1ère semaine : Des ragots.
Couverture faite avec l'aide de Drya de @Capes_Girls
Première semaine : Des ragots.
Nouvelle écrite du 2 décembre à 16h14 jusqu'au 8 décembre à 12h26 approx.
Thèmes : 70s years AU,, enemies to lovers
Personnages : Oleander Veneficus, Ophelyam Anfinaé, Grebac Forçamen (tous originaires de mon univers principal d'écriture, avec des amis : Flores Noctis)
TW : sang, blessure, kidnapping, angoisse, maladie, langage vulgaire, sad end.
7517 mots ;; 45171 caractères ;; 37297 caractères sans les espaces
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La vie, des fois, c'était vraiment pas drôle. Notamment quand on apprenait que l'entreprise du padre faisait faillite, et que du coup il fallait trouver des petits boulots pour soutenir la misère de la famille. Mais surtout, des petits boulots qui payaient bien ! On pouvait pas redresser une famille miséreuse et endettée avec des boulots miteux, même une famille baronnale qui était censée en avoir plein les poches, du fric.
Ces pensées, c'était les pensées qui traversaient l'esprit du fils aîné de la famille Veneficus, une famille baronnale, alors qu'il marchait dans une rue peu propre de Londinium, à la recherche d'un travail qui pourrait sauver sa famille de la chute. Il donnait des coups de pied dans les cailloux posés sur les trottoirs, et soupirait en réfléchissant au sombre avenir qui s'offrait à lui. Un caillou particulièrement gros poussé par son pied alla s'écraser contre un pot de fleurs environnant, venant d'une humble boutique de fleurs et de plantes, et y créa une fissure, qui s'étendit assez vite sur tout le contenant en céramique sous les yeux verts étonnés du presque-baron, et le pot explosa, répandant des bouts un peu partout.
Ce garçon jeta des coups d'œil tout autour de lui, cherchant à savoir si quelqu'un l'avait vu, et pensant que personne n'avait observé ce moment, il repartit d'un pas guilleret. Une main posée sur son épaule l'arrêta, et il tourna la tête vers celle qui lui tenait le bras. C'était une vieille dame au visage ridé et aux cheveux mi-courts bleus foncés. Le fils de baron fixa d'un air un peu choqué cette chevelure atypique. Certes, il savait que les couleur de cheveux de toute personne pouvait varier, être violet, bleu, rose, vert, ou autre, mais c'était l'une des premières fois qu'il voyait quelqu'un avec ce type de cheveux -même si son meilleur ami avait une chevelure violette.
- Eh, toi, l'interpella la vieille dame d'une voix plus rauque que ce que le jeune homme aurait imaginé. J'ai vu ce que t'as fait.
- Ce que j'ai fait ? Vous avez dû rêver, ma pauvre dame ! s'exclama-t-il en prenant la main fripée de la vieille entre ses deux mains avec une légère pointe de dégoût. Remarquez, à votre grand âge, c'est normal. Je vous pardonne pour m'avoir dérangé, bonne journée !
Il s'apprêtait à s'en aller, mais la dame lui reprit l'épaule, le serrant bien fort.
- Hé là, tu croyais pouvoir t'enfuir ? Tu vas me dédommager pour ce pot que tu as cassé.
Le garçon grimaça, et se tourna une nouvelle fois vers elle, et soupira.
- Malheureusement, ma pauvre dame, je n'ai pas un sou en poche, vous m'excuserez donc, je vous rembourserais dès que j'aurais un peu de fric, je vous le promets.
Dans son dos, il croisait les doigts.
- Peuh. T'es à la recherche d'un boulot ? le questionna la dame en lui tournant autour, comme pour évaluer ses vêtements un peu miteux.
- Êtes-vous devineresse, ma dame ? s'étonna-t-il.
- Nan, juste observatrice, rétorqua-t-elle en passant un doigt dans un trou du veston du fils de baron, le faisant se cambrer. Tu veux un boulot ?
- Bah oui, c'est en quelque sorte ce que je viens de dire..., soupira-t-il en passant une main dans son épaisse et rebelle chevelure rousse.
La femme sembla hésiter un peu.
- Tu veux bosser chez moi ? J'ai besoin d'aide à la boutique, et je fais de bonnes ventes, donc je pourrais bien te payer.
Le visage du garçon s'illumina, et il sourit, incrédule.
- Sérieux ?
- Sérieux, répéta-t-elle, les mains dans le dos, hochant la tête.
Elle ouvrit la porte de la boutique de fleurs.
- Comment t'appelles-tu, mon garçon, dis-moi ?
- Oleander. Oleander Veneficus, répondit-il en la suivant dans la boutique.
Peut-être que finalement, il pourrait sauver sa famille.
-', TRANSITION
Travailler, c'était assez compliqué, surtout quand on avait presque toujours vécu dans les soieries et les bijoux, entourée de domestiques qui répondaient aux moindres de nos désirs, même si une fois notre dos tourné -et encore- ils n'hésitaient pas à nous calomnier sans le moindre remord.
Cette situation, c'était celle de la seconde princesse du royaume d'Anglisterre, la fille illégitime du roi de cette terre éloignée de tout, entourée d'eau. Cette fille illégitime, elle avait été conçue avec une maîtresse qui avait charmé le roi grâce à ses yeux bleus, peu importait ses cheveux roux et ses taches de rousseurs. Leur fille avait hérité de tout, sauf du regard glacier qui avait tant attiré le roi au premier abord. Il continuait à aimer sa maîtresse, mais n'affectionnait pas particulièrement l'enfant qu'ils avaient fait ensemble, préférant offrir tout son temps à la femme de sa vie, soi-disant.
La seconde princesse avait donc été jetée dans la vie commune par son cher géniteur, car ce dernier avait dit qu'elle "se comportait comme une princesse pourrie-gâtée", qu'il "ne l'avait pas élevée comme ça" (il ne l'avait pas élevée tout court, donc il n'avait rien à dire, en soi) et qu'il fallait qu'elle "mûrisse un peu". Donc il l'avait en quelque sorte déchue pour un temps indéfini. "Jusqu'à ce qu'elle soit assez mature pour se débrouiller seule" avait-il dit.
Donc pour survivre un peu, elle avait dû chercher des petits boulots comme une pouilleuse, et les gens ne la respectaient pas. Elle avait vraiment du mal à supporter de vivre dans la crasse, la maison dans laquelle elle habitait était affreusement sale, et la propriétaire n'hésitait pas à rentrer dans sa chambre pour faire tout et n'importe quoi ! Cela l'agaçait vraiment, mais son père lui avait imposé cette épreuve justement pour voir si elle serait capable de la surmonter, mais elle ne connaissait pas la finalité de ce test. Peut-être prévoyait-il de la nommer héritière du trône si elle réussissait ! Mais elle en doutait. Après tout, elle était juste une fille illégitime dont il se fichait totalement.
En attendant quelque récompense que ce soit, cette princesse aux rêves pleins la tête travaillait pour n'importe qui qui l'acceptait, notamment un petit noble qui prévoyait de faire sa demande en mariage bientôt, et qui l'envoya chercher un bouquet de fleurs dans une petite boutique tenue par une vieille marquise veuve depuis longtemps, et sans enfants et héritiers.
Ce jour-là, donc, elle était allée chercher le fameux bouquet de fleurs décoré avec les goûts de la future épouse de son employeur du moment. Elle pénétra d'un pas nonchalant dans la boutique, faisant vibrer la sonnette qui balança son doux murmure aussi clair que l'eau d'une rivière non polluée par l'humanité dans la pièce paisible. Elle sentait dans l'air ambiant une humidité qui la gênait quelque peu, mais elle faisait son possible pour ne pas s'en préoccuper. Ce devait être les plantes de la boutique qui provoquaient cette humidité ambiante. La rouquine toussa un peu. En ce moment, elle était assez mal en point côté santé : son organisme avait toujours été habitué à vivre dans le propre et le luxe, aussi depuis qu'elle avait déménagé, elle se sentait malade en permanence, car il y avait une saleté qui semblait subsister dans sa chambre quoi qu'elle faisait ! Maintenant, elle s'en voulait d'avoir si mal traité ses servantes à l'époque où elle habitait au château, en prenant conscience de tout le travail qu'elles avaient à faire.
- Bien le bonjour, ma petite demoiselle.
L'intéressée releva un regard surpris vers la voix masculine qui lui avait dit ces mots, et elle fronça les sourcils en découvrant un homme de l'autre côté du comptoir. Il avait une chevelure rousse mi-longue attachée en une queue de cheval qui glissait sur son épaule, et il avait une petite tresse placée derrière l'oreille. Un monocle argenté entourait son œil gauche, lui donnant un air chic et noble, même si la jeune princesse n'était pas sûre qu'il le soit vraiment.
- Vous devez être étonnée de me voir ici. Et c'est tout à fait normal ! Je suis nouveau. Je m'appelle Oleander Veneficus, fils et héritier du baron Veneficus.
Elle haussa un sourcil, mimant l'intérêt. Cela lui disait vaguement quelque chose. Mais puisqu'il était fils de baron, elle avait dû ne jamais l'avoir croisé ou lui avoir ne serait-ce qu'adressé la parole, étant donné qu'il faisait partie des sphères basses de la noblesse, alors qu'elle était l'une des plus hautes, sous le roi et les autres princes et princesses.
- Je suis venue récupérer la commande de M. Acace. Un bouquet de fleurs bleues, violettes et blanches, dans des tons clairs.
- M. Acace ? Je le connais bien. On a un ami commun, M. Holis, si vous le connaissez ? Je suppose qu'il va enfin faire sa demande ! Magnifique, depuis le temps qu'on attendait ! Je suppose que la bienheureuse est évidemment Mlle. Jororis–Quina. Cela fait bien longtemps que je ne l'ai pas croisée, d'ailleurs, je devrais aller la saluer et la féliciter pour ses fiançailles, un de ses jours.
La princesse déchue temporairement le fixa silencieusement de son regard vert dur, et il parut un peu gêné, et se renfrogna.
- D'accord, les fleurs, fit-il, reportant son attention sur ce qu'elle avait demandé. M. Acace, vous disiez, hum...
Il alla dans la pièce de derrière et revint avec un bouquet aux couleurs correspondant parfaitement à la douce bien-aimée du dénommé M. Acace. La rouquine sourit légèrement en voyant les fleurs. Elles étaient magnifiques. Dans des teintes pastel de bleu, violet et rose, même les feuilles et les tiges étaient vert pastel !
- Vous aimeriez recevoir un bouquet comme celui-là ? lui demanda le boutiquier en notant quelque chose sur un bout de papier avant de le mettre entre deux fleurs.
- Oh ! J'en ai déjà reçu des mieux, répondit-elle dédaigneusement, se refermant sur elle-même, comme d'habitude.
Il y eut un petit silence gêné.
- Ca fera-
- En vérité oui, le coupa la princesse. J'aimerais beaucoup. Encore plus de la personne que j'aimerais, mais je n'ai pas encore rencontré de personne qui saurait m'attirer comme un aimant.
Le vendeur la regarda avec une légère pitié dans les yeux. La princesse détestait ça.
- Je suis sûr que vous trouverez quelqu'un qui saura faire chavirer votre coeur.
Il lui tendit le bouquet.
- Et vous donnera des bouquets comme celui-ci.
Elle resta muette, et il reprit bien vite en lui donnant le prix. Certaines personnes payaient avant d'avoir récupéré leur commande et d'autres après, peut-être que ceux qui faisaient après n'avaient pas confiance en les fleuristes.
La princesse récupéra le bouquet après avoir payé, et elle s'en alla assez vite. Elle s'arrêta néanmoins sur le pas de la porte et dit, en lançant un regard par dessus son épaule :
- Je m'appelle Ophelyam.
Et elle quitta la boutique de son même pas froid, ses petits talons claquant sur le sol. Mais une chose semblait avoir changé en elle.
Et Oleander songea pensivement à cette rencontre.
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Ses grosses bottes claquaient sur le sol alors que son esprit était enseveli sous une tempête de questions. Pourquoi l'avait-il convoqué ainsi ? Pour le féliciter de sa récente nomination en tant que Marquis ? Récemment, son père lui avait enfin légué le titre qu'ils portaient et se donnaient de père en fils. Maintenant, avait dit son père, tout ce qu'il avait à faire était de trouver une belle femme pour lui donner de vigoureux et beaux enfants, et enfin partager sa vie. C'était dire que le nouveau marquis était très solitaire. Il n'avait eu un ami qu'une fois dans sa vie, quand il était enfant, et puis c'était parce que l'autre -qui avait approximativement le même âge- était un enfant très extraverti.
Il toqua à la porte pour s'annoncer et entra sans plus de cérémonie. Il s'avança face au trône royal et s'inclina, faisant tomber ses cheveux bruns foncés mi-longs devant son regard de braise.
- Majesté, fit-il simplement avant de se redresser. Vous m'aviez fait demander ?
- Exact. Approche.
Le roi semblait légèrement mal en point, remarqua le marquis en se rapprochant de lui, faisant quelques pas pour se retrouver en bas des escaliers qui surélevaient le trône. Il était un peu pâle, semblait maigre, et avait une respiration sifflante. Il y avait deux gardes qui encadraient son siège et sa frêle silhouette à la chevelure, autrefois ambrée, brillante, éclatante de vie, maintenant grisâtre, terne, donnant l'impression qu'il était déjà mort.
Honnêtement, le marquis pensait que son souverain avait déjà un pied dans la tombe. Il devait donc se trouver un héritier. Il n'avait que deux filles, dont l'une fille non pas de la reine mais de la maîtresse préférée du roi. Le marquis ne pensait pas que son roi allait léguer le royaume à l'une de ses filles, mais s'il le faisait cela serait probablement à l'aînée, celle qui était née de la reine.
- Sais-tu pourquoi je t'ai fait demander ? fit le roi.
- Non, Majesté, fit le marquis en secouant la tête.
- Je vais te le dire.
Il toussa.
- Comme tu le sais sûrement, j'ai une maladie qui prend peu à peu ma vie, commença le roi, attendant que son sujet hoche la tête pour reprendre. Et je sais bien évidemment que ta lignée souffre d'une certaine maladie également, qui vous fait mourir à un âge bien moins avancé que les autres personnes.
Le marquis se figea, surpris que le roi lance un sujet comme ça sur le tapis, mais ne répond rien, se contentant de le fixer de ses yeux verts mousse insondables.
- Et tu le sais sûrement, mais j'apprécie beaucoup ta famille.
- Où voulez-vous en venir ? l'interrompit le marquis d'une voix abrupte.
Le roi eut un léger sourire et se redressa, quittant son siège en faisant craquer ses articulations vieillissantes et malades.
- Où je veux en venir ? Haha, tu le sauras bien assez tôt...
Le regard jaune brillant -toujours aussi vif que dans sa jeunesse- du roi étincela, comme amusé, ou excité.
- Je veux offrir un trône à ta famille, Grebac. Mon trône.
Le nommé resta interdit. Que voulait-il donc dire par là ? C'était complètement inattendu de sa part. Était-il devenu fou à cause de sa maladie incurable ? Maintenant qu'il y pensait, Grebac avait l'impression de voir des lueurs de folie dans son regard.
- Qu-que voulez-vous dire ? bredouilla le brun, pris au dépourvu.
Le souverain d'Anglisterre rit encore, marchant le long de la plateforme qui soutenait son trône, provoquant de la crainte chez ses deux gardes, qui craignaient qu'il chute à cause de sa faiblesse manifeste.
- Je veux dire que je t'offre ma fille en mariage, Grebac.
Ce dernier fronça les sourcils, puis s'inclina.
- Épouser son Altesse Yildizneth ? J'en serais honoré, Majes-
- Non, non ! Pas Yildizneth. Ophelyam.
Grebac fronça les sourcils en se redressant.
- La princesse illégitime ?
- Elle-même.
- Vous comptez léguer le royaume à votre fille illégitime ? s'écria presque Grebac, un pli d'incompréhension se créant sur son front à cause de ses sourcils froncés.
- Si tu gouvernes avec elle ça devrait aller. Et puis c'est la fille de ma bien-aimée, donc c'est bon.
Grebac resta muet, sans savoir quoi dire.
- Je-je ne sais que dire, Majesté...
- Tu n'as rien à me dire. Contentes-toi de me faire de beaux petits-enfants avant que je ne meure, et d'en faire des héritiers corrects, autant pour ton marquisat que pour le trône.
Grebac hocha la tête, et s'inclina encore, s'apprêtant à prendre congé quand il fut stoppé par le roi qui s'était rassis sur son trône pour lequel il voulait tant un héritier incroyable.
- Grebac. Ma fille, Ophelyam, est actuellement dans... Les bas-fonds. Je l'ai envoyée là-bas pour la punir de son arrogance, et qu'elle comprenne l'importance qu'elle a dans le royaume pour être ainsi traitée.
Par les bas-fonds, le roi entendait les rues de Londinium. L'endroit où vivaient les pauvres, les nobles peu hauts placés. Les vermines.
Grebac hocha la tête.
- Je m'occuperai de lui annoncer la nouvelle. Si vous ne l'avez pas déjà fait.
- Fais donc, mon enfant, répondit le roi, manifestement fatigué, en faisant un geste de la main pour le chasser. Tu peux disposer.
Le marquis hocha la tête, s'inclinant une dernière fois et tournant le dos au roi pour quitter la pièce à pas lourds.
Il sentait que ce mariage ne serait pas de tout repos.
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Putain, qu'est-ce que c'était beau, les femmes. Enfin, vraiment. Surtout en tenue de serveuse. Les hommes aussi, évidemment, mais Oleander avait peut-être une légère préférence pour les femmes et leurs proportions souvent sablier, même s'il ne disait pas non à quelqu'un du même sexe que lui de temps en temps, ça faisait du bien aussi.
En cet instant, il était assis à une table devant une bouteille de bière, en face de son meilleur ami, Camille Holis -qu'il surnommait Cam-, et était en train de s'extasier une fois de plus sur l'incroyable féérie de ces créatures appelées femmes. Son regard était fixé sur un exemplaire particulier d'entre elles : Ophelyam. Depuis qu'il l'avait rencontrée une semaine plus tôt, il ne pouvait plus détacher ses pensées de sa beauté enivrante, de ses cheveux couleur flamme et de son regard forêt rempli de dédain à son égard. Bon dieu ! Ce qu'elle était belle.
- Tu crois que c'est l'amour ? demanda Oleander à son ami pour la huitième fois de la soirée, le regard ivre, mais pas d'alcool -il en avait bu peu, pour une fois-, d'amour.
- Mec, c'est littéralement la dixième fois que tu me demandes ça, fit remarquer le garçon aux cheveux violets, levant les yeux au ciel en prenant une gorgée d'un alcool fort dont il raffolait particulièrement.
- Huitième, le corrigea son ami.
- Parce que tu comptes ?! s'exclama Cam, se redressant soudain, le regard brillant d'une légère lueur indignée.
- Ouais. Je compte le nombre de fois où je dis amour, parce que je fais comme toi et note mes phrases importantes.
- Neuf, fit le violet en reprenant une gorgée d'alcool.
Ils pouffèrent tous les deux, puis discutèrent de tout et de rien, avant de se rendre compte qu'ils étaient à court d'alcool.
- Hey ! Poupée ! s'exclama Oleander, faisant un signe de main exagéré vers Ophelyam pour qu'elle vienne vers eux.
Cette dernière parut clairement agacée, ce qui tout à la fois impressionna et fit rire Camille, parce qu'il était amusé par le culot d'Oleander.
Ce dernier s'illumina quand elle se dirigea vers eux après avoir noté d'autres commandes sur son carnet, et elle haussa un sourcil à leur adresse.
- Un whiskey pour moi, s'il vous plaît, fit poliment Camille en lui adressant un sourire qui voulait dire "Désolé pour cet abruti et bon courage."
- Et moi, j'aimerais bien une bière..., susurra Oleander, lorgnant le bas des jambes dévoilée de la rousse sous sa longue robe.
Elle nota les commandes sur son carnet en retenant un soupir, et alors qu'elle s'apprêtait à s'en aller, Oleander passa une main sur le bas de son dos, puis descendit encore un peu.
- Eh, tu pourrais peut-être nous rejoindre quand t'auras fini ton service ?
Oleander haussa suggestivement un sourcil.
Dans un geste qui surprit au moins trois personnes, Ophelyam attrapa vivement la bière d'une table voisine et... Jeta son liquide sur la tête d'Oleander.
Il y eut soudain un silence dans la pièce, puis Oleander se mit à rire alors que Ophelyam, se sentant humiliée, s'en allait d'un pas lourd.
Les autres clients reportèrent à nouveau leurs attentions sur ce qu'ils faisaient avant, alors que le fils de baron riait encore. Au bout d'un moment il s'arrêta, et accepta le mouchoir proposé par son ami, et, tout en s'essuyant, il soupira rêveusement :
- Alala... Quelle femme, vraiment, quelle femme...
Le regard vert d'Oleander tomba sur un homme dans un coin sombre, qui semblait le fixer d'un regard de braise, mais à la fois assez dur et froid. Intrigué, Oleander lui fit un clin d'œil et un geste suggestif. La réaction de l'homme fut tout autre que ce qu'il espérait : il posa des pièces sur la table qu'il monopolisait pour payer sa boisson à peine entamée, et il quitta le bar sous le regard déçu d'Oleander.
- Moi qui pensais avoir trouvé quelqu'un pour me réconforter cette nuit...
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Cela faisait près d'un mois qu'Ophelyam avait été déchue de son rang de princesse, et elle le vivait moins mal qu'elle ne l'aurait pensé, au début. Ce n'était finalement pas si pénible que ça, elle s'était rapidement habituée -même si la crasse la mettait toujours autant sur les nerfs. Il n'y avait plus qu'une seule chose qui la prenait au dépourvu.
Cette chose, c'était Oleander. Cet homme s'était fait une place immense dans sa vie, la draguant à toute heure, à tout moment et partout, même s'il se prenait refus sur refus. Ophelyam lui avait un jour demandé pourquoi il la suivait partout ainsi, et il lui avait répondu "Mais c'est parce que tu me plais, pardi !".
Cette phrase l'avait laissée sceptique. Certes, ce n'était pas la première fois qu'elle était désirée, mais quand elle était connue en tant que princesse, c'était uniquement parce qu'elle était la fille du roi qu'on la convoitait et la courtisait. Personne n'aimait sa chevelure couleur rouille, comme elle le disait, et semblaient essayer d'ignorer ça, faisant abstraction de sa couleur de cheveux pour uniquement se concentrer sur sa beauté en elle-même, et sa belle peau. Malheureusement pour eux, son épiderme était couvert de taches de rousseurs, ayant été héritées de sa mère. Cela ne déplaisait pas à son père, qui, d'après la mère d'Ophelyam, avait déjà compté le nombre de grains de beauté sur sa peau en déposant un baiser sur chacun d'eux, chose qui avait dégoûté la jeune fille quand elle l'avait appris.
Mais Oleander semblait être différent des autres nobles qu'elle avait côtoyés jusque-là. Il semblait s'intéresser sincèrement à elle -en plus il la draguait sans même savoir qu'elle était une princesse. Bien qu'il se montrait parfois -souvent même- très lourd en matière de drague. Ophelyam repensait notamment à la fois où, presque un mois plus tôt, il lui avait mis la main au cul. Il ne l'avait plus refait depuis, mais restait tout de même assez tactile et insistant. Mais ce n'était pas une insistance qu'Ophelyam aurait définie comme du harcèlement. Étrangement, Oleander restait tout de même respectueux, d'une certaine manière, et cela plaisait un peu à la princesse.
Bon, cela lui plaisait beaucoup, elle devait l'admettre. C'était la première fois qu'on la traitait, non pas comme un déchet ou une princesse, mais comme un être humain.
C'est donc un sourire rêveur aux lèvres qu'elle était en train de travailler dans une lingerie. Tout en chantonnant, elle pliait le linge propre et sec, mettait dans des sacs en papier selon à qui ils appartenaient, et écrivait des noms dessus avec sa belle et grande écriture manuscrite. Plusieurs clients étaient passés récupérer leur linge. La plupart étaient des gens sans titre de noblesse, ou alors s'ils en avaient, ils étaient peu haut placés : les autres nobles avaient des lingères directement chez eux.
Étant donné qu'elle était de bonne humeur, Ophelyam faisait la conversation plus longtemps que d'habitude.
À un moment, alors qu'elle était en train de chantonner en pliant du linge et en le mettant dans un sac, la sonnette de l'entrée tinta.
- Bonjour ! fit-elle joyeusement. Êtes-vous là pour déposer ou pour récup-
Elle s'interrompit quand elle se retourna, et qu'elle croisa un regard mousse. Ce regard mousse, elle le connaissait. C'était un regard de braise, brûlant d'une émotion indescriptible. C'était un regard froid, dur, impassible, insondable.
Elle s'était figée face au visage mal rasé en face d'elle, avec la chevelure en bataille, et elle le détailla quelques instants avant de se racler la gorge pour reprendre une contenance.
- Pour déposer ou pour récupérer ? reprit-elle, masquant sa gêne sous un masque souriant.
- Déposer et récupérer, répondit la voix rauque et chaude de l'homme en posant un sac en papier semblant rempli sur le comptoir.
- Nom ? demanda la rouquine en attrapant le sac pour le poser sur un panier.
- Grebac Forçamen.
La princesse frémit à l'entente de ce nom, et le nota sur le nouveau sac en papier avant de faire passer le panier par un trou pour qu'il arrive du côté où on nettoyait le linge. Elle fouilla ensuite dans les sacs qu'elle venait de faire, et trouva celui orné du nom demandé, nom qu'elle avait écrit machinalement sans réfléchir, inscrivant simplement en recopiant les lettres présentes sur le bout de papier qui avait été déposé sur le tas de linge propre et sec.
- Voilà.
Il haussa un sourcil, comme intrigué.
- Eh bien, princesse, on ne me reconnaît pas ?
L'intéressée se figea en entendant ce surnom. Oleander l'utilisait fréquemment, mais cela ne la dérangeait pas car ce n'était qu'un surnom, et qu'il n'était sûrement pas au courant qu'elle en était véritablement une. Là, ce surnom lui donna un sentiment de malaise.
- Qu-que voulez-vous dire ? fit-elle, mimant l'innocence.
- Oh, ne joue pas à ce jeu-là avec moi..., gronda presque l'homme en face d'elle, les lèvres déformées par un sourire amusé.
Il attrapa une mèche de cheveux roux qui dépassait de la queue de cheval d'Ophelyam, et l'enroula autour de son doigt. La princesse n'osa pas se défaire de sa poigne. Finalement, elle donna un coup dans sa main, et recula pour se protéger.
- Qu'est-ce que tu veux ? Comment m'as-tu trouvée ? demanda-t-elle finalement, les sourcils froncés de colère, laissant tomber son masque souriant et innocent de lingère pour reprendre son expression froide et sévère de princesse déchue.
Grebac rit un peu en passant une main sur son visage mal rasé, puis dans sa chevelure attachée en chignon derrière.
- Ce que je veux ? C'est bien simple, princesse...
Il se pencha en avant, les bras liés sur le comptoir.
- Toi.
Cette phrase la fit frissonner d'horreur, et elle regarda Grebac récupérer le sac de linge propre sur lequel son nom était inscrit, lui adressant un sourire aimable.
- Bonne journée, fit-il en s'en allant.
Il s'arrêta sur le pas de la porte, jetant un dernier coup d'œil à Ophelyam.
- Je reviendrais...
Quand il quitta la lingerie, Ophelyam eut la sensation d'enfin respirer pour de vrai pour la première fois depuis quelques minutes. Elle ne comprenait pas comment il l'avait trouvée. Elle ne comprenait pas pourquoi il était venu la voir, car il était très clairement venu pour elle.
Pourquoi ?
-', TRANSITION
Grebac avait l'impression que c'était la deuxième fois en peu de temps qu'il visitait une personne malade qui l'avait fait demander pour lui parler.
- Père, fit le marquis en s'inclinant face à son géniteur.
- Mon fils, répondit Lycurgus en faisant un signe de main pour que son unique enfant se rapproche de son lit dans lequel il était couché.
Le nouveau marquis se rapprocha, et s'assit sur la chaise à côté du lit de son père. Ce dernier qui, quelque mois plus tôt, avait encore la force de monter à cheval, ne pouvait désormais plus quitter son lit, et ce depuis déjà deux semaines. Grebac attrapa sa main. Malgré son air froid et dur permanent, Grebac appréciait son père. C'était grâce à lui qu'il était devenu ce qu'il était aujourd'hui, et il ne le remercierait jamais assez pour ça. L'idée qu'il risquait de mourir bientôt lui serrait le cœur, et il craignait de ne plus recevoir ses conseils avisés sur comment gouverner le marquisat.
- Si je t'ai appelé, c'est pour te parler... De ton futur mariage.
Grebac fronça les sourcils.
- Avez-vous cherché une prétendante pour moi, père ?
- Non, pas encore, mais il serait temps d'y penser sérieusement. Le temps passe, et je me meurs à petit feu... Et tu risques de bientôt te faire faucher par... elle.
Par le pronom "elle", il désignait la maladie héréditaire qu'ils subissaient depuis des générations. On pouvait même la définir comme étant une malédiction. À chaque génération, le couple faisait un seul enfant, un garçon, qui à son tour héritait de la maladie de son père. Les gènes venant du dehors de la famille n'étaient jamais assez puissants pour vaincre ceux de la maladie, qui proliféraient dans les corps des hommes de la famille, les touchant en général vers la trentaine. Grebac avait déjà 26 ans, aussi la maladie ne devrait pas tarder à se manifester sous forme d'extrême fatigue et un peu plus tard, de maux de tête légers qui prendraient plus de force au fil du temps.
- Ne vous en faites pas, père, j'ai déjà quelqu'un en tête. Et j'ai déjà l'autorisation de son père, donc cela sera réglé d'ici peu de temps. Elle n'est pas encore au courant, mais... Ça ne tardera pas, ne vous inquiétez pas.
L'ancien marquis hocha la tête et serra faiblement la main de son fils.
- Je te fais confiance, fils.
- Merci, père. Je suis honoré de cette confiance.
Ils se sourirent mutuellement.
Tout allait bien se passer.
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Étrangement, Oleander s'était assez facilement renseigné sur les lieux où travaillait Ophelyam. Le lundi et le mardi, c'était la lingerie. La poste pour le jeudi et le vendredi, et le mercredi et le samedi, elle travaillait au bar, et le vendredi soir également, tandis que le dimanche était son jour de repos.
Elle lui avait donné son emploi du temps sans problème. Cela faisait maintenant deux mois qu'ils se connaissaient, et même si Oleander continuait à s'amuser au lit avec des personnes aléatoires en parallèle de sa conquête de celle qu'il surnommait "princesse", cela n'avait plus la même saveur maintenant qu'il avait goûté à l'amour, et il avait l'impression de ne plus pouvoir se passer de sa présence, aussi il faisait tout son possible pour la retrouver à toute heure de la journée, à chaque fois qu'il était libéré de ses obligations d'héritier baron et de son travail à la fleuristerie de Mme. Flumena, ou plutôt de Terith, comme elle lui avait dit de l'appeler, mais Oleander préférait rester poli envers cette dame incroyable qui lui avait permis de reconstruire sa vie, et depuis plus d'un mois maintenant, l'entreprise de son père avait refait surface et faisait des affaires du tonnerre avec le soutien de la veuve.
Le lundi, Oleander s'était fait tout beau, et s'était rendu à la lingerie. Il n'avait vu Ophelyam nulle part, alors qu'il la recherchait justement, afin de demander la permission de la courtiser officiellement. Il avait coiffé ses cheveux mi-longs sur le côtés, les avait lâchés, et avait mis un monocle doré pour l'occasion, tout en se vêtissant d'une tenue dans des tons ternes -comme le préférait la rousse, le désignant comme "ridicule" quand il mettait des habits aux couleurs vives- achetée quelques jours avant en prévoyance de ce jour. Les autres lingères l'informèrent qu'elles ne l'avaient pas vu de la journée. Il fit pareil le lendemain, et elles lui dirent la même chose. Le mercredi, quand il se rendit au bar, il trouva son ami, Camille, au bar, et il retrouva la barmaid, une amie, nommée Avlena Raptor. Il se plaignit qu'il n'avait pas trouvé celle qu'il voulait courtiser durant les deux derniers jours à ses deux meilleurs amis. À croire qu'elle l'évitait ! Mais elle ne pouvait pas savoir qu'il la recherchait, si ?
- Eh, récemment je crois l'avoir vue avec un mec..., lança Avlena, provoquant tout de suite une réaction chez Oleander, qui releva un regard brillant.
- Un mec ? Elle me trompe ?
- Oh, oh, calmos, vous êtes même pas en couple, mec, intervint Cam.
- Pas encore, répondit jovialement le rouquin en lui lançant un clin d'œil qui lui fit lever les yeux au ciel. Mais bref. Tu l'as vue quand ? Avec quel homme ? fit-il, harcelant presque la patronne de celle qu'il considérait déjà comme sa promise.
La femme lui résuma rapidement qu'elle avait vu Ophelyam trois jours plus tôt, le dimanche, avec un homme sombre, très grand, à la chevelure brune mi-longue, et qui dégageait une aura intimidante, envahissante. Avlena n'avait pas osé intervenir car Ophelyam semblait le connaître puisqu'elle lui parlait assez familièrement. Peut-être était-ce un client, supposait-elle, puisqu'il avait un sac plein de linge dans la main, et qu'elle était sûre de l'avoir déjà vu au bar.
Le regard d'Oleander s'assombrit à cette nouvelle.
- Il y avait un nom sur son sac ? demanda machinalement Camille avant de boire un coup dans son verre, presque lascivement, comme s'il avait fait ça toute sa vie.
- Ouais. Je crois que c'était... Grebar ? Un truc du genre, répondit la barmaid en passant une main fatiguée sur son visage.
- Grebac ? fit Oleander.
- Ouais, ça devait être ça. C'est ça, je crois, confirma la femme. Reste plus qu'à trouver qui c'est, ce... Grebac.
Oleander quitta sa chaise haute de bar, et déposa un pourboire sur ce dernier.
- Pas la peine.
Il les salua d'un hochement de tête avant de quitter le bar.
Il savait parfaitement où aller.
-', TRANSITION
- Pourquoi vous faites ça ?
La voix d'Ophelyam jaillit d'entre ses lèvres telle une lame coupante faite pour blesser ceux qu'elle n'aimait pas, ceux qui s'en prenaient à elle. Là, en l'occurrence, c'était Grebac, la personne visée par sa phrase.
La princesse était assise sur le bord d'une fenêtre, regardant machinalement par la vitre. Au-dehors, le ciel était déchaîné, gris, sombre. Le vent faisait claquer les feuilles des arbres, et la pluie violente créait des fossés dans la terre auparavant sèche.
Bizarrement, Ophelyam se sentait apaisée par cette tempête. C'était comme si les éléments exprimaient sa propre tempête intérieure. Et ça lui plaisait.
- Pourquoi ? reprit la voix rauque et chaude du marquis.
Un rire venant du plus profond de sa gorge le secoua, et Ophelyam l'entendit se rapprocher.
- C'est bien simple, princesse.
La surnommée ainsi se retourna vers Grebac, qui était maintenant juste en face d'elle. Elle posa les pieds sur le sol, qui étaient juste avant posés sur le bord de la fenêtre, tout contre son torse.
- C'est parce que tu ne voulais pas me suivre..., soupira le brun en se rapprochant encore, les yeux fixés sur sa chevelure rousse, une chevelure rousse qu'elle avait fini par aimer grâce à Oleander, qui la complimentait sans arrêt à ce propos. Et que ton père a déjà donné son accord pour notre mariage...
La rouquine écarquilla les yeux, et donna un coup dans la main que Grebac avança vers son visage.
- Comment ça ? s'écria-t-elle presque, sur la défensive, une main levée pour repousser à nouveau l'autre s'il prévoyait de se rapprocher encore.
Un sourire étira les lèvres de l'homme en face d'elle, qui se pencha en avant alors qu'Ophelyam reculait la tête, collant le dos de son crâne contre la vitre refroidie par la pluie qui subsistait au dehors.
- Eh bien, ma chère..., fit le marquis, tendant lentement une main pour attraper doucement celle que la princesse avait levée pour se protéger.
Il pressa doucement ses lèvres contre la peau du dos de la main de la rouquine, qui frémit de dégoût, et il la posa ensuite sur sa joue mal rasée. Cela piqua Ophelyam, mais elle ne pouvait se défaire de sa prise. Il était trop fort, il y mettait trop de force pour qu'elle puisse enlever sa main.
- Cela fait bien deux mois que le roi, votre père, m'a donné votre main... Il souhaitait voir sur le trône nos enfants...
La princesse le fixa, horrifiée.
- D-deux mois ? demanda-t-elle, mortifiée. Depuis qu'il m'a déchue...?
- Juste après, princesse, confirma Grebac en se redressant, tenant toujours sa main dans la sienne.
Donc... Depuis tout ce temps elle n'était qu'une marionnette dans leurs plans machiavéliques d'hommes se croyant responsables du destin du monde alors que tout ce qu'ils faisaient était jouer entre eux, déplaçant pions sur pions, comme sur un plateau d'échecs.
Depuis tout ce temps où elle se pensait reine, elle était en fait pion aux déplacements prévisibles.
Et cela la mortifiait.
- Lord Grebac ! fit soudain un domestique, entrant dans la pièce. Veuillez pardonner mon intrusion, mais vous avez un invité qui souhaite vous rencontrer. Un certain Oleander Veneficus, my lord.
-', TRANSITION
Voir le visage d'Ophelyam s'illuminer en entendant ce nom mit Grebac en rage, et il gronda en s'écartant de la princesse, la griffant sans trop faire attention.
- Dis-lui que j'arrive.
Il se tourna ensuite vers Ophelyam, alors que le domestique repartait en trottinant.
- Quant à toi... On reprendra notre discussion plus tard.
Il replaça son veston sur ses épaules et quitta la pièce à grands pas, laissant délibérément la porte ouverte pour voir si la rouquine aurait assez de courage pour tenter de s'enfuir. Bien évidemment, elle ne réussirait pas à quitter le marquisat, mais cela amusait Grebac.
Ce dernier se mit donc en route pour le salon des invités, où un jeune homme qui semblait avoir son âge l'attendait. Il avait une chevelure rousse mi-longue, et avait un monocle doré. Ses vêtements et ses cheveux étaient trempés. Il avait dû courir de sa calèche à l'entrée du manoir sous la pluie, donc ce n'était pas étonnant.
- Qui êtes-vous ? fit Grebac d'une voix grondante.
Le rouquin haussa les sourcils et pencha la tête sur le côté, semblant peiné.
- Eh ben ? Tu ne me reconnais pas, Grebac ? Ça me blesse, tu sais. Moi qui croyait qu'on avait une relation particulière... Il faut croire que je me trompais.
Cette phrase durcit encore plus les traits froids du marquis, qui ne se souvenait absolument pas d'un homme comme ça dans sa vie. Il était bien évidemment celui qui draguait peu discrètement Ophelyam depuis qu'elle était arrivée -ou presque- dans les rues de Londinium, mais c'était tout ce que Grebac savait sur lui. Il ne pensait pas qu'une personne comme ça aurait pu faire partie de sa vie au point qu'ils soient proches.
- T'es qui, putain ? demanda le brun, commençant à perdre patience.
Le rouquin rit à gorge déployée, puis posa une main sur son ventre en le dévisageant, semblant à la fois amusé et surpris.
- Tu redeviens vulgaire ? Tu n'as pas changé, il faut croire. Toujours à t'impatienter facilement, à péter un câble quand quelque chose ne te plaît pas, à kidnapper des gens sur des coups de tête...
Oleander disait ces mots tout en déambulant machinalement dans la pièce, posant ses doigts ici et là, examinant tel ou tel tableau, et prenant telle ou telle statuette pour l'observer plus en détail.
- Bordel, dis moi qui t'es ou je te tue sur le champ.
Cette menace lui valut une oeillade amusée de la part de l'autre homme, qui rit encore avant de lever les bras.
Grebac s'approcha soudain de lui, et l'attrapa par le col pour le soulever de terre.
- Allons, allons, tu ne tueras tout de même pas ton vieil ami Olly ?
Le dernier mot évoqua des souvenirs à Grebac, qui, choqué alors qu'une partie pleine de poussière de sa mémoire se remit à fonctionner, relâcha soudain Oleander.
-', TRANSITION
Oleander tomba sur les fesses et se prit la gorge en toussant.
- O-Olly ? fit la voix grave de Grebac, pleine de doutes, d'incompréhensions, de douleur.
- Olly..., confirma Oleander, se désignant du doigt en relevant le regard vers Grebac.
Le rouquin se remit sur ses pieds, une main massant sa gorge pour apaiser les douleurs qui avaient été provoquées par la poigne de Grebac dessus.
- Grey, ajouta-t-il en pointant l'autre du doigt.
Le surnommé s'effondra à genoux, surprenant Oleander qui fit un mouvement pour le retenir. Le fils de baron crut un instant que son interlocuteur était en train de pleurer, mais l'autre releva un regard vierge de larmes vers lui. Il semblait plaintif, blessé.
- Qu-qu'est-ce que tu fais là...? lui demanda-t-il.
Le rouquin eut à peine le temps d'ouvrir la bouche pour répondre que le marquis reprit la parole, son regard s'assombrissant.
- Ah, je vois... Tu es là pour elle, n'est-ce pas ?
Oleander regarda Grebac se relever juste devant lui, le dominant de bien une dizaine de centimètres, ou plus. Le roux mit les poings sur les hanches, un sourire se dessinant sur ses lèvres.
- Tout à fait, mon pote ! T'as visé juste, c'est dingue comme t'es clairvoyant. Elle m'a tapé dans l'œil depuis un moment, expliqua le Veneficus. Enfin, pas littéralement, mais c'était limite, haha ! D'ailleurs, elle m'a déjà jeté une bière sur la tête. Mais bref, on s'éloigne. Je voulais commencer à la courtiser officiellement, mais euh, je connais pas ses parents, donc je voulais lui demander directement à elle.
Il désigna sa tenue trempée.
- Mais, euh, là, c'est râpé...
Le fleuriste releva le regard vers Grebac quand il se mit à rire bruyamment, et il haussa un sourcil avec un sourire à la fois amusé et interloqué aux lèvres. Quand il reprit enfin son sérieux, le marquis lui lança un regard perçant qui le fit frémir jusqu'aux os. Ou peut-être que c'était parce qu'il était trempé, il ne savait pas. Il allait sûrement prendre froid, d'ailleurs, zut !
- Ses parents ? Hahaha.... Bonne chance pour les rencontrer, ses parents...
- Quoi ? Tu les connais ?! s'exclama Oleander, le regard brillant.
- Évidemment que je les connais. Tout le monde les connaît. Même toi. Même si je ne suis pas sûr que tu leur ait déjà parlé, et les ait vus autrement que de loin.
Oleander fronça ses sourcils roux, et il scruta le visage de Grebac, ne comprenant pas vraiment où il voulait en venir. Le rouquin haussa un sourcil, attendant que son ami d'enfance continue, mais il ne dit rien de plus.
- Eh ben ? C'est qui, du coup ? fit le fils de baron, penchant la tête sur le côté, interloqué.
Grebac lui lança un regard à la fois amusé et fatigué.
- C'est le roi et sa maîtresse préférée. Tu savais pas ? répondit le marquis, penchant lui aussi la tête sur le côté, mais de façon moqueuse.
Oleander écarquilla soudain les yeux.
- Sérieux ? C'est la princesse illégitime ? demanda-t-il, médusé.
Grebac eut à peine le temps d'ouvrir la bouche que les deux hommes entendirent un bruit de chute vers la porte. Ils se tournèrent tous les deux brusquement vers ça, juste à temps pour voir Ophelyam détaler en courant.
-', TRANSITION
- Ophelyam !!
La nommée ne répondit pas, ignorant Oleander qui s'était précipité pour la rattraper, fuyant plutôt. Le fils de baron venait de découvrir qu'elle était la princesse illégitime. C'était fichu. C'était mort. Il n'allait plus vouloir d'elle, c'était sûr.
C'était ce qu'elle se disait, malgré le fait qu'il la poursuivait en criant son nom pour la rattraper, malgré le fait qu'au fond d'elle, elle savait bien qu'il ne la rejeterait pas, qu'il se comporterait exactement comme avant...
La rouquine tourna à un angle, ayant déjà eu le temps de visiter et de mémoriser le château en l'ayant visité dans son enfance, et avec les quelques jours passés enfermée ici. Elle glissa, se blessant au coude, et se débarrassa de ses talons quand elle entendit Oleander arriver. Elle ramassa ses chaussures, au cas où elle en aurait besoin plus tard.
La princesse arriva bien vite à l'entrée, et tira difficilement les portes pour les ouvrir. Elle entendit les bruits de pas d'Oleander se rapprocher d'elle, et elle se fraya un passage dans la mince ouverture de la porte pour s'extirper du château.
Elle trébucha encore alors que Oleander grognait d'effort pour ouvrir encore la porte, et elle fit tomber une de ses chaussures. Elle se dit que c'était tant pis, et courut encore, hors d'haleine.
- Princesse ! Le roi demande votre retour, fit un cocher en arrêtant une calèche devant elle.
La rouquine hésita environ une demi-seconde avant de monter dans la calèche, ignorant ses pieds trempés et pleins de boue à cause de la pluie qui tombait toujours. Refermant la porte derrière elle, Ophelyam se sentit enfin en sécurité. La calèche commença à avancer, et la princesse regarda par la fenêtre.
Elle vit Oleander sur les escaliers qui menaient à la porte, face à la calèche qui s'en allait, la chaussure que la rousse avait laissée tomber dans les mains.
Elle sentit son coeur se serrer. Maintenant qu'elle réfléchissait, elle ne comprenait pas pourquoi elle avait fui ainsi. Elle était partie sans réfléchir, impulsivement. Et maintenant elle s'en voulait.
Elle se dit que, quand elle reverrait Oleander, elle s'excuserait auprès de lui, et tout irait bien...
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Grebac arriva au moment où la calèche frappée des armoiries royales partait, et il vit Oleander agenouillé sur le sol, tenant une chaussure entre ses mains tremblantes. Il semblait sous le choc, peiné, attristé. Il paraissait pétri de doutes, d'incertitudes et d'incompréhensions.
Le cœur du marquis se serra en le voyant ainsi, et il s'accroupit à ses côtés, posant sa main sur son épaule.
- Ne t'en fais pas, tout se passera bien pour elle...
Le brun lécha nerveusement ses lèvres en ne voyant aucune réaction chez l'autre, et il passa une main agacée dans sa chevelure.
- Tu sais quoi ? Tu vas rester avec moi...
Grebac perdait déjà patience. Il se releva et fit un signe de main pour dire aux domestiques de venir récupérer et changer Oleander.
- Comme on dit, oeil pour oeil, dent pour dent.
Le rouquin fut relevé par les domestiques et jeta un regard hagard au marquis, qui lui adressa un léger sourire.
- Une âme contre une âme.
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Il est dit que la princesse illégitime, après être revenue au château de son père, fut envoyée pour se marier dans un autre pays sans qu'elle puisse protester. Le fils du baron disparut sans plus de cérémonies, et personne ne le retrouva, même si le baron mit toutes ses forces à écumer toutes les régions pour le retrouver, aussi il dut se résoudre à léguer son titre à son fils cadet. Le marquis, quant à lui, avait, d'après certains ragots, récupéré un amant qu'il gardait enfermé chez lui. Certaines personnes disaient qu'il s'agissait du fils de l'ancien baron, mais rien n'est sûr...
Après tout, ce ne sont que des ragots.
FIN
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