Chapitre 22 - Mon secret
Point de vue de Geoffrey
Que le silence est pesant! Je devrais pourtant avoir l'habitude d'être seul mais aujourd'hui, je n'y arrive pas. Les autres commencent à se poser des questions. Je vois bien leurs regards quand ils pensent que je ne fais pas attention. Ils ont déjà assez de problèmes, je ne vais pas leur ajouter les miens. J'ai toujours tout gérer seul. Pourquoi ça changerait?
Ils me prennent un peu pour la papa de la bande et je suis certain qu'ils seraient tous aux petits soins avec moi s'ils savaient. Seulement, je ne veux pas lire la pitié dans leurs yeux. C'est déjà assez dur sans.
J'adore quand nous sommes ensemble. Le groupe est de plus en plus soudé. Nous sommes une véritable famille sans les liens du sang. Nous avons tous des blessures, cachées ou non. C'est peut-être ça qui nous rapproche... ça me fait penser aux «Quatre mousquetaires». Un pour tous et tous pour un.
J'allume la radio en espérant alléger l'atmosphère mais ça ne change rien du tout. Garder ce secret pour moi devient trop lourd. Mon indécision me pèse aussi. Un moment je veux en parler à quelqu'un et l'instant d'après c'est l'inverse.
- Bon, Geoffrey, il faut que tu te secoues! Appelle Olivier et dis-lui tout.
Je ne sais pas qui j'essaie de convaincre, surtout que je suis seul ici à me parler comme un imbécile. Mon téléphone me fait de l'œil.
- Allez, je me sentirai mieux après. Il ne va pas me juger!
Je compose son numéro mais hésite au dernier moment.
- Mais qu'est-ce que tu fais? Il a déjà assez de soucis!
Grr, quand je dis que je suis indécis. Ça va me rendre chèvre. D'un autre côté, je ne suis pas obligé de lui parler. Je peux simplement lui demander de venir me tenir compagnie. Cette fois-ci, je l'appelle vraiment. Il décroche à la troisième sonnerie.
- Salut Geoffrey, me dit-il, heureux de m'entendre.
- Salut Oli. Comment vas-tu?
- Je vais aussi bien que lorsque tu m'as quitté ce matin, rit-il. Qu'est-ce que je peux faire pour toi?
- Ça te dirait qu'on se voit après ton boulot? lui proposais-je, peu sûr de moi.
- Je termine à 17h. Ça irait pour toi?
- Ce serait parfait.
- Il se passe quelque chose?
- Non, rien de spécial. J'aimerais simplement qu'on discute un peu. On n'a plus jamais le temps et puis tu dois me tenir au courant pour Sylvie et Jack.
C'est une excuse comme une autre. Cela dit, ça m'intéresse réellement donc ce n'est pas vraiment un mensonge.
- Tu as raison. Tu veux que je vienne chez toi ou on va à notre café habituel?
Bonne question. Ici, il n'y a pas d'oreilles indiscrètes mais d'un autre côté, aller ailleurs me permettrait de me changer les idées. Ça me faciliterait peut-être la tâche de ne pas être dans mes murs...
- On peut aller au café. En plus, ce n'est pas loin de l'hôpital.
- Super. Écoute, je dois te laisser pour faire ma ronde. Rendez-vous là-bas vers 17h30?
- Ok à tout à l'heure, lui confirmais-je avant de raccrocher.
Ça, c'est fait. Pourvu que je ne change pas d'avis d'ici là. Les deux prochaines heures vont me paraître bien longues. Autant sortir tout de suite, j'ai besoin de prendre l'air et de remettre mes idées en place. Je me dirige vers le parc. J'adore y aller. J'ai l'habitude de me promener et de m'asseoir sur un banc. Je regarde les enfants jouer ou les mamans promener leurs bébés. Venir me permet de décompresser et d'essayer d'oublier. Un couple passe devant moi en riant. Ils se tiennent par la main et respirent le bonheur. Ma poitrine se serre devant ce spectacle. Je n'avais pas prévu de finir ma vie seul. Au contraire, j'ai toujours rêver d'avoir une grande famille, avec des marmots qui auraient couru partout. Malheureusement ce ne sera plus possible. En tout cas, avec mes enfants. Mes amis en ont et ils me considèrent tous comme leur tonton. Ce n'est pas la même chose mais tant pis. Je ferai avec, pensais-je en soupirant.
Le temps défile aussi lentement que d'habitude. Seul le stress me rend nerveux. Que va-t-il penser? C'est mon fils et j'ai peur de sa réaction. Il a déjà tellement à gérer avec Jack. Je ne veux pas qu'il m'en veuille de ne pas lui avoir dit plus tôt.
L'heure d'y aller est venue. Je prends mon courage à deux mains et me rends à notre lieu de rendez-vous. Arrivé sur place, je commande un café et vais m'installer dans un coin près de la fenêtre. Il passe devant et me fait signe quand il me voit.
- Salut, me dit-il tout joyeux.
- Salut. Alors ta journée? Rien de croustillant? m'enquis-je.
- Non, à part qu'on a dû chercher après une patiente qui avait décidé de prendre la poudre d'escampette, rit-il.
- Vous l'avez retrouvée?
- Oui, elle avait décidé de sortir dire bonjour à son fils.
- Oh! Et son fils n'était pas d'accord?
- Il est décédé depuis 10 ans, précisa-t-il.
- Effectivement, c'est un peu compliqué. La pauvre, ajoutais-je entre deux éclats de rire. Ça n'a rien de drôle mais tu avoueras que c'est assez cocasse.
- C'est sûr.
La serveuse arrive et prend la commande de mon ami. Je ne suis pas étonné qu'il prenne un thé citron, je l'aurais même parié. Quand il reçoit sa consommation, il prend un peu de temps pour mettre le sachet dans l'eau chaude avant d'aborder la raison de sa présence ici.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive réellement Geof?
- Comment sais-tu que Sylvie et Jack étaient une excuse?
- Je te connais et je sens que quelque chose te tracasse. En plus, tu pouvais me poser la question au téléphone.
- Je ne peux rien te cacher.
- On a tous remarqué que ça n'allait pas. On attendait simplement que tu sois prêt à nous en parler.
Je ferme les yeux pour trouver la force de lui expliquer. Il sera le premier à être au courant. À partir de là, ma vie va changer. C'est une certitude. Suis-je prêt à passer cette étape? J'aurais du mal à continuer tout seul de toute façon. Je n'en ai plus la force. Prenant mon courage à deux mains, je me lance.
- Cela faisait quelques temps que je n'allais pas bien. J'étais fatigué. J'avais constamment mal à mon thorax et c'était plus fort quand je toussais.
Olivier se tend face à mes révélations mais je dois continuer.
- Je suis allé chez le médecin qui m'a fait passer des examens. Après m'être fait reluquer sous toutes les coutures, le couperet est tombé: j'avais un cancer du poumon.
- C'était quand? me demanda-t-il en regardant son verre.
- Il y a quelques mois, soupirais-je.
- Pourquoi n'avoir rien dit?
- Parce que j'ai toujours fait face seul et vous aviez vos problèmes. Je ne voulais pas en rajouter.
- Continue, m'ordonna-t-il.
- La tumeur n'était pas encore trop grosse. Il m'a prescrit quelques séances de chimiothérapie qui m'ont épuisé. J'ai du mal à m'en remettre. J'ai perdu toute mon énergie mais je suis en rémission. Je ne suis pas tiré d'affaires, je dois encore être suivi mais pour l'instant c'est en bonne voie.
- Qu'est-ce qui t'a fait changé d'avis? Sur le fait d'en parler? s'enquit-il visiblement soulagé mais en fixant toujours son verre.
- Je n'en peux plus. J'ai revu le spécialiste quelques jours avant les fêtes de fin d'année. Le médicament qu'ils ont utilisé pour la chimiothérapie m'a rendu stérile.
Je le fixe, les yeux noyés par les larmes. J'ai du mal à déglutir. Le dire tout haut rend la chose encore plus réelle et Bon Dieu que ça fait mal.
- Je ne pourrai plus avoir d'enfants Olivier et ça me ronge. Je pensais que ça ne me ferait rien mais je me mentais, rajoutais-je en laissant mes larmes couler.
Il se lève et vient me prendre dans ses bras, faisant fi de tous les gens qui nous entourent. Je sens des gouttes tomber sur mon visage. Il pleure aussi.
- Viens, allons marcher un peu, me proposa-t-il en me tendant la main.
Nous payons nos consommations et sortons prendre l'air. Nous retournons au parc que je viens de quitter mais nous ne nous asseyons pas. Nous marchons le long du petit lac. Personne ne parle. Olivier doit sûrement digérer tout ce que je viens de lui apprendre. Quant à moi, je suis trop ému pour prononcer le moindre mot. L'air frais de ce mois de janvier me fait du bien. Il est froid mais me permet de reprendre peu à peu mes esprits.
- Tu ne dis rien.
- J'avoue que ça fait beaucoup à encaisser d'un coup Geof. Tu ne me fais pas confiance? me demanda-t-il, blessé.
- Si! Bien sûr que si.
- Laisse-moi en douter. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi tu n'as pas voulu que nous t'aidions. J'ai bien compris que tu ne voulais pas nous embêter avec ça. Mais peu importe ce que j'ai vécu, tu dois être sincère avec moi. Tu as toujours été là pour moi mais si c'est à sens unique, ça ne nous mène à rien. J'ai perdu ma mère, je ne veux pas te perdre aussi, me dit-il d'une voix étranglée.
- Tout le monde part un jour, Oli, c'est dans l'ordre des choses.
- Je sais mais j'ai l'impression que tu es si loin. C'est un peu comme si tu m'abandonnais aussi.
- Jamais je ne ferai ça. Mais je peux comprendre pourquoi tu le ressens ainsi. Je suis désolé. Je n'ai pas voulu te blesser.
Il s'arrête sur un banc et pose ses bras sur ses jambes. Il place son visage dans ses mains et souffle un coup avant de se redresser.
- C'est moi qui suis désolé Geoffrey. Tu viens de m'annoncer que tu es en rémission et je bloque sur le fait que tu n'as pas voulu m'en parler.
- Ne t'excuse pas mon grand. J'aurais dû te le dire mais j'avais la frousse. Vous prévenir aurait rendu les choses réelles... comme maintenant.
- Comment ça se fait que je ne t'ai jamais vu dans le bâtiment? J'aurais dû te voir ou au moins entendre des bruits de couloir.
- Je suis soigné dans un hôpital de la ville voisine. Je ne voulais pas mêler mon travail et ma vie privée.
- Tu as pensé à tout à ce que je constate, me dit-il, amer.
- À tout... sauf au fait que je n'y arriverais pas tout seul. Je suis à bout. Quand j'ai vu ces enfants lors du réveillon, toute leur tristesse... et pourtant ils restent forts. Ils s'amusaient alors qu'une des personnes les plus importantes pour eux était loin ou partie pour toujours. J'ai compris pourquoi en observant la communauté. Ils y arrivent parce qu'ils sont entourés et soutenus. Pas parce qu'ils sont capable de faire face tout seul. Je vous considère comme mes enfants Tonio et toi. Tu le sais. Je n'aurai jamais l'occasion d'avoir un fils ou une fille de mon propre sang. Je ne veux pas vous perdre aussi.
- Tu ne nous perdras pas, je te le jure. Tout comme tu ne perdras personne de ta famille, me dit-il en me regardant dans les yeux.
Nous savons pertinemment de qui il parle. Le groupe. Mes enfants.
- Mais laisse-nous t'aider, me supplia-t-il. Ne reste pas seul.
- Très bien, concédais-je. À une condition.
- Tout ce que tu voudras.
- Laisse-moi leur dire quand je serai prêt. Je dois prendre mes responsabilités et les affronter.
- Comme tu voudras, soupira-t-il, mais ne tarde pas. Je ne pourrai pas garder le secret très longtemps.
- Merci.
Nous restons silencieux sur ce banc, dans notre bulle. Il me surprend en mettant sa tête sur mon épaule. J'apprécie ce contact. J'avais peur de le perdre alors que c'est le contraire. Pourvu que les autres réagissent de la même manière.
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Le mois de janvier est un mois de révélations chez nos amis. Bravo à celles qui pensaient que Geoffrey était malade. C'était bien vu.
Le pauvre qui ne peut plus avoir d'enfant... heureusement il a de grands enfants d'adoption. Mais comment vont-ils réagir en apprenant la nouvelle. En tout cas, Olivier est bouleversé.
L'aventure avance et touche bientôt à sa fin... Non, je rigole. Il reste encore pas mal d'aventures pour nos amis. Des idées de la suite? Des envies particulières quant au devenir des personnages?
Si vous êtes gentils, vous aurez peut-être un chapitre pour le nouvel an. Qui veut?? :-).
Bisouilles les p'tits loups.
PS: je n'imagine pas Geoffrey comme ça mais l'image correspond bien à un homme plus mûr ;-).
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