Chapitre 25
Je ne cesse de retourner les évènements de la soirée dans mon esprit sans y trouver une seule explication logique. La meilleure façon de trouver des réponses à mes questions serait de les poser à Kaylan, mais je m'y refuse catégoriquement.
Après avoir utilisé le contenu de l'une de nos gourdes pour nettoyer ma peau et ma dague, je suis retournée m'allonger sur mon lit de fortune, tournant consciencieusement le dos à Kaylan.
Celui-ci a rejoint la tente une dizaine de minutes après moi et, depuis, je l'entends tenter maladroitement de nettoyer sa blessure au bras. C'est en tout cas ce que j'imagine, bien qu'il mette beaucoup de temps à rincer une si petite plaie.
Une inquiétude se réveille dans un coin de mon esprit, bien malgré moi, aussitôt alimentée par un gémissement de Kaylan. Trop préoccupée par son état et bien que je me sois promis de ne plus lui adresser la parole, je me retourne pour l'observer.
Assis devant l'entrée de la tente, une bougie à côté de lui et un bol d'eau dans la main, son torse nu révèle plusieurs estafilades.
J'ai beau tenter de m'en empêcher, je prends le temps de parcourir des yeux le haut de son corps ainsi dévoilé. Si ses vêtements laissent souvent paraître sa musculature, elle est ici bien apparente et l'idée que ce soit mon âme-sœur me revient en pleine face. Elle est pourtant bien moins violente que d'habitude.
Je relève les yeux en sentant son regard sur moi et pousse un soupir en me relevant.
— Donne-moi ça, je vais t'aider.
Je tends la main de façon à ce qu'il puisse me donner le morceau de tissu imbibé de liquide qu'il tient, mais il secoue la tête.
— Je ne me mérite pas votre aide.
Je hausse les sourcils, surprise.
— Même pour si peu ?
Ses yeux me fuient et je ne résiste pas à l'envie d'enfoncer le clou.
— C'est mon incompétence qui te fait peur ? Tu crois que je vais te tuer avec un peu d'eau ?
Cette fois, il plonge son regard dans le mien et l'émotion que je lis dans ses yeux réveille le lien qui nous relie et qui se met à tirer dans ma poitrine. Pourtant, je ne bouge pas.
— Vous voyez ? C'est exactement pour ça que je ne mérite pas votre aide.
— Parce que je ne suis pas à la hauteur de tes attentes ? je ricane.
Il secoue la tête, sans me quitter des yeux.
— Aaliyah, je ne pensais pas un mot de ce que j'ai dit et je veux que vous le sachiez. J'ai pensé, sur le moment, que le meilleur moyen de vous protéger était de minimiser vos capacités mais...
Il ferme les paupières et pousse un soupir à fendre l'âme.
— Les mots sont des choses bien trop puissantes que je n'ai jamais su maîtriser. Aaliyah, vous êtes une femme incroyable et je n'aurais jamais dû prétendre le contraire.
Sa sincérité fait naître une chaleur réconfortante dans ma poitrine, dont je chasse immédiatement l'idée en saisissant le bol d'eau.
— Très bien. Maintenant que les excuses sont faites, laisse-moi t'aider. Tu ne t'en sortiras pas tout seul.
Sur ce point, au moins, il ne peut pas me contredire.
Il me tend le morceau de tissu déjà coloré de son sang et tourne son dos dans ma direction. La lumière de la bougie révèle de nombreuses coupures qui courent de son cou à ses reins.
— Comment... ?
Je ne finis pas ma phrase. Je ne comprends pas comment autant de coups ont pu l'atteindre à cet endroit alors même que son dos était collé au mien.
— Ces plaies ne datent pas d'aujourd'hui. Elles se sont simplement rouvertes. La fatigue m'a amené à réaliser des gestes moins précis que d'habitude.
Je n'ose pas demander si c'est seulement à cause de la fatigue ou également parce qu'il devait assurer ma sécurité dans le même temps. Ne souhaitant pas remettre ce sujet sur le tapis, je me contente de nettoyer une à une les estafilades qui couvrent son dos. Certaines, plus profondes, lui arrachent des frissons incontrôlables, mais dans l'ensemble il ne bouge pas d'un pouce.
Je passe consciencieusement l'eau propre sur chaque plaie, m'interrogeant chaque fois sur son origine. Viennent-elles des entraînements ? D'anciennes batailles ? D'autres choses ?
— J'ai besoin que tu m'expliques.
J'ai dit ça pour éloigner mes pensées des blessures de Kaylan mais, sous ma main, celui-ci sursaute. Et ce n'est pas à cause de sa peau à vif.
— Expliquer quoi ?
Il a repris son ton froid et distant. Celui qui fait de lui un général et me fais prendre conscience, chaque fois, de tout ce qui nous sépare.
Je m'éloigne d'un pas, le temps de ramasser le bol d'eau et de remettre mes idées en place.
— Pourquoi ces hommes nous ont attaqué. Pourquoi leur départ s'est fait d'une façon si... saugrenue. Pourquoi c'est moi qu'ils voulaient.
Devant moi, Kaylan soupire, redressant son dos comme par réflexe avant de se tourner vers moi avec une grimace. Bien que désinfectées, ses plaies doivent encore le faire souffrir.
Il se relève sans rien dire et je ne renchéris pas. S'il décide de ne pas me répondre, cela fera une preuve supplémentaire que mon départ du camp n'était pas une erreur. Avec des gestes concentrés, Kaylan se penche pour ramasser son haut. Au moment où il lève les bras pour l'enfiler, un détail me saute aux yeux.
— Ce tatouage, Sûm a le même.
Kaylan se fige. J'ignore si c'est parce que ce simple fait lui rappelle que j'ai vu son frère nu ou pour une tout autre raison. Son regard se pose sur moi et il m'étudie attentivement pendant quelques secondes. Secondes pendant lesquelles il me semble que le temps s'arrête, alors que les seuls sons qui retentissent sont les battements de mon cœur qui se met à s'affoler. Cependant, même si l'attraction dans ma poitrine se fait plus forte, je n'esquisse pas un geste.
— Il y a des choses dont la nature complexe m'empêche de décider à qui il me revient de les dévoiler.
Cette phrase énigmatique ne m'aide à détacher mes yeux de Kaylan qui, après avoir pris une grande inspiration, s'assois sur son propre lit.
— J'imagine que vous donner ces informations plus tôt aurait aidé à notre entente. Cependant, ce sont des paroles sensibles que je vais vous livrer là et je voudrais d'abord m'assurer que vous soyez tout à fait en accord avec l'idée que ces connaissances pourraient vous mettre en danger par la suite.
Sa tirade longue comme le bras m'a quelque peu perdue, mais je hoche la tête. La différence entre le Kaylan dans son rôle de meneur et le Kaylan que j'ai eu l'occasion d'ente-apercevoir tout à l'heure est flagrante.
— Très bien.
Il prend soin de voler quelques secondes supplémentaires en s'installant plus confortablement, tandis que je reste assise au sol, sans bouger, dans l'attente de réponses.
— Je ne sais pas trop par où commencer. Vous savez aussi bien que moi que les éléments qui mènent à une situation sont souvent trop nombreux pour être tous cités.
Même si ce n'était pas le but de sa réplique, celle-ci me fait frissonner. Je ne lui ai rien dit de mon passé. Ni à lui ni à personne d'autre du camp. Pourtant, j'ai la sensation que cette phrase m'était trop personnellement adressée pour que j'en fasse abstraction.
— Commence donc par me parler de ce tatouage. Dis moi si je me trompe, mais ce n'est sans doute pas un simple jeu entre deux frères.
Kaylan relève la tête et semble s'arrêter sur le dernier mot. Frères.
— Je crains qu'il ne me faille commencer beaucoup plus tôt si vous voulez réellement saisir toute la portée de ce symbole. Et sans doute également le message livré par nos assaillants ce soir.
Il plonge ses yeux dans les miens et mon souffle se coupe un instant face à l'intensité de son regard.
— Nous risquons d'en avoir pour un moment. Êtes-vous sûre que ce soit ce que vous souhaitez ?
Une fois de plus, je hoche la tête. Les mots semblent m'avoir abandonnée, mais ma décision est bien ancrée en moi.
— Dans ce cas, je vais commencer par l'histoire de nos mères.
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Coucou !
Bon réveillon à tous ! Et belle année 2023 <3
Les prochains chapitres ici seront ceux de quelques révélations, mais vous savez que Kaylan est un homme avare de mots... Alors, vous pensez qu'il va réussir à maintenir Aaliyah à ses côtés ? Ou qu'elle va préférer sa liberté aux secrets de son âme-soeur ?
J'ai hâte d'avoir vos retours !
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