remercie-le de ma part. À la prochaine ;-)»

J'ai sérieusement déconné et je jure devant Dieu que je ne boirai plus autant. Mais quelque chose de positif ressort de tout ça: Thomas. Même si Jack prends toujours une place énorme et que ce sera sans doute longtemps le cas, il y a peut-être de l'espoir pour mon petit cœur meurtri.

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Pour faire plaisir à mon bourreau, je vous ai déjà écrit la suite (hein Franfran01 ). ;-)

Notre petit Olivier se dévergonde mais n'en garde aucun souvenir. Apparemment l'alcool n'est pas bon pour lui hihi. Un événement assez imprévu mais qui offre au moins un peu de bonheur à notre ami.

Comment va se passer la suite? Et comment Jack va-t-il le prendre?
Olivier doit-il laisser Thomas s'incruster dans sa vie et faire un petit bout de chemin avec lui?

Bisouilles à tous les p'tits loups et bon dimanche.