Ses pieds sur le bitume mouillé.

Il était épuisé, l'Insatisfait, de courir après ses désirs, après ses envies, après ses rêves. Ce soir, il ne voulait pas rentrer.

Le bord du trottoir.

Il savait que personne ne l'attendait, dans cette vie ou dans une autre, il était seul. Ses parents, il ne connaissait même pas leur visage. Son frère, se noyait tous les jours dans l'alcool. Ses amis, il n'en avait pas. Sa famille, elle ne lui appartenait pas. Sa vie était aussi fausse que les sourires qu'il n'arrivait plus à faire. Son corps était aussi lourd que les regret qu'il n'avait plus. Son être était aussi inutile que le reste, insatisfait, et étranger.

Il n'était plus lui même.

La pluie qui coule sur son visage.

Il ne bouge plus.

Que doit-il faire maintenant ?

Avancer ? Reculer ? Ou rester là ?

Il a mal au cœur, il a mal à la tête. Quand cette infernale rengaine s'arrêtera-t-elle ?

Il ne sait plus quoi faire, l'Insatisfait, pour rester en vie. Il a déjà payé le prix de la peine, de la haine, il a déjà donner tout ce qu'il avait. Mais les taxes continuaient, toujours plus chères, toujours amères. Il n'avait plus rien.

Le ronronnement des voitures résonne dans la rue.

L'Insatisfait voudrait pour une fois, être satisfait de lui-même. Mais c'est impossible.

Alors il se décide, sans prendre le temps de réfléchir. De toute façon, il n'en a plus, il a usé toutes ses secondes, avalé ses heures pour gagner quelques minutes. Il se meurt. Mais il est encore en vie.

Il sent son cœur battre dans le fond de sa poitrine.

C'est insupportable.

Il ne veut pas avoir peur. Peur de quoi d'abord ?

Il voudrait qu'il s'arrête, rien qu'un instant, cet organe entêté, qu'il se taise, pour le moment, qu'il cesse de le tourmenter.

Il fait un pas en avant.

Il entend venir son futur, qui se confond avec les pleurs de la voiture.

Alors il garde les yeux grands ouvert, et il se jette en avant.

Il voit le sombre béton, la carrosserie qui brille, et les phares, toujours plus grands.

Ces phares qui le guideront vers une autre vie, où il sera satisfait, l'Insatisfait. 

Il y a la lumière, et la douleur. Le métal qui le percute, les pneus qui crissent et une voix, lointaine, qui l'appel. 

Son corps éteint frappe le sol avec violence. Ses os dansent, ses yeux se ferment, sa tête se vide. Enfin, il est libre. 

Mais de quoi ? 

Il n'y a même pas pensé. 

Allongé sur le sol, il sait bien qu'il s'est raté. 

La prochaine fois, c'est sûr, il goûtera à l'éternité.